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P É D A G O G I E
UNE EXPÉRIENCE DE CATALYSE HÉTÉROGÈNE
Synthèse de l'anhydride sulfurique
en présence d'anhydride vanadique
Sous-produit assez important du traitement de certaines bauxites, l'anhydride vanadique ou pen-toxyde de vanadium ( V , 03) est un solide
pulvé-rulent rouge brique. On sait que, moins sensible que le platine à l'action des « poisons », et plus efficace que l'oxyde ferrique, l'anhydride vanadique est utilisé industriellement dans la synthèse de l'anhydride sulfurique par le procédé dit de contact (1).
Il est aisé de reproduire cette synthèse devant une classe pour illustrer, soit une leçon sur la cata-lyse, soit une leçon sur l'industrie de l'acide sul-furique.
THEORIE DE L A REACTION
L'action catalytique de l'anhydride vanadique a été étudiée par N e u m a nn qui, pour expliquer l'oxy-dation de l'anhydride sulfureux, propose une suite de trois réactions :
1 ) V., 03 (rouge) + S Oo V , O v + S O.,
2) VÔ O i (gris bleu) + ' 2. S O s + Os 2 . V O S Ot
3) V O S 04 (gris vert) S 0s + S 02 + V , Or, (le
cata-lyseur est régénéré)
Le mélange catalysé étant gazeux, et le cata-lyseur solide, on est en présence d'une catalyse hétérogène. Il y a formation d'un composé inter-médiaire, le sulfate de vanadyle, dont on peut observer la couleur gris vert dans le mélange solide extrait du tube où l'expérience a été réalisée. Neu-m a n n fixe aux environs de 500° C la teNeu-mpérature d'oxydation optimum.
PRODUITS ET MATERIEL
Gaz sulfureux : Il est commode de disposer d'un siphon d'anhydride sulfureux.
Oxygène : Une petite bouteille suffit (type
ali-mentation de bombe Malher).
Anhydride vanadique : Nous utilisons sans
pré-cautions particulières (sauf dessiccation dans le cas d'une humidité évidente) un anhydride vanadique technique : vingt g r a m m e s suffisent amplement.
(1) Brevets des Établissements Kulhmann.
Matériel : Deux flacons laveurs à acide sulfu-rique destinés à dessécher l'oxygène et le gaz sulfureux ;
— Un tube de pyrex (I = 50 cm ; i = 2 cm) ; — Un four électrique et son rhéostat. Nous utili-sons le four d'un dilatomètre Chèvenard (110 volts, 4 ampères) donnant une zone de chauffe longue de 30 cm environ ;
— Un pyromètre industriel à couple thermoélec-trique chromel-alumel (l'indication de la tempéra-ture est visible à 3 mètres) ;
— Tuyaux de caoutchouc pour relier la bouteille à oxygène et le siphon à gaz sulfureux aux flacons laveurs) ;
— Tubes à robinets (un tube en Y est pra-tique) pour relier les flacons laveurs au tube à catalyse ; tube à dégagement ; fioles coniques.
Réactifs : Chlorure de baryum, acide chlorhy-drique, soude caustique.
Marche de l'expérience : Monter l'appareil (voir
photo ci-jointe), le tube à catalyse contenant de l'anhydride vanadique bien sec répandu en traînée. Au début de l'expérience, la fiole conique contient de l'eau ou une solution alcaline destinée à absor-ber, le cas échéant, le gaz sulfureux qui pourrait se dégager et éviter d'incommoder les élèves et l'opérateur.
Mettre le four en marche, régler le chauffage pour atteindre la température de 510° C en vingt minutes environ. Cette températur e atteinte, ouvrir le siphon à gaz sulfureux et régler son débit à raison de deux bulles par seconde au flacon laveur (c'est un m a x i m u m ) . D'après la réaction 1, il devrait se former de l'anhydride sulfurique ; cepen-dant, si l'on traite par le chlorure de baryu m le contenu de la fiole conique où se dégage le gaz, on obtient un précipité blanc entièrement soluble dans l'acide chlorhydrique ; c'est donc du sulfite
de baryum (2).
(2) Cet essai négatif permet d'affirmer que ie sulfate de baryum dont on constate la formation dans la seconde expérience ne provient pas d'acide sulfurique entraîné par le gaz sulfureux lors de son passage dans le flacon laveur.
Ouvrir ensuite la bouteille à oxygène, en régler le débit de façon à avoir un g r a n d excès d'oxygène;
très généralement, le dégagement de fumées blan-ches d'anhydride sulfurique est immédiat (3). E n
quelques instants, la fiole conique est pleine d'opaques f u m é e s blanches qui s'élèvent et retom-bent lourdement sur la table d'expériences. L'oxy-dation est quasi-totale.
Montrer que le contenu de la fiole traité par le chlorure de b a r y u m donne un précipité blanc, insoluble dans l'acide chlorhydrique, c'est-à-dire un précipité de sulfate de b a r y u m ; il y a donc eu formation d'anhydride, puis d'acide sulfurique.
Fin de l'expérience : Couper le courant de g a z
sulfureux ; le dégagement de f u m é e s blanches d'an-hydride sulfurique continue un certain temps, ce qui peut s'expliquer par les réactions 2 et 3. Couper le courant électrique, vider le tube après refroi-dissement ; le catalyseur, primitivement brun rouge, p a r a î t m a i n t e n a n t grisâtre avec, par endroits, des plages teintées de vert ou de bleu indiquant la présence du tétroxyde V2 O , et de VO S 04 et
(3) Si les fumées n'apparaissent pas, élever rapidement la tem-pérature à 600° c., les fumées se forment instantanément. On peut alors revenir à 5 1 0 ° c. (Il ne faut, d'ailleurs, pas trop chauffer, l'anhydride vanadique ayant un point de fusion, va-riable avec les impuretés qu'il contient, voisin de 700o c.
confirmant ainsi la théorie de la formation d'un composé intermédiaire.
CONCLUSION
La réalisation de cette expérience nous a paru intéressante :
a) Du point de vue pédagogique, car la période de préparation, si elle est un peu longue (vingt minutes) ne demande absolument aucune surveil-lance et permet de continuer l'exposé de la leçon sans interruption ; par ailleurs, l'obtention des fumées é t a n t pratiquement immédiate, la durée de l'expérience elle-même est réduite au minimum ;
b) Du point de vue chimique, car elle perme t de mettre en évidence les caractères d'une opéra-tion de catalyse hétérogène avec formaopéra-tion d'un
composé intermédiaire, en utilisant un catalyseur
robuste, bon marché, qu'il est facile de se procurer, et dont on n'a pas à se préoccuper de récupérer la moindre parcelle comme il f a u t le faire pour les catalyseurs au platine.
Pour ces différentes raisons, elle nous semble avoir sa place dans une leçon sur la catalyse dans nos Ecoles d'Arts et Métiers.
G. HILLY, Professeur,
et P. LEMARCHAL, Chef de travaux,
Ecole Nationale d'Ingénieurs Arts et Métiers,
Angers.
De droite à gauche, on distingue : le siphon à S02,
la bouteille à oxygène ( j u s t e devant, un flacon contenant de l'anhydride vanadique), les deux flacons laveurs, le four électrique (et, derrière, son rhéostat), le pyromètre, la fiole conique pleine de vapeurs blanches de SO 3 (et, à côté, pour faire
contraste, une a u t r e fiole conique pleine d'eau).