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Ce sont des considérations de ce type qui font dire à J Testard que le séquençage du génome

Christian Orange

3 Ce sont des considérations de ce type qui font dire à J Testard que le séquençage du génome

humain ne correspond pas à un vrai travail scientifique, mais à « une science d'ânes, une activité purement descriptive » (Testard J. & Godin C., 2001, p31).

4 PHERIC : Problème, Hypothèse, Expérience, Résultat, Interprétation, Conclusion. THEORIC :

solution à laquelle elles aboutissent. Si l’on met en avant l'exploration des possibles et des contraintes que représente la construction de problèmes explicatifs, il apparaît alors que les expériences peuvent jouer un rôle plus varié et plus continu que dans un schéma stéréotypé. On pourrait développer cela aussi bien pour l'activité scientifique des chercheurs (voir Orange C. (dir.) 1998) que pour celle des élèves, pour autant que l'on prenne en compte leur construction des problèmes, même s'il ne peut y avoir totale équivalence de ces deux situations.

Nous nous en tiendrons ici à la présentation rapide d'un exemple didactique. Il s'agit d'une classe de seconde qui travaille sur la question de la production des végétaux (production primaire) et, plus

particulièrement, sur la production du maïs (Orange C., 1997)5. Au cours

de ce travail de quelques heures, la classe a utilisé différentes données empiriques ; les unes provenant d'expériences ou d'observations conduites par les élèves, les autres d'informations fournies par divers documents : D1- Calcul de la biomasse d'un champ de maïs par prélèvements et

mesures.

D2- Composition des feuilles de maïs en termes de matière fraîche, matière sèche, sels minéraux.

D3- Bilan sur une année des entrées et des sorties d'un plant de maïs. D4- Composition élémentaire de la matière sèche du maïs et des

différentes entrées et sorties de matière (sels minéraux, eau, CO2…). Ce qui est important de noter, c'est que ces différentes données empiriques n'ont pas simplement servi d'appuis à des conclusions prévues par le professeur : à chaque fois, elles ont donné lieu à l'élaboration ou au développement, individuellement ou en groupes, de propositions explicatives (modèles), elles-mêmes soumises à débat.

Ainsi, chacune de ces données a contribué à la construction du problème : ! D1 a permis de poser le problème en termes de production, ce que ne

permet pas directement le simple constat de la croissance du maïs. Certes, une partie non négligeable des élèves de la classe ne voit dans la quantification de la biomasse qu'un repère de croissance et non pas l'origine d'un problème de production de matière. Mais si ces données

LA CONSTRUCTION DES PROBLÈMES EXPLICATIFS 87

ne sont pas suffisantes, elles restent nécessaires pour aller vers la problématisation souhaitée.

! D2 a conduit les élèves à se poser des questions et à proposer des idées sur le rôle de l'eau dans la production de matière fraîche et de matière sèche.

! D3 a obligé beaucoup d'élèves à penser l'intervention de l'eau dans la production de la matière sèche et à se mettre dans le cadre de la conservation de la masse.

! D4 a conforté les contraintes déjà repérées et permis à toute la classe d'envisager la nécessité d'une entrée de carbone à partir du CO2.

Les différentes informations fournies par des investigations empiriques ont donc aidé les élèves à développer leurs idées et à repérer les contraintes essentielles du problème (voir C. Orange, 1997). Mais le travail de cette classe ne rentre pas dans un schéma classique où l'expérience succède invariablement à une hypothèse pour la mettre à l'épreuve et débouche sur une conclusion simple. D'autres détails viennent encore gravement compromettre les idées habituelles :

! Aucune de ces investigations empiriques ne pouvait fonctionner comme expérience cruciale pour départager toutes les idées des élèves. En effet, pour ceux qui pensent que la plante pousse quand elle a tout ce qui lui faut, et ils sont nombreux, les données obtenues ou convoquées ne sont nullement critiques.

! Ces différents résultats empiriques ne permettent donc pas de rejeter toutes les hypothèses qui ne correspondent pas à celles que le professeur veut voir retenues. En revanche, elles apportent des indications qui peuvent pousser les élèves à tenter d'autres explications. On n'est donc pas dans un schéma réfutationniste simple. Notre cadre théorique sur la construction des problèmes nous conduit donc à l'idée qu'une expérience peut être faite ou convoquée pour avancer dans un problème et pas uniquement pour conforter une hypothèse déjà bien élaborée. Il ne faudrait pas prendre cela pour un retour de l'inductivisme. Ce que ces expériences permettent de construire, ce sont les contraintes du problème et non la solution : on sait mieux à la fin ce qui n'est pas possible ou ce qui est nécessaire. Pour atteindre le détail du fonctionnement de la production végétale, d'autres investigations sont

indispensables, certaines apportant des informations nouvelles6, d'autres

mettant à l'épreuve des hypothèses bien précisées à partir d'un problème maintenant mieux construit. Mais, à chaque fois, les expériences ne peuvent être considérées comme portant en elles-mêmes l'évidence d'une conclusion, car elles sont toujours lues dans le cadre problématique, en partie fixé et en partie mouvant, des élèves à ce moment là.

Si on ne peut pas définir des phases précises et immuables pour une investigation scientifique, on peut cependant décrire celle-ci par la construction et la mise en tension progressive d'un registre empirique, dans lequel des contraintes pertinentes sont identifiées ou élaborées, et d'un registre des modèles7. Celui-ci fonctionne comme un champ – le

champ des possibles – qui se structure progressivement, par repérage d'impossibilités et de nécessités. C'est ce que veut représenter le schéma page suivante.

CONCLUSION

La centration habituelle de l'enseignement des sciences sur l'expérimentation conduit à négliger ce qui est pour nous un point essentiel : la construction des problèmes. Ce faisant, et par retour, elle limite considérablement les fonctions des données empiriques dans la construction de savoirs scientifiques.

En effet, une telle position valorise l'expérience réellement menée par les élèves au point d'en faire l'idéal de l'activité, mais fait l'impasse sur les pensées explicatives de ces élèves et le rôle qu'y jouent les contraintes empiriques. On pourrait montrer qu'il s'agit là d'un empirisme déguisé sous une forme hypothético-déductive : le passage du pseudo-problème à l'hypothèse est généralement vite expédié, pour aller au « vrai travail scientifique » qui commence avec les investigations empiriques.

Donner toute sa place à la construction des problèmes demande donc de prévoir, à côté des activités expérimentales, des situations d'élaboration et de discussion critique d'idées explicatives par les élèves. C'est dans