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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Problème(s) et technologie Éclairages pluriels

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

Problème(s) et technologie

Éclairages pluriels

CACHAN — 2000-2001

Responsables : J. Lebeaume, Y. Cartonnet, avec la collaboration de P. Vérillon © Association Tour 123 - 2002

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SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES 2000-2001

L

ES AUTEURS

Maryline COQUIDÉ

Maître de conférences, IUFM de Normandie

Michel FABRE

Professeur des universités en sciences de l’éducation, Université de Nantes, responsable du Centre de Recherches en Éducation de Nantes (C.R.E.N.).

Monique GOFFARD

Enseignant-Chercheur, INRP - LIREST.

Joël LEBEAUME

Professeur des universités, ENS Cachan - LIREST

Christian ORANGE

Maître de conférences, IUFM des Pays de la Loire, CREN, Université de Nantes.

Bernard PARSYSZ

Maître de conférences, IUFM Orléans-Tours, DIDIREM, Université Paris-7.

Frédéric QUENTIN

Équipe projet du centre-design PSA, ancien responsable de l’Ingénierie Méthodologique de Créativité sur le Plateau Créativité Innovation, une structure de PSA, vice-président de l'association Triz-France

Hélène RICHOUX

Enseignant du second degré, chercheur associé à l’INRP.

Pierre VÉRILLON

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S

OMMAIRE

Problèmes et technologie - Introduction au séminaire ...5 Joël Lebeaume

Brève incursion dans la littérature pour introduire le séminaire ...9 Pierre Vérillon

Projets, problèmes, solutions et éducation technologique ...23 Joël Lebeaume

Situations problèmes et savoir scolaire

Rencontre avec Michel Fabre ... 39 Entretien préparé par Olivier Follain, Catherine Lande

et Jean-Louis Martinand

Problèmes scientifiques et investigations expérimentales —

construction des problèmes explicatifs ...81 Christian Orange

Problèmes expérimentaux en sciences de la vie

Analyse de dynamiques et de quelques contraintes ...91 Maryline Coquidé

Démarches expérimentales dans l’enseignement de la

Physique — études de travaux pratiques au lycée ...99 Hélène Richoux

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Les activités de résolution de problèmes en physique ...105 Monique Goffard

La notion de situation-problème et sa mise en œuvre en didactique des mathématiques, dans la théorie des situations et la

dialectique outil-objet ...111 Bernard Parzysz

Problèmes inventifs et TRIZ ...127 Frédéric Quentin

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / PRÉSENTATION 5

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ROBLÈME

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S

)

ET TECHNOLOGIE

P

RÉSENTATION

Joël Lebeaume

Le titre du séminaire « Problème(s) et technologie » peut être spontanément compris d’une façon restrictive en affectant au terme « technologie » la signification de la discipline scolaire qu’il désigne au collège. Un sondage rapide montre en effet que les interprétations spontanées de ce titre mentionnent d’une façon mineure des pratiques professionnelles. Ce sont par exemple des situations associées à des métiers tels que outilleur, concepteur, ingénieur, thermicien… de fabrication de machines en vue d’obtenir une pièce dessinée et définie par un designer, de vérification des performances d’un système par rapport au cahier des charges, de réalisation d’un ensemble soumis à des contraintes particulièrement conflictuelles… En revanche, l’association des termes « problème(s) » et « technologie » évoque à une très forte majorité, des situations scolaires signalées du point de vue des élèves ou des enseignants : assimilation ou acquisition de compétences, évaluation, organisation de l’enseignement… Les descriptions nuancent cependant des questions d’ordre strictement pédagogique et des questions qui sont

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associées à la spécificité des contenus ou des curriculums : apprentissage de la conception, signification des activités, transposition dans l’enseignement de techniques professionnelles… Les réponses spontanées font usage de mots-clés ou de mots-valises qu’il conviendra de préciser : projet technique, contraintes, solution, choix, critique… Ces distinctions permettent de préciser les intentions du séminaire qui propose d’interroger les rapports entre « problème(s) et technologie » au sein des disciplines technologiques. Les questions portent donc sur les usages et significations de l’idée de problème en technologie : « problèmes techniques », « problem solving », « situations-problèmes », « techniques de résolution de problème »… Au-delà des distinctions sémantiques qui

conduisent à nuancer « problèmes », « questions »,

« reproblématisation », « solutions », « résolution », « enjeux », « obstacles », « contraintes », « invention », « découverte », « ouverture », « impossibilité »… il s'agit de caractériser ces « problèmes » dans les enseignements technologiques, à la fois dans leur nature et dans les conditions ou les modalités de production ou d'appropriation. Cela conduit à étudier les rapports entre savoirs et pratiques du point de vue des problèmes.

Les contributions rassemblées dans ces actes constituent des éclairages contrastés et un état de la question dans les didactiques des sciences expérimentales et des mathématiques. Elles précisent ainsi les travaux de référence pour une réélaboration spécifique aux domaines des techniques. Pour la didactique des disciplines technologiques sont ainsi mises en évidence les tensions essentielles entre problèmes et projets, problèmes et conception, problèmes et technicité, problèmes et invention, problèmes et pratiques.

Pierre Vérillon précise d’abord les nuances entre « problème » et « difficulté » puis s’interroge sur les problèmes relevant spécifiquement du champ de la technique, généralement masqués par la conception dominante de la technique comme application des sciences. Il discute alors le dilemme de la connaissance au service de l’action et de l’action au service de la connaissance. Il indique par exemple que la chimie ne se confond pas avec le génie des procédés et que les problèmes en chimie ne sont pas ceux rencontrés dans les pratiques industrielles. Il suggère ainsi de caractériser les problèmes en sciences et en techniques selon les

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / PRÉSENTATION 7

ambitions fondamentales de ces activités et en se référant aux propositions anglo-saxonnes relatives aux paradigmes techniques.

Joël Lebeaume, à partir de l’analyse des discours institutionnels concernant la technologie de l’école moyenne depuis ses origines, relève les acceptions du terme « problème » selon ses usages. Il indique que les problèmes techniques sont signalés d’une façon mineure au profit des projets techniques ou des solutions de principe, graphiques, constructives, etc. Il attire ainsi l’attention sur les relations entre problèmes et solutions techniques et le processus correspondant à l’état intermédiaire ainsi que sur les interactions fondamentales entre macro-problème à l’échelle du projet et micro-problème à l’échelle de la tâche. Du point de vue de la technicité mise en jeu, il met l’accent sur la nécessaire prise en compte des enjeux, des besoins, de la volonté mais aussi des aléas et des risques. Or il constate que dans l’enseignement, les activités sur projet ou sur solutions n’intègrent que très rarement ces dimensions.

La rencontre avec Michel Fabre, auteur de l’ouvrage de référence

Situations-problèmes et savoir scolaire contribue à préciser les aspects fondamentaux des problèmes considérés comme des énigmes, des échecs ou des controverses mais surtout le processus de problématisation, de construction de problèmes, de reconstruction des problèmes afin d’assurer un véritable questionnement dans une perspective de compréhension et d’apprentissage. Est particulièrement discutée la question du sens dans le processus de problématisation selon la proposition de Deleuze, avec les dimensions que sont référence, signification et expression ou manifestation. Sont ainsi mises en question les spécificités des problèmes pratiques (données, conditions). Mais sont surtout interrogées les possibilités d'extension des analyses menées dans quelques disciplines scolaires, au champ des pratiques techniques, de la technique et des disciplines technologiques.

Quatre interventions concernent ensuite les problèmes expérimentaux et les recherches en didactique des sciences expérimentales. Christian Orange s’intéresse aux problèmes explicatifs et montre que la construction des problèmes est un processus qui exige pour les élèves la mise en tension d’un registre empirique et d’un registre des modèles. De ce point de vue épistémologique, la problématisation renouvelle ainsi la

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question des relations entre problème et expérimentation. Maryline Coquidé met l’accent sur les caractéristiques des expériences dans les sciences de la vie qui soulèvent des problèmes de nature différente : pragmatiques, épistémologiques et éthiques. Elle met alors en question la transposition des pratiques scientifiques dans l’enseignement et mentionne l’abréviation scolaire en particulier dans les travaux pratiques. Hélène Richoux, dans le même esprit, rapporte les activités expérimentales réellement mises en œuvre dans les travaux pratiques scolaires en sciences physiques. Elle en caractérise les fonctions scolaires d’illustration, d’application, de motivation, etc. tout en marquant la distance des problèmes effectivement pris en charge par les scientifiques dans leurs pratiques. Enfin, Monique Goffard rappelle les différentes recherches sur les activités de résolution de problèmes en physique et fait part des propositions du laboratoire concernant les problèmes papier-crayon, contribuant à engager les élèves dans une recherche productive, à partir de situations problématiques ouvertes qu’elle précise.

Bernard Parzysz fait le point quant à lui des recherches en didactique des mathématiques sur les situations problèmes. Il présente ainsi les grandes lignes de leur mise en œuvre par l’école française à partir d’exemples se référant aux grandes orientations théoriques de cette didactique : théorie des situations et principes et conditions de mise en œuvre des situations-problèmes dans les classes, dialectique outil-objet et possibilité d’extension du domaine de validité des connaissances. Il met ainsi en évidence les caractéristiques des situations-problèmes dans l’apprentissage des mathématiques.

Enfin, Frédéric Quentin apporte le témoignage de son expérience dans les grandes entreprises industrielles de l’approche des problèmes d’innovation, en particulier à partir de l’usage des outils et de la méthode TRIZ. Cette méthode élaborée par Geinrich Altshuller à partir de l’analyse systématique des brevets contribue à simplifier systématiquement les problèmes pour parvenir à des solutions simples, susceptibles d’être proposées à partir d’un ensemble fini de problèmes résolus exprimés en termes de contradiction technique.

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 9

P

ROBLÈME

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ET TECHNOLOGIE

B

RÈVE INCURSION DANS LA LITTÉRATURE POUR INTRODUIRE LE SÉMINAIRE

Pierre Vérillon

PROBLÈME ET DYNAMIQUE COGNITIVE

Étymologiquement, le terme « problème » (du grec problema,

proballein : jeter devant) renvoie à une réalité qui s’interpose inopinément entre un projet et sa réalisation. Ce peut être un obstacle matériel qui interrompt une progression ou entrave un plan - ainsi à l’origine problema désignerait, entre autres significations [Fabre, 1999], le bouclier c’est-à-dire ce qui intercepte et bloque le coup porté. Ce peut aussi être une question, une interrogation, un doute qui surgit et exige impérativement une réponse, et l’on peut penser à l’énigme que le sphinx adresse au voyageur, interrompant celui-ci dans son trajet. Il y a donc une dimension à la fois spatiale et temporelle à la situation problématique [Caparros-Mencacci, 2000] :

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! d’une part, le sujet se trouve devant un problème, confronté ou face à un obstacle qui s’intercale entre lui et le but poursuivi et qui l’empêche de l’atteindre ;

! d’autre part, le problème oblige à la suspension plus ou moins prolongée de l’action qui était en cours et qu’il a interrompue. Enfin, l’irruption de l’inattendu, de l’imprévu dans la réalisation du projet, ainsi que l’interruption de l’action qui en résulte, ont un effet perturbateur, déstabilisant.

La recherche d’une solution au problème peut être comprise comme un mouvement de réadaptation à la situation, au sens où l’entend Piaget (1975) dans son modèle de l’équilibration des structures cognitives. S’il s’agit de poursuivre et de mener à terme cette action – donc de restabiliser la situation – il faut en effet résoudre le problème, c’est-à-dire trouver une solution qui fasse disparaître l’aspect résistant de l’obstacle qui le constitue. Cette solution peut prendre plusieurs voies : élaborer les moyens permettant d’annuler, en la modifiant, la réalité résistante, modifier le but poursuivi, par exemple en élaborant de nouveaux sous-buts (conduite de détour), modifier la conception générale de l’action poursuivie (changement de cadre).

L’idée de problème, avec son effet déstabilisateur, évoque celle, proche, de difficulté. Mais problème et difficulté ne sont pas équivalents. Ce qui caractérise une situation réellement problématique par rapport à une situation simplement difficile, c’est que face à la première, le sujet ne dispose pas dans son répertoire des moyens matériels et/ou intellectuels qui lui permettraient de la résoudre alors que, par rapport à la seconde, il possède ces moyens mais peine à les mettre en œuvre. Ainsi, l’effort et/ou un gain en habileté permettent tôt ou tard de venir à bout de la difficulté. La résolution de problème, en revanche, exige nécessairement une certaine mesure de création : invention de nouveaux moyens ou utilisation inédite de moyens existants, mais aussi parfois, changement radical de point de vue, réorganisation des connaissances.

PROBLÈME ET PÉDAGOGIE

Il y a donc une motricité, une dynamique cognitive du problème : les problèmes peuvent être à l’origine d’élaborations matérielles et

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 11

conceptuelles nouvelles et aboutir ainsi lorsqu’ils sont résolus à un dépassement de l’état antérieur (idée d’équilibration majorante chez Piaget). À ce titre ils intéressent depuis longtemps les pédagogues qui cherchent à comprendre ce processus et à en tirer parti dans l’enseignement. Les activités de résolution de problèmes occupent un rôle traditionnellement important en éducation formelle (scolaire et professionnelle) et non formelle (les jeux, rébus, devinettes…, proposés aux enfants). D’une part, sous une forme générique, on attend d’elles un effet de développement des capacités intellectuelles des formés : les problèmes stimulent et exercent l’intelligence. D’autre part, la résolution de problèmes spécifiques à un champ donné constitue une voie de formation des novices dans ce champ : par exemple, l’intégration sociale et professionnelle des ouvriers comme des scientifiques passe par une période plus ou moins longue de confrontation à des problèmes ayant été historiquement posés et résolus par leurs prédécesseurs dans ce champ. Dans le champ éducatif, la littérature est assez abondante sur ce sujet : les travaux piagetiens et ceux plus récents liés au développent des sciences cognitives (Bastien, Hoc, Richard, Inhelder et Céllerier, Vergnaud, Weil-Barrais) proposent aux éducateurs un éclairage psychologique sur les processus de résolution de problèmes chez l’enfant. De même, la popularisation des travaux d’épistémologie et d’histoire des sciences (Bachelard, Canguihem et Kuhn, notamment) ont apporté aux enseignants des modèles rendant compte, à l’échelle historique des processus d’émergence et de résolution de problèmes dans les domaines scientifiques et mathématiques. Souvent, en didactique, ces deux approches – psychologique et épistémologique – dialoguent et convergent, ce qui contribue à conférer à la résolution de problèmes un rôle privilégié dans l’analyse et la gestion des apprentissages disciplinaires.

PROBLÈME ET TECHNIQUE

Néanmoins, force est de constater dans ces travaux, l’absence singulière de référence aux problèmes relevant du champ de la technique. La remarque de David Layton (1991) est toujours d’actualité : « Bien que l’on ait conduit de nombreuses recherches sur la résolution de problème

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impliquant la science, rares sont celles liées à des problèmes technologiques ou renvoyant à l’action pratique. »

Les situations de résolution de problèmes techniques s’accommoderaient-elles mal des cadres psychologique et épistémologique ayant fait preuve de leur pertinence en sciences ? C’est le point de vue que nous développons ici en pointant du coup l’existence d’un déficit de réflexion théorique empêchant de penser adéquatement les techniques et la technologie. Nous rejoignons en cela des auteurs qui ont déploré le désintérêt – voire l’évitement1 – historique manifesté par la sphère

savante à l’égard du champ des techniques. Sauf cas marginaux, cette indifférence aux techniques a pu être globalement reprochée à la philosophie (Simondon, Stiegler), aux sciences humaines (Sigaut, Godelier) ou à la psychologie (Weil-Barrais). On peut alors penser avec Perrin que la représentation actuellement dominante de la technologie comme « une application des sciences de la nature à la fabrication d’artefacts » vient combler ce vide conceptuel. Pour Lecourt (1994), cette idée de technologie comme science appliquée est contemporaine du positivisme d’Auguste Comte pour qui la technique entretiendrait avec la science un triple rapport « de postérité, d’imitation et de subordination ». Pour Sigaut (1991), elle remonte à Bacon et elle postule qu’au fond, « il n’y a pas de différence entre technique et science ; la technique est science non encore théorisée (mais appelée à l’être)… à la limite, il n’y a pas de technique, seulement des applications qui ne sont chacune qu’une sous-rubrique de la spécialité scientifique correspondante (p. 76) ».

On comprend que, pour les tenants de cette conception, il n’y ait pas de spécificité des problèmes techniques. Puisque, comme le souligne Layton, dans cette optique, « l’acte d’application n’est rien moins que non-problématique et routinier (p. 48). », les seuls problèmes qui puissent surgir relèvent de la phase d’élaboration scientifique. En réalité, cette vision des réalisations techniques comme étant in fine des applications dérivées de savoirs scientifiques n’est tenable ni face à l’histoire des techniques ni face à l’analyse d’activités techniques réelles. Même si, depuis l’avènement de la science moderne, sciences et techniques entretiennent des liens réels, la compréhension des approches

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 13

scientifiques et techniques ne gagne rien à ce que celles-ci soient confondues. Aussi, pour mieux situer les situations problématiques dans chacune, on peut tenter de les distinguer selon trois dimensions : leur projet, leur rapport au réel et leur régime de connaissance2.

PROJET DE LA SCIENCE, PROJET DE LA TECHNIQUE

Communautés scientifique et technique se différencient d’abord en fonction de leur projet : la science vise à développer l’intelligibilité du monde alors que la technique recherche la production d’avantages matériels. Selon Skolimowski (1966), la science a une visée cognitive : elle produit des connaissances. Elle s’intéresse à ce qui est (au réel). Le moteur de la production scientifique, c’est le développement théorique ; en conséquence, le progrès scientifique se mesure à l’ajustement de plus en plus fin des théories aux données empiriques dont elles cherchent à rendre compte.

Par contraste, la technique (technology) a une visée pratique : elle s’intéresse à ce qui devrait ou pourrait être. Elle crée de la réalité (les artefacts) selon un dessein3. Le moteur de la production d’artefacts, c’est

le développement d’effets intéressants, de sorte que le progrès technique se mesure en terme d’efficacité – celle des artefacts à produire les effets attendus. Ainsi, pour Skolimowski, chaque champ technique se caractérise par la valorisation d’un effet privilégié, d’une visée dominante, qui rend compte de l’activité et de « la structure de pensée » des acteurs dans le champ (parfois à leur insu). Par exemple, dans le domaine du génie civil et militaire, c’est la recherche de la durabilité qui structure les pratiques, les normes et la technicité des communautés engagées. De même, le souci du rendement anime les mécaniciens, la précision taraude les cartographes, etc…4. D’autres critères sont bien

entendu pris en compte dans un champ – coût, sécurité, esthétique, par

2 On s’inspire notamment ici du travail de la SHOT (Society for the history of technology) sur ces

questions et des synthèses de Staudenmaier et Frey.

3 Skolimowski reprend ici la distinction que faisait Aristote entre art et science. L’art fait advenir

quelque chose qui pourrait ne pas advenir et qui trouve son origine non dans la chose mais dans l’idée de son concepteur alors que la science s’intéresse à des réalités qui existent nécessairement et indépendamment de la volonté du savant.

4 Cette visée dominante rend compte également de l’histoire passée et présente du champ. Pour

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exemple – mais toujours relativement au facteur qui domine le champ et qui est de fait le plus instrumental dans la production de l’avantage recherché. Jarvie (1966) relativise la position de Skolimowski : pour lui, la visée dominante (overriding aim) qui oriente et structure une solution technique donnée « est toujours déterminée par un problème socialement posé et non par le champ technologique ». Mais qu’est-ce qu’un champ technologique sinon un champ constitué historiquement autour d’une classe de problèmes techniques socialement posés.

RAPPORT AU RÉEL EN SCIENCE ET EN TECHNIQUE

Science et technique partagent un point de vue réaliste sur le monde. Ensemble elles postulent l’existence d’une réalité objective possédant des propriétés relativement stables et manifestant des comportements prévisibles, de sorte qu’il est possible d’agir sur elle en anticipant les effets de l’action exercée. C’est ce commun accord sur la réalité et la régularité d’un monde qu’elles prennent toutes les deux pour objet qui suggère la vision de la technologie comme science appliquée. Mais leur projet respectif détermine des rapports différenciés à cette réalité : comme l’affirme Frey (1991), la science considère le monde comme un objet à connaître alors que la technique le considère comme un objet à utiliser. Dans sa quête d’une connaissance non biaisée, la science s’efforce de développer un rapport neutre et désintéressé à la réalité, notamment en se défendant des points de vue subjectifs et des jugements de valeur. Pour la même raison, elle n’exclut a priori aucun aspect du réel comme étant indigne d’investigation scientifique ; toute réalité peut légitimement prétendre à être objet de connaissance.

La technique en revanche voit le réel comme une ressource à exploiter ou un obstacle à vaincre. Selon la visée technique du moment tel aspect du réel sera valorisé, tel autre sera considéré comme négatif, tel autre encore sera ignoré. Par exemple, sur un même engin de transport, les phénomènes de frottement constituent conjointement un atout à maximiser (dans les phases de freinage) et un obstacle à minimiser (phases de mouvement). Le rapport technique au monde varie donc en fonction de l’avantage recherché, du contexte et du moment. Cette dépendance à l’égard des situations caractérise la technique et favorise la

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 15

disposition à l’opportunisme et la ruse (la métis, l’intelligence des situations) qui constitue la marque du technicien (ingénieur, médecin, militaire…) et le distingue assez fortement du scientifique.

Science et technique entretiennent ensemble un rapport actif au monde : toutes deux procèdent en provocant des transformations du réel. Mais ces transformations n’ont pas le même statut. En se référant à Cellérier (1979), on peut distinguer des transformations épistémiques et des transformations pragmatiques. Les premières renvoient aux activés de détection (cf. les opérations de sondage en navigation ou en études d’opinion) ou des opérations « pour voir » (cf. les manipulations enfantines ou les expérimentations scientifiques). Elles ont pour but de mettre en évidence une propriété du réel : sous la transformation en question, il s’agit de faire apparaître un aspect invariant ou systématiquement variationnel du réel. Elles caractérisent l’investigation savante.

Les transformations pragmatiques, en revanche, visent à produire des états ou des configurations du réel qui sont jugés intéressants en eux-mêmes pour le profit qu’ils procurent. La cuisson d’un aliment, la fabrication d’un outil ou d’un abri, la synthèse d’un matériau ou d’un OGM sont des exemples de telles transformations qui confèrent à la matière des propriétés souhaitées et donc une valeur nouvelle. Elles caractérisent les activités techniques. On remarque que ces transformations produisent des artefacts : la manipulation et le réarrangement pragmatique d’invariants (physico-chimiques, biologiques) aboutit à des êtres artificiels dotés de caractéristiques inédites mais anticipées.

RÉGIME DE CONNAISSANCE EN SCIENCE ET TECHNIQUE

Transformations épistémiques et pragmatiques n’entretiennent pas un rapport identique à la connaissance. Les premières sont conçues pour réduire des incertitudes relatives au monde, donc pour produire de l’information et de la connaissance ; ici, l’action est au service de la connaissance. Les secondes mobilisent des constats d’invariance relatifs à la réalité pour produire un effet intéressant, un état avantageux, ou un artefact utile ; la connaissance est au service de l’action.

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La connaissance au service de l’action présente-t-elle les mêmes caractéristiques que la connaissance à visée descriptive et explicative ? On peut distinguer savoirs théoriques et savoirs d’action. Les savoirs théoriques visent à établir des corpus articulés de propositions tenues pour vraies sur le réel et susceptibles d’être soumises à une vérification empirique. Ces corpus tendent à la cohérence, la non-contradiction, l’exhaustivité, la généralisation. Ils permettent de dériver des questions et des conjectures nouvelles qui à leur tour sont susceptibles d’être validées ou réfutées. Dans la mesure où ils ont une validité empirique, les savoirs scientifiques sont en principe mobilisables pour un projet utilitaire. Mais comme le montre Layton à propos de l’industrie chimique, la mise en œuvre dans une production de grande échelle de résultats de recherche obtenus en laboratoire soulève des problèmes pratiques redoutables.

Les savoirs pratiques constituent, comme les savoirs savants, des prises de position sur des constats d’invariance du réel. Comme eux, ils permettent de fonder des conjectures. Cependant l’enjeu de ces conjectures n’est pas l’établissement d’une vérité, mais la réussite ou l’efficience d’une action : en technique, « la preuve c’est que ça marche ». Selon Bunge (1985), les connaissances scientifiques s’énoncent sous forme nomologique, c’est-à-dire sous forme d’une assertion qui peut être jugée vraie ou fausse. Les savoirs techniques, les savoirs d’action en général, s’expriment en revanche sous forme nomopragmatique, dont l’archétype est la recette : « pour obtenir tel effet, effectuer telle action ». Une telle proposition n’appelle pas un jugement de véridicité mais d’efficacité. En outre, contrairement au caractère impersonnel de la proposition nomologique, la proposition monopragmatique renvoie implicitement à l’existence un agent (humain ou artefact).

D’une assertion nomologique vraie (« l’eau gèle à 0°C ») on peut dériver des propositions nomopragmatiques efficientes (« pour empêcher l’eau de geler, la maintenir à une température supérieure à 0°C »). L’inverse n’est pas vrai : par exemple, la règle appliquée par les frères Montgolfier (« pour obtenir l’ascension d’un ballon, le gonfler avec la fumée d’un feu de paille ») pour s’être révélée efficiente, repose sur un théorème en acte faux (« la fumée et autres vapeurs ont un pouvoir de lévitation. »). Mais, contrairement au physicien Charles, leur contemporain qui théorisera le

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phénomène, la motivation des Montgolfier n’était pas l’intelligibilité, mais seulement l’obtention de l’effet. Cette situation d’un savoir efficace fondée sur une conception erronée est relativement fréquente, y compris dans la technologie de pointe [Vincenti, 1990].

QU’E S T-CE QUI CONSTITUE UN PROBLÈME EN SCIENCE ET EN TECHNIQUE ?

De ce qui précède, on pourrait dégager pour chacun de ces deux domaines d’activités humaines deux classes de problèmes : d’une part, des problèmes de fond qui constituent des défis à la visée dominante du domaine et, d’autre part, des problèmes dérivés posés au cours du processus de résolution des problèmes fondamentaux.

Le projet de la science est épistémique ; il est de rendre intelligibles des régularités constatées dans le monde à travers des théories qui établissent des relations significatives et vérifiables entre le connu et le non encore connu. Dans ce contexte, il y a fondamentalement problème quand apparaissent de l’inintelligible, des phénomènes dont on ne peut pas rendre compte, des « énigmes » au sens de Kuhn (1983). Selon cet auteur, en régime « normal » de la science, ces énigmes sont résolues par la communauté concernée par ces phénomènes, en mettant en œuvre les connaissances et les procédures disponibles dans le champ (les problèmes dérivés seraient alors les problèmes – conceptuels, méthodologiques, expérimentaux… – soulevés à cette occasion). Il arrive cependant que les connaissances disponibles soient partiellement déstabilisées par l’énigme et nécessitent un réajustement, un raffinement théorique. Dans ce cas, une fois ce réajustement effectué, la structure cognitive globale – ce que Kuhn nomme le paradigme – s’en trouve enrichie, confortée et renforcée. Sous ce régime normal, la science se développe de manière cumulative.

Mais parfois une énigme résistante – le plus souvent, un ensemble d’énigmes – révèle une « anomalie » profonde du paradigme : le cadre conceptuel existant ne permet plus de penser certains observables. Les descripteurs habituels eux-mêmes paraissent inadéquats. Seule une « révolution scientifique », imposant un renouvellement des concepts et de la phénoménographie – et donc un changement de paradigme, permet alors de résoudre la crise. Pour Kuhn, ces révolutions scientifiques se

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distinguent du régime normal en ce qu’ils constituent des « épisodes non cumulatifs de développement ». À ces épisodes, Kuhn associe un certain nombre de savants : Copernic, Lavoisier, Newton, Einstein…

Le projet de la technique est de procurer des avantages. Si l’on restreint la technique au sens qu’elle a dans la sphère industrieuse5, les avantages qui

la caractérisent renvoient à la satisfaction des besoins matériels, au sens où Braudel parle de « civilisation matérielle ». La technique réalise son projet en concevant et réalisant des artefacts qui contribuent à réduire « l’état de besoin » : auxiliaires matériels et sémiotiques de l’action, protections contre les phénomènes agressifs, aménagements de la nature, etc…

Il y a donc un problème de fond pour une technique lorsque les artefacts – ou systèmes d’artefacts – existants ne permettent pas la réalisation d’un avantage anticipé. En suivant Laudan (1984), on peut distinguer plusieurs catégories de situations problématiques6 :

! lorsqu’un artefact qui permettrait de procurer un avantage pressenti fait défaut (vaccin contre une maladie actuellement incurable, énergies de remplacement) ;

! lorsqu’un artefact existant manifeste des insuffisances fonctionnelles (transports urbains, logiciels de traduction) ;

! lorsqu’on soupçonne que les propriétés d’un artefact existant

pourraient avoir des applications avantageuses dans un autre contexte (extension des usages du téflon, de la carte à puce) ;

! lorsqu’il y a contradiction entre les avantages et inconvénients d’un artefact (coût prohibitif, pollution, sécurité, incompatibilité avec d’autres artefacts) ;

! lorsqu’il y a anticipation qu’un artefact actuellement satisfaisant connaîtra dans l’avenir des limites (moteurs à carburants non renouvelables).

Vincenti souligne que ces problèmes peuvent être approchés sous plusieurs points de vue : conception, fabrication, usage.

5 Weber affirme que chaque sphère d’activités humaines – religieuse, artistique, scientifique, etc.

dispose d’une base technique propre.

6 En gardant à l’esprit que ces situations peuvent être rencontrées au niveau macro du système, au

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 19

Simondon (1967) rappelle que l’objet technique réalise un couplage entre deux réalités hétérogènes : organisme et milieu. Il soulève donc trois sortes de problèmes : de relation de l’artefact au milieu, de relation de l’artefact à l’utilisateur et de relation de l’artefact à lui-même (problème de l’organisation interne de ses composants). Pour l’auteur, les problèmes de médiation, c’est-à-dire de relation aux extrêmes, se résolvent par adaptation progressive et continue. Les problèmes de cohérence interne et d’auto-corrélation des composants ne sont par contre résolus que par des actes inventifs, nécessairement discontinus. Le progrès technique présente donc un caractère oscillatoire : les progrès de médiation en s’accumulant soulèvent des problèmes d’auto-corrélation qui, une fois résolus, permettent à nouveau des perfectionnements aux extrêmes.

Constant (1980) a tenté de généraliser à l’univers de la technique le modèle de Kuhn. Une innovation technique majeure – la machine à vapeur, l’avion, le réacteur nucléaire – lorsqu’elle s’avère viable socialement et économiquement, constitue une révolution technique (technological revolution) et génère une communauté industrieuse d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers, d’administratifs qui détectent et gèrent les problèmes de mise en œuvre et de développement de la solution technique. L’ensemble des objectifs, des pratiques, des conceptions, des instruments partagés par cette communauté constitue selon l’auteur un paradigme technique (technological paradigm). Tant que les problèmes rencontrés peuvent être résolus dans le cadre du paradigme, on est en régime de technique normale (normal technology). Vincenti précise que ces problèmes peuvent concerner, d’une part, le « principe opératoire » de l'artefact qui définit la façon dont ses composants constitutifs concourent fonctionnellement à la réalisation de sa finalité7 et, d’autre part, sa « configuration normale », c’est-à-dire la

morphologie générale ou de l'arrangement structurel communément admis comme étant l'incarnation la meilleure du principe opératoire. Pour lui, c’est l'association d'un principe opératoire et d'une configuration normale qui constitue, une fois qu’une innovation est stabilisée, la « technique normale » au sens de Constant. Le travail de (re)conception « normal » consiste à améliorer un dispositif existant ou à l'adapter à des

7 Un principe opératoire définit une classe d'artefacts et la distingue d'une classe fonctionnant sur un

(22)

conditions plus contraignantes ou inédites. Un travail de (re)conception « radical » aboutit soit à s'écarter de la configuration normale soit à modifier le principe opératoire.

Constant distingue deux types d’anomalies, qui peuvent conduire à une révolution technique : la défaillance paradigmatique (paradigmatic

failure) lorsqu’une solution technique établie manifeste des limitations fonctionnelles graves et l'anomalie par présomption (presumtive anomaly) lorsque, sans qu'il y ait défaillance du dispositif ou système existant (la propulsion à hélice, par exemple), des considérations scientifiques permettent de penser soit que, dans des conditions ultérieures, ce système connaîtra des limites, soit qu'un système radicalement différent pourra le remplacer avantageusement. Selon Constant, la crise n’apparaît cependant que si un paradigme alternatif est envisageable.

On peut néanmoins s’interroger sur la charge révolutionnaire des anomalies techniques par rapport aux anomalies scientifiques. La tentative de Constant est intéressante mais de nombreux travaux montrent que contrairement à ce que l’on constate en sciences, des paradigmes techniques concurrents dans un même champ ne sont pas fondamentalement incompatibles et peuvent coexister longtemps : la traction hippomobile, la marine à voile, les moteurs hydrauliques ont longtemps coexisté avec la machine à vapeur. Staudenmaier (1985) souligne qu’une solution technique peut se maintenir longtemps du fait de sa prégnance culturelle, de la persistance des avantages qu’elle procure, de sa longévité matérielle, et des investissements notamment financiers que son acquisition a représentés. D’autre part, comme le fait remarquer Vincenti, si la communauté scientifique constitue le destinataire principal de ses propres productions (les scientifiques sont sur ce plan essentiellement leurs propres usagers), la communauté technique est indissociablement liée en aval aux utilisateurs des artefacts qu’elle produit. Il y a donc un ancrage social plus large des paradigmes techniques qui leur confère une plus grande inertie.

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PROBLÈME(S) ET TECHNOLOGIE / INTRODUCTION AU SÉMINAIRE 21 RÉFÉRENCES

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PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 23

P

ROJETS

,

PROBLÈMES

,

SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

Joël Lebeaume

I. INTRODUCTION

Quelles que soient ses formes de discipline scolaire depuis le début des années 1960, l'éducation technologique souhaite modifier le rapport des élèves à leur milieu technicisé qui se présente d'abord comme un ensemble d'artefacts c'est-à-dire de solutions diverses et variées selon les lieux et les époques. Dans les nouveaux programmes de technologie pour les classes de troisième, un ensemble d'activités est désigné par « recherche et détermination de solutions » ainsi que « histoire des

solutions à un problème technique »1. Ces rubriques des programmes

indiquent implicitement l'existence de relations entre solutions et problèmes tout en les caractérisant par le qualificatif « technique ». Quel

1 Cf. B.O. n° 10 du 15 oct. 1998.

Remarque : les termes figurent aussi dans la présentation de la technologie au collège (arrêté du 29 mai 1996) «[…] les solutions à un problème posé sont multiples », « les élèves […] analysent produits, productions et services du point de vue des solutions techniques […] ».

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sens attribuer à ces termes « solutions » et « problèmes » pour l'enseignement de la technologie ? Quelles sont leurs relations éventuelles ? Quels sont aussi leurs rapports avec les projets techniques ou les réalisations sur projet ? Quelles sont leurs implications sur la définition des tâches des élèves ? Quelles sont leurs limites ? Parallèlement, la valorisation de l'enseignement par situations-problèmes tend à superposer un point de vue psychologique ou pédagogique sur les activités techniques. Fondamentalement est ainsi posée la question de la relation entre projets, problèmes et solutions dans l'enseignement de la technologie structurée par les derniers programmes. Telles sont les interrogations essentielles qui guident l'exploration menée par l'analyse des discours sur la technologie et son enseignement. Après une tentative de caractérisation des solutions et des problèmes techniques, l'analyse comparée des propositions pour l'enseignement depuis 1960 souhaite décrire les tâches généralement définies pour les collégiens et préciser leurs relations aux situations techniques. Les implications de ces orientations privilégiées des activités scolaires sur le développement des nouveaux programmes sont enfin précisées.

2. SOLUTIONS, PROBLÈMES TECHNIQUES 2.1. À la recherche des solutions

L'intelligibilité du milieu technicisé varie selon les points de vue portés sur le monde des solutions, qui en circonscrivent les frontières [COPRET, 1984 ; Y. Deforge, 1984]. En ce sens, une solution est un agencement d'organes, un complexe de fonctions techniques, une combinaison de procédés, une marchandise, un produit, un processus, une œuvre humaine, une invention, une production sociale… Dans cette acception, le terme « solution » désigne un résultat et un état provisoirement final. Dans le domaine technique, cette réalité qui n'existe pas ex-nihilo résulte de l'opération mentale qui assure le dépassement d'une difficulté ou la résolution d'un problème théorique ou pratique, telle que la définition lexicale du terme l'indique [Petit Robert, 1998]. « Solution » renvoie à la fois à l'état initial qu'elle fait disparaître et au processus permettant cette transformation d'état. Selon le point de vue porté sur une solution, ce changement correspond par exemple à la satisfaction d'un besoin

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PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 25

individuel ou collectif ou bien à celle d'une entreprise ou d'une administration. Le « Scenic » est ainsi susceptible d'assurer le déplacement d'une famille tout autant que de conforter la place de Renault, pionnier sur ce marché du monospace. De même, le « Millionnaire » apporte la satisfaction aux amateurs de jeux tout en assurant le développement de La Française des Jeux. L'état initial d'insatisfaction ne se limite pas ainsi au seul besoin des utilisateurs. Il correspond aussi à une intention de l'entreprise avec ses enjeux économiques et sociaux. Dans le même sens, l'état final s'exprime selon ces deux points de vue, en termes de rapport entre services rendus et services attendus pour le premier et en termes de retour sur investissement pour le second. Les solutions contemporaines sont largement dépendantes de ces critères de qualité et de rentabilité qui en assurent l'existence même. Toutefois ces deux facteurs ne déterminent pas complètement les solutions dont la diversité témoigne d'espaces de décisions leur permettant d'une part de se démarquer les unes des autres dans le milieu concurrentiel de leur existence et d'autre part de prolonger leur évolution et leur concrétisation comme une sorte de défi des ingénieurs et techniciens [G. Simondon, 1969]. Les solutions restent en ce sens des créations humaines [C. Castoriadis, 1978] et portent les traces de la volonté permanente d'innovation et d'invention de solutions nouvelles et révolutionnaires [J.-P. Séris, 1994].

2.2. À la recherche des problèmes techniques

À la différence de « solution », « problème » est plus souvent qualifié de « technique » bien que les tables de matière ou les sommaires des ouvrages généraux2 soient particulièrement discrets pour préciser ces

2 Ouvrages consultés :

FLICHY, P. (995). L'innovation technique. Paris : Éditions de la découverte. JACOMY, B. (1990). Une histoire des techniques. Paris : Seuil.

GILLE, B. (dir). (1978). Histoire des techniques. Paris : Gallimard (Encyclopédie de la Pléiade). LEROI-GOURHAN, A. (1943-1965) L'homme et la matière ; Techniques et milieu. Paris : Albin Michel.

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PERRIN, J. (coord.). (1991) Construire une science des techniques. Limonest : L'interdisciplinaire. PERRIN, J. (1988). Comment naissent les techniques. Paris : Publisud.

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« problèmes techniques ». Seul J.-P. Séris (1994) aborde directement cette question : « Si la technique est la maîtrise des solutions, comment se fait-il qu'on puisse parler de problèmes techniques ? La question est oseuse, si le problème technique est celui dont la solution est elle-même technique ! ». Les problèmes techniques peuvent être décrits par un résultat fixé et par une recherche de moyens dans un contexte de contraintes et de ressources. Toutefois, les aléas et les enjeux y sont tou-jours associés car l'action technique intervient avec et contre des « données problématiques » [D. Layton, 1991]. Les échecs, comme par exemple le récent accident nucléaire au Japon ou bien les maintes tentatives de machines volantes au début du XXe siècle, précisent ces

contraintes à la fois physiques et humaines omniprésentes dans les génies techniques et que souhaitent mieux connaître les sciences pour l'ingénieur [J. Lebeaume, 1997]. Ainsi pour J.-P. Séris, le risque inhérent au réel (matériel et humain) que la technique transforme ou sur lequel et avec lequel elle agit, est fondamentalement intégré aux problèmes que prennent en charge les hommes de la technique, conduits à faire appel à leur « ingenium » [H. Vérin, 1993]. Les problèmes techniques se confondent alors avec des projets de réalisation désignés par un résultat visé, envisagé ou espéré dans un contexte de contraintes et de ressources et avec les risques liés aux enjeux, aux aléas, voire à l'impossibilité technique. Ils sont toutefois distincts selon le plus ou moins grand dépassement qu'ils impliquent. Certains sont des projets circonscrits qui exigent surtout l'analyse des contraintes, la mobilisation et l'adaptation des ressources. D'autres liés à un incident, une panne ou à une difficulté imprévue et imprévisible impliquent de reconsidérer le problème de la technique pour dépasser l'obstacle. Les derniers, enfin, imposent une refonte du cadre conceptuel et conduisent à des inventions ou à des solutions auparavant inimaginables et impensables.

2.3. Entre solutions et problèmes

Les solutions résultent de l'existence d'un besoin, d'une volonté et d'un enjeu mais aussi du processus assurant leur satisfaction respective. Ce processus fondé sur l'efficacité des moyens consiste d'une part en une

SALOMON, J.-J. (1992). Le destin technologique. Paris : Balland. SCHEPS, R. (dir). (1994). L'empire des techniques. Paris : Seuil.

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PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 27

phase d'étude et d'autre part en une phase de mise en œuvre3. À la

première correspond la solution choisie, déterminée, définie et à la seconde la solution produite, diffusée, utilisée. Entre solutions et problèmes, figure ainsi un état intermédiaire que peut représenter le prototype en tant que premier exemplaire d'une série et qui intègre un ensemble de solutions partielles à des problèmes de clarification du besoin pour cerner la demande, de définition de stratégie commerciale pour atteindre la cible, de dimensionnement pour résister aux contraintes physiques, de cotation pour permettre le fonctionnement ou la production… Ce sont principalement des études liées à la création d'une

entité structurale qui assurent la convergence de l'ensemble des fonctions4

et qui anticipent l'industrialisation, la commercialisation et l'utilisation. Elles font appel à de nombreux outils de l'analyse fonctionnelle pour imaginer les principes, explorer les solutions de principe et retenir la solution. La deuxième phase pose également des problèmes spécifiques liés à la gestion des flux matériels, informationnels, énergétiques et monétaires, aux contraintes de durée et de délai dans l'approvisionnement et la distribution, à la maintenance des équipements, au facteur humain, aux contrôles… pour lesquels l'optimisation est assistée par de nombreux outils et méthodes.

Recherche et développement de la solution

solution diffusée solution définie solution attendue développement recherche {ressources} {contraintes} {aléas} besoin } enjeux } volonté } {ressources} {contraintes} {aléas} satisfaction état intermédiaire

insatisfaction initialétat finalétat

3 Remarque : cette distinction est aussi celle entre construction mécanique et productique telle qu'elle

est présentée dans les formations technologiques et dans les qualifications ou les emplois.

4 G. Simondon (1969, 22) définit le problème technique en ces termes : « le problème technique est

plutôt celui de la convergence des fonctions dans une unité structurale que celui d'une recherche de compromis entre des exigences en conflit ».

(30)

Un projet technique associant recherche et développement de la solution peut être considéré comme un macro-problème technique dont la résolution exige le traitement d'une infinité de micro-problèmes techniques en interaction, caractérisés également par l'absence de solutions a priori mais par leur diversité potentielle5 [Y. Deforge, 1973].

Obtenir un trou ne préjuge pas du moyen utilisé par moulage de matière autour d'un noyau ou par enlèvement de matière selon des procédés distincts. De même stopper provisoirement l'écoulement d'un fluide ne prédéfinit pas la solution du robinet, qui selon le contexte peut préférer le changement d'état du fluide, le pincement du conduit voire le bouchon. Dans un autre domaine, étendre une gamme de boissons ne présuppose pas le mélange, le goût et la couleur pas plus que le graphisme ou le prix. La solution définitive, quelle que soit la complexité des projets, est toujours un choix parmi d'autres, opéré grâce à « l'audace instruite » [J.-P. Séris] mais qui demeure provisoire et toujours risquée.

3. TÂCHES EN ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 3.1. Tâches et problèmes

Dans le domaine de l'enseignement, « problème » est un terme

généralement associé aux modes d'enseignement6 et aux méthodes

pédagogiques, dépassant son initiale définition scolaire7 : « question à

résoudre par les éléments donnés dans l'énoncé » [A. Rey, 1998]. Pour les élèves, les tâches problématiques – qui leur posent problème – sont en effet considérées comme favorables aux apprentissages nouveaux,

5 DEFORGE, Y. (1973). L'éducation technologique. Paris : Casterman. (ch 3 : problèmes techniques

et technologie).

voir aussi : GÉMINARD, L. (1967). Technologie et pédagogie. Paris : I.P.N.

6 Voir par exemple la comparaison de dispositifs didactiques dans la résolution d'un problème de

GRAFCET : GINESTIÉ, J. (1992). Contribution à la didactique des disciplines technologiques –

Acquisition et utilisation d'un langage d'automatisme. Thèse de l'université de Provence Aix-Marseille I (sous la direction de R. Amigues).

7 Cette définition est généralement associée à l'arithmétique comme dans :

F.P.B. (1877). Recueil de Problèmes présentant l'application des opérations de l'arithmétique aux

diverses branches du commerce et de l'industrie. Tours : Mane ou bien :

CONDEVAUX. G. (1959). J'apprends à résoudre les problèmes de la vie pratique. Paris : Bourrelier.

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PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 29

contrairement aux tâches machinales qui ne font appel qu'à des procédures incorporées [Y. Chevallard, 1995]. Les situations-problèmes impliquent alors que la difficulté ne puisse être résolue sans apprentissage [P. Meirieu, 1988]. Toutefois, M. Fabre (1999) attire l'attention sur la restriction et la dilution du sens du terme « problème » tout en rappelant les trois acceptions lexicales associées à projet, difficulté et saillance. Pour l'éducation technologique, S. Hennessy & R. McCormick (1994) soulignent la confusion entre « problem-based learning » et « teaching

problem-solving methods ». En effet, l'éducation technologique peut être considérée comme un moyen pédagogique contribuant à l'acquisition des compétences transversales de résolution de problème (identification des données, recherche d'idées, comparaison critique, évaluation et jugement…). Ces intentions éducatives risquent toutefois de dénaturer l'éducation technologique en soumettant les élèves à des microtâches problématiques ou à des situations-problèmes très distantes du projet et du problème techniques. En France, au début des années 1990, l'apprentissage systématique de la méthodologie de projet et de l'usage des outils d'optimisation a ainsi détourné l'éducation technologique de ses fondements. Maintenir ses ambitions éducatives suppose la définition de tâches accessibles aux élèves, compatibles avec l'enseignement et significatives par rapport au monde de la technique qu'elle souhaite faire comprendre. L'analyse comparée des propositions pour les élèves dans les trois formes que sont la technologie des années 1960, l'éducation manuelle et technique de la fin des années 1970 et sa version depuis 1985, souhaite décrire et analyser les tâches des élèves et leurs rapports aux solutions, problèmes et projets techniques.

3.2. Solutions de principe, solutions graphiques

L'étude des mécanismes, centrale dans la première technologie scolaire, souhaite éclairer le monde des machines. La redécouverte ou la réinvention de ces solutions constructives constitue alors l'essentiel des

tâches des élèves8. Les recommandations pédagogiques suggèrent en ce

8 Instructions n°64-352 du 11 août 1964 (enseignement de la technologie en 4e et 3e modernes) BO

n°31 (27/08/64) 1852-1859 : « le professeur s'efforcera donc de choisir pour thèmes de ses leçons […] des objets très simples, d'usage courant dans les milieux que l'enfant fréquente. Certains devront être de construction assez élémentaire pour donner naissance à des problèmes faciles à

(32)

sens de présenter la leçon comme un problème « parce que la prise de conscience du problème crée la motivation et l'attitude de recherche » [A. Payan, 1969]. Défini comme « un complexe d'idées et de connaissances incomplet », le problème est susceptible de déclencher l'inquiétude, la curiosité et le besoin de chercher une solution. Sur ce mode d'enseignement inductif, le modèle de la leçon précise ces tâches : présentation d'un problème pratique faisant apparaître un besoin, énoncé du besoin en termes de fonctions, recherche des idées conduisant au principe d'une solution, étude par le schéma, l'essai, l'expérimentation de cette solution, observation de la solution existante et étude comparative et critique au vu des recherches préliminaires. À titre d'exemple, l'étude de la perforatrice de bureau vise l'approche des conditions de fonctionnement du mécanisme et plus particulièrement les aspects cinématiques. Par la mise en évidence des difficultés et des contraintes du cisaillage, du déplacement de la tige, des relations entre l'action de l'utilisateur et le résultat… grâce à des expérimentations à l'aide de cales de bois percées, de tiges de différents diamètres… l'élève perçoit les relations entre les solutions et les contraintes redécouvertes. Cette technologie qui initie à l'analyse technique [F. Canonge, 1967] privilégie des tâches centrées sur les solutions avec une organisation pédagogique qui contribue à leur reproblématisation [M. Postic, 1971]. Dans cette proposition qui délibérément ne souhaite pas aborder la fabrication, les tâches portent sur l'état initial et l'état intermédiaire ainsi que sur les relations entre besoins, solutions de principe et modèle concret. Plus accessoirement, elles s'intéressent à l'état final que représentent les solutions commercialisées, comparées et critiquées.

3.3. Problèmes d'alimentation, d'habillement…

L'éducation manuelle et technique (EMT) qui maintient l'approche de réalisation souhaite développer « l'intelligence liée à l'action ». Ses programmes mentionnent deux genres de problèmes : les problèmes

résoudre pratiquement, soit au moyen de travaux manuels appropriés, soit par le truchement d'expériences faciles à réaliser avec un matériel pédagogique adapté. […] S'agissant d'observer les effets de celles (les lois) dont les élèves ne peuvent aborder l'étude, les manipulations, les essais, les mesures, la résolution de problèmes par la voie graphique, les opérations de démontage et de remontage, quelques exercices élémentaires de construction viendront apporter l'indispensable complément d'information. »

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PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 31

concrets9 pour le cycle d'observation et les problèmes d'habillement, de

construction, d'alimentation, de mécanique et de mécanismes pour le

cycle d'orientation10. Les premiers sont clairement désignés comme des

exercices psychomoteurs et cognitifs conçus comme des préliminaires aux travaux de fabrication et aux lectures de schémas. Les seconds ne sont en revanche précisés ni dans leur nature, ni dans leurs caractéristiques. Les problèmes d'alimentation se confondent ainsi avec des problèmes nutritionnels, ceux de construction portant initialement sur les structures deviennent les problèmes de l'habitat et du cadre de vie…

L'analyse des manuels11 permet cependant de les préciser, en particulier

au regard de « l'unité du raisonnement technologique » qui en constitue une intention fondatrice. En alimentation, il s'agit généralement de réaliser un plat en tenant compte des contraintes nutritionnelles et hygiéniques, en recherchant l'ordonnancement des opérations à l'aide d'organigramme et en exerçant des gestes professionnels. Pour le domaine

9 Cf. arrêté du 17 mars 1977 :

« Problèmes concrets : En utilisant des outils simples de traçage, de coupe, d'assemblage et en agissant sur des matériaux légers (papier, carton, fils souples, etc.), l'élève commencera par développer systématiquement ses aptitudes psychomotrices au travail manuel : sens de l'observation, capacités sensorielles, dextérité, intelligence de l'action, etc.

- exercice de structuration du plan et de l'espace (traçages, repérages sur une figure plane, un cylindre, une sphère ; mesures précises de longueurs, d'angles, de diamètres, etc.)

- classements et combinaisons de formes (assemblages et emboîtements ; tressages, tissages, etc.) - recherches de symétries (par pliages, découpages, traçages, etc.)

- construction de surfaces et volumes divers. »

Remarque : pour les propositions les plus développées voir : BEHM, C. (1977, 1978). Problèmes

concrets, cycle d'observation. Paris : Bordas. (premier et deuxième fascicule avec livret d'accompagnement). voir aussi : BEHM, C. (1977). « Problèmes concrets ». Fiches documentaires EMT. Paris : CNDP. 3, 3-21.

10 Arrêté du 17/06/80 : programme EMT 4e et 3e (se substitue à ceux de l'arrêté du 16/11/78).

4e : aspects technologiques et réalisations relatifs aux problèmes d'habillement, aspects technologiques et réalisations relatifs aux problèmes de construction.

3e : aspects technologiques et réalisations relatifs aux problèmes d'alimentation, aspects technologiques et réalisations relatifs aux problèmes de mécanique et mécanismes.

11 SELLIER, R., DESPICHT, J.-M., DEMICHELI, J.-P. ; GRAYER, J. (1980). Éducation manuelle et technique - Habitation et cadre de vie - Habillement 4e. Paris : Delachaux-Niestlé-SPES. (coll. A. Joly).

BERAUD, C. & GONNET, A. (1983). Éducation manuelle et technique - Alimentation 3e. Paris : Educalivre. (coll. A. Joly).

PERAUD, J. & BEAUVAIS, Ch. (1982). Éducation manuelle et technique - Mécanique et

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de l'habillement12, les tâches sont par exemple centrées sur la production

sérielle d'une trousse de toilette en toile matelassée. Elles portent plus particulièrement sur la production et sa préparation (adaptation des patronages, recherche du métrage, organisation des postes spécialisés). En construction dont les travaux sont organisés dans les cellules de l'atelier, les tâches des élèves consistent à réaliser divers travaux du bâtiment : pose de papier peint, installation électrique, fixation d'un lavabo avec circuit d'arrivée et d'écoulement… Les travaux de mécanique abordent généralement la production sérielle d'un mécanisme simple — un casse-noix par exemple — en utilisant contrats de phase, montages de perçage ou de débit… Quel que soit le domaine, l'organisation pédagogique de l'enseignement par ateliers tournants maintient un équilibre entre travaux d'étude et activités pratiques. Les études concernent essentiellement la reproblématisation des solutions choisies par l'enseignant alors que les activités pratiques sont centrées sur les questions de préparation, de mise en œuvre et de réalisation des productions. En d'autres termes, les élèves sont amenés à critiquer et à justifier l'état intermédiaire ainsi qu'à vivre des expériences diverses et contrastées dans la transformation de l'état intermédiaire à l'état final. Leur rapport direct à la matière, aux machines et aux outils leur laisse percevoir les aléas associés à la transformation du réel.

3.4. Des projets techniques, des réalisations sur projet

Le texte de la COPRET13 (1985) mentionne que les réalisations

mobilisent les savoirs spécialisés des diverses disciplines pour « résoudre les problèmes technologiques que pose le projet ». Bien que cette catégorie de problèmes ne soit pas clairement explicitée, le projet est défini comme une structure les incluant. En ce sens, la technologie souhaite faire approprier le processus de genèse des produits, de l'état initial d'insatisfaction à l'état final d'utilisation de la solution. Toutefois, l'amplificateur de baladeur par exemple demeure comme dans l'organisation pédagogique de l'EMT, d'une part le support d'études de reproblématisation de la solution avec cette fois des points de vue

12 Remarque : les fiches jointes au manuel s'intitulent « Comment résoudre son problème

habillement ».

(35)

PROJETS, PROBLÈMES, SOLUTIONS ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE 33

commerciaux et industriels et d'autre part un objet dont la production exige une préparation, une organisation, des contrôles…

La restructuration de la technologie par les plus récents textes (1996-1998) propose notamment un rééquilibrage des tâches consacrées à la recherche et au développement de la solution. Mais plus fondamentalement, les différents scénarios offrent des parcours variés entre état initial et état final : « montage et emballage » ou « production sérielle à partir d'un prototype » offrent des « aventures » techniques situées exclusivement dans l'espace des problèmes de développement ; « conception et réalisation d'un prototype », « essai et amélioration d'un produit » et « extension d'une gamme de produits » attirent l'attention plus particulièrement sur de véritables recherches de solutions ; « production d'un service » envisage nettement le problème technique dans sa macro-structure tout en restant à un niveau de complexité accessible aux élèves. La signification de ces ensembles de tâches est à cet égard contrôlée par leurs références aux pratiques extérieures. En outre, la diversité des tâches et leur progressivité permettent d'appréhender les problèmes techniques dans leur spécificité. En effet, contrairement à l'éducation manuelle et technique et à la technologie de 1985, la progressivité favorise par comparaison-modélisation, l'élaboration d'une image complète du projet technique avec les états initial, intermédiaire et final des solutions.

3.5. Entre l'état initial et l'état final

Jusqu'aux dernières propositions curriculaires, les tâches des élèves sont construites surtout à partir de solutions définies dont l'analyse critique porte sur l'énoncé du besoin, l'identification des contraintes et la justification du choix. Cette solution intermédiaire est ensuite produite, réalisée, confectionnée, assemblée…, les élèves étant amenés à ordonnancer les opérations, à choisir les outils, à mettre en œuvre et à contrôler. Ces choix privilégiés des pratiques pédagogiques sont en partie dictés par les contraintes organisationnelles qui exigent un approvisionnement matériel et une préparation pédagogique largement en amont de la mise en œuvre des activités scolaires et qui n'admettent que très difficilement des développements imprévus. Les problèmes techniques sont alors susceptibles d'être extrêmement réduits lorsque les

Figure

Figure 1 : Schéma des démarches
Figure 1 : du problème à la solution
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