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siècle)

« Les monuments funéraires ont une valeur sociale importante, en raison des moyens culturels, techniques et matériels qu’ils mobilisent, de leur fonction sotériologique (ils appellent à la prière pour le défunt) et de leur localisation dans les églises, qui constituent alors les lieux les plus essentiels de légitimation sociale. »

Joseph MORSEL. L’aristocratie médiévale. La domination sociale en

Occident (Ve–XVe siècle). Paris, Armand Colin, 2004, p. 261.

Ce chapitre est dédié aux tombeaux de la famille d’Estouteville afin d’étudier leurs différentes représentations. Nous avons pris en considération s’il s’agissait d’un homme, d’une femme, d’un(e) ecclésiastique ou d’un(e) laïque par l’entremise des armoiries visibles sur ces tombeaux, des attributs iconographiques (coiffe, armure, crosse, etc.), des inscriptions funéraires et s’ils étaient représentés seul ou avec leur conjoint. En comparant tous ces éléments, nous pourrons observer s’il existe une logique familiale dans l’iconographie, l’épigraphie et le décor héraldique de l’ensemble des tombeaux des Estouteville. Dans cette optique, les lieux d’inhumation ont été étudiés, puisqu’ils donnent des informations sur les stratégies sociales de cette famille.

Les différents lieux d’inhumation

Le lieu d’inhumation était très important pour le défunt, que ce soit pour affirmer sa domination et celle de sa famille sur la terre et les hommes, pour inscrire sa mémoire dans la communauté des chrétiens par le biais de la commémoration liturgique ou pour assurer le salut de son âme par les suffrages d’intercession. Le choix de sa dernière demeure n’était donc pas le fruit du hasard. Par l’entremise des dessins de la Collection Gaignières et de la littérature sur les Estouteville, plusieurs lieux d’inhumation ont été identifiés : les abbayes de Beaubec, de Champagne au Maine, de Hambye, de Notre-Dame du Val, de Valmont, de Notre-Dame d’Yerres, de Notre-Dame de l’Isle-Dieu ainsi que les cathédrales Notre-Dame de Rouen et Saint-Pierre de Beauvais (Annexe IV). Si les Estouteville ont décidé de se faire inhumer à ces différents endroits, c’était principalement pour des raisons de domination sociale et de parenté (charnelle ou spirituelle).

L’abbaye de Valmont a été la nécropole pour la majorité des aînés mâles des descendants de Robert Ier d’Estouteville, la plus ancienne branche de cette famille, ce qui

témoigne d’une forte appartenance à la parenté charnelle, plus précisément patrilinéaire. Fondée au XIIe siècle par Nicolas Ier d’Estouteville, l’abbaye de Valmont a reçu les sépultures des membres de la branche aînée de cette famille jusqu’au XVIe siècle : celles du fondateur

de cette abbaye, de Jean Ier d’Estouteville, de Robert V d’Estouteville et de sa femme

Marguerite de Hotot, de Robert d’Estouteville, et celle de Jacques Ier d’Estouteville et de son

épouse Louise d’Albret. L’abbaye de Valmont aurait accueilli la sépulture de plus de seize membres de la famille d’Estouteville. Valmont semble être le seul endroit avec une aussi forte concentration de sépultures des Estouteville, consolidant l’importance de ce lieu d’inhumation dans la stratégie sociale de cette famille.

Les autres lieux d’inhumations des Estouteville n’ont accueilli, à notre connaissance, qu’un seul monument funéraire et sont pour la plupart associés aux femmes de la famille d’Estouteville. De fait, il semble qu’elles ont préféré se faire inhumer auprès de leurs époux. Jeanne Ière d’Estouteville et son époux Guillaume II de Beauvais ont été inhumés à l’abbaye de l’Isle-Dieu124. Péronnelle Louise d’Estouteville et son mari Gilles dit Lancelot de

Honcourt125 ont été inhumés à l’abbaye de Beaubec. Jeanne II d’Estouteville a été enterrée à l’abbaye de Champagne au Maine au même endroit que son mari Guy de Beaumanoir- Lavardin. Isabelle de Chambly, femme de Louis d’Estouteville, a été mise en terre à l’abbaye Notre-Dame du Val, nécropole pour plusieurs membres de la famille de Chambly126. Pour sa part, Louis Ier d’Estouteville a été enterré aux côtés de sa femme Jeanne Paynel à l’intérieur de l’église abbatiale de Hambye127.

Plusieurs clercs de la famille d’Estouteville ont quant à eux préféré se faire inhumer auprès de leur parenté spirituelle. Thomas d’Estouteville a été enterré dans la cathédrale

124 FRANÇOIS ALEXANDRE AUBERT DE LACHESNAYE-DESBOIS, Dictionnaire de la noblesse, 3e édition,

Tome Deuxième, 1863, p. 724. Leur dalle funéraire se trouve maintenant au dépôt du musée des Antiquités de Rouen.

125 GILLES-ANDRE DE LAROQUE, Histoire généalogique de la maison de Harcourt, Paris, Sébastien Cramoisy,

1662, Tome I, p. 588. Nous utiliserons Louise d’Estouteville et Lancelot de Honcourt par la suite.

126 SERGE FOUCHER, Notre-Dame du Val. Abbaye cistercienne en Val-d’Oise, Saint-Ouen-l’Aumône,

Valhermeil, 1998, p. 35-39.

127 SIMÉON LUCE, « Louis d’Estouteville. Le bâtard d’Orléans et la défense du Mont-Saint-Michel », Le

Correspondant. Religion, philosophie, politique, sciences, littératures, beaux-arts. Tome 160 de la collection Nouvelle Série. – Tome 124, Paris, Bureaux du Correspondant, 1890, p. 1053 ; EUGÈNE NIOBEY, Louis

d’Estouteville, Capitaine et Défenseur du Mont Saint-Michel et Jeanne Paynel, son Épouse Inhumés dans le Chœur de l’Abbaye de Hambye. Saint-Lô, René Jacqueline, 1934, p. 61-66.

Saint-Pierre de Beauvais, où il a été évêque de 1388 à 1395128. D’autres évêques de Beauvais ont également été inhumés à cet endroit, comme c’était le cas dans plusieurs cathédrales129. Quant à Guillaume d’Estouteville, archevêque de Rouen de 1453 à 1483, seul son cœur se situait à la cathédrale Notre-Dame de Rouen alors que le reste de son corps se trouvait à la basilique de Saint-Augustin de Rome130. Marie d’Estouteville a choisi pour dernière demeure

l’abbaye Notre-Dame d’Yerres, où elle a été abbesse de 1520 jusqu’à sa mort en 1537131.

Louis Ier d’Estouteville n’a pas été inhumé dans l’église abbatiale de Valmont. Il est

par ce fait même le seul aîné mâle parmi les descendants de Robert Ier d’Estouteville à ne pas

s’être fait enterrer dans la nécropole familiale, brisant ainsi la tradition funéraire patrilinéaire. Louis Ier a choisi Hambye à la place de Valmont pour diverses raisons. L’abbaye de Hambye a été fondée en 1145 par Guillaume Paynel, ancêtre de Jeanne Paynel. L’abbaye de Valmont était à l’origine une dépendante de Hambye, ce qui démontre les liens qu’entretenaient les Estouteville avec les Paynel. Hambye était devenu une possession des Estouteville grâce au mariage de Louis Ier à Jeanne Paynel, dernière héritière des Paynel. En plus d’avoir gardé de bonnes relations avec la famille de sa femme au cours de sa vie, Louis Ier d’Estouteville est mort au château de Hambye. Pour toutes ces raisons, il apparaît normal que Louis Ier ait voulu se faire inhumer à Hambye, auprès de sa femme, plutôt qu’à Valmont. Le fait qu’il n’ait pas été inhumé à Valmont peut expliquer pourquoi son frère puiné, Robert d’Estouteville, a eu le droit de se faire enterrer à cet endroit, habituellement réservé aux aînés.

La plupart des lieux de sépultures des Estouteville se situent en Normandie, puisque cette famille appartenait à l’aristocratie normande (Carte II). Nombre de ces lieux se trouvaient sur les territoires des Estouteville ou sur des terres sous leur domination (sociale ou spirituelle). Ces lieux d’inhumation témoignent de la puissance et de la renommée que les Estouteville ont été en mesure d’acquérir au cours du Moyen Âge. Nous retrouvions des

128 JUDITH FÖRSTEL et al., La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais : architecture, mobilier et trésor, Amiens,

Association pour la généralisation de l’Inventaire régional en Picardie, 2000, p. 146.

129 JUDITH FÖRSTEL et al., 2000, p. 146.

130 ACHILLE DEVILLE, Les tombeaux de la cathédrale de Rouen, Rouen, Nicétas Périaux, 1833, p. 181-187.

Le cœur de Guillaume d’Estouteville semble avoir été enseveli dans le même tombeau que l’archevêque Maurille (45e archevêque de Rouen de 1055 à 1067). Le corps de Jean d’Estouteville, sire de Villebon, († 1566)

se serait également retrouvé dans ce tombeau.

131 JEAN-MARIE ALLIOT, Histoire de l’abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d’Yerres (au

représentants de cette famille sur un vaste territoire et plus précisément des lieux importants : Rouen (Guillaume d’Estouteville, archevêque), Beauvais(Thomas d’Estouteville, évêque) et Hambye (Louis Ier d’Estouteville).

En ce qui concerne l’emplacement des tombeaux des Estouteville à l’intérieur des divers bâtiments ecclésiaux, les informations se trouvant dans les ouvrages relatifs à cette famille ou sur les annotations des dessins de la Collection Gaignières démontrent que les sépultures des Estouteville étaient principalement situées dans les sanctuaires, les chœurs et les chapelles axiales des églises où ils ont été inhumés (Annexe II). Le fait d’être inhumé dans un bâtiment ecclésial démontrait un lien d’appartenance à la communauté chrétienne et permettait aussi d’indiquer le statut supérieur auquel appartenait le défunt, car ce n’était pas tous les chrétiens qui avaient ce privilège. L’emplacement prestigieux des tombeaux des Estouteville à l’intérieur des lieux de culte témoigne donc de leur statut privilégié tout en favorisant le salut de leur âme.

Stratégies identitaires des Estouteville

Les tombeaux de la famille d’Estouteville sont en majorité des dalles funéraires. Sur les douze dessins des monuments funéraires de l’abbaye de Valmont, ceux toujours existants ou bien connus par les dessins de la Collection Gaignières, huit sont de ce type alors que seulement trois sont des tombeaux à gisant. Le monument funéraire du cœur de Guillaume d’Estouteville est tout simplement un sarcophage dépourvu de gisant132. Il n’existe, à notre

connaissance, aucune trace du tombeau de Louis Ier d’Estouteville et seuls trois tombeaux ont appartenu à des ecclésiastiques. Si la typologie varie ainsi quelque peu, il existe néanmoins plusieurs similarités entre les éléments qui constituent l’ensemble des tombeaux à l’étude. Les données recueillies lors de notre séjour à Valmont en 2016 ont été prises en considération. Cette partie du chapitre est séparée en ordre chronologique dans le but d’observer s’il y a une évolution dans les éléments utilisés pour représenter les membres de la famille d’Estouteville. La présentation des tombeaux suit la date du décès des défunts dans

132 Selon Achille Deville, archéologue et membre fondateur et premier directeur du musée des antiquités de

Rouen, ce sarcophage aurait comporté le gisant de Guillaume d’Estouteville. Il mentionne dans son ouvrage sur les tombeaux de la cathédrale de Rouen : « un mausolée en marbre blanc, sur lequel était placée la figure du cardinal en relief, avait été dressé en son honneur ». Malheureusement, ce gisant ne semble plus exister : Achille DEVILLE, Les tombeaux de la cathédrale de Rouen, 1833, p. 181-183.

la majorité (sauf pour celui de Nicolas Ier d’Estouteville), mais la date de réalisation de ces monuments peut être plus tardive, comme c’est probablement le cas pour celui de Robert d’Estouteville.

Les monuments funérairesdes XIIIe et XIVe siècles

Jean Ier d’Estouteville († avant 1280)

Il s’agit du plus ancien monument funéraire de la famille d’Estouteville dont nous avons la trace, et ce, par l’entremise du dessin de la Collection Gaignières (Fiche I). Ce dessin montre une effigie sculptée d’un chevalier, vêtu d’une cotte de maille avec des jambières, des éperons, un tabard non armorié et une ceinture à la taille, ayant les mains jointes et dont les pieds reposent sur un chien. Cette effigie est posée sur une lame qui repose elle-même sur deux sculptures : un chien (au niveau de la tête de l’effigie) et un lion (au niveau des pieds) se faisant face. Aucun motif ne permet d’associer cet individu à la famille d’Estouteville, mise à part l’annotation de Gaignières : Il est de Jean d’Estouteville nommé

dans la païs, Le Geant d’Estouteville. Cette effigie sculptée ne possède pas d’inscription ou

de décor héraldique. Sur le dessin de Gaignières, une échelle indiquant un pied royal se trouve dans le coin inférieur gauche de la lame sur laquelle est déposée cette effigie. Tel que précédemment mentionné, la vue des dessins de la Collection Gaignières est légèrement inclinée vers la personne qui les regarde, ce qui fait en sorte que la prise de dimensions serait faussée.

Robert V d’Estouteville († 1321) et Marguerite de Hotot († 1330)

La dalle funéraire de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot se trouve toujours à l’abbaye de Valmont (Fiche II). Elle a subi plusieurs dégradations depuis sa confection. La microarchitecture visible sur le dessin de la Collection Gaignières n’existe plus. Ces éléments de microarchitecture, que nous croyons être en laiton, ont probablement été fondus lors des troubles révolutionnaires. Robert V d’Estouteville est vêtu comme un chevalier du XIVe siècle avec une cervelière, un camail, un tabard non armorié, un haubert, des jambières, des spalières carrées armoriées ou des ailettes d’amures (burelé de gueules et

d’argent de dix pièces ; au lion de sable, brochant sur le tout133), des éperons, une ceinture

133 Il existe de nombreuses variantes dans les armoiries des membres de la famille d’Estouteville. Les lions sont

tantôt couronnés, tantôt non, certains sont lampassés et armés tandis que d’autres ne le sont pas. La majorité des armoiries sont burelées d’argent et de gueules, alors que certaines sont burelées de gueules et d’argent. La

à la taille avec une épée (à sa gauche) ainsi qu’un bouclier avec les armoiries de sa famille. Marguerite de Hotot est vêtue d’une longue robe, d’un manteau ou d’une cape munie d’une pèlerine ornée de vair, elle est coiffée d’un voile et son menton semble être recouvert d’une guimpe. Sur le dessin de la Collection Gaignières, des écus scutiformes se trouvent de part et d’autre de la tête de Marguerite de Hotot. L’un d’eux doit représenter les armes de la famille de Hotot (d’azur semé de molettes d’éperon d’or ; au lion du même, armé et

lampassé, brochant sur le tout). Pour ce qui est de l’autre, il pourrait tout aussi bien

représenter les armoiries des Estouteville que celles de la famille maternelle de Marguerite de Hotot134. Chaque effigie se trouve sous un arc en plein-cintre, dont l’intrados est composé

de plusieurs arches trilobées, avec un gâble orné de crochets et d’un fleuron. Le remplage est décoré de ce qui semble être une rosace et des anges thuriféraires se trouvent des deux côtés des gâbles. Les encensoirs des anges descendent au niveau de la tête de Robert V d’Estouteville et au-dessus de la tête de Marguerite de Hotot (fig. 8 & 9). De chaque côté des effigies se trouvent des piliers comportant plusieurs niches dans lesquelles se trouvaient des représentations de saint(e)s135. Tous les piliers se terminent en pinacles, mais le pilier du milieu ne comporte pas de niche. L’effigie de Robert V d’Estouteville a une longueur totale de 196 cm, une largeur au niveau des pieds de 42 cm, de 50 cm au niveau des coudes et de

plus ancienne trace que nous avons retrouvée des armoiries de la famille d’Estouteville se trouve dans un manuscrit du XVe siècle où elles apparaissent burelées de gueules et d’argent de dix pièces ; au lion de sable

couronné d’or, brochant sur le tout (ce manuscrit est en fait la combinaison de trois manuscrits, ce qui fait en

sorte que nous ne pouvons pas le dater avec précision (date d’édition 1401-1500) : BnF, ms. fr. 5930, folio 59v (selon la nouvelle foliotation), Recueil historique et héraldique : traités d'armoiries, d'art militaire, etc.). Un autre manuscrit datant du XVe siècle, commandé par Louis Ier d’Estouteville pour sa femme Jeanne Paynel,

représente les armoiries de la famille d’Estouteville, sur plusieurs folios, burelées d’argent et de gueules de dix

pièces ; au lion de sable lampassé et armé d’or, brochant sur le tout (ANONYME, Miroir du Monde, Oxford, Bodleian Library, Douce 336-337). Pour décrire les armoiries des Estouteville, les héraldistes utilisent habituellement burelé d’argent et de gueules de dix pièces ; au lion de sable, brochant sur le tout. Un membre de la famille d’Estouteville peut utiliser différentes représentations de ces armoiries. Adrienne d’Estouteville utilise parfois burelé de gueules et d’argent de dix pièces ; au lion de sable lampassé et armé d’or, brochant

sur le tout (« Fig. 45 : Gisors, martyrologue de l’Assomption, amortissements de François de Bourbon († ) et d’Adrienne d’Estouteville en 1555-1556 (Arch. Dép. Eure, G 2120, fol. 156v) » : ÉTIENNE HAMON, Un

chantier flamboyant et son rayonnement. Gisors et les églises du Vexin français, Besançon, Presses

universitaires de Franche-Comté, 2008, p. 65.) et tantôt burelé d’argent et de gueules de dix pièces ; au lion de

sable lampassé d’or, brochant sur le tout. Cependant, étant les tombeaux toujours existants ne comportent pas

de couleurs, il est donc impossible de savoir s’ils étaient burelé d’argent et de gueules ou inversement.

134 Sur les armoiries matrimoniales : JOSEPH MORSEL, « La noblesse dans la mort. Sociogenèse funéraire du

groupe nobiliaire en Franconie (XIVe-XVIesiècle) », 2001, p. 393-402.

135 Les dessins de la Collection Gaignières ne reproduisent pas la complexité des tombeaux des Estouteville, ce

qui ne permet pas d’identifier les écus ou les représentations, probablement des saint(e)s, accueillies dans les niches de la microarchitecture.

22 cm pour ce qui est de la tête. L’effigie de Marguerite de Hotot possède une longueur totale de 181 cm de même qu’une largeur de 22,7 cm au niveau de la tête, de 47 cm au niveau des coudes et de 48 au niveau des pieds. Les pieds de Robert V d’Estouteville (à gauche de l’image) reposent sur un lion (fig. 10), tandis que ceux de Marguerite de Hotot (à droite de l’image) se trouvent sur deux chiens rongeant un os (fig. 11). Les inscriptions funéraires de cette dalle sont inscrites en moyen français. Robert V d’Estouteville est décrit comme étant « NOBLE HOMME MONSEIGNEUR » et Marguerite de Hotot comme « NOBLE DAME MADAME ».

Elle est également rattachée à son mari par l’inscription « IADIS FAME DE ». Un appel à la

prière,« PRIES POUR LAME DE LI », termine la description de chaque défunt. Quant aux

matériaux utilisés pour la confection de cette dalle funéraire, il est possible qu’elle soit en pierre de Tournai, car son marbre n’est pas totalement noir, mais est d’une teinte légèrement bleutée, comme peut l’être la pierre de Tournai. Les cavités où se trouvaient les éléments de microarchitecture, les visages et les mains des deux défunts, ainsi que les mains, les pieds, les visages et les encensoirs des quatre anges thuriféraires, visibles sur le dessin de la Collection Gaignières, ne se retrouvent plus sur la dalle funéraire de nos jours. Les éléments de microarchitecture devaient être en laiton, puisqu’une douzaine de cavités creusées à des endroits spécifiques de manière à former une symétrie sont visibles (fig. 12). Ces cavités sont de toute évidence des trous d’ancrage servant à recevoir les insertions de laiton. De plus, des traces verdâtres ont été observées dans certaines de ces cavités. Elles sont probablement le résultat de l’oxydation du laiton ou bien du cuivre, qui était utilisé pour riveter ensemble les plaques de laiton136. Les visages et les mains jointes des effigies de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot devaient être de marbre blanc, comme c’est souvent le cas sur les tombeaux du Moyen Âge.

Jeanne Ière d’Estouteville († 1329) et Guillaume II de Beauvais († 1329)

La dalle tumulaire de Jeanne Ière d’Estouteville et de Guillaume II de Beauvais (Fiche

III), aujourd’hui conservée au dépôt du musée des antiquités de Rouen, est semblable à celle

de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot137. Jeanne Ière d’Estouteville est

représentée les mains jointes, coiffée d’un voile avec le menton entouré d’une guimpe, vêtue

136 LUDOVIC NYS, La pierre de Tournai. Son exploitation et son usage aux XIIIème

, XIVème et XVème siècles,

1993, p. 122-123.

d’une robe longue avec une cape sur les épaules aux motifs s’apparentant au vair en pal. Guillaume II de Beauvais est quant à lui représenté les mains jointes, la tête nue et revêtant un tabard non armorié, un haubert, des jambières, une ceinture à la taille avec une épée (à sa gauche) ainsi qu’un bouclier avec les armoiries de sa famille, soit d’argent à la croix de

gueules chargée de cinq coquilles d’or. Chaque effigie se trouve sous un arc brisé, dont

l’intrados est trilobé, avec un gâble orné de crochets et d’un fleuron. Des piliers composés de

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