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Comment les syndicats locaux agissent-ils de manière significative sur les conditions de travail et d'emploi qui influencent la santé et la sécurité du travail? : le point de vue d'élus nationaux et sectoriels et de conseillers d'une centrale syndicale qu

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Résumé

Les quelques études québécoises portant sur l’action syndicale en prévention en santé et sécurité du travail (SST) et sur le contenu de la section dédiée à la SST des conventions collectives traitent essentiellement des comités paritaires SST, de l’action des représentants à la prévention et de la fourniture d’équipements de protection individuelle. Ainsi,elles ne permettent pas de bien connaître les autres moyens utilisés par les syndicats pour agir en prévention, et les leviers et obstacles qui y sont associés. Or il s’agit de questions liées directement au débat sur la revitalisation syndicale. Ce mémoire s’intéresse donc à la manière dont les syndicats locaux agissent pour influer sur les conditions de travail et d’emploi affectant la SST. La recherche vise à comprendre la place de la prévention en SST et ce qui l’influence, à identifier les leviers et les obstacles à l’action syndicale en prévention en SST, et à déterminer des pistes d’actions susceptibles de la renforcer. Le recueil des données s’est fait par le biais de 11 entrevues semi-dirigées avec des élus siégeant à des instances syndicales nationales ou sectorielles et avec des conseillers, provenant tous de syndicats affiliés à une grande centrale syndicale québécoise. Il s’agit de la première phase d’une étude plus vaste devant se poursuivre auprès de syndicats locaux particulièrement actifs. La présente étude, basée sur le point de vue d’élus nationaux et sectoriels et de conseillers en contact régulier avec un grand nombre de syndicats locaux, présente la variabilité de la place de la prévention en SST et les facteurs l’expliquant. Elle décrit un répertoire d’actions syndicales pour agir en prévention. On observe que celles-ci transcendent les moyens traditionnels identifiés dans la littérature scientifique et élargissent le périmètre des actions au-delà des CSS. On note la concurrence entre les tâches de défense des travailleurs accidentés et celles de prévention, étant donné les difficultés reliées au processus d’indemnisation. Enfin, l’étude documente les ressources de pouvoir utilisées par les syndicats locaux, ainsi que leurs leviers et obstacles, sur la base de l’expérience des répondants dans leurs contacts avec ceux-ci. Les souhaits formulés par les répondants permettent d’identifier des pistes d’action pour le développement de l’action préventive dans les milieux de travail et quant au soutien que la centrale et ses structures sectorielles peuvent y apporter.

(4)

Table des matières

Résumé

... iii

Liste des tableaux...

vii

Liste des figures

...

viii

Liste des annexes

... ix

Remerciements

... x

Introduction

...

1

Chapitre 1 Problématique et revue des écrits

...

4

1.1. La représentation syndicale en santé et en sécurité du travail ...4

1.1.1. La contribution des syndicats àla prévention en SST ...4

1.1.2. Les effets del’action syndicale surla mise en place d’activités préventives ...6

1.1.3. Les effets del’action syndicale surla survenue des accidents et des maladies professionnelles ...7

1.1.4. La situation actuelle du syndicalisme et soninfluence surl’action en SST ...9

1.2. La santé et dela sécurité du travail comme enjeu syndical ...13

1.2.1. Une vision différente dela SST ...13

1.2.2. Des changements organisationnels qui affectent négativementla SST ...14

1.2.3. Des changements dansla nature de la relation d’emploi qui ont aussi un effet négatif ...15

1.3. La revitalisation oule renouveau syndical etla prévention en santé et sécurité du travail ...17

1.3.1. La place du « service » et celle de « l’organisation »...18

1.3.2. Le rôle déterminant du délégué syndical ...21

1.3.3. Le rôle dela SST dansle renouveau syndical ...23

1.3.4. La SST comme enjeu de syndicalisation et de mobilisation...26

1.4. Répertoire d’actions : par quelsmoyensles syndicats agissent-ils surla SST?...29

1.4.1. Les comités de santé et de sécurité du travail ...30

1.4.2. Les représentants à la prévention...34

1.4.3. Les dispositionslégales ...43

1.4.4. L’éducation des travailleurs ...44

1.4.5. La modification des comportements des travailleurs...44

1.4.6. Le développement d’innovations préventives ...45

1.4.7. L’utilisation des relations de travail et dela négociation collective ...45

1.4.8. Les réseaux des délégués sociaux ...47

1.5. La question de recherche ...49

1.5.1. Objectif général dela recherche ...50

(5)

Chapitre 2 Cadre conceptuel

...

52

Chapitre 3 Stratégie de recherche

...

62

3.1. La stratégie générale de recherche...62

3.2. La nature des données etla méthode de collecte ...64

3.3. L’échantillonnage etle recrutement des participants ...65

3.4. Les entrevues ...67

3.5. La méthode d’analyse...69

3.6. La validité dela recherche ...71

3.7. L’éthique ...71

Chapitre 4 Résultats et discussion : Place de la prévention dans

l

’action syndicale locale

...

73

4.1. Résultats ...73

4.1.1. Une grande variabilité ...73

4.1.2. La place dela prévention par rapport àl’indemnisation ...74

4.1.3. L’importance variable accordée àla prévention parles membres ...75

4.1.4. Le caractère exigeant del’action en prévention ...76

4.1.5. Le caractère àlong terme del’action en prévention ...77

4.2. Discussion surla place dela prévention dansl’activité syndicale au niveau deslieux de travail...78

4.2.1. La primauté dela défense etle caractère exigeant dela prévention ...79

4.2.2. L’importance variable dela prévention pourles membres ...80

4.2.3. L’importance variable dela prévention pourles syndicats ...81

4.3. Conclusion ...82

Chapitre 5 Résultats et discussion : Répertoire d’actions utilisé

par les syndicats pour agir en SST au niveau local

...

83

5.1. Résultats ...83

5.1.1. Des actions en relation avecle régime de prévention(LSST) ...84

5.1.2. Des actions en relation avecle régime des relations du travail ...88

5.1.3. Des moyens autonomes ouinnovateurs ...92

5.2. Discussion surle répertoire d’actions ...94

5.2.1. La négociation de comités de SST etleur utilisation ...94

5.2.2. L’utilisation d’autres dispositions prévues parla LSST ...95

5.2.3. Le recours aux relations de travail et àla négociation collective ...96

5.2.4. Le développement d’innovations préventives etles actions autonomes ...97

5.3. Conclusion ...97

Chapitre 6 Résultats et discussion : Les ressources de pouvoir

soutenant l

’action syndicale en prévention

...

99

6.1. Résultats ...100

(6)

6.1.2. Les ressources narratives ...110

6.1.3. L’insertion dans des réseaux ...121

6.1.4. La solidaritéinterne ...129

6.2. Discussion surles ressources de pouvoir ...137

6.2.1. Discussion surles ressources organisationnelles...137

6.2.2. Discussion surles ressources narratives ...144

6.2.3. Discussion surl’insertion dans des réseaux ...150

6.2.4. Discussion sur la solidaritéinterne...156

6.3. Conclusion ...162

Chapitre 7 Discussion d’ensemble et conclusion

...

164

7.1. La place dela prévention dansl’action syndicale ...165

7.2. Le répertoire syndical d’actions en prévention ...165

7.3. Les ressources de pouvoir pourl’action syndicale en prévention ...166

7.4. Servicing vs organising ...168

7.5. Portée etlimites del’étude ...168

Références bibliographiques

...

170

Annexe 1 - Schéma d’entrevue

...

177

(7)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Fonction(s) des acteurs interviewés et nombre ...66 Tableau 2 : Répertoire d'actions et nombre ...83 Tableau 3 : Ressources de pouvoir syndicales et nombre ...99 Tableau 4 : Types de ressources organisationnelles et nombre de mentions

... 100 Tableau 5 : Types de ressources narratives et nombre de mentions ... 110 Tableau 6 : Types d’insertion dans des réseaux et nombre de mentions ... 121 Tableau 7 : Types de solidarité interne et nombre de mentions ... 130

(8)

Liste des figures

Figure 1: Cadre conceptuel pour l’analyse de l’action syndicale locale en santé et en sécurité du travail (les éléments en rouge ou italique sont ceux analysés dans le présent mémoire)...53 Figure 2: Les ressources de pouvoir syndicales (reproduit de (Levesque &

(9)

Liste des annexes

Annexe 1 - Schéma d’entrevue ... 177 Annexe 2 - Liste des codes ... 180

(10)

Remerciements

Mes tout premiers remerciements vont à ma directrice de mémoire, Geneviève Baril-Gingras, qui a su par ses précieux conseils et son support constant, me guider tout au long de ce projet. Merci pour ces discussions, tant sur le plan professionnel que personnel, qui m’ont permis de trouver le courage de persévérer alors que les choses n’allaient pas toujours comme je l’aurais souhaité. Merci pour ton ouverture d’esprit, ton écoute et ta grande disponibilité. Cet accomplissement, je te le dois.

Sur le plan financier, un merci particulier à l’Alliance de recherche Univers ité-Communautés - Innovation, travail et emploi (ARUC) qui a permis la réalisation de ce projet de recherche. Merci également au Département des Relations Industrielles de l’Université Laval. La réalisation de ce projet n’aurait pas été possible sans la participation de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). À Daniel Demers, Serge Beaulieu et Dominique Savoie (FTQ) ainsi qu’à Caroline Ouellet, Patricia Richard et Christian Cyr (CSN), je vous dis merci d’avoir contribué au développement de mes connaissances. Je tiens également à remercier tous les participants qui ont trouvé le temps dans leur horaire souvent très chargé de répondre à nos questions et de partager leur expérience. Je souhaite également souligner le travail de Kevin Vil leneuve-Tremblay pour la transcription des entretiens.

Finalement, je tiens à remercier mes parents pour leur soutien incomparable. Pierre, un merci particulier pour tout le temps que tu as accordé à la relecture de mes textes et pour tes judicieux conseils. Line, merci pour ton écoute dans les moments de doute et pour tous tes bons mots d’encouragement. Merci à vous deux d’avoir cru en mes capacités et de m’avoir donné les moyens de réussir. Enfin, un merci particulier à Alice, Arthur et M. Roux.

(11)

Introduction

Bien qu’il existe de nombreux articles scientifiques traitant de l’action des comités paritaires de santé et de sécurité du travail (SST) et des représentants des travailleurs en SST, on ne dispose pas d’un portrait bien clair des facteurs qui incitent un syndicat, au niveau du milieu de travail-même, à s’engager dans une action visant l’amélioration de la SST, par ces moyens ou par d’autres. On ne connaît pas bien la diversité des moyens qui sont utilisés pour agir en prévention non seulement par les représentants syndicaux siégeant sur les comités paritaires de SST, mais aussi par d’autres acteurs syndicaux, et encore moins les conditions qui rendent cette action efficace ou non. Diverses études traitent des moyens d’action en SST prévus par les lois régissant la prévention (au Québec, la Loi sur la santé et la sécurité du travail), tel que les comités paritaires de SST ou encore les représentants à la prévention, mais peu examinent spécifiquement la contribution éventuelle d’autres véhicules d’action syndicale en SST.

Ce mémoire s’inscrit dans une recherche plus vaste, sous la direction de la professeure Geneviève Baril-Gingras, visant à documenter la manière dont les syndicats locaux agissent sur les questions qui concernent la SST. La recherche d’ensemble, effectuée en collaboration avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN), était séparée en deux phases. La première visait à recueillir l’expérience et les perceptions d’informateurs clés de deux grandes centrales syndicales québécoises, en ce qui concerne les formes et les facteurs expliquant l’action syndicale locale en SST. Ces informateurs clés, en contact avec de nombreux syndicats locaux (i.e. à l’échelle des milieux de travail), étaient soit des élus siégeant sur des structures sectorielles ou nationales (au Québec), soit des conseillers syndicaux à ces mêmes niveaux. La deuxième phase de la recherche consistait à effectuer des études de cas auprès de syndicats locaux, identifiés par les répondants à la première phase, comme ayant été

(12)

particulièrement actifs en matière de SST ou ayant été reconnus par leurs pairs pour l’exécution d’actions innovatrices. Ce mémoire se concentre sur la première phase de l’étude générale, dans l’une des deux centrales syndicales examinées. Sur la base de l’expérience des informateurs clés, il vise à documenter le répertoire d’actions syndicales en matière de santé au travail, la place que prend cette action dans l’activité syndicale et les ressources de pouvoir sur lesquelles elle s’appuie. Le mémoire a également pour but d’identifier quelles sont les pistes d’actions envisagées par nos répondants pour améliorer l’état actuel de l’action syndicale en SST et de quelle manière ils estiment qu’il est possible d’y arriver.

Le premier chapitre de ce mémoire présente la problématique entourant l’action syndicale en santé et en sécurité du travail. Divers sujets y sont examinés tels que la représentation syndicale en SST et l’enjeu que cela comporte pour les organisations syndicales. On fait le lien avec la thématique du renouveau syndical, très importante dans le contexte actuel des relations industrielles. Un bref portrait du répertoire d’actions que peuvent initier les syndicats en matière de SST y est fait, sur la base des travaux scientifiques repérés et on décrit finalement l’état des connaissances sur l’action des représentants à la prévention, la nature de leur action et les bénéfices y étant associés. Le portrait tracé par cette revue de la littérature nous permet de comprendre qu’il y a un manque au niveau des connaissances disponibles en ce qui a trait à l’action syndicale en prévention et en santé et en sécurité du travail. Cela nous a mené à poser la question de recherche suivante : comment les syndicats locaux agissent-ils de manière significative sur les conditions de travail et d’emploi qui influencent la santé et la sécurité du travail?

Le deuxième chapitre présente le cadre conceptuel élaboré dans le projet de recherche plus vaste et la manière dont il est utilisé pour effectuer l’analyse des résultats dans le présent mémoire. On y présente la typologie des quatre ressources de pouvoir syndicales (Lévesque et Murray, 2010) utilisée dans l’analyse des résultats et la manière dont elles influencent les pratiques (le

(13)

répertoire d’actions) et interagissent avec les autres éléments d’influence du cadre conceptuel, notamment le contexte économique, social et politique ainsi que le contexte spécifique du milieu de travail.

Le troisième chapitre expose la stratégie adoptée pour conduire la recherche. Les lecteurs pourront constater qu’une stratégie de recherche qualitative a été retenue et que des entrevues semi-dirigées ont été conduites avec les répondants. On y présente la méthode d’analyse des résultats, à l’aide du logiciel QDA Miner et la manière dont nous nous sommes assurés de la validité de la recherche.

Les quatrième, cinquième et sixième chapitres présentent les résultats de la recherche ainsi que les sections de discussion y étant associées. La présentation des résultats est structurée en trois chapitres distincts portant respectivement sur la place de laprévention dans la structure syndicale locale, sur le répertoire d’actions utilisé par les syndicats pour l’action préventive en SST et enfin les ressources de pouvoir mises à profit par les syndicats. Chacun de ces chapitres est suivi d’une discussion afin de faciliter la lecture et la compréhension des éléments présentés.

Enfin, une discussion générale permet de faire une synthèse de tous les résultats de la recherche. Le dernier chapitre revient donc sur les principaux résultats de l’étude, discutés à la lumière des connaissances existantes. Il en présente les conclusions et fait également état de sa portée et ses limites.

(14)

Chapitre 1

Problématique et

revue des écrits

Ce chapitre vise, dans un premier temps, à faire un portrait global de la contribution du mouvement syndical à l’amélioration générale des conditions de travail au cours des dernières décennies. On y présente les sphères à l’intérieur desquelles les syndicats ont eu une influence : l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation des efforts en prévention et ultimement, la diminution des accidents de travail et des maladies professionnelles. La seconde section du chapitre présente l’importance qu’occupe la SST parmi les enjeux syndicaux et les défis qui émergent du déclin du rapport de force syndical dans la majorité des pays développés. On vise dans la troisième section à comprendre de quelle manière la prévention SST peut être utilisée comme un outil dans les efforts de revitalisation syndicale. Dans ce contexte, on explore le rôle déterminant du délégué syndical et la manière dont la SST peut contribuer à la mobilisation des travailleurs. La section finale se veut un examen de la littérature scientifique portant sur les actions entreprises par les syndicats pour agir en SST.

1.1. La représentation syndicale en santé et en

sécurité

du travail

1.1.1. La contribution des syndicats à la prévention en SST

Présente au Québec depuis bientôt 200 ans, l’action syndicale est reconnue comme le principal moyen permettant l’amélioration des conditions d’emploi et de travail affectant la santé des travailleurs. Dans une étude effectuée par Schurman et ses collaborateurs, les auteurs mentionnent que la syndicalisation a été historiquement une des premières avenues vers laquelle se sont tournés les travailleurs américains en quête d’amélioration de leurs conditions de travail (1998, p. 121). De plus, une étude de Dollard et Neser (2013) réalisée dans 31 pays européens montre que la densité de la représentation syndicale est un facteur important influençant les différences de perception qu’ont les

(15)

travailleurs de leur l’état de santé. Historiquement, l'action syndicale a joué un rôle très important dans l'amélioration des régimes en matière de prévention et d’indemnisation des travailleurs (Abrams, 2001).

Retraçant l’histoire de l’usage de la négociation collective par les travailleurs comme moyen d’améliorer leur santé et leur sécurité, Wright (2011) explique que la santé et la sécurité n’a pas toujours été un problème central dans les luttes ouvrières. Les travailleurs œuvrant dans des emplois dangereux étaient parfois submergés par des problèmes urgents, tels que les faibles salaires, les heures de travail excessives et le pouvoir arbitraire des employeurs. La présence de risques à la santé et à la sécurité était évidente, mais les organisations de travailleurs étaient faibles et soumises aux attaques constantes des propriétaires d’entreprises et des gouvernements. Ce faisant, la simple survie économique de leurs membres était l'objectif principal des organisations de travailleurs (Wright, 2011, p. 2). Bien que Wright ne le mentionne pas, on peut noter que la question des heures de travail est directement reliée à la santé. Toutefois, la SST a été reconnue comme un problème généralisé dans les milieux de travail au même moment où certains syndicats particulièrement puissants ont pris de l’ampleur dans les années 1930 et 1940 aux États-Unis (Wright, 2011, p. 2). Schurman et coll. indiquent que même les critiques les plus sévères reconnaissent que les syndicats ont joué un rôle important dans la réduction spectaculaire des accidents et des maladies liés au travail, au 20e siècle (1998, p. 122).

Enfin, comme le souligne Hall, la présence syndicale permet un rapport de force plus équitable entre les travailleurs et les employeurs, car auparavant, sans les syndicats, leurs différents étaient presque toujours résolus en faveur de l’employeur (Hall et al., 2014, p. 7).

(16)

1.1.2. Les effets de l

’action syndicale sur la mise en place

d’activités préventives

Encore aujourd’hui, malgré les multiples difficultés que rencontrent les syndicats, les recherches s’entendent sur la contribution de ceux-ci à l’amélioration des conditions de travail affectant la santé. Parmi les effets de la présence syndicale dans un milieu de travail se trouve notamment la négociation de clauses visant la prévention en SST dans les conventions collectives signées entre l’employeur et l’organisation syndicale. L’utilisation de la négociation collective à cet effet semble cependant varier d’un pays à l’autre. Ainsi, les travailleurs états-uniens ne disposent pas d’obligations légales semblables à celles présentes dans certains secteurs d’activité au Québec, tel que les comités de SST ou les représentants à la prévention; or Sinclair et ses collaborateurs (2010, p. 1478) indiquent que les syndicats américains recourent à des clauses de SST dans la négociation du contrat de travail. En effet, cette étude montre des situations dans lesquelles les syndicats négocient des droits plus importants que la loi : ainsi, certains contrats permettent aux syndicats de faire cesser le travail lorsque les conditions sont perçues comme dangereuses (Ibid, 2010).

La présence syndicale dans un milieu de travail peut également stimuler le développement des connaissances portant sur les questions de sécurité au travail et ce, à travers des journaux syndicaux, des programmes de formation parrainés par le syndicat, ou encore des événements visant le développement des connaissances. Sinclair et ses coauteurs soulignent d’ailleurs que les programmes de formation en SST ont plus de crédibilité face à l’employeur lorsqu’ils ont été développés et mis en œuvre en collaboration avec une organisation syndicale (2010, p. 1478). Par ailleurs, dans une étude menée au Royaume-Uni, Walters et ses collaborateurs (2005, p. 40) rapportent que les syndicats sont la principale source d’information sur la SST consultée non seulement par les représentants en prévention, mais également par les

(17)

travailleurs non syndiqués; les syndicats seraient reconnus comme une source d’information crédible et précieuse.

De plus, les syndicats sont non seulement actifs afin de réduire l’exposition et les dangers liés aux risques physiques, mais de manière grandissante liés aux risques psychologiques au travail. En effet, dès 1994, Landsbergis et Cahill (1994) exposaient différents exemples de syndicats ayant entrepris une variété d’activités visant à réduire ou prévenir les risques à la santé associés au stress. Concrètement, cela se traduit par des augmentations importantes des demandes d’indemnisation remplies par les travailleurs -ce qui est un premier pas pour inciter l’employeur à agir pour réduire ou éliminer les risques psychosociaux- et par l’identification précoce de ces risques, permettant des interventions préventives plus efficaces (Walters & Nichols, 2007, p. 25). Au total, les travailleurs syndiqués semblent avoir un meilleur accès à des prestations d'indemnisation, à des comités et à des programmes de sécurité en milieu de travail plus efficaces (Schurman et al., 1998, p. 122).

1.1.3. Les effets de l

’action syndicale sur la survenue des

accidents et des maladies professionnelles

Les études portant sur l’action syndicale en relation avec la SST font état de nombreuses retombées positives à la présence syndicale dans les milieux de travail non seulement quant à l’implantation de mesures préventives, mais aussi quant à l’effet final attendu que représente la réduction des atteintes à la santé. Une synthèse faite par le Trade Union Congress (Royaume-Uni), montre que les organisations syndicales font une différence en réduisant les blessures, et les problèmes de santé et en contribuant à changer la culture de sécurité au sein des organisations (Trade Union Congress, 2011, p. 10).

(18)

Plusieurs études rapportent également que la participation des travailleurs aux activités reliées à la SST résulte en un effet positif, à la baisse, sur les accidents de travail. Une étude américaine rapportée par Walters (2011, p. 601, citant Eaton et Nocerino, 2000) souligne que les comités de SST ayant une participation élevée de travailleurs non cadres sont associés à moins de déclaration et de survenue de maladies et d’accidents. Le même auteur, dans une étude précédente rapporte que la participation des travailleurs dans la prise de décisions reliées à la SST est l’un des facteurs reliés à la baisse des réclamations d’accidents. Ainsi, le renforcement du pouvoir des travailleurs (empowerment of the workforce), par divers moyens, serait l’un des facteurs organisationnels invariablement liés au déclin du taux d’accidents de travail (Walters & Nichols, 2007, pp. 29, citant Shannon et al. 1997).

Bien que la présence d’un syndicat dans un milieu de travail ne soit pas nécessairement appréciée par les employeurs, car certains y voient une attaque à leur autorité et leur droit de gérance, nombre d’études rapportent des effets positifs associés à la présence d’un syndicat et au rôle qu’il joue face à l’employeur en SST. Une étude montre que les employeurs qui collaborent avec des comités de santé et de sécurité où siègent les syndicats ont un taux d’accident inférieur de moitié à celui qui prévaut chez les employeurs qui gèrent seuls la SST (Reilly, Paci, & Holl, 1995). Des analyses subséquentes ont également conclu que les taux d’accidents les plus élevés se trouvaient dans les milieux où la direction gérait la SST sans consultation (Trade Union Congress, 2011, p. 3). Dans le même sens, Walters (2011) souligne que les programmes de SST développés conjointement entre l’employeur et le syndicat réduisent le nombre de jours de travail perdus pour cause d’accident de travail et que les dispositions spécifiques à un milieu de travail précis étaient plus efficaces que la simple application de la réglementation externe (Ibid, 2011, p. 601).

Finalement, l’action syndicale en prévention représente un intérêt direct pour les travailleurs, car ces derniers paient de leur propre santé la présence de

(19)

risques dans les milieux de travail (Sinclair et al., 2010, pp. 1478, citant Kaminski, 2001). Comme le souligne d’ailleurs Baril-Gingras (2013a, p. 2), bien que le rapport de force soit inégal entre les travailleurs et l’employeur, les effets sur la santé engendrés par l’exercice du travail ne sont ressentis, quant à eux, que par les travailleurs. Les syndicats, agissant comme représentants des travailleurs, deviennent le troisième agent de la relation d’emploi, et détiennent un certain pouvoir d’action et d’influence par rapport aux pratiques, aux politiques et aux procédures en lien avec la SST (Sinclair et al., 2010, p. 1478). Il importe donc de comprendre la situation actuelle du syndicalisme et son éventuelle influence sur l’action préventive en SST.

1.1.4. La situation actuelle du syndicalisme et son influence

sur l

’action en SST

Malgré la démonstration de l’utilité manifeste des syndicats dans l’amélioration des conditions de travail et d’emploi, le mouvement syndical connaît des difficultés depuis quelques années. Initié dans les années 1980, le déclin du taux de syndicalisation dans les pays industrialisés ne cesse de s’exacerber dans presque toutes les sphères de l’emploi depuis ce temps. Au Canada globalement, ce taux est passé de 37.6% au début des années 80 pour atteindre un taux de 30.6% en 2005 et finalement un taux de 28.8% en 2014 (Labrosse, 2015; Statistique Canada, 2015). Par contre, au Québec, la baisse du taux de syndicalisation a été beaucoup moins marquée que ce que l’on observe pour l’ensemble du Canada. En effet, le taux de présence syndicale était de 40.6% en 2005 pour descendre à 39.6% en 2014. Il s’agit d’une baisse de seulement un point de pourcentage pour le Québec. Selon le Ministère du Travail, « en comparant le Québec avec le reste du Canada, on constate […] que la contribution plus grande du secteur tertiaire, privé et public au Québec explique une grande partie de l’écart de près de 11 points entre leur taux global respectif de présence syndicale en 2014 » (Labrosse, 2015).

(20)

Un nombre toujours grandissant d’auteurs tentent d’identifier les causes de ce déclin. La croissance de l’emploi dans les petites entreprises, les changements dans la gestion des ressources humaines, les transformations des régimes de management, l’augmentation de la concurrence sont parmi les sources identifiées du déclin de la représentation syndicale (Hege, Lévesque, Murray, & Dufour, 2011; Walters, 1995, p. 310).

De plus, la transformation des marchés du travail serait l’une des principales raisons de la perte de pouvoir dans le mouvement syndical (Hege et al., 2011; Linhart, Linhart, & Malan, 1998; Loudoun & Walters, 2009; Statistique Canada, 2015; Walters, 1995, 2011). Le déplacement des emplois détenus par des hommes, exercés principalement dans des industries ayant de forts taux de syndicalisation, vers des emplois typiquement moins syndiqués, comme le commerce de détail et les services professionnels, serait aussi une des causes expliquant le déclin du syndicalisme, du moins pour les hommes (Statistique Canada, 2015). Walters souligne d’ailleurs le déclin marqué des industries dans lesquelles les syndicats étaient présents et forts et la migration parallèle des travailleurs vers des industries où le syndicalisme est faible (2011).

Cette restructuration des activités commerciales et économiques contribue à éroder la représentation syndicale des travailleurs, notamment en ce qui concerne la SST. En effet, l’externalisation des activités de travail vers des entreprises plus petites signifie qu’on y trouve moins fréquemment de modalités de représentation des travailleurs ; elles disposent de systèmes moins sophistiqués de gestion des risques que les plus grandes entreprises où étaient jadis concentrés les travailleurs (Walters, 2011, p. 603).

La modification des marchés de travail comprend également la transformation des sites où s’effectue le travail (Hege et al., 2011, p. 3). En effet, la montée en importance de la mondialisation et de la concurrence à l’échelle de la planète représente un défi constant pour les organisations syndicales. Comme le soulignent Linhart et ses coauteurs, « vivant dans une concurrence

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exacerbée, à distance de ceux qu’ils sont censés représenter, les syndicats se trouvent désarmés face à de nouvelles exigences qui nécessitent une implication de plus en plus forte dans les questions d’emploi et d’organisation du travail » (1998, p. 7).

Nécessairement, une des conséquences de ce passage des travailleurs des grandes entreprises où régnait un syndicalisme fort vers de plus petites entreprises où le syndicalisme peine à s’établir est le déclin du taux de présence syndicale dans divers pays. S’agissant tant d’un effet du déclin du syndicalisme que de l’une de ses causes, la diminution de la présence syndicale a été analysée par de nombreux auteurs. La modification du salariat se concrétise par une diminution de la proportion de la main-d’œuvre employée à temps plein dans des emplois permanents, une augmentation du travail à temps partiel, à durée déterminée, par l’entreprise d’agences de location de personnel, par l’élaboration de chaines d’approvisionnement nationales et internationales complexes, par l’utilisation croissante de sous-traitants ainsi que l’amincissement de la frontière entre le travail et la vie personnelle (Loudoun & Walters, 2009; Walters, 2011, p. 603). De plus, la privatisation de l’économie a conduit à la croissance en nombre des travailleurs autonomes et des micro-entreprises, ce qui, à son tour, a encouragé le développement du travail à domicile, du travail à distance et du télétravail. Tous ces développements ont contribué d’une manière ou d’une autre à limiter l’accès aux travailleurs et leur couverture par les représentants en SST. Hege et ses collaborateurs (2011, p. 6) soulignent que les syndicalismes de tous les pays, tant l’Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne que le Canada, sont en difficulté : tous sont confrontés à la diminution du taux de syndicalisation et de la présence syndicale, et à l’effritement de la reconnaissance syndicale et de son potentiel mobilisateur des salariés. Au Canada, plus précisément, « le maintien du taux de syndicalisation masque une perte d’impact des valeurs et des propositions des syndicats qui, placés sur la défensive, doivent se protéger de tentations immobilistes » (Ibid, 2011, p. 6).

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Outre la réduction du taux de présence syndicale, le déclin de la force du syndicalisme depuis les années 1980 a eu de nombreuses répercussions. En France, la diminution du nombre d’adhérents vient remettre en question les convictions entretenues par les travailleurs étant toujours affiliés à un syndicat. Comme l’expriment Linhart et ses coauteurs, « c’est toute l’image du syndicalisme et de son rôle dans la société qui est en train de basculer, et l’importance des interrogations, des incertitudes, du désarroi, de la remise en cause chez ceux qui restent dans les organisations classiques ne doit pas être sous-estimée » (1998). Le déclin du syndicalisme affecte également le rapport de force que détiennent les organisations syndicales, car les employeurs, les politiciens et les gouvernements ont moins de raisons de tenir compte des syndicats dont le membership est réduit, ce qui explique pourquoi certains syndicats, par exemple aux États-Unis, se concentrent fortement sur le recrutement et l'organisation (Gall & Fiorito, 2016, p. 195). Au Québec, certains efforts ont été faits dans ce sens, sans que cela prenne les proportions observées ailleurs.

Devant ce constat, certains auteurs tentent d’identifier les solutions permettant de renverser le déclin actuel du syndicalisme. Comme le soulignent Hege et ses collaborateurs, quels que soient les problèmes auxquels ils sont confrontés, les syndicats doivent s’interroger sur le renouvellement de leur capacité d’action (2011). Selon Linhart, compte tenu de la modification des marchés du travail et de la diversification du salariat, la solution à envisager serait un retour au terrain. En d’autres termes, pour que les organisations syndicales comprennent mieux la situation à laquelle sont confrontés les travailleurs, il devrait y avoir un retour au terrain, ce qui permettrait de faire participer les membres syndicaux ainsi que les salariés à la définition des changements à mettre en place (Linhart et al., 1998, p. 7).

Nous avons brièvement mis en lumière de quelle manière la montée historique du syndicalisme a eu comme effet d’améliorer la prévention en milieu de travail notamment par le biais d’un meilleur accès à l’information pour les travailleurs

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syndiqués. La présence syndicale a également permis la diminution de la survenue des accidents et des maladies professionnelles. Notre tableau de la situation actuelle du syndicalisme montre cependant un déclin de son influence. À la lumière de ces informations, la prochaine section vise d’abord à traiter des effets des modifications de la nature du travail et des relations d’emploi puis à comprendre quel enjeu représente la SST, dans ce contexte, pour les syndicats.

1.2.

La santé et de la sécurité du travail comme enjeu

syndical

1.2.1. Une vision différente de la SST

La compréhension de la santé et de la sécurité du travail varie en fonction de l’acteur dans la relation d’emploi. En d’autres termes, les employeurs ne perçoivent pas la SST de la même manière que le font les travailleurs et les syndicats. Selon Hall et ses collaborateurs (2014, p. 11), les améliorations en SST sont entravées par les coûts éventuels qu’elles engendrent puisqu’il s’agit d’un facteur important dans la compréhension de la SST par les employeurs. Ces derniers considèrent les coûts reliés aux améliorations de SST et évaluent l’intérêt de se conformer aux exigences légales en se basant sur la sévérité des accidents et maladies possibles, la probabilité que ces événements surviennent, ainsi que les mesures mises en place par d’autres employeurs. À l’opposé, selon les mêmes auteurs, les employés sont d’abord préoccupés par leur santé physique et mentale puis par leur chèque de paie. On comprend donc que les employeurs et les travailleurs ont des rôles et des priorités différentes dans le milieu de travail. Par contre, l’employeur en défendant son droit de gérance peut se percevoir comme l’unique décideur de l’organisation du travail et des conditions à l’intérieur desquelles celui-ci s’exécute. Il existe donc une asymétrie de pouvoir évidente : « il y a une séparation entre ceux qui prennent les décisions qui affectent les conditions de travail et ceux qui les vivent » (Baril-Gingras, 2013b, p. 33)

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1.2.2. Des changements organisationnels qui affectent

négativement la SST

En plus de cela, les changements dans la nature de l’organisation du travail et des relations d’emploi s’opérant dans les milieux de travail depuis plusieurs années viennent modifier la nature des risques auxquels sont exposés les travailleurs. Alors qu’auparavant les risques au travail étaient principalement de nature physique, ils sont aujourd’hui plus variés. Les risques psychosociaux sont une préoccupation grandissante.

Ainsi, bien que les risques physiques au travail soient toujours présents, les dernières décennies ont vu une fulgurante croissante des problèmes de santé mentale liés au travail. En effet, « parmi les personnes incapables de travailler pour des raisons de santé, on note une augmentation très importante du pourcentage de celles qui déclarent un problème de santé mentale à l’origine de leur incapacité » (Vézina & Bourbonnais, 2001, p. 281). Parmi les éléments à l’origine de l’augmentation de la souffrance au travail, Dufour-Poirier et Bourque identifient entres autres l’accélération des cadences et des charges de travail, la poursuite d’objectifs irréalistes dictés par le patronat, l’adaptation demandée par les changements organisationnels et les moments de croissance ainsi que la concurrence entre confrères de travail (2013, p. 44).

Des données recueillies par la désormais célèbre enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et sécurité du travail (ci-après EQCOTESST) ont permis de démontrer que « 18% des travailleurs visés par l’enquête présentent un niveau élevé de détresse psychologique » et que plusieurs de ces travailleurs estiment que leurs symptômes dépressifs sont associés à leur travail (Vézina et al., 2011, p. 15). Par ailleurs, l’enquête révèle que « plus de 400 000 travailleurs ont eu régulièrement recours à des médicaments […] pour réduire leur anxiété, se remonter le moral ou les aider à dormir et que cette consommation est associée tant à la détresse

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psychologique qu’aux symptômes dépressifs » (Vézina et al., 2011, p. 16). La majorité des environnements de travail, tous métiers confondus, présentent des risques à la santé, tant physique que psychologique. Une revue des études montre que « les effets de la demande, au sens du modèle de Karasek, sur la santé mentale sont particulièrement nets [puisque] 70% des études passées en revue montrent des effets significatifs » (Askenazy et al., 2010). Cette revue des écrits conclut également que ce facteur en est un important dans le développement de problèmes de santé mentale et souligne « qu’on a un degré élevé de certitude de [son] impact et de l’importance de celui-ci » (Askenazy et al., 2010). Le manque de latitude décisionnelle s’avère également être un facteur de risque important en ce qui a trait aux risques cardiovasculaires ainsi qu’à la santé mentale (Askenazy et al., 2010). Les auteurs affirment qu’une « autonomie ou latitude décisionnelle insuffisante doit être considérée comme un facteur de risque » (Askenazy et al., 2010). Outre ces deux facteurs de risque importants, Bourbonnais et ses collaborateurs ont identifié de nombreuses autres variables associées à la détresse psychologique telles que la tension au travail, le manque de soutien social au travail de la part des collègues ou des supérieurs, la faible reconnaissance, le déséquilibre entre les efforts et la reconnaissance, les conflits avec les collègues ou les supérieurs, le sens du travail et les risques associés au travail en centre de détention (Bourbonnais, Vézina, Malenfant, Jauvin, & Brisson, 2005, p. 130).

1.2.3. Des changements dans la nature de la relation d’emploi

qui ont aussi un effet négatif

De plus, les changements majeurs dans la nature des relations d’emploi influent également les risques auxquels sont exposés les travailleurs. La modification de la structure de l’économie et son impact sur la nature de la relation d’emploi ont eu des effets nocifs pour la santé et la sécurité des travailleurs et ce, en particulier en termes de risques psychosociaux (Walters, 2011, p. 603). En effet, plusieurs auteurs constatent la montée en importance des problèmes liés à la souffrance au travail dans les pays occidentaux

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(Dufour-Poirier & Bourque, 2013, pp. 44-45). Ils identifient « la précarité et la flexibilité croissante des emplois, la peur du chômage, la menace des licenciements collectifs, les fermetures ou les fusions d’entreprises » comme étant au cœur du problème (Dufour-Poirier & Bourque, 2013, pp. 44-45). De plus, l’EQCOTESST indique que « l’insécurité d’emploi et la précarité contractuelle sont liées à une prévalence plus élevée de détresse psychologique, tant chez les hommes que chez les femmes » (Vézina et al., 2011). Cette étude démontre d’ailleurs « que la perception qu’a le travailleur de l’insécurité de son emploi a été associée à une moins bonne santé physique et mentale [et que] le fait de tenir un emploi depuis longtemps est connu comme étant associé à des meilleures protection légales et sociales » (Vézina et al., 2011, p. 547). L’étude note également que le risque de survenue d’un accident de travail est plus élevé pour les travailleurs étant soumis à des conditions d’insécurité d’emploi et de précarité contractuelle que les autres travailleurs (2011).

Dans le même ordre d’idées, Baril-Gingras souligne que « des surplus de ma in-d’œuvre, la perspective de perdre son emploi ou de ne pas en retrouver un réduisent la propension des travailleurs (et des syndicats) à exiger de meilleurs conditions de santé et de sécurité » (Baril-Gingras, 2013b, p. 33). Comme le soulignent également Hall et ses collaborateurs, le travail est de plus en plus contractuel, à court terme, à temps partiel, à statut temporaire ou occasionnel, ce qui fait en sorte que les travailleurs ne se sentent pas suffisamment en sécurité dans leur emploi pour parler de santé et sécurité au travail. Tel qu’indiqué à la section précédente, les charges de travail augmentent constamment conduisant à une diminution du temps détenu par les travailleurs pour aborder leurs préoccupations de SST (Hall et al., 2014, pp. 11-12). Se crée ainsi un cercle vicieux où la nature de la relation d’emploi crée de mauvaises conditions de SST et où les travailleurs n’osent pas dénoncer ces conditions de peur de perdre leur emploi.

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Alors que la section précédente rappelait le rôle historique du syndicalisme en matière de SST et donnait quelques indications sur l’environnement actuel dans lequel les organisations syndicales évoluent, cette section a permis d’illustrer les effets concrets des changements organisationnels et de la modification de la nature des relations d’emploi. Ces effets se traduisent premièrement par une asymétrie dans la compréhension de l’importance de la SST entre le patronat et les travailleurs. Le second effet constaté est l’augmentation importante des problèmes de santé mentale liés au travail. La prochaine section introduit donc la problématique de la revitalisation ou du renouveau syndical dans un monde où les relations de travail sont tourmentées. On illustrera également la relation entre cette problématique et les conditions de travail et d’emploi qui affectent la SST.

1.3. La revitalisation ou

le renouveau syndical et la

prévention en

santé et sécurité du travail

À la lumière de ce qui a été présenté dans les dernières pages, de la baisse de l’influence du syndicalisme à la modification de la nature de la relation d’emploi, il est manifeste que le portrait des relations industrielles est en changement majeur. Dans ce contexte, les thèmes du « renouveau syndical » ou de la « revitalisation » des syndicats ont été traités par de nombreux auteurs cherchant à identifier des solutions pour enrayer la perte de pouvoir syndical. À la lumière de l’étude de Lévesque et Murray, nous retenons la définition suivante de la notion de pouvoir syndical : « le pouvoir syndical se rapporte à la capacité des «agents» (power to) de provoquer des effets significatifs, notamment en défendant leurs propres intérêts et/ou en portant atteinte aux intérêts des autres, positivement ou négativement » (Levesque & Murray, 2010).

Pour comprendre les modalités de l’action syndicale en prévention en SST aujourd’hui, il nous apparaît nécessaire de les situer dans le contexte de ces

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discussions sur l’état du syndicalisme et sur les perspectives du développement de son influence. Dans ce chapitre, nous exposons certains travaux sur ce dernier sujet. Dans le chapitre suivant, nous articulerons les deux thèmes en exposant le cadre conceptuel qui sous-tend notre étude. Ainsi, les sections qui suivent dans le présent chapitre présentent sommairement deux grands « modèles » de syndicalisme en débat actuellement, celui basé sur le service, et celui basé sur l’organisation. D’autres modèles sont présents dans les études sur le sujet, dans ce que certains présentent comme le continuum « Servicing – Organising – Community Unionism » (Jerrard, Cockfield et Buttigieg, 2009). Dans le contexte de cette étude, ce sont les deux premiers modèles qu’il a paru utile d’examiner. Nous verrons par la suite comment ce débat apporte un éclairage utile sur les différentes modalités de l’action syndicale en matière de prévention en SST. Cette description est faite sans a priori normatif, c’est-à-dire sans jugement sur la pertinence de l’un ou l’autre des modèles : il s’agit plutôt de rapporter un débat scientifique. De même, on ne tranchera pas sur la pertinence de l’usage des termes « revitalisation » ou « renouveau » (qui semble supposer une transformation plus en profondeur), tous deux présents dans ce débat.

1.3.1. La place du « service » et celle de « l’organisation »

Selon certains auteurs, une des pistes de solution au déclin de l’influence du syndicalisme passerait par la transformation du rôle des organisations syndicales. Alors que de nombreux syndicats dans les pays occidentaux pouvaient précédemment se limiter à endosser un rôle de fournisseur de service auprès de leurs membres (servicing role), certains croient que cette option ne serait désormais plus viable à long terme (Jerrard, Cockfield, & Buttigieg, 2009). Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie par exemple, des syndicats ont cherché à effectuer un virage du modèle de service (servicing model) vers un modèle basé sur la mobilisation ou l’organisation à la base

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(organising model)1. Des auteurs décrivent ce modèle comme reposant sur de

vastes structures de délégués dans les milieux de travail, des recruteurs ou organisateurs (organisers) responsables de l'échange d'information, de la communication et de l’établissement d’un contact permanent avec les membres. En d’autres termes, le modèle dit « d'organisation » est présenté par ses promoteurs comme reposant sur l’autonomisation (empowerment) des travailleurs, dans le but de stimuler la mobilisation et de renforcer le syndicalisme en milieu de travail afin que les travailleurs puissent résoudre leurs propres problèmes sans avoir recours à la représentation extérieure (Jerrard et al., 2009, pp. 97-98, citant Heery 2002).

On note donc différentes critiques formulées contre un modèle centré sur le « service ». Ainsi, aux États-Unis, et donc dans le cadre d’un système de relations de travail assez similaire à celui du Québec (qui est inspiré par le Wagner Act américain), le Labor Research Review a attiré l’attention sur la déresponsabilisation (disempowering), l’effet de stagnation et les conséquences instrumentales et légales liées à l’adoption d’une approche de service (servicing approach) selon laquelle le syndicat est perçu comme offrant un service de protection en échange des cotisations syndicales. Selon Conrow, le modèle traditionnel centré sur le service limiterait et restreindrait les activités du syndicat et créerait des relations très formelles entre le syndicat et ses membres et également entre le syndicat et le patronat (Conrow, 1991). L’adoption du modèle d’organisation est ainsi promue par certains auteurs, afin de démontrer la légitimité des organisations syndicales.

1Le lecteur est prié de situer les propositions des différents auteurs en relation avec le cadre institutionnel propre au pays auquel il est fait référence, le cas échéant : par exemple, en Australie comme au

Royaume-Uni, l’adhésion à un syndicat est une décision individuelle (ce qui explique les efforts de recrutement de nouveaux membres individuels), à la différence du modèle présent aux États-Unis et au Canada, où la syndicalisation se fait à l’échelle d’un groupe de travailleurs et où un (et un seul) syndicat représente l’ensemble des travailleurs de cette unité d’accréditation (le recrutement se faisant alors sur une base collective). Dans la première situation, ce qu’on appelle « organising » peut entres autres référer aux efforts pour amener des travailleurs à devenir membres d’un syndicat, individuellement, alors que dans le second, il réfère, entre autres, à une campagne de syndicalisation d’un milieu de travail. Dans les deux cas, le terme est aussi utilisé pour décrire des efforts de mobilisation au niveau du lieu de travail.

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Cette approche serait caractérisée par un accent sur le recrutement de nouveaux membres (dans les systèmes de relations de travail où l’affiliation est individuelle) et la mobilisation dans les milieux de travail (Peetz & Pocock, 2009, pp. 623-624). L'approche d'organisation (organising approch) offrirait une appartenance plus dynamique au syndicat, une mobilisation et un militantisme renforcé ainsi qu’un mode non traditionnel de recrutement de nouveaux membres. Le syndicalisme s’en trouve plus résilient, démocratique et plus efficace face à l’opposition (Peetz & Pocock, 2009, pp. 628-629). Ce modèle postule que les syndicats locaux sont relativement plus puissants lorsque les délégués et les travailleurs reçoivent la formation nécessaire pour entreprendre des actions par eux même, plutôt que de compter sur les négociateurs professionnels ou d’autres responsables syndicaux pour résoudre leurs problèmes en leur nom. Il résulte de cette logique que les délégués doivent être formés, que les organisateurs syndicaux (organisers) devraient encadrer les délégués et leur enseigner les compétences nécessaires pour être efficaces eux-mêmes dans le milieu de travail (Peetz & Pocock, 2009, p. 635). La revitalisation des milieux de travail par l’adoption de l’approche d’organisation affecterait la perception de pouvoir des syndicats locaux en rehaussant la confiance, le militantisme des membres et les réseaux de support pour les délégués (Peetz & Pocock, 2009, pp. 648-649).

Heery, bien que soulignant l’apport notoire de l’ « organising » pour diminuer le déclin du syndicalisme, mentionne toutefois les contraintes qui y sont relié. Il mentionne notamment le manque de compétence, d’expérience ou d’engagement des militants pour s’organiser, ainsi que les contraintes de temps et de charge de travail affectant les militants dans l’approche d’ « organising », qui sont d’autant plus exacerbées dans le cas des travailleurs nouvellement syndiqués (Heery, 2015). Heery conclut cependant que le virage vers le modèle d’« organising » a généré de grand succès, notamment dans les cas du Royaume-Uni et des États-Unis, puisqu’il aurait permis de freiner le processus de déclin du syndicalisme (Heery, 2015).

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Si certains présentent comme opposés les modèles basés sur le service et sur l’organisation, d’autres suggèrent qu’ils peuvent plutôt être combinés. Ainsi, selon Conrow, il existe une fausse séparation entre le modèle de service et celui basé sur la mobilisation. Il y aurait une croyance erronée selon laquelle il est possible soit de servir les membres, soit de les mobiliser, qu’il n’est pas possible de faire les deux à la fois. Au contraire, selon l’auteure l’un ne va pas sans l’autre ; les activités de service doivent être perçues comme ayant un potentiel mobilisateur en impliquant un maximum de gens et en tirant des leçons des actions posées (Conrow, 1991).

Ainsi, la dichotomie entre « servicing » et « organising » a été critiquée, certains proposant qu’il s’agisse plutôt d’articuler les deux dans un modèle hybride. Conrow argue que rien n’empêche d’effectuer le « servicing » dans un modèle d’« organising ». Cela signifie plutôt que les représentants syndicaux doivent continuellement repenser les tâches dites de service de manière à augmenter la participation des membres afin de renforcer les organisations syndicales, ce qui relève alors de l’« organising » (Conrow, 1991).

Cela nous amène donc à examiner le rôle du délégué syndical, présenté comme crucial dans les travaux portant sur les voies de revitalisation syndicale.

1.3.2. Le rôle déterminant du délégué syndical

Selon certains auteurs, les délégués syndicaux sont au cœur de ce qu’ils appellent le « renouveau syndical ». Par exemple, Hege et ses collaborateurs mentionnent le rôle important de représentation des travailleurs face à l’employeur détenu par les délégués, soit l’un de ses deux rôles : « ils sont simultanément le visage du syndicat vers les salariés et l’employeur, et celui des salariés vers l’employeur et le syndicat » (Hege et al., 2011, p. 4).

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Tel que mentionné précédemment, l’amélioration du rapport de force syndical est vu par divers auteurs comme passant par un renouvellement des pratiques. Selon Hege et ses coauteurs, la revitalisation des pratiques passerait par une meilleure compréhension du rôle et de l’apport des délégués (Hege et al., 2011, p. 6). Cette hypothèse est d’ailleurs secondée par Le Capitaine et ses collaborateurs qui soulignent que « le renouvellement de l’action syndicale sur le plan local passe par un élargissement du rôle du délégué » (Le Capitaine, Lévesque, & Murray, 2011, p. 142). En effet, le présent contexte de perte de pouvoir des syndicats met de l’avant le besoin de renforcer l’appartenance syndicale et d’augmenter le militantisme des membres. C’est d’ailleurs sur ce point particulier que se penche l’étude de Le Capitaine et al. portant sur un syndicat d’enseignants au Québec.

L’étude révèle […] que la mobilisation des ressources, l’expertise et les compétences des délégués sont au cœur d’une meilleure vie syndicale et d’un sentiment d’appropriation de leur rôle de délégué. Elle met ainsi en exergue le rôle clef des délégués dans le renforcement de la vie syndicale (Le Capitaine et al., 2011, p. 142). Dans le cas étudié, les syndicats semblent avoir de la difficulté à retenir leurs nouveaux délégués en poste, ceux-ci manifestant un fort sentiment d’impuissance et de la difficulté à assumer leurs rôles (Le Capitaine et al., 2011, pp. 167-168). De plus, un nombre important de délégués ont une conception limitative de leurs fonctions, percevant leur rôle comme un agent de liaison ou de relais, plutôt qu’un rôle de représentation plus large. Un nombre plus restreint encore de représentants arrive à assumer les deux rôles à la fois. Cependant,

cette question est essentielle, car elle concerne directement la capacité d’agir des délégués. Si les délégués restent isolés ou enfermés dans des réseaux traditionnels, s’ils ont du mal à occuper de nouveaux espaces et à développer des relations avec de nouveaux acteurs, ils peuvent difficilement assumer ce nouveau rôle. (Le Capitaine et al., 2011, pp. 167-168)

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Hege et ses collaborateurs abondent dans le même sens, affirmant que les délégués se définissent par les réseaux qu’ils sont capables de construire (Hege et al., 2011, p. 4).

En d’autres termes, la revitalisation du mouvement syndical passerait, entre autres choses, par le renouvellement du rôle du délégué syndical, sa manière de susciter le militantisme des membres et sa capacité à construire des réseaux forts autour de lui.

1.3.3. Le rôle de la SST dans le renouveau syndical

Diverses organisations syndicales et certains chercheurs en relations industrielles se préoccupent des défis de représentation syndicale qui émergent suite à la baisse de l'influence syndicale. Beaucoup d'efforts ont d’ailleurs été consacrés ces dernières années à tenter de comprendre et d’inverser cette tendance. Étonnamment, le rôle des questions de santé et de sécurité dans les stratégies de renouvellement ou de revitalisation des syndicats est demeuré largement inexploré dans la littérature internationale florissante sur ce dernier thème (Loudoun & Walters, 2009, p. 184). Certains auteurs pointent le conservatisme de certains dirigeants syndicaux qui serait, selon eux, une des causes expliquant pourquoi la SST n’a pas été explorée comme enjeu potentiel de la revitalisation syndicale. Selon Loudoun et Walters (2009), il subsisterait chez certains une mentalité dictant que les actions syndicales ne concernent que la rémunération et la protection de l’emploi et n’ont pas à prendre en compte les préoccupations de SST, dont celles des nouveaux travailleurs, telles que l’harmonisation travail et vie personnelle et la qualité de vie (Loudoun & Walters, 2009, pp. 187-188).

Certains auteurs, notamment Barry et Loudoun, ont étudié le rôle que peut prendre la SST dans les efforts de renouveau syndical (2006). Selon ces auteurs australiens, il est essentiel que les syndicats comprennent comment

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aborder les préoccupations de SST des travailleurs et comment les utiliser afin de construire des campagnes visant à augmenter le pouvoir et l’adhésion syndicale. Cependant, au moment où ils réalisé leur étude, ils ont été forcé de constater que les préoccupations pour la santé et la sécurité brillaient par leur absence dans la littérature portant sur le renouveau syndical ainsi que dans les discussions des acteurs syndicaux qui débattaient des stratégies de revitalisation (Barry & Loudoun, 2006, p. 41). À l’occasion d’entrevues auprès de dirigeants syndicaux australiens, ces auteurs ont aussi observé un manque de reconnaissance du potentiel pour les syndicats de s’impliquer plus activement dans la prévention en matière de SST, non seulement pour répondre aux besoins de leurs membres, mais aussi pour utiliser la SST comme une stratégie de revitalisation syndicale (Barry & Loudoun, 2006, p. 42). L’examen du potentiel de la prévention en SST comme thème de revitalisation syndicale a été poursuivi par Loudun et Walters (2009). Ces auteurs comparent les résultats de l’étude australienne réalisée en 2005-2006 en Australie par Barry & Loudoun (2006). Les entrevues ont été menées de manière sem i-structurée avec 11 dirigeants syndicaux et 10 acteurs importants de l’activité syndicale en SST. L’étude globale visait à répondre à deux questions : premièrement, ce que les dirigeants syndicaux percevaient comme étant les principaux défis pour les représentants à la prévention dans le contexte actuel de relations de travail, deuxièmement, ce que les syndicats ont fait pour soutenir les représentants à la prévention pour être en mesure de faire face efficacement à ces défis. Dans le même ordre d’idées, les auteurs ont exploré la position de la SST à l’intérieur du large éventail des stratégies syndicales visant la revitalisation syndicale. Afin d’explorer ce sujet, les auteurs ont cherché à comprendre dans quelle mesure l’amélioration des conditions de travail était perçue comme centrale à la mission et au rôle des syndicats. Ils ont également questionné leurs répondants par rapport à leur perception de leur efficacité pour intégrer et prioriser les questions de SST dans leur approche globale pour représenter les intérêts des travailleurs.

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Dans le cas australien, Barry et Loudoun avaient constaté que de manière générale, les dirigeants syndicaux (unions officials) reconnaissaient peu le rôle que pourrait jouer la SST pour sensibiliser les membres quant à l’apport des syndicats (Barry & Loudoun, 2006, p. 42). La situation était légèrement différente dans des secteurs d’activité comme l’industrie lourde où les risques sont évidents et où les syndicats savent que les membres considèrent la SST comme un enjeu important. Dans un cas exceptionnel cependant, la SST était utilisée comme un outil d’organisation syndicale, ce qui s’appuyait entre autres sur de la formation fournie aux organisateurs et délégués. Ces auteurs parlent d’un cercle vicieux : alors que des travailleurs joignent spontanément le syndicat pour des motifs reliés à la SST, ce thème n’est pas utilisé comme outil de recrutement syndical. De plus, les syndicats n’agiraient que sur la base des problèmes rapportés par leurs membres; or des membres seraient hésitants à apporter des problèmes, n’étant pas conscients de la relation avec la santé. Le fait que les syndicats n’en fassent pas la promotion ajouterait au cercle vicieux. Or, dans un contexte où les droits et les protections syndicales ont été particulièrement érodés dans les dernières années par la législation fédérale en matière de relations industrielles, en Australie, ces mêmes auteurs ont constaté que les droits de représentation des travailleurs en matière de SST pouvaient constituer une protection particulièrement importante en plus d’être un outil d’organisation (Barry & Loudoun, 2006, p. 41). En effet, la législation en lien avec la SST est moins rigide que celle qui concerne les relations de travail. Ce faisant, les auteurs notent que des militants syndicaux utilisent ces dispositions légales pour faciliter leur accès aux membres et promouvoir la sensibilisation et la mobilisation dans les affaires syndicales (Barry & Loudoun, 2006, p. 41). C’est pourquoi ces auteurs suggèrent que la SST est un outil puissant qui pourrait être utilisé dans les tentatives de revitalisation des organisations syndicales australiennes, cependant encore peu mis de l’avant. Les entrevues menées par Loudoun et Walters (2009) au Royaume-Uni les amènent à dresser un portrait plus positif, mais tout de même mixte. Le Trade

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Union Congress (la plus grande centrale syndicale) a publié en 2008 un guide sur l’approche d’organisation appliquée à la SST, et plus généralement, cette approche d’organisation était en voie de s’étendre à tous les champs de l’action syndicale. Des répondants ont expliqué que la SST constitue un thème d’organisation particulièrement fertile et ont montré comment ils l’utilisaient. Ce thème représenterait un potentiel particulier auprès des jeunes et des femmes ainsi que d’autres groupes que les syndicats cherchent à recruter. Selon ces auteurs, les questions de SST apparaissent donc mieux intégrées (plutôt qu’isolée et traitée en silo) dans la réflexion des dirigeants syndicaux du Royaume-Uni sur les enjeux des relations du travail et sur les stratégies d’organisation. Cette intégration serait nécessaire pour traiter des problèmes de stress reliés à l’organisation du travail. Ainsi, ces auteurs considèrent que la sensibilisation par rapport aux conséquences sur la santé de l'organisation moderne du travail et de ses implications pour la qualité de la vie des travailleurs serait une étape nécessaire pour le renouveau des organisations syndicales (Loudoun & Walters, 2009, p. 200).

Finalement, Loudoun et Walters (2009, p. 1999) rappellent l’idée selon laquelle l’action de militants de base (lay activists) constituerait le mécanisme essentiel d’un regain de pouvoir de la part des syndicats. Nous avons évoqué cette idée dans la section précédente concernant le rôle des délégués. Loudoun et Walters suggèrent que les représentants des travailleurs en SST sont de tels « militants de base », mais qu’ils demeurent largement non reconnus.

1.3.4. La SST comme enjeu de syndicalisation et de

mobilisation

Bien que le Québec s’en sorte relativement bien par rapport à d’autres pays quant à la présence syndicale, le déclin relativement généralisé de l’influence des organisations syndicales n’y est pas moins observable. Dans les pays comme l’Australie et le Royaume-Uni, où l’adhésion syndicale est individuelle,

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il semble qu’une des avenues envisageables pour diminuer le déclin du nombre de membres et même susciter l’adhésion de nouveaux membres passerait par une augmentation de l’attention accordée à la SST dans le processus de recrutement ou d’« organisation » : en effet, la majorité des travailleurs considèrent la SST comme étant une sphère légitime d’implication des syndicats et considèrent la SST parmi leurs préoccupations majeures au travail (Barry & Loudoun, 2006, p. 35). Or, tel que mentionné précédemment, dans leur étude portant sur le cas australien, Barry et Loudun ont constaté que les dirigeants syndicaux n’accordaient pas à la SST la même importance que d’autres questions liées aux relations industrielles « traditionnelles ». La majorité des syndicats sondés pour leur étude ne promouvaient pas l’importance de la SST dans leurs contacts avec les membres ou à travers l’information qu’ils leur communiquaient (Barry & Loudoun, 2006, p. 36). Ainsi, ces auteurs ont constaté une forme de cercle vicieux : les syndicats ne vont investir des ressources que sur la base de demandes des membres; or les membres peuvent ne pas formuler de demandes en lien avec la santé au travail parce qu’ils ne croient pas que le syndicat puisse agir à ce sujet, ou parce qu’ils n’identifient pas la dimension « santé au travail » du problème qu’ils vivent; même lorsqu’une demande est formulée, le syndicat peut hésiter à y investir des ressources, percevant le problème comme individuel plutôt que collectif (Barry & Loudoun, 2006, p. 37). La question est donc de savoir quelle stratégie adopter pour rompre ce cercle vicieux.

Finalement, malgré une tendance majoritairement négative, Barry et Loudoun (2006) rapportent tout de même des cas où la SST est un outil de recrutement et de mobilisation syndicale, dans le contexte australien. Dans l’un des syndicats étudiés, la stratégie adoptée pour promouvoir la SST était de fournir à ses responsables de l’organisation syndicale et ses délégués de la formation ainsi que du perfectionnement en SST et de les encourager à se joindre à des comités de SST en milieu de travail (Barry & Loudoun, 2006, p. 36). Ainsi, l’hypothèse développée par ces auteurs est que le développement des

Figure

Figure 1: Cadre conceptuel pour l’analyse de l’action syndicale locale  en santé et en sécurité du travail (les éléments en rouge ou italique  sont ceux analysés dans le présent mémoire)
Figure 2: Les ressources de pouvoir syndicales (reproduit de  (Levesque & Murray, 2010)
Tableau 2 : Répertoire d'actions et nombre
Tableau 3 : Ressources de pouvoir syndicales et nombre  Ressources de pouvoir
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