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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Savoir faire et savoir utiliser

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(1)

SAVOIR FAIRE ET SAVOIR UTILISER

Raul GAGLIARDI

Laboratoire de Didactique et

EpistéMologie des Sciences

Université de Genève

(2)

,Je veux commencer à préciser quelques définitions clans un sens large

Savoir faire:

Savoir utiliser

c'est un ensemble de notions, de techlliques, de cOllnaissances p2rtielles, de capacités de

manipu-lation qu'url groupe social dévelc)ppe eL transmet

A ses descendants.

c'est la capacité d'utiliser dans un hut précis et déterminé à l'avance, un certairl outil, sans nécessai-rement connaître plus sur l'outil Ell question.

Le IJSav()ir utiliserll détermine une soumission plus grande par rapport aux

outils, dans la mesure où il est moins susceptible d'être transformé

cons-ciemment par l'utilisateur.

Un "savoir fairelJ n'est pas seulement une manière de transformer la

rlature, de produire un objetl d'obtenir une transformation de la réalité,

c'est aussi un moyen de hiérarchisation sociale. La partialisation du savoir détermine chez eux qui possédent un "savoir fairet!, ils ont alors un certain pouvoir sur ceux qui ne le possédent pas. Ceux qui sarIt capables de produire consciermnenL une certaine transformation de la nature, peuvent décider le moment pour la faire, et obtenir les résultats. L'accuTTlulation de pouvoir n'est pas seulement l 'accumulaLion des moyens de productions "concrètes", mais auss i l ' accumulat ion des techniques, des connaissances.

Dans la société actuelle il y a la consommation des objets et la

conSom-mation des outils, c'est à dire, au même titre qu'on achète des produits de consormnation courante, on achc,te des outils pour des tâches définies. Mais chaque fois dans ces outils un savoir faire est moins nécessaire pour

les utiliser; i.l suffi.t précisément du "savoir utiliserll

, indiqué dans

les prospectus de vente.

Ce phénomène de restriction du savoir faire, en m~me temps qu'il développe l'utilisation des outils pour 11'importe quelle tâche, est UIl des aspects de la transformation sociale profonde suffisant à la soci~té, quand elle devient soc iété de consommat ion.

Dans ce processus chaque individu perd la possibilité d'acquérir des savoir faire, car plus nécessaire pour aboutir à certains buts. C'est à dire, hors du spécialiste, il v a méconnaissance de la manière dans laquelle lIn appareil ou un outil fonctionne. l'ut.ilisateur

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La "logique de savoir faire" est remplacée par la "logique du savoir

utiliser", le pouvoir que donne le savoir faire est remplacé par le

pouvoir que donne la possibilité d'acquérir un appareil (soit par

llargent, soit par l'appartenance à une institution).

Ce phénomène est général, non seulement pour les appareils ou les outils, mais aussi pour les techniques de production.

Prenons le cas de l'agriculture, traditionnellement les paysans

connais-saient les techniques nécessaires pour obtenir des produits, semer,

ré-colter, préparer les fruits, etc . . . Maintenant, les paysans achètent

des semences déjà préparées, sélectionnées, avec les indications pour

utiliser des engrais, des pesticides. Ils achètent la nourriture pour le bétail déjà préparée, etc .•. L'obtention des plantes à partir de la culture de tissus laisse les paysans complétement en dehors de la

con-naissance nécessaire, ils doivent seulement suivre les règles précises

que donnent le prospectus. La décision de produire, et comment le pro-duire est sortie des mains des paysans et même des consommateurs, elle est dans les mains de quelques entreprises qui contrôlent l'ensemble de la production agricole d'un pays.

Dans le cas de l'agriculture moderne, la perte de pouvoir d'un groupe

social nous semble évident, à partir non seulement de la

transforma-tion de la structure de productransforma-tion, mais aussi à partir de la perte des connaissances nécessaires pour produire.

Un autre exemple est les appareils ménagers. Les premiers appareils étaient de conception plus ou moins simple, mais il n'était pas impossible de

com-prendre leur fonctionnement, de les réparer et même de construire un

ap-pareil similaire. Aujourd'hui chaque nouvel apap-pareil a des "points d'obs-curité", une partie du système n'est pas descriptible en termes simples: la partie "programme".

Cette perte de la possibilité de connaissance du fonctionnement des ap-pareils est une forme d'aliénation de l'utilisateur, il n'est plus capa-ble d'intégrer l'ensemcapa-ble des processus de l'activité et de ses finalités. Son activité se réduit chaque fois à allumer l'appareil (pousser des bou-tons). L'inégalable réduction de temps et d'efforts que signifient les

(4)

appareils actuels, a la contrepartie de l'acceptation implicite de l'impossibilité de comprendre son fonctionnement.

Dans quelle mesure ce phénomène existe dans tous les secteurs sociaux, est un profllème difficile à résoudre. Mais en observallt les secteurs sensés de produire des connaissances, il est possil)le de se faire une idée de llamplitude de la profondeur de la transformation du "savoir faire" en "savoir utiliser",

En particulier les scielltifiques lltilis~nt de plus en plus, d'appareils sophistiqués pour leurs expériences. La compréhension du fonctionnement

de ces appareils est une partie importante de la compréhension des expé-riences elles-mêmes, dans la mesure où construire une cOllnaÎ.ssance n'est pas

seulement accumuler des données, mais éga~ement comprendre corrunent elles ont été produites. J'ai fait une expérience sur ce sujet, dans les cours de physiologie végétale de 1 'Université de Genève, où je suis assistant) en profitant que les pratiques du laboratoire utilis€Ilt des appareils très anciens, dans lesquels il faut montrer aux étudiants €ll détail la

des

manière de fonctionnement appareils tltransparentsll, non seulement parce qu'ils sont en verre, mais parce que comprendre leur utilisation c'est comprendre des lois physiques impliquées

et les moyens, etc, ...

la relation entre les buts~

Il Y a aussi des appareils modernes, électroniques, dans lesquels il suffit d'appuyer sur des boutons et regarder des chiffres sur un cadran) sans que les principes impliqués soient nécessairement compris pour pouvoir utiliser l'appareil,

La différence entre les deux types d'appareils peut servir à mesurer l'aotitude des étudiants.

Dans le cas des appareils modernes. aucun étudiant m'a demandé les principes de son fonctionnement. Les autres assistants signalent le même comportement des étudiants, c'est à dire qu'apparermnent) COTIUnent

fonctionne un appareil plus ou moins compliqué, les principes qulil utilise, qu'est-ce qu1il mesure en réalité ne sont pas des problèmes

(5)

pour les étudiants.

Dans le cas des appareils anciens, il est impossible ou presque de les utiliser sans connaître certaines lois physiques, et aussi un certain "savoir faire", une certaine connaissance de la manipulation était

néces-saire. Hais ce fait n'amène pas les étudiants à faire des enquêtes sur les

autres appareils. Le passage entre une pratique dans laquelle il faut dis-cuter en détail le fonctionnemellt d'un appareil, à une pratique ou

l'ap-pareil utilisé "fait tout", n'est pas aperçu comme une motivation pour

poser des questions sur les appareils.

Cette petite enqllête sur les étudiants de sciences, peut servir pour comprendre que le même phénOffi.2ne de transformation du llsavoir fairel!

en IIsavo ir utiliser" existe aussi dans les milieux scientifiques. Le fait d'avoir vécu dans un monde où il y a une multitude de systèmes

électTclniques, qu'on utilise sans se demander comment ils fonctionnent, arn0nerlt les fueurs scientifiques) à développer la même attitude dans ses études et dans son travnil.

Le développem€Ilt du Ilsavo ir utiliserll au détriement du t~savoiJ_- fairell est une soumission à la technologie, et ]1acceptation de ce que la t~ch­

nique peue remplacer les capacités individuelles. Mais aussi ceLte

accep-tation implique l'accepLatiotl de tout un modèle de société:

":\ujourd 'hui la domination se perpétue et s'étend non pas .::eule-ment grâce à la technologie mais en tant que technologie . . . . . Il . . . Dans cet. univers, la tcchnolugie fournit aussi à ltahsenc€

de l.iberté df::' ] 'hŒt1."1le sa grande:: ratiortalisat'ion et démontre qu'il estlltcchni.quementll impdssi.ble d1être autonome, de dÉter-mi ner soi-mêm.E: sa propre vie. Car ce manque de l.iberté r-,' app<:i-raît ni comme irrationnel ;--"L conIDie un fait poLitique, il se pré-sente bien pl utôt comme la soumission à l'appareil techniquL

qUl dOiloe plus de COllfoTt à l'existence et augmente la

produc-tivité du travaillt

(rl.1rcuse, L'Homme tr:.idimensionnel, Paris,

(6)

L'utilisation de l'informatique pose de nouveaux problèmes, mais il est encore trop tôt pour pouvoir comprendre les effets du développement de l'in-formatique dans la transformation du savoir faire en savoir utiliser. En même temps l'ordinateur peut être un instrument qu'on utilise de manière "aveugle"~ ou un outil qui peut permettre le développement de la connais-sance "conscienle".

L'utilisation de l'ordinateur dans 1 'éducaLion pose tous les problèmes

mentionnés de manière plus aigu~, et mérite pourtant d'être faite, mais avec précaution.

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