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Des poursuites nationales pour crimes contre l'humanité sur la base de leur incrimination de droit international coutumier : rupture du contrat social, nécessité des poursuites et irrecevabilité du principe de légalité : le cas d'Haïti

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Texte intégral

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Des poursuites nationales pour crimes contre

l'humanité sur la base de leur incrimination de droit

international coutumier. Rupture du contrat social,

nécessité des poursuites et irrecevabilité du principe de

légalité: le cas d'Haïti

Mémoire

Chantal Thériault

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

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Résumé

Les crimes contre l’humanité sont la plupart du temps commis par des agents de l’État, en faisant de véritables crimes d’État. Les poursuites des auteurs présumés de ces crimes internationaux se sont dans les premiers temps imposées de par leur nécessité, même en l’absence de base légale pour les appuyer, par exemple celles des grands criminels de guerre en 1945 à Nuremberg. Lors du procès, la Défense avait tenté d’invalider les poursuites en plaidant que l’article 6 (c) du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, qui énonçait pour la toute première fois les crimes contre l’humanité, créait un crime de façon rétroactive, ce que le principe de légalité des délits et des peines interdit. Cet argument a été rejeté en 1945 et continue de l’être jusqu’à présent par des tribunaux qui appliquent directement l’incrimination de droit international coutumier, aujourd’hui bien étoffée. C’est ce que la Cour d’appel de Port-au-Prince a fait le 24 février 2014, en l’absence d’une législation pénale en la matière. La gravité de ces crimes internationaux confère à leur incrimination valeur de jus cogens et impose aux États l’obligation erga omnes de les poursuivre. Ainsi, les tribunaux nationaux doivent être encouragés à appliquer directement l’incrimination de droit international coutumier en l’absence d’une incrimination nationale. De plus, appréhendant les crimes contre l’humanité sous l’angle de leur signification philosophique et sociale, soit des crimes d’État entraînant la rupture du contrat social, la présente étude postule que le principe de légalité, un principe de justice, est irrecevable dans ce contexte afin de soulever l’objection relative à la rétroactivité de la norme. En effet, admettre cette objection à la compétence matérielle du tribunal national reviendrait à vider le principe de légalité de son sens, voire à le pervertir.

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Abstract

Crimes against humanity are typically committed by State agents, rendering them State crimes. A violent breach of the social contract results. Because these crimes constitute an affront to the universal conscience, their criminalization and prosecution have been considered necessary throughout the years, with or without a written legal foundation. For example, the prosecutions of major war criminals in Nuremberg in 1945 were conducted without a written legal basis for the offence of crimes against humanity. The defense therefore argued that section 6(c) of the Charter of the international military tribunal, which stipulated the offence of crimes against humanity, was new law that breached their clients’ right to legal certainty and to be protected against retroactivity in criminal law, according to the principle of legality’s requirements. This argument, prima facie well founded in law, was dismissed by the tribunal. Rejected at Nuremberg, the same argument was dismissed as well in Israel in 1961 in Eichmann’s case, in Canada in 2009 in Munyaneza’s case and in Haïti in 2014 in Duvalier’s case. Every State has a duty to prosecute crimes against humanity, owing to the fact that they are jus cogens crimes and trigger erga omnes obligations. Hence, States lacking statutory prohibitions of crimes against humanity nevertheless possess this same duty. This paper suggests that domestic tribunals deprived of national legislation in that field may and are encouraged to rely on the customary international law prohibition which has been fully developed from 1945 to present. Moreover, examining crimes against humanity from a political and a philosophical perspective, this paper argues that, in applying customary international law, a national tribunal should dismiss any defense objection relying on the principle of legality to invalidate the prosecution. Indeed, to accept this objection in such a context would pervert and render the principle meaningless.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vi

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 Émergence du concept, qualifications juridiques et significations politique et philosophique des crimes contre l’humanité ... 21

1.1 Émergence du concept de crimes contre l’humanité ... 22

1.1.1 La clause de Martens ... 23

1.1.2 Le Traité de Versailles ... 25

1.2 Qualifications juridiques des crimes contre l’humanité : des crimes internationaux dont la norme d’incrimination a valeur de jus cogens et entraîne des obligations erga omnes à la charge des États ... 28

1.2.1 Les enseignements de la CourIDH ... 29

1.2.2 Jus cogens : norme impérative au niveau des relations entre les États ... 39

1.2.3 Jus cogens : norme impérative au niveau des actes unilatéraux des États... 43

1.2.4 Un crime international de jus cogens et entraînant des obligations erga omnes à la charge des États ... 47

1.2.5L’obligation erga omnes de l’État de poursuivre ... 52

1.3 Signification philosophique des crimes contre l’humanité : des crimes d’État constituant la rupture violente du contrat social ... 56

Chapitre 2 Les poursuites pour crimes contre l’humanité en l’absence d’une législation nationale : l’application directe de l’incrimination de droit international coutumier ... 63

2.1 L’identification de la norme d’incrimination de droit international coutumier ... 64

2.1.1 La définition des crimes contre l’humanité au moment des faits ... 68

a. TMI de Nuremberg et pour l’Extrême Orient et TPI ... 68

b. Les tribunaux mixtes et internationalisés ... 72

c. La CEDH et la CourIDH ... 74

2.1.2 La peine ... 76

a. Les TMI de Nuremberg et pour l’Extrême Orient ... 77

b. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ... 78

c. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ... 79

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2.2 Règles gouvernant la réception du droit international en droit interne... 80

2.3 L’objection relative à la rétroactivité et à l’imprécision de la norme d’incrimination de droit international coutumier : le principe de légalité ... 87

2.3.1 Mission du principe de légalité ... 88

2.3.2 Contenu du principe de légalité ... 90

2.3.3 Distinctions relatives à l’interprétation du principe de légalité ... 91

a. Nullum crimen sine lege ... 92

b. Nulla poena sine lege ... 93

c. Nullum crimen, nulla poena sine lege en droit international pénal ... 96

2.3.4 Un principe de justice ... 98

2.3.5 Traitement du principe de légalité par le TMI de Nuremberg et par différents tribunaux nationaux 99 a. Les TMI de Nuremberg et pour l’Extrême Orient ... 101

b. Eichmann, Israël, 1961 ... 109

c. Barbie, France, 1983 ... 112

d. Finta, Canada, 1994 ... 114

e. Munyaneza, Canada, 2014 ... 117

f. Duvalier et consorts, Haïti, 2014 ... 119

2.3.6 Traitement du principe de légalité par le TPIY ... 120

2.3.7 Irrecevabilité de l’objection fondée sur le principe de légalité à l’encontre d’accusations de crimes contre l’humanité ... 125

Conclusion ... 129

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

AFDI Annuaire français de droit international AJIL The American Journal of International Law CADH Convention américaine des droits de l’homme CDI Commission du droit international

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CIJ Cour internationale de justice

CPIJ Cour permanente internationale de justice CourIDH Cour interaméricaine des droits de l’homme

CPI Cour pénale internationale

HILJ Harvard International Law Journal IJIL Indian Journal of International Law Int’lL.Q. International Law Quarterly

JICJ Journal of International Criminal Justice IRRC International Review of the Red Cross

LCP Law and Contemporary Problems

LJIL Leiden Journal of International Law NILR Netherlands International Law Review

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NJIL Nordic Journal of International Law

PIDCP Pacte international relative aux droits civils et politiques RICR Revue Internationale de la Croix-Rouge

RQDI Revue Québécoise de Droit International SCLRev Supreme Court Law Review (Canada) TMI Tribunaux militaires internationaux

TPI Tribunaux pénaux internationaux

TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie VaJIntlL Virginia Journal of International Law

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« […] [R]ien, suivant la seule raison, n’est juste de soi; tout branle avec le temps; la coutume fait toute l’équité, par cela seul qu’elle est reçue; c’est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe l’anéantit. » Pascal, Pensées

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Remerciements

Baby, mon âme, mon haïtienne. Et toi, mon ami Sami, fidèle, patient, affectueux, présence gracieuse de tous les instants, tu me fais la vie douce. Ayant connu Haïti, qui a inspiré cette étude, vous qui avez été de tous mes voyages, de tous mes espoirs, de tous mes succès et de toutes mes déceptions. Mes phares dans le tumulte. L’amour est notre coutume.

Aux haïtiens de ma vie, vous m’avez accueillie et portée dans vos bras. Je porte votre voix poétique en mon cœur.

À la professeure Fannie Lafontaine, votre feu nourrissant le mien. Vos lignes directrices des premiers jours qui m’ont ouvert la voie. Votre accueil, au sein de la

Clinique de droit international pénal et humanitaire de la Faculté de droit de l’université Laval, de concert avec la professeure Julia Grignon, afin de me permettre de contribuer aux travaux qui y sont menés et qui sont passionnants.

À la professeure Julia Grignon et au professeur Charles-Emmanuel Côté, merci de votre contribution aux travaux qui ont conduits à la production de ce mémoire. À Me Erick Sullivan, directeur adjoint de la Clinique de droit international pénal et humanitaire de l’université Laval, être exceptionnel en sensibilité, en créativité et en intelligence, l’âme de la Clinique. Vous m’avez dit les mots que j’avais besoin d’entendre lorsque les derniers pas étaient lourds.

Au professeur Amissi Manirabona de l’université de Montréal, votre gentillesse et votre intérêt véritable pour vos étudiants et pour leurs travaux font de vous un grand professeur, dévoué, ce qui est de plus en rare. Une pierre précieuse.

Aux professeurs François Roch de l’UQÀM et François LeBorgne de l’université de Montréal, j’ai adoré vos cours, vous avez grandement contribué à mes réflexions. Au professeur Geoff Gilbert de l’université d’Essex, qui m’avez ravie, notamment en sautant de pupitres en pupitres en classe pour expliquer les positions dans lesquelles se trouvent tour à tour l’État requérant et l’État requis en extradition. Clever.

Au professeur Yves Couture de l’UQÀM, le meilleur prof de sciences politiques au monde, vous qui m’avez introduit à Hobbes, Locke, Rousseau, Machiavel et toute la gang, il y a un peu de vous là-dedans.

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À José Magloire Van der Vossen, pour ton soutien indéfectible, la chaleur de ton amitié et la profondeur de tes réflexions, sans oublier tes mises à jour régulières sur la situation d’Haïti.

Aux collègues de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux, bien que je ne vous voyais pas souvent je savais que vous étiez là, lumières scintillant dans le firmament du savoir.

À Sophie Gagné, ma première co-équipière à la Clinique, esprit vif et subtil, un avenir radieux t’attend, lâche pas le mémoire!

À Claire Magnoux, doctorante brillant de tous tes feux, je te dois mon courage des dernières semaines.

À Camille Marquis-Bissonnette, passionnée et attachante, que tes talents s’épanouissent et que la vie te soit bonne.

À Madame Hélène Desormeau, juge à la Cour supérieure de l’Ontario, tu as su m’entourer de ta confiance et de tes encouragements tout au long de cette route longue et venteuse, I drink to that!

À Madame Cynthia Petersen juge à la Cour supérieure de l’Ontario, pour votre intérêt et votre coup de main au niveau de l’anglais.

À Madame Nicole Tremblay, juge à la Cour supérieure du Québec, qui m’avez suivie dans les bons moments comme dans les moments de tempête, vos bons mots ont énergisé mes jours d’écriture.

À Madame Maguy Florestal, juge à la Cour d’Appel de Port-au-Prince mais non saisie du dossier Duvalier et consorts. Pour ton sourire ensoleillé, nos rires turbulents et nos cris de joie lors des retrouvailles, notre peine et nos espoirs partagés.

À Carol et Johanne, votre amitié, votre foi en moi et votre soutien à mon voyage m’a donné de l’oxygène.

À mon ami Raymond le lettré, plus souvent encore le timbré, qui veut que j’écrive un livre. Eh bien, le voilà ton livre!

À Emmanuelle, ma fille, ton intelligence vive et ton intuition font de toi une redoutable débatteuse, plus dangereuse encore que tous les adversaires réunis que j’ai eus à affronter au prétoire. Pour ton apport à mes réflexions dans l’élaboration de cette étude. Fille épuisante mais attachante!

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Enfin, merci à René Magloire, René mon ami, mon confrère, mon complice. Au nom de tous les projets que nous avons chéris, de toutes les discussions passionnées que nous avons eues, de toutes nos rigolades, de toutes les nuits et de tous les jours pendant lesquels nous avons regardé et désiré les étoiles, au nom d’Olivia et de tout ce que nous avons perdu, pour que l’Espoir brille malgré tout dans la nuit, toujours.

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Introduction

Le 20 février 2014, la Cour d’Appel de Port-au-Prince a affirmé, dans le cadre de l’affaire Jean-Claude Duvalier et consorts1, relativement à la notion de crimes

contre l’humanité en droit haïtien, qu’elle reconnaissait « […] l’existence d’une coutume internationale, comme expression du droit international, qui proscrit de tels crimes, et que cette coutume internationale trouve application directe en Haïti2 ».

Le tribunal national procède en l’espèce à l’application directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier des crimes contre l’humanité pour fonder les poursuites. Cette procédure, qui pourrait à première vue paraître juridiquement exempte de complications, recèle en réalité un obstacle classique, comme on le verra plus loin : l’objection fondée sur la rétroactivité de la norme, son imprécision et son manque de clarté et d’accessibilité. Toutes ces qualités recherchées quant à la norme d’incrimination constituent des garanties fondamentales de droit pénal visant les libertés individuelles et sont protégées par un principe de justice : le principe de légalité des délits et des peines, nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege (ci-après principe de légalité3).

Les poursuites pénales nationales s’appuient habituellement sur une incrimination écrite. Cette dernière est généralement perçue comme offrant les

1 Affaire Duvalier et consorts, (20 février 2014), Arrêt-ordonnance interlocutoire, Cour d’Appel de

Port-au-Prince, Troisième section, non rapporté, archivé par l’auteure (CA PAP, Duvalier et consorts].

2 Ibid aux pp 38, 43.

3 Nous nous référons à la définition du principe de légalité qu’en donne Olivier de Frouville: « Le

principe de légalité signifie que la règle pénale doit revêtir trois caractéristiques […] : elle ne doit pas être rétroactive, c’est-à-dire que la règle pénale ne peut pas s’appliquer à des comportements commis antérieurement à son édiction […]; elle doit être suffisamment précise […] elle doit être interprétée restrictivement […] ».Olivier de Frouville, Droit international pénal; Sources, Incriminations, Responsabilité, Paris, A. Pedone, 2012 à la p 3 [De Frouville, Droit international pénal]. Damien Scalia le considère comme « […] l’un des piliers de l’état de droit. » : voir Damien Scalia, Du principe de légalité des peines en droit international pénal, Bruxelles, Bruylant, 2011 aux pp 47, 53 [Scalia, Du principe de légalité des peines]. De plus, notons que pour Damien Scalia, selon une version dite « stricte » du principe de légalité, l’existence d’une loi écrite est nécessaire : à la p 80. Voir aussi, pour la présentation de cette version stricte ou “strong version” en anglais, Kenneth S. Gallant, The Principle of Legality in International and Comparative Criminal Law, Cambridge University Press, 2009 à la p 384[Gallant, The Principle of Legality].

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garanties requises par le principe de légalité des délits et des peines, comme on le verra dans la deuxième partie du mémoire. Mais l’État haïtien ne dispose pas d’une incrimination codifiée des crimes contre l’humanité, ce qui est loin par ailleurs d’en faire un cas unique4. En outre, il faut constater que, contrairement aux crimes de

génocide5 et de torture6, les crimes contre l’humanité sont orphelins de convention

internationale générale7. Ainsi, en l’absence d’un traité obligeant les États à prévenir,

4 En effet, selon les travaux menés par la Commission du droit international des Nations Unies et

rapportés en 2015, seulement environ 54 % d’entre eux (104 sur 193) possédaient en 2013 une certaine forme de législation portant sur les crimes contre l’humanité. Les autres, soit 89 États sur 193 « […] semblent n’avoir aucune loi sur le sujet ». Voir Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité, Doc off CDI NU, 67e sess, 2015, Doc NU

A/CN/.4/680 (17 février 2015) aux para 58-60. En ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/680&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7_7.sht ml&Lang=F > [CDI 2015, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité]. (Consulté le 29 octobre 2019). Il faut noter, en ce qui concerne ces données, qu’elles proviennent d’études menées antérieurement à 2013. On peut lire un peu plus loin, toujours au para 58 : « […] des études précédentes, lues ensemble également, indiquent que 66 % des États parties au Statut de Rome (80 États sur 121) au plus ont l’une ou l’autre forme de législation sur les crimes contre l’humanité, et que 44 % des États parties au Statut de Rome (41 États sur 121) n’ont donc aucune loi sur le sujet ». Ces données ont été confirmées par la Commission comme étant toujours exactes en date du 21 janvier 2016. Voir Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, Deuxième rapport sur les crimes contre l’humanité, doc off CDI NU 68e sess, 2016, Doc NU A/CN.4/690 (21 janvier 2016) au para 18, en ligne :<

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/690&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7_7.sht ml&Lang=F> [CDI 2016, Deuxième rapport sur les crimes contre l’humanité]. Prenons note toutefois qu’en ce qui concerne Haïti, un avant-projet de loi de code pénal a été élaboré et que ses articles 230 à 232 prévoient les crimes contre l’humanité. Une certaine confusion apparaît cependant à l’article 229 entre le crime de génocide et les crimes contre l’humanité. Voir Ministère de la justice et de la sécurité publique, Avant-projet du nouveau code pénal haïtien, 2015, en ligne : <

http://haitijustice.com/avantprojetdunouveaucodepenalhaitienhaitijusticecrij.pdf. >. (Consulté le 10 novembre 2019).

5 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 78 RTNU, 277 (entrée en

vigueur : 12 janvier 1951).

6 Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1465

RTNU, 85 (entrée en vigueur : 26 juin 1987).

7 Par contre, il faut souligner un certain nombre de travaux et initiatives en cours en vue de

l’avènement d’une convention : voir notamment Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité, Doc off CDI NU, 67e sess, 2015, Doc NU A/CN.4/680 (17 février

2015), en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/680&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7_7.sht ml&Lang=F>; Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, CDI, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité – Rectificatif, Doc off CDI NU, 67e sess, 2016, Doc NU A/CN.4/680/Corr.1 (20 janvier

2016), en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/680/Corr.1&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7 _7.shtml&Lang=F >; CDI 2016, Deuxième rapport sur les crimes contre l’humanité, avec texte de projet d’articles pour une convention, supra note 4; Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, CDI, Troisième rapport sur les crimes contre l’humanité, Doc off CDI NU, 69e sess, 2017, Doc NU

A/CN.4/704 (23 janvier 2017), en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/704&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7_7.sht ml&Lang=F>; Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, CDI, Quatrième rapport sur les crimes contre l’humanité, Doc off CDI NU, 71e sess, 2019, Doc NU A/CN.4/725 (18 février 2019), en ligne : <

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poursuivre et punir ces crimes, un certain nombre d’États tardent encore à les incriminer8. En l’absence d’une convention internationale ou régionale portant sur la

prévention et l’interdiction des crimes contre l’humanité, notons leur définition contemporaine la plus communément acceptée par les États, soit celle qui apparaît à l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale9 (ci-après Statut de

Rome).

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/725&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7_7.sht ml&Lang=F>; Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, CDI, Quatrième rapport sur les crimes contre l’humanité. Additif, Doc off CDI NU, 71e sess, 2018, Doc NU A/CN.4/725/Add.1 (14 décembre 2018),

en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/725/Add.1&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/7 _7.shtml&Lang=F>; voir de plus le document le plus récent de la CDI en vue de l’élaboration d’une convention : Textes et titres du projet de préambule, des projets d’articles et du projet d’annexe provisoirement adoptés par le Comité de rédaction en deuxième lecture. Prévention et répression des crimes contre l’humanité, Doc off CDI NU, 71e sess, 2019, Doc NU A/CN.4/L.935 (15 mai 2019),

en ligne : <

file:///E:/Mes%20documents/Doctorat%20CDI%20Travaux%20sur%20Crimes%20contre%20l'huma nité/CDI2019%20Textes%20projets%20préambule%20articles%20et%20annexe%20Comité%20ré daction%20prév%20et%20répr%20cch.pdf>; voir aussi Initiative sur les crimes contre l’humanité, Washington University School of Law, Whitney R. Harris World Law Institute, page du projet en ligne : < http://sites.law.wustl.edu/WashULaw/crimesagainsthumanity/.>. (Tous consultés le 29 octobre 2019).

8 Voir supra note 4 et le texte qui l’accompagne.

9 Statut de Rome de la Cour pénale internationale,17 juillet 1998, 2187 RTNU 90 (entrée en vigueur :

1er juillet 2002), en ligne : < http://legal.un.org/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf.> (Consulté le 30

octobre 2019). [Statut de Rome]. La définition des crimes contre l’humanité est énoncée à l’article 7: « 1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d) Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ; j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. 2. Aux fins du paragraphe 1 : a) Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque ; b) Par « extermination », on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population ; c) Par « réduction en esclavage », on entend le fait d’exercer sur une personne l’un quelconque ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants ; d) Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent

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Dans ce contexte, l’application directe10 par un tribunal national de

l’incrimination de droit international coutumier des crimes contre l’humanité apparaît

légalement, sans motifs admis en droit international ; e) Par « torture », on entend le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ; l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ; f) Par « grossesse forcée », on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse ; g) Par « persécution », on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet ; h) Par « crime d’apartheid », on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ; i) Par « disparitions forcées de personnes », on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée. 3. Aux fins du présent Statut, le terme « sexe » s’entend de l’un et l’autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n’implique aucun autre sens. »

10 L’expression « application directe » relativement à la coutume internationale, telle qu’énoncée par

le tribunal haïtien, est reprise ici en adoptant la définition qu’en donne Ward N. Ferdinandusse, soit : « […] [d]irect application in the context of this study means that a national court applies an international rule as such because it is binding law, without it being transformed into a rule of national law ». Voir Ward N. Ferdinandusse, Direct application of International Law in National Courts, La Haie, TMC Asser Press, 2006 à la p 9 [Ferdinandusse, Direct application]. L’application directe de la norme de droit international coutumier incriminant les crimes contre l’humanité est considérée ici comme étant possible en raison du fait qu’elle lie l’État haïtien sans besoin de recourir à une norme de droit interne pour son application.Par ailleurs, il convient ici de dissiper toute confusion entre deux concepts juridiques distincts, soit l’application directe d’une norme d’incrimination de droit international coutumier d’une part et le caractère self-executing de la norme internationale d’autre part. On retrouve généralement la terminologie self-executing en rapport avec des dispositions de droit conventionnel. Ferdinandusse discute d’ailleurs de cette notion en lien avec les traités et non avec le droit international coutumier. Voir à ce sujet Ferdinandusse, Direct application aux pp 136-140. Toutefois, on peut à l’occasion voir l’expression self-executing associée au droit international coutumier quoique plus rarement. Par exemple, David Klein en parle pour dire que la question de savoir si le droit international coutumier peut être qualifié de self-executing demeure non tranchée. Voir David F. Klein, “A Theory for the Application of the Customary International Law of Human Rights by Domestic Courts”, YJIL 13:2 (1988) 332 à la p 337. Klein discute dans cet article de la situation des juridictions américaines (aux pp 332-334). Il s’intéresse à leur réception des normes internationales portant sur la protection des droits humains, en particulier ces normes auxquelles on a reconnu une valeur de jus cogens (à la p 334). L’auteur propose une théorie qui postule que ces normes péremptoires peuvent être assimilées aux normes de common law que les tribunaux américains appliquent directement. Il avance que le caractère self-executing des principes de droit international ayant vocation à garantir des droits humains découle de leur reconnaissance universelle et non d’une norme de droit interne qui gouvernerait leur application (à la p 334). L’auteur offre cette définition de l’expression executing en lien avec la coutume internationale: “[a] principle is self-executing if it is enforceable in domestic courts by its own terms, without recourse to specific implementing legislation” (à la p 333). Notons sa conclusion : “Customary international law is not self-executing in the strict sense, since it does not contain within itself the terms of its application. However, where a particular domestic jurisdiction has expressly bound itself to respect that law, or

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comme constituant une procédure appropriée. Pourtant, elle se heurte, depuis le Procès des grands criminels de guerre11 à Nuremberg, à l’objection de la Défense,

qui met en avant les exigences du principe de légalité pour soulever les enjeux de rétroactivité et d’imprécision présentés par l’incrimination internationale coutumière12, source de droit international positif13 mais non écrit. C’est également

ce que s’est empressé de faire la Défense dans l’affaire Duvalier et consorts14.

Il convient donc d’examiner la validité de cette procédure d’application directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier par le juge national, considérant le fait que les crimes contre l’humanité ont pour matrice ce même droit international coutumier15. Soulignons ici que le concept de droit international

coutumier, qui a évolué en droit international pénal16 après la publication du

where the law constitutes jus cogens subject to universal jurisdiction, it is peremptory and therefore domestically binding as U.S. common law.” (à la p 365). En ce qui concerne la présente étude, étant donné le flou qui entoure le concept de self-executing au regard de la coutume internationale, celui d’application directe lui est préféré.

11Göring et consorts, Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal Militaire International

Nuremberg, (14 novembre 1945 – 1er octobre 1946), Jugement (1er octobre 1946) TMIN, Nuremberg,

Secrétariat du Tribunal à la p 122, en ligne : < https://studylibfr.com/doc/1942627/jugement-du-tribunal-militaire-international-de-nuremberg. Jugement. > (consulté le 11 janvier 2019). [Jugement, Procès des grands criminels de guerre].

12 Voir ci-dessous chapitre 2, section 2.3.

13 Article 38 (b) du Statut de la Cour Internationale de Justice, 26 juin 1945, 15 C.N.U.C.I.O. 365, R.T.

Can.1945 no 7 (entrée en vigueur : 24 octobre 1945) [Statut de la CIJ].

14 Voir CA PAP, Duvalier et consorts, supra note 1 à la p 37.

15 Sur la question des origines coutumières des crimes contre l’humanité, voir notamment Le

Procureur c Dusko Tadić alias « Dule », IT-94—1-T, Jugement (7 mai 1997) (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) aux paras 618-659 [Tadić 7 mai 1997]; Affaire Kolk et Kislyiy c Estonie, req. No 23052/04 et 24018/04, Décision d’irrecevabilité (17 janvier 2006) à la p 8 (CEDH, chambre) [CEDH, Kolk et Kislyiy] ; Affaire Kaing Guek Eav alias Duch, 001/18-07-2007/ECCC/TC, Jugement (26 juillet 2010) au para 296 (CETC, Chambre de première instance) [CETC, Affaire Duch]; voir aussi entre autres Didier Rebut, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 2012 à la p 515 [Rebut, Droit pénal international]. Rebut écrit : « […] la source des crimes internationaux réside dans le droit international, lequel prime les droits nationaux»; Antonio Cassese, International Criminal Law, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 2008 à la p 11 [Cassese, ICL]; Antonio Cassese, « Balancing the Prosecution of Crimes against Humanity and Non-Retroactivity of Criminal Law : The Kolk and Kislyiy v. Estonia Case before the ECHR », JICJ 4 :2 (2006) 410 à la p 414; Claude Lombois, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 2e éd., 1979 à la p 48 [Lombois, Droit

pénal international].

16 Il convient de remarquer, relativement à l’appellation droit international pénal, qu’il y a depuis la fin

de la Deuxième Guerre Mondiale un débat qui perdure quant à l’utilisation de l’une ou l’autre des expressions « droit pénal international » ou « droit international pénal ». Sur cette question, voir notamment Lombois, Droit pénal international, supra note 15 aux paras 13-18. La terminologie « droit international pénal » a été choisie ici parce que cette expression met en avant les origines de cette branche de droit, soit le droit international public, « […] avec cette conséquence essentielle qu’il y a

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jugement de Nuremberg, se retrouve au cœur de la présente étude. Voyons une définition doctrinale relativement récente du droit international coutumier :

[…] [l]e droit coutumier « classique » constituait le résultat d’une observation du comportement effectif du plus grand nombre d’États possible, devenant droit coutumier au moment où s’ajoute la conviction des États du caractère obligatoire de leur comportement. […] Cependant, […] le droit coutumier est de plus en plus dérivé des déclarations plus ou moins officielles des États, mais aussi de la doctrine ou même fortement de l’opinion publique – il s’agit, dans la célèbre terminologie de René-Jean Dupuy, d’une « coutume sauvage » qui est à différencier de la « coutume sage » tirée du comportement effectif des États. Il faut en même temps observer, surtout dans le domaine des droits de l’homme, un détachement du droit international par rapport au comportement effectif des États […]. Les auteurs parlent même d’une « crise d’identité » du droit coutumier […]17.

Mais force est de constater que le droit international coutumier fait l’objet d’un statut ambigu dans la littérature. En effet, il s’est déjà vu affublé de l’épithète de « smiling sphinx18 ». On a à coup sûr parlé de lui comme d’une matière mystérieuse,

évanescente, sorte de corps étranger aux contours flous, énigmatiques, à la fois menaçant et fascinant19. Sur la base de ces perceptions doctrinales, la coutume

identité de sources formelles entre le droit international public et le droit international pénal », selon De Frouville, Droit international pénal, supra note 3 à la p 3. De plus, cette terminologie laisse entendre qu’il ne s’agit pas de droit transnational, comme par exemple la traite de personnes. Également, elle traduit bien que « […] le droit international pénal est également, d’un point de vue matériel, un droit de nature pénale ». Selon la définition proposée par De Frouville : « […] [l]e droit international pénal recouvre l’ensemble des normes de droit international public qui ont pour but la protection de l’ordre public international par la prohibition de certains comportements qui y portent atteinte, sous peine de sanctions exécutoires, ainsi que la répression de ces comportements». Ibid, De Frouville pour les deux dernières citations.

17 Bruno Simma et Andreas Paulus, « Le rôle relatif des différentes sources du droit international

pénal (dont les principes généraux de droit) » dans Hervé Ascensio, Emmanuel Decaux et Alain Pellet, dir, Droit international pénal, 2e éd., Paris, Pedone, 2012, 67 à la p 72 [Simma et Paulus, « Le

rôle des différentes sources »]. (Note omise).

18 Robert Kolb, « Selected problems in the theory of customary international law », NILR (2003) 119

à la p 119 [Kolb, “Selected problems”].

19 Notamment, Pierre-Marie Dupuy parle des « […] auteurs assez aventureux qui « s’efforcent en

vain de sonder les « arcanes secrètes » de la coutume internationale, une sorte de sphinx du droit international », dans Pierre-Marie Dupuy, « Théorie des sources et coutume en droit international contemporain » dans Le droit international dans un monde en mutation : liber amicorum en hommage au professeur Eduardo Jiménez de Aréchaga, Montevideo, Fundacion de cultura Universitaria, 1994, 51, cité par Andrea Gattini, « Le rôle du juge international et du juge national et la coutume internationale » dans Denis Allard, Vincent Chetail, Olivier de Frouville et Jorge E. Vinuales, éd, Unité et diversité du droit international; Écrits en l’honneur du Professeur Pierre-Marie Dupuy, Martinius Nijhoff, Leiden, Boston, 2014 à la p 253 [Gattini, « Rôle du juge international et du juge national »].

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internationale présente à première vue moins de sécurité juridique, comparée aux traités et conventions. Sans doute redoute-t-on le fait qu’elle se soit émancipée de la forme écrite pour planer dans l’éther, légère, insaisissable. Une telle coutume, étroitement associée par Pierre-Marie Dupuy aux « arcanes secrètes » apparaît à coup sûr insolite, voire inquiétante. Néanmoins, on ne saurait ignorer l’importance du droit international coutumier et particulièrement sa puissance normative. John H. Currie exprime cette idée de façon éloquente :

It would be difficult to overstate the profoundly important role played by the concept of customary international law in the international legal system. In contrast to treaty law, customary international law is, with rare exceptions […], universally binding on all states. […] What is more, customary international law is an enormously powerful normative concept in that it can have the effect, under certain circumstances, of binding states which have not actually consented to its content at all20.

Mais au-delà de la discussion théorique portant sur la compréhension et l’interprétation de la coutume internationale21, par-delà les critiques de la théorie des

Notons de plus que Henri Donnedieu de Vabres, juge à Nuremberg, dira que le Tribunal, en 1945, « évite prudemment de rompre les amarres avec le terrain ferme du droit positif ». Voir Henri Donnedieu de Vabres, « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », 70 Recueil des cours de l’Académie de La Haye (1947-I) 477 à la p 511 [De Vabres, « Le procès de Nuremberg »].

20 John H. Currie, Public International Law, Irwin Law Inc., 2e ed., 2008 à la p 187 [Currie, Public

International Law]. Les rares exceptions à l’application universelle de la coutume que l’auteur évoque ont trait à la doctrine de l’objecteur persistant ainsi qu’à la coutume régionale, spéciale ou locale. Currie fait remarquer que ce puissant pouvoir normatif de la coutume ‘challenges positivist interpretations of the theory of consent. At the same time, it receives universal endorsement as a valid and binding source of international law.” Voir aussi Yvon Gouet, La coutume en droit constitutionnel interne et en droit constitutionnel international, Paris, Pedone, 1932 aux pp 1-2.

21Le Statut de la CIJ à son article 38 1) (b) présente la coutume internationale comme suit : « la

coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit »; Kolb, « Selected problems » supra note 18, passim; Noora Arajärvi, The Changing Nature of Customary International Law. Methods of Interpreting the Concept of Custom in International Criminal Tribunals, Routledge, 2014, passim [Arajärvi, The Changing Nature]; Martyna Falkowska, « La coutume dans les statuts et la jurisprudence des juridictions pénales internationales : vers l’émergence d’une nouvelle définition de la coutume internationale? », dans Diversification des acteurs et dynamique normative en droit international, M. Arcadi et L. Balmond, dir, Editoriale Scientifica Napoli, 2013, 159 à la p 174 [Falkowska, « La coutume »]. Il est à noter que la définition de la coutume internationale offerte par l’encyclopédie Max Planck ne nous apparaît pas satisfaisante aux fins de notre étude puisqu’elle se résume à une définition que nous qualifierions de circulaire : « […] customary international law concerns, on the one hand, the process through which certain rules of international law are formed, and, on the other, the rules formed through such a process. ». Voir TullioTreves, « Customary international law”, (2006) Max Planck Encyclopedia of Public International Law (MPEPIL), Ofxford Public International Law, Oxford University Press (2013).

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« deux-éléments »22 et nonobstant les différentes écoles, célèbres, relatives à la

« coutume instantanée » de Roberto Ago23 et de Bin Cheng24 et à la « coutume

sauvage » opposée à la « coutume sage » par René-Jean Dupuy25, la grande dame

semble porter en elle l’esprit qui anime les relations entre les humains : rien n’est jamais immuable.

Alors, comment prétendre fonder validement une poursuite pénale, qui doit présenter un caractère de sécurité juridique26, donc de stabilité du droit, sur une

source de droit mobile, insaisissable ? Est-ce seulement possible ? N’y a-t-il pas ici, dans le domaine du droit pénal, une raison sérieuse de craindre la coutume ? En effet, plusieurs auteurs opinent que, au niveau étatique, la coutume internationale ne saurait fournir les bases d’une poursuite pénale car ce faisant elle heurterait de front le principe de légalité qui vise à préserver la sécurité juridique et la prévisibilité du droit pénal27. Dans ce contexte, la présente étude pose la question : la mise en

avant de ces enjeux relatifs au principe de légalité est-elle pertinente devant la commission de crimes contre l’humanité ?

La présente étude se distingue de ce raisonnement relatif au respect du principe de légalité dans l’application directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier des crimes contre l’humanité. En effet, cette question, qui a déjà été explorée par les tribunaux et les auteurs, est abordée ici à partir d’un autre

22 Kolb, « Selected problems » supra note 18, aux pp 120-130, référant à la pratique des États et à

l’opinio juris.

23 Roberto Ago, « Droit positif et droit international », (1957) 1 vol 3 AFDI 14, aux pp 57, 62.

24 Bin Cheng, « United Resolutions on Outer Space: Instant International Customary Law? », 5 (1965)

IJIL 23, passim [Bin Cheng, “United Resolutions”]

25 René-Jean Dupuy, « Coutume sage et coutume sauvage » dans La communauté internationale,

Mélanges offerts à Charles Rousseau, Paris, Pedone, 1974, 75 [R.-J. Dupuy, « Coutume sage et coutume sauvage »].

26 Cassese, ICL, supra note 15 aux pp 37-38.

27 Voir notamment Isabelle Fichet-Boyle et Marc Mossé, « L’obligation de prendre des mesures

internes nécessaires à la prévention et à la répression des infractions » dans Hervé Ascensio, Emmanuel Decaux et Alain Pellet, dir, Droit international pénal, 2e éd., Paris, Pedone, 2012,1055 à

la p 1056 [Fichet-Boyle et Mossé, « L’obligation de prendre des mesures internes »]; Ferdinandusse, Direct Application, supra note 10 aux pp 272-273.

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angle, celui de la théorie du contrat social28. Ainsi, au lieu de vérifier si l’application

directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier respecte les exigences du principe de légalité, la présente recherche aborde le problème à travers le prisme de la représentation philosophique et politique des crimes contre l’humanité, soit la rupture du contrat social par l’État délinquant et des conséquences que cette situation entraîne sur la recevabilité d’un principe de justice destiné à protéger le citoyen démuni face à l’arbitraire de l’État.

Tenant compte de cette problématique, ce mémoire pose donc une question de recherche principale assortie d’une question subsidiaire. La question de recherche principale peut être articulée comme suit : quels fondements juridiques habiliteraient les tribunaux nationaux à poursuivre les auteurs présumés des crimes contre l’humanité en l’absence d’incrimination en droit national ? De plus, en raison de l’extrême gravité des crimes contre l’humanité, ceux-ci constituant rupture du contrat social, une question de recherche subsidiaire est posée : dans le cas où l’application directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier était envisagée pour fonder les poursuites pour crimes contre l’humanité, l’objection fondée sur le principe de légalité pour la contrarier serait-elle recevable ?

Afin de répondre à la question de recherche principale, l’hypothèse orientant la présente étude est émise ainsi : quatre caractéristiques présentées par la norme d’incrimination de droit international coutumier des crimes contre l’humanité pourraient être considérées comme les fondements juridiques et politiques habilitant les tribunaux nationaux à l’appliquer directement pour fonder les poursuites pour crimes contre l’humanité. Ces quatre caractéristiques sont les suivantes : premièrement, l’impérieuse nécessité des poursuites pour ces crimes, laquelle s’est

28Voir, sur le lien à faire entre la théorie du contrat social et les normes placées au sommet dans la

hiérarchie des normes internationales à cause de l’importance qu’elles revêtent pour la communauté internationale, soit les normes dites impératives ou de jus cogens, Thomas Weatherhall, Jus Cogens. International Law and Social Contract, Cambridge University Press, 2015, passim, [Weatherall, Jus Cogens and Social Contract].

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imposée avant même l’avènement de la lettre; deuxièmement, le caractère obligatoire de la norme de droit international coutumier29 incriminant les crimes

contre l’humanité et la valeur de jus cogens qui lui est reconnue; troisièmement, les obligations erga omnes qui en découlent, dont celles pour l’État de poursuivre les auteurs présumés des crimes contre l’humanité; quatrièmement, le fait que ces crimes équivalent à une rupture du contrat social. Enfin, en réponse à la question de recherche subsidiaire, l’hypothèse suivante est proposée : le principe de légalité, appréhendé comme un principe de justice, serait irrecevable face à l’incrimination de droit international coutumier des crimes contre l’humanité lorsqu’il est soulevé dans le but de plaider la rétroactivité et l’imprécision de la norme.

Le principe de légalité touche à la loyauté du procès pénal : l’État ne peut accuser et condamner quelqu’un pour un comportement qui n’était pas illégal au moment où il a été commis. Mais dans la commission des crimes contre l’humanité, l’État attaque sa population en commettant de graves crimes internationaux, faisant ainsi voler en éclats les termes du contrat social. C’est à ce niveau que se situe l’enjeu de la loyauté du procès pénal. Qui plus est, la commission de ces crimes s’appuie sur les moyens de l’appareil d’État. Ainsi, Antoine Garapon avait bien vu

29Voir entre autres Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale

d’Allemagne/Danemark, République fédérale d’Allemagne/ Pays-Bas), (Arrêt du 20 février 1969), CIJ, Recueil 1969, 3 à la p 38, para 63 : « [i]l est en général caractéristique d'une règle ou d'une obligation purement conventionnelle que la faculté d'y apporter des réserves unilatérales soit admise dans certaines limites; mais il ne saurait en être ainsi dans le cas de règles et d'obligations de droit général ou coutumier qui par nature doivent s'appliquer dans des conditions égales à tous les membres de la communauté internationale » [Plateau continental de la mer du Nord, CIJ]; John Currie, Public International Law, supra note 20; Christian Tomuschat, ‘Obligations Arising for States With or Against Their Will’ dans 241 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye (1993) 275 à la p 276 : ‘Each and every rule of customary law is binding’ (note omise); et à la p 282 : ‘In a number of judgments, the ICJ has stated that customary law is general international law, binding upon all States independently of their assent.” (notes omises) [Tomuschat, « Obligations Arising for States »]; Raphaële Rivier, pour sa part, fait remarquer qu’avec le droit international coutumier, aucune réserve n’est concevable « […] qui permettrait aux États de s’y soustraire même partiellement ou d’en modifier la portée ou la signification à leur égard. La remise en cause unilatérale d’une coutume est tout autant exclue. Ceux qu’elle lie ne peuvent s’en retirer comme ils peuvent parfois le faire avec le traité, ni même la dénoncer » : Raphaële Rivier, Droit international public, PUF, 2012 à la p 153 [Rivier, Droit international public]; Jean Charpentier, « Tendances de l’élaboration du droit international public coutumier » dans L’élaboration du droit international public, Société Française pour le Droit international, Colloque de Toulouse, Paris, Pedone, 1975, 105 à la p 111 [Charpentier, « Tendances de l’élaboration du droit international public coutumier »].

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que ces crimes «… brouillent la frontière entre droit, morale et politique30 ». La

loyauté du procès pénal doit dès lors être examinée par l’autre bout de la lorgnette. Les agents de l’État ne pouvant ignorer le caractère criminel des actes qu’ils commettent à l’encontre de leur population ainsi que la responsabilité internationale étatique de garantir les droits humains, l’invocation par la Défense d’un tel principe de justice ne serait pas admise selon les recherches menées dans le cadre du présent travail. Par conséquent, il ne serait pas pertinent dans ce contexte de rechercher si l’incrimination internationale coutumière des crimes contre l’humanité respecte les exigences du principe de légalité.

D’ailleurs, lorsqu’on porte un regard sur l’histoire des poursuites de ces crimes à partir du procès de Nuremberg, il est frappant de constater que la pratique contrarie la théorie. En effet, de Nuremberg à Port-au-Prince, dans l’affaire Duvalier et consorts31, on constate le refus répété des juges d’accueillir l’objection de la

Défense fondée sur le principe de légalité des crimes dans le but de contester la validité des poursuites, comme on le verra au deuxième chapitre.

En conséquence, l’histoire de la répression des crimes contre l’humanité nous enseigne, entre autres en Allemagne32, au Japon33, en Israël34, en France35 et au

Canada36, que les tribunaux nationaux ont pour la plupart jugé irrecevable l’objection

fondée sur le principe de légalité pour soulever la rétroactivité de l’incrimination. Visiblement, ces crimes internationaux37 ont très souvent su transcender cet

30 Antoine Garapon, Des crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner, Odile Jacob, 2002 à la p 12

[Garapon, Des crimes].

31 Voir supra note 1.

32 Voir ci-dessous chapitre 2, section 2.3. 33 Ibid.

34 Ibid. 35 Ibid. 36 Ibid.

37 Préambule du Statut de Rome aux paras 4,6,9 et son article 1. Cassese, Scalia et Thalmann offrent

une définitions des crimes internationaux qui se décline en cinq (5) points : 1. Ce sont des violations de règles internationales (coutumières ou conventionnelles) […]; 2. Ils ont un caractère collectif et […] font partie d’une « criminalité systémique » par opposition à une criminalité individuelle; 3. Les règles violées visent à protéger des valeurs considérées comme fondamentales par toute la communauté internationale et lient ainsi tous les États et tous les individus; 4. L’intérêt à la répression de ces crimes est universel et, sous certaines conditions, leurs auteurs peuvent être poursuivis et

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obstacle dressé sur la route de leur répression. Les États ont été irrésistiblement poussés à poursuivre les présumés auteurs de ces crimes de par la force de l’opinion publique dont Antoine Garapon dit qu’elle est « […] inorganisée mais néanmoins redoutable38 ».

Ces questions prennent toute leur importance dans le contexte juridique actuel instauré notamment par le Statut de Rome qui encourage les États à poursuivre les auteurs présumés des « crimes les plus graves ayant une portée internationale […]39 », dont les crimes contre l’humanité font partie40. Mais bien que les États aient

le « devoir41 » de poursuivre les présumés auteurs de ces grands crimes, force est

de constater qu’un grand nombre d’États ne sont pas en mesure de procéder sur la base d’une législation nationale puisqu’ils en sont dépourvus42. Tenant compte de

cette situation, il est proposé ici que les juridictions nationales soient encouragées à se tourner vers l’incrimination relevant du droit international coutumier.

La première partie du mémoire fera valoir l’extrême gravité que revêtent les crimes contre l’humanité, leur ancienneté et l’importance de la norme internationale de leur incrimination, ce qui conduira à circonscrire les fondements juridiques et

punis par tout État, indépendamment du territoire sur lequel les crimes ont été commis et de la nationalité de l’auteur ou de la victime; 5. […] [S]i l’auteur a agi en qualité d’agent d’un État, l’État ne saurait invoquer l’immunité fonctionnelle de cet agent devant les juridictions d’un autre État. » Antonio Cassese, Damien Scalia et Vanessa Thalmann, Les grands arrêts de droit international pénal, Paris, Dalloz, 2010 à la p 128 [Cassese, Scalia et Thalmann, Grands arrêts]. Par ailleurs, la définition des crimes internationaux offerte par Antonio Cassese doit être soulignée : « International crimes are breaches of international rules entailing the personal criminal liability of the individuals concerned (as opposed to the responsibility of the state of which the individuals may act as organs. […] [I]nternational crimes result from the cumulative presence of the following elements: 1. They consist of violations of international customary rules (as well as treaty provisions, where such provisions exist and either codify or spell out customary law or have contributed to its formation). 2. Such rules are intended to protect values considered important by the whole international community and consequently binding all states and individuals. […] 3. There exists a universal interest in repressing these crimes. […]. Voir Cassese, ICL, supra note 15 à la p 11.

38 Garapon, Des crimes, supra note 30 à la p 89.

39 Article 1 du Statut de Rome. Cet article instaure le régime dit de complémentarité entre la Cour et

les juridictions pénales nationales, principe en vertu duquel on laisse aux États le soin de poursuivre de façon prioritaire. Allant dans le même sens, voir aussi le préambule de l’instrument juridique à son paragraphe 4 qui énonce que la répression des crimes les plus graves, prévus au Statut de Rome, « […] doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national […] ».

40 Article 7 du Statut de Rome.

41 Statut de Rome au para 6 de son préambule. 42 Voir supra note 4 et le texte qui l’accompagne.

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philosophique qui pourraient fonder la validité des poursuites sur la base de l’application directe de la norme d’incrimination de droit international coutumier, ce qui sera exposé dans une deuxième partie. Ainsi, même si on peut concevoir que des crimes contre l’humanité aient pu survenir très tôt dans l’Histoire, il convient de rappeler l’émergence du concept (chapitre 1, section 1.1) puisque ses premiers balbutiements feront voir à quel point l’impérieuse nécessité43 des poursuites s’est

dès lors imposée, même en l’absence d’incrimination nationale ou internationale. Il sera ensuite démontré que cet indicateur de gravité des crimes est renforcé aujourd’hui par la valeur de jus cogens44 que l’on reconnaît à la norme

43Le terme nécessité est appréhendé pour les fins de cette étude dans le sens de la locution

proverbiale nécessité fait loi, en d’autres termes, « certains actes se justifient par leur caractère inévitable ». Voir Le Petit Robert, 2012, entrée « nécessité ». L’expression « certains actes » se réfère ici aux poursuites pénales à l’encontre des responsables présumés des crimes contre l’humanité. De même, la nécessité est entendu ici comme un « besoin impérieux, [une] chose nécessaire ». Voir le dictionnaire Larousse, en ligne : <

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/nécessité/54010> (consulté le 2 novembre 2019).

44 Martii Koskenniemi, Fragmentation of international law : difficulties arising from the diversification

and expansion of international law, Doc off CDI NU, 58e sess, 2006, DOC NU A/CN.4/L.682 (13 avril

2006) au para 374, en ligne:< http://legal.un.org/docs/?symbol=A/CN.4/L.682 >. (Consulté le 2 novembre 2019). (Original en anglais mais disponible en français) [Koskenniemi, CDI 2006]; B. van Schaack et R. C. Slye, International Criminal Law and Its Enforcement. Cases and Materials, 2e éd.,

Thomson Reuters, 2010 à la p 544 [van Schaack et Slye, ICL and Its Enforcement]; M. Cherif Bassiouni, Introduction to International Criminal Law, 22e éd. rév. Leiden, Boston, Martinus Nijhoff Pub., 2013 à la p 203 [Bassiouni, Introduction to ICL]; M. Cherif Bassiouni, « International crimes: jus cogens and obligatio erga omnes » 59 (1996) 4 LCP 63 à la p 68 [Bassiouni, «International crimes »]. En ce qui concerne la définition des termes jus cogens, voir l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) qui énonce : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère » : Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) 1155 RTNU 331 (entrée en vigueur : 27 janvier 1980) [Convention de Vienne de 1969]; le Dictionnaire de droit international public de Salmon en donne la définition suivante : « Alors que la violation des règles ordinaires de droit international entraîne la responsabilité de l’État auteur de la violation vis-à-vis de l’État victime, la violation des règles de jus cogens peut entraîner la nullité d’un acte conventionnel qui lui est contraire. […] La violation de ces normes peuvent susciter la réaction de n’importe quel État dans la mesure où ces règles énoncent des obligations erga omnes […] et peut même, dans une certaine interprétation, être constitutive d’un crime international. […] Leur autorité provient des valeurs qu’elles consacrent et qui sont considérées, à un moment déterminé, comme essentielles ou supérieures à toute autre. » : Dictionnaire de droit international public, Jean Salmon, dir., Bruxelles, Bruylant, 2001 [Salmon, Dictionnaire de droit international public] (nos soulignés); selon la définition du professeur François Roch, « [d]’un point de vue éthymologique, le terme jus cogens se traduit littéralement par « droit contraignant » ou, plus exactement, « droit impératif ». […] « le concept de jus cogens opère une hiérarchisation nette entre les normes internationales au sein de l’ordre juridique international » : voir P. Mbongo, F.Hervouet et C. Santuli, dir Dictionnaire encyclopédique de l’État, Berger Levrault, éd., 2014 aux pp 567-570, entrée « jus cogens » (nos soulignés) [Mbongo et autres, Dictionnaire encyclopédique de l’État]; voir aussi les travaux de la

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d’incrimination internationale. Il en est de même en ce qui concerne l’affirmation par la Cour interaméricaine des droits de l’homme (ci-après CourIDH) que la répression des crimes contre l’humanité présente un intérêt pour la communauté internationale dans son ensemble et qu’en conséquence la norme d’incrimination internationale impose des obligations erga omnes à la charge des États (chapitre 1, section 1.2), dont fait partie celle de poursuivre pour ces crimes45. La signification politique et

philosophique de ces crimes internationaux, soit la rupture du contrat social par l’État, se révèle tout aussi importante afin de démontrer en quoi ils sont si graves (chapitre 1, section 1.3). La démonstration du bien-fondé de nos deux hypothèses nécessite que l’on s’intéresse à ces questions. Une fois ces prémisses établies, la deuxième partie du mémoire se penchera sur l’exercice de l’application directe par le juge national de la norme coutumière de droit international pénal.

Ainsi, après avoir identifié le contenu de la norme d’incrimination de droit international coutumier (chapitre 2, section 2.1 ) et jeté un coup d’œil sur les règles

Commission du droit international qui ont précédé l’adoption de la Convention de Vienne de 1969, notamment : Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa dix-huitième session, Doc NU A/6309/Rev.1 dans Annuaire de la Commission du droit international, 1966, vol. II, 2e partie aux pp 189-292; voir de plus les travaux récents de la Commission du droit international sur

la question, notamment l’évolution historique et la nature juridique du jus cogens : Dire Tladi, Rapporteur spécial, Premier rapport sur le jus cogens, Doc off CDI NU, 68e sess. 2016, DOC NU

A/CN.4/693, (8 mars 2016), passim, en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/693&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/1_14.sht ml&Lang=F >. (Consulté le 2 novembre 2019); et en particulier sur la reconnaissance du caractère jus cogens des crimes contre l’humanité : Dire Tladi, Rapporteur spécial, Quatrième rapport sur les normes impératives de droit international général (jus cogens), Doc off CDI NU, 71e sess, 2019, DOC

NU A/CN.4/727 (31 janvier 2019) aux pp 37-40, en ligne : <

http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/727&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/1_14.sht ml&Lang=F >. (Consulté le 2 novembre 2019); pour une fascinante étude historique, législative et théorique du jus cogens, voir Antonio Gomez Robledo, « Le Jus Cogens International : sa Genèse, sa Nature, ses Fonctions », 172 Recueil des Cours de l’Académie du Droit International de La Haye 9 (1981) 13, passim [Gomez Robledo, « Le Jus Cogens International »]; voir par ailleurs l’ouvrage général de Robert Kolb, Peremptory International Law – Jus Cogens – A General Inventory, Hart Publishing, 2015, passim [Kolb, Peremptory International Law]; le jus cogens vu sous l’angle théorique du contrat social : Weatherall, Jus Cogens and Social Contract, supra note 28, passim, mais plus particulièrement aux pp xxxvii à xli. La qualification jus cogens des crimes contre l’humanité spécifiquement est appréhendée ici de manière plus large, selon ce qu’en dit la Cour interaméricaine des droits de l’homme lorsqu’elle déduit de la qualification jus cogens donnée aux crimes contre l’humanité les obligations étatiques de les prévenir, d’enquêter, de poursuivre et de punir en cas d’occurrence. Voir ci-dessous chapitre 1.

45 Les obligations étatiques d’enquêter, de poursuivre et de punir ces crimes ont été maintes fois

affirmées, entre autres par la CourIDH, véritable pionnière en la matière, en particulier sous la gouverne de son Président de 1999 à 2002, le juge brésilien Antônio Augusto Cançado Trindade.

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