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Preprint submitted on 12 Sep 2014
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Pour construire l’objet changement.
Nina Asloum, Véronique Bedin, Claire Dupuy, Daniel Guy
To cite this version:
Nina Asloum, Véronique Bedin, Claire Dupuy, Daniel Guy. Pour construire l’objet changement. : Séminaire du jeudi 20 février 2014, UMR Education, Formation, Travail, Savoirs, Entrée 4 ” Conduite et Accompagnement du Changement ”.. 2014. �hal-01063430�
Pour construire l'objet changement
Séminaire du jeudi 20 février 2014 UMR Education, Formation, Travail, Savoirs Entrée 4 « Conduite et Accompagnement du Changement » Animé par Nina Asloum, Véronique Bedin, Claire Dupuy et Daniel Guy
Propos introductifs
Le séminaire de recherche de l’entrée 4 « Conduire et accompagner le changement » de l’UMR EFTS (Unité Mixte de Recherche « Education Formation Travail Savoirs) du jeudi 20 février 2014 a eu pour thème « Pour construire l’objet changement ». Il a été animé par Nina Asloum, Véronique Bedin, Claire Dupuy et Daniel Guy (par ordre alphabétique).
Ces propos introductifs ont pour objectif de préciser le cadre dans lequel l’intervention a été menée, d’offrir des grilles de lecture pour lire les documents présentés et de les mettre en relation.
1. Explicitation de l’intitulé général de l’intervention : « Pour construire l’objet
changement »
-‐ L’intitulé de l’intervention est centré sur le changement, en ayant bien conscience que l’entrée 4 s’intéresse à la « conduite et à l’accompagnement du changement ». Il s’agit donc d’une entrée en matière, qui pourrait se prolonger par un travail équivalent mené sur les autres termes : « conduite » et « accompagnement ».
-‐ Le terme de « construction » indique une pensée en mouvement et en changement. C’est par conséquent une étape datée et située, qui s’inscrit dans un processus réZlexif plus global. -‐ Le terme de « changement » est, a priori, diversement « déZini » dans l’entrée 4. Une mise à plat, garante de cette pluralité, devrait permettre de gagner en intelligibilité, pédagogiquement et scientiZiquement. Le « pour » volontariste, énoncé dans l’intitulé de l’intervention, met l’accent sur la Zinalité de l’intervention (UN objet « changement à construire », à partir d’une pluralité de « déZinitionS ») et sur une méthode de travail également, « empirique » pourrait-‐on dire (cf. la fabrique).
2. Les finalités de cette intervention
-‐ Débattre collectivement des différentes conceptions du changement des chercheurs de l’entrée 4, à partir d’une analyse empirique, a posteriori, de certaines de leurs productions écrites, élaborées dans un cadre d’énonciation qui se prête à la démarche méthodologique proposée (cf. le point 3).
-‐ Stabiliser progressivement quelques déZinitions du changement, qui pourraient servir de références aux chercheurs de l’entrée 4 (travail équivalent à faire sur les termes de « conduite » et d’« accompagnement » et sur l’interrelation de toutes les notions).
-‐ Faire « fonctionner » un groupe de travail des chercheurs de l’entrée 4 qui prendrait en charge cette activité.
-‐ Produire une note de synthèse qui rende compte de l’avancement du travail, suite aux échanges de la réunion « entrée 4 » du 20 février 2014, ce qui est l’objet de cette contribution. -‐ Rédiger un (des) article(s) et le(s) faire publier à partir de la réZlexion menée et collectivement débattue.
3. Explicitation de la méthode de travail retenue
-‐ Partir d’un référent commun, co-‐construit par les membres de l’entrée 4 : l’ouvrage publié en 2013 à L’Harmattan « Conduite et accompagnement du changement. Contribution des sciences de l’éducation ». Une lecture de l’ouvrage fait émerger une pluralité de manières de penser le changement et d’écrire à son propos.
-‐ Traiter le livre comme un matériau empirique à partir duquel on pourra relever des « traces » qui permettront de commencer à construire l’objet « changement ».
-‐ Pour démarrer le travail, cinq « outils » de recensement (et d’analyse) sont proposés : des déZinitions explicites du changement, des typologies du changement, des caractéristiques du changement, des équivalents lexicologiques du changement, des conceptions du changement. D’autres outils pourraient être utilisés.
-‐ Le corpus à prendre en compte est limité aux deux premières parties de l’ouvrage (« L’élaboration : à l’interface de la science et de la société » ; « Vers une stabilisation : le choix des concepts et des méthodologies »), ce qui représente 11 articles à analyser. N’ont pas été conservées, pour des raisons méthodologiques, l’introduction et la conclusion qui sont des méta-‐discours, déjà orientés, et la troisième partie (« Une illustration : crise et changement »), qui constitue une déclinaison spéciZique de la problématique de l’entrée 4, dans un contexte sociétal particulier.
-‐ Chaque article est passé au peigne Zin de la grille d’analyse qui comprend cinq dimensions (cf. supra). Onze documents ont été complétés par les quatre chercheurs qui ont pris en charge cette intervention. Des discussions entre eux ont permis de stabiliser la manière de remplir les grilles (technique du sens partagé).
-‐ Les documents complétés ont été assemblés et collectivement interprétés, à partir de supports élaborés par ces quatre chercheurs et diffusés à l’ensemble des membres de l’entrée 4 : les onze grilles d’analyse complétées, des récapitulatifs qui permettront une lecture plus globale et transversale des résultats.
-‐ Des formalisations du travail, collectivement élaboré, sont proposées : une note de synthèse diffusée à tous les membres de l’entrée 4, des articles à vocation scientiZique avec des stratégies de publication prévues.
4. Clarification des dimensions de la grille d’analyse utilisée
La grille est présentée de ce qui serait le plus facilement repérable, identiZiable et classable à ce qui le serait le moins, du plus formalisé à ce qui le serait le moins (probablement le moins débattu, le moins accepté, le plus subjectif).
-‐ Des déZinitions explicites du changement : une citation d’un auteur qui déZinit le changement, une proposition de déZinition d’un auteur de l’ouvrage et énoncée comme telle sur le changement…
-‐ Des typologies du changement : une organisation de certaines des caractéristiques du changement qui va permettre de spéciZier des grandes tendances, des dimensions, des niveaux, etc. (cf. la logique de la classiZication). Les auteurs de l’ouvrage peuvent clairement
énoncer une typologie ou bien il est aussi possible de la repérer sans que le terme même soit directement employé.
-‐ Des caractéristiques du changement : cela correspond à une manière de désigner le changement, sans atteindre le degré d’organisation de la typologie (cf. supra). Le changement peut être social et/ou individuel ; global et/ou local, etc. Dans certains cas de Zigure, suivant l’agencement plus ou moins architecturé des caractéristiques et le contexte d’énonciation, il peut aussi s’agir d’une typologie.
-‐ Des équivalents lexicologiques du changement : « évolution », « développement », « transformation », etc. Il peut s’agir d’expressions composées également. On peut y trouver aussi la recherche-‐intervention car c’est une manière de la déZinir (cf. alors le contexte d’énonciation de l’article étudié). Cela revêt cependant un sens différent par rapport à des expressions comme « évolution », « mutation », etc.
-‐ Des conceptions du changement : le changement n’est pas formellement déZini mais des représentations le concernant peuvent exister à l’état latent, informel et c’est alors le contenu de l’article, le contexte d’énonciation qui vont permettre d’inférer des conceptions plus ou moins implicites du changement, invisibles mais présentes, innommées le plus souvent mais existantes.
Synthèse des définitions explicites du changement
1. Clarification de la « définition explicite »
Les auteurs de l’ouvrage ont proposé des déZinitions explicites du changement ou de sa conduite et de son accompagnement. La déZinition explicite qui rend compte d’un projet énonciatif intentionnel n’est pas à confondre avec une conception plus implicite du changement qui ne serait pas formellement dite mais que le lecteur pourrait néanmoins faire émerger par supputations progressives.
2. Le choix d’un outil d’analyse
L’ensemble des déZinitions a été répertorié dans le tableau numéro 1 qui comprend les dimensions suivantes : une contre-‐déZinition d’abord, des dominantes déZinitoires ensuite : contextuelle, temporelle, philosophique, psychologique, organisationnelle, transformative et processuelle. D’autres pourraient être rajoutées.
3. Les constats et leur interprétation
Les constats suivants peuvent être émis et interprétés, à la lecture de ce tableau complété.
3.1 Présentation du corpus
-‐ N = 24, ce qui correspond à 21 propositions, si l’on exclut les contre-‐déZinitions, au nombre de 3. Le degré d’élaboration de ces propositions est variable. Toutes ont été conservées pour ce premier travail d’analyse qui se veut exhaustif. Il est évident que certaines propositions ne s’inscrivent pas stricto sensu dans le cadre établi de ce que l’on nomme classiquement « une déZinition ». A cette phase de construction de l’objet d’étude, l’ensemble sera néanmoins conservé.
-‐ Les sources mobilisées ont été les suivantes : le dictionnaire pour 2/24 propositions, d’autres auteurs que ceux de l’ouvrage pour 6/24 propositions, les auteurs mêmes de l’ouvrage pour les 16 propositions restantes, ce qui correspond à la très grande majorité. La
contextualisation aux sciences de l’éducation a-‐t-‐elle favorisé l’émergence de déZinitions propres aux auteurs de l’ouvrage ? Les déZinitions existantes n’étaient-‐elles pas connues, jugées sufZisamment adéquates ou pertinentes ? Le changement est-‐il un terme tellement usité qu’il est possible de le déZinir sans mobiliser nécessairement la mémoire scientiZique sur le sujet ?
3.2 Etablissement du périmètre
-‐ Toutes les contre-‐déZinitions ont fait référence aux sciences de gestion, dans lesquelles le recours au management peut poser problème s’il est éloigné de considérations anthropologiques et formatives. Moins de réserves semblent s’exprimer pour mobiliser des conceptions, à défaut de déZinitions, en psychologie ou en sociologie, considérées comme des sciences humaines et sociales au même titre que les sciences de l’éducation.
-‐ C’est le changement qui a été déZini plutôt que sa conduite et son accompagnement. Nous pourrions en déduire que l’expression « conduire et accompagner le changement » tire sa signiZication du sens qui est d’abord accordé au changement lui-‐même, surtout au moment de la construction d’un objet d’étude. Le travail conceptuel reste à poursuivre concernant, cette fois, le processus de conduite et d’accompagnement (du changement).
3.3 Types de définitions proposées
Les déZinitions qui ont émergé, en premier lieu, sont celles qui ont assimilé le changement à une transformation, à une modiZication signiZicative, jusqu’à un renouvellement radical pour certaines d’entre elles. 13 propositions sur 24 y ont fait référence. Le changement n’est pas « une réformette » mais conduit bien à un bouleversement.
Mais si le changement, au sens transformatif du terme, renvoie plutôt à une rupture, cela n’exclut pas l’idée d’une dynamique processuelle et implicitement d’une continuité puisque 7 propositions sur 24 ont insisté également sur cet aspect. Ce serait donc la recomposition complexe entre ces deux points (logique transformative-‐logique processuelle) qui mériterait d’être retenue, en sachant que l’idée de transformation reste la plus représentée tout de même.
Les déZinitions repérables, en deuxième lieu, ont été celles qui ont mis l’accent sur la dimension organisationnelle (5/24) et contextuelle (3/24) du changement, c’est-‐à-‐dire celles qui ont montré qu’un changement modiZie les relations entre un sujet (individuel ou collectif) et son environnement. On se situe là dans le cadre d’une perspective élargie, systémique dans certains cas de Zigure, qui va établir des liens entre des entités différentes. Le changement se répercute à tous les niveaux et n’est pas réductible à sa seule prise en compte à l’échelle de l’acteur uniquement, ce qui ne n’exclut pas en tant que tel mais dans une situation donnée, dont il conviendra d’expliciter les caractéristiques. Le caractère social, voire sociétal du changement, et sa dimension collective participent de ce regroupement de déZinitions. Il pouvait Zigurer également dans le premier regroupement de déZinitions mais de manière moindre.
Le troisième bloc de déZinitions concerne la dimension temporelle du changement (4/24). Le rapport à la temporalité, sur un axe continuité-‐discontinuité (ancien-‐nouveau), est constitutif de la déZinition du changement. On aurait pu s’attendre à ce que cette dimension soit plus mise en avant dans l’ouvrage. Les déZinitions de type plus psychologique ou philosophique restent minoritaires.
Tableau numéro 1 : Définitions du changement répertoriées dans l’ouvrage et classement selon une typologie. Types de définition DOMINANTE PROPOSITIONS REPERTORIEES DANS L’OUVRAGE Contre-définition Définition contextuelle Définition temporelle Définition philosophique Définition psychologique Définition organisationnelle Définition transformative Définition processuelle Définition XXX
- Changement = renouvellement (Rey, 2010). x
- Le changement entre mesures et modèles (habitus). x
- Changement : un autre état de l'organisation. x x
- Contre-définition : Le changement « est une rupture entre un existant obsolète et un futur synonyme de progrès » (Autissier & Moutot, 2010). x - Contre-définition : le changement prend sens « au coeur de l’équation managériale moderne » (Autissier et al., 2010). x - La recherche intervention = Conception managériale et = Conception fonctionnaliste et gestionnaire = Ingénierie sociale. x
- Recherche-intervention = processus x
- Changement = processus x
- « Action de changer, résultat de cette action » (Dictionnaire de
l’Académie française). x
- « Echanger, faire un troc, en cédant une chose contre une autre, remplacer un objet par un autre, placer un objet ailleurs, modifier une personne, une chose, convertir une chose en une autre, devenir autre, éprouver un changement » (Grand dictionnaire universel du XIXème siècle).
x x
- Le changement serait l’ordre du monde. x
- Toute transformation observable dans le temps, qui affecte d’une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l’organisation sociale d’une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire » (Rocher, 1968).
x x x
- Phénomène systémique, transformation d’un système d’action. x x
- Passage d’un état à un autre, rendre autre, modifier. x
- Mouvement perpétuel/permanence. x x
- Processus en trois temps (décristallisation, déplacement, cristallisation). x x
- Déconstruction, espace ouvert aux réflexions, aux transformations, une
opportunité de construire un espace « autre ». x x - « Rupture avec l’histoire, le site, les traditions techniques et figuratives »
(Johnson, 1988). x x
- « Changement », car le choix fait de mener une expérimentation entraîne
des modifications dans l’organisation du travail. x x - « Changement planifié », car l’expérimentation a été décidée,
programmée par l’équipe dirigeante. x x
- Le changement, d’un point de vue général : « c’est le passage d’un état x, défini à un temps t, vers un état x1 à un temps t1, ou x et x1 peuvent représenter un être humain ou un milieu social qui après "changement", devient à la fois autre chose et le même » (Rhéaume, 2002).
x x
- Le changement comme modification significative des relations affectives-sensorielles ou fonctionnelles entre un sujet (un groupe) et une ou plusieurs des composantes de leur environnement (famille, métier, habitat, loisir...)
x x
- Le changement comme un ensemble de déterminations à travers
Les typologies du changement
Au cours de l’ouvrage, nous recensons 4 typologies qui s’échelonnent en se complexifiant. Dans la première partie de l’ouvrage, une seule est véritablement repérable, trois autres dans la seconde. Ci-dessous les 4 typologies :
Chapitre 2 Chapitre 10 Chapitre 9 Chapitre 11
Niveau 1
L’un prend place à l’intérieur d’un système donné qui, lui, reste inchangé [1], Niveau 2 L’autre modifie le système « lui-même [2] » qui implique un processus d’apprentissage (Watzlawick & al, 1975) Niveau 1 : Changement dans la continuité induit Niveau 2 : Changement planifié dans la discontinuité (Baluteau, 2003) Niveau 1 : changement dans la continuité, sans modification du système ni recadrage Niveau 2 : changement dans la discontinuité, la rupture, la transformation de la structure et de sa configuration, avec l’émergence de la nouveauté. Niveau 3 : le changement
émergent, qui serait une étape plus radicale et constituerait un changement de paradigme
(Watzlawick & al, 1975) (Morin, 1975) (Baluteau, 2003) Typologie 1 : cadre générique, approche matricielle conçue à partir de 3 dimensions : les circonstances du changement, les acteurs de la conduite et de l’accompagnement du changement, les logiques d’intervention Typologie 2, conçue en croisant deux à deux les 3 dimensions de la typologie 1 et qui comprend aussi 3 dimensions : le contexte social (circonstances-acteurs), le contexte pragmatique (circonstances-logiques d’intervention), le contexte praxique (acteurs-logiques d’intervention) (Guy, 2013)
Les deux premières typologies à deux niveaux diffèrents par le fait que l’une (Watzlawick & al, 1975) s’attache à l’origine spatiale et à l’ampleur du changement (changement dans un système qui correspond à un changement de surface, changement I et un changement du système, changement II qui implique un processus d’apprentissage), alors que la seconde (Baluteau, 2003) s’ancre davantage dans la variance et dans l’origine organisationnelle du changement (dans la continuité et induit (I)/discontinu et planifié (II)).
Concernant la typologie à 3 niveaux, elle se situe dans le prolongement de celle décrite par Baluteau (2003) à laquelle s’ajoute un troisième niveau de rupture supérieur ; celui d’un changement de paradigme (Watzlawick & al, 1975 ; Morin, 1994 ; Baluteau, 2003). De la sorte, cette typologie met en exergue et gradue l’ancrage du changement au regard d’une situation existante.
Le 11e chapitre présente 2 typologies complexes sous une forme matricielle (Guy, 2013). La
première est conçue à partir de 3 dimensions du changement : les circonstances du changement, les acteurs de la conduite et de l’accompagnement du changement et les logiques d’intervention. La seconde typologie croise 2 à 2 les 3 dimensions précédentes avec 3 nouvelles dimensions contextuelles telles que : le contexte social, le contexte pragmatique et le contexte praxique.
Au regard de cette présentation, nous constatons que si les 3 premières typologies croisent 2 dimensions du changement, seules les typologies matricielles permettent d’appréhender le changement dans des configurations variées et complexes en y incluant la conduite et l’accompagnement du changement. Il serait intéressant, à présent, de mettre à l’épreuve de l’empirie ces deux dernières typologies afin de constater dans quelles mesures elles peuvent contribuer à « penser, observer et représenter la conduite et l’accompagnement du changement ». Les typologies sont en interrelation avec les caractéristiques en organisant ces dernières et permettant ainsi d’accéder à un niveau de connaissance plus élaboré.
Les caractéristiques du changement
Elles correspondent à une manière de désigner le changement sans atteindre le degré d’organisation de la typologie. Selon les chapitres, les caractéristiques du changement sont plus organisées et elles désignent le changement d'une manière plus ou moins précise. Le changement apparait successivement selon des dimensions variées telles que :
la variance (continuité, discontinuité, sans fin)
l’origine (interne, externe, prescrit, induit, planifié, voulu, ancien, récent, descendant, ascendant)
la nature (processus, objet de connaissance, risque)
le résultat (progressif, régressif, radical, de faible envergure, inattendu) le but (émanciper, acquérir, enrichir, modifier, bouleverser)
la portée (individuel, social, organisationnel, institutionnel, relationnel, politique) le domaine visé (perceptions, comportements, cognitions)
l’ampleur (intensité, pérennité)
la mise en œuvre (accompagné, collectif, planifié, situé)
la valeur (vrai, pertinent, significatif pour les acteurs, bénéfique, concret) l’effectivité (possible, aléatoire)
Dans les textes, ces caractéristiques sont présentées sous la forme d’opposition ou de juxtaposition de couples : prescrit/voulu, progressif/régressif, social/individuel… ou dans une volonté d’organisation : la nature du changement (comme processus ou objet), son (ou ses)
but(s)… Cependant un grand nombre de caractéristiques relevées dans les 11 chapitres montre qu’elles sont souvent hétéroclites avec des dimensions diverses que nous avons tenté de repérer ci-dessus.
A ce stade, malgré les contextes d’énonciation et les approches différentes relevées dans les 11 chapitres, les typologies convoquées ont permis de rassembler plusieurs caractéristiques du changement en un ensemble organisé et de dégager quelques tendances. Ainsi, l’organisation de certaines des caractéristiques du changement fait apparaître quelques types fondamentaux de changements convoqués en sciences de l’éducation.
Les équivalents lexicologiques du changement
Tout au long de l'ouvrage, des variations sur l'axe paradigmatique rendent compte de l’idée que se font les chercheurs du changement. Pour observer ces variations, nous avons choisi de repérer dans chacune des contributions les équivalents lexicologiques du changement. C'est-à-dire, en premier lieu, les synonymes du substantif « changement ». Mais la lecture attentive montre que parfois des termes ou des expressions jouent, sous la plume d'un auteur, le rôle d'un synonyme même si ce terme ou cette expression ne sont pas repérés en tant que tel d'un point de vue académique. Nous les avons relevés. Pour différencier néanmoins les synonymes académiques du changement des équivalents lexicologiques ad hoc, nous avons noté ces derniers en italique. Parce que les équivalents lexicologiques forment pour chaque auteur un système ayant sa propre cohérence, nous avons privilégié une présentation des grappes sémantiques (cliques) traduisant l’idée de changement par contribution et auteur (ici chapitre).
Ch 1 : transformation ; réforme ; recherche-intervention ; engagement ; critique ; partage (du sens) ; partenarial (travail) ; négociation
Ch 2 : innovation ; accommodation / assimilation ; transformation ; réforme ; représentation ; apprentissage ; diffusion ; intentionnalité
Ch 3 : transformation ; mouvement ; retournement ; conversion
Ch 4 : transformation ; développement ; apprentissage ; réforme ; innovation ; évolution Ch 5 : transformation ; modification ; évolution ; mutation ; réforme
Ch 6 : modification ; transformation ; développement ; transition
Ch 7 : évolution ; construction, augmentation ; clarification ; modification
Ch 8 : transformation ; mutation ; développement ; mouvement ; nouveauté ; nouvel (état) ; innovation ; modification ; reconfiguration
Ch 9 : mouvement ; développement ; renouvellement ; glissement ; transformation ; innovation ; évolution ; modification
Ch 10 : transformation ; modification ; évolution ; mouvement ; amélioration ; innovation ; réorganisation ; flux
Ch 11 : Modification ; affectation ; influence ; champs (de possible) ; invention ; action ; transformation ; développement ; praxis ; intervention ; recherche-intervention
L'observation de la distribution en fréquence des équivalents lexicologiques du changement sur l'ensemble des 11 premiers chapitres de l'ouvrage montre que le changement est évoqué en mobilisant un registre lexical plutôt caractéristique des problématiques rencontrées en éducation et formation. Plus précisément, ce sont les grands objectifs de l'éducation et de la
formation qui sont ici convoqués, dont en premier lieu le développement, mais aussi la transformation, l'évolution, l'innovation et l'apprentissage, la modification et la mise en mouvement (vers le nouveau?).
Distribution des termes dont la fréquence est supérieure ou égale à 10 occurrences : développement (70) ; transformation (58) ; évolution (38) ; modification (33) ; innovation (31) ; apprentissage (23) ; représentation (17) ; nouveau (13) ; mouvement (10).
En filigrane de leur contribution, les auteurs posent le changement comme une finalité de l’éducation et de la formation. Dès lors, il ne peut pas s'agir de n'importe quel changement. D'où l'observation de postures critiques, de conceptions parfois normatives du changement ou encore de postures autant politiques que scientifiques dans le positionnement des chercheurs engagés dans des recherches-interventions, visant la conduite et l'accompagnement du changement.
Définitions implicites et conceptions du changement
Pour développer leur propos et soutenir leur argumentation, les auteurs mobilisent des définitions du changement en référence aux contributions théoriques en débat dans la communauté scientifique. Soit qu'ils reprennent telle ou telle définition, soit qu'ils en proposent eux-mêmes une nouvelle ou précisent le contour de plus anciennes (voir supra). Cet appui inscrit leurs réflexions dans le cadre de conceptions explicites du changement. Pourtant, la lecture attentive de l'ouvrage laisse « deviner » des conceptions plus implicites à l'oeuvre.
Mais, comment dépasser le stade des intuitions de lecture ? C'est un exercice délicat puisque précisément l'implicite ne s'énonce expressément ! Pour relever le challenge, nous avons essayé d'inférer ces conceptions implicites à travers l'observation des équivalents ou proximités sémantiques du changement mobilisés, des éléments qui le caractérisent pour chacun des auteurs et des typologies retenues (voir supra). Au terme de l'analyse, cinq chapitres ont particulièrement retenu notre attention.
Ch 3 : témoignant de son itinéraire qui l'a conduit de l'intervention sociologique à la recherche intervention en sciences de l’éducation, l'auteur met l'accent sur le « bon » changement. C'est-à-dire un changement vrai, voulu par les acteurs, parfois accompagné, voire révélé par cet accompagnement et si possible retenu par l'institution. Cette conception axiologique du changement prend tout son sens dans la démarche anthropologique et plurielle du chercheur assumant un engagement clair : rendre les acteurs principaux du changement les premiers destinataires des résultats des recherches menées.
Ch 5 : explicitant une posture de recherche intervention pour mener des travaux sur et pour le changement en éducation, les auteurs prennent implicitement position et précisent leur attitude quant au changement pour eux synonyme d'évolution contribuant au progrès de l'humanité. Pas très loin d'une conception politique du changement, celle du réformisme dont le levier serait la recherche intervention un peu militante... Mais se préservant de la fougue du militant !
Ch 7 : attentif à l'impact cognitif sur les bénéficiaires d'un processus d'accompagnement individuel et d'aide à la clarification des choix professionnels, l'auteur appréhende le changement comme évolution psychocognitive et sociocognitive de lycéens en situation d'orientation. Dans le contexte théorique des sentiments d'efficacité personnelle développé par Bandura, cette évolution pourra être observée par la mesure des sentiments d'auto-efficacité vocationnelle.
Ch 9 : distinguant pour mieux les mettre en dialogue les deux notions de changement et de développement, les auteures dessinent en filigrane de leur contribution une représentation du changement mettant l'accent sur la continuité du processus. En cela proche du développement, sans pouvoir s'y réduire car le rapport à la temporalité du processus de développement ne permet pas de rendre compte de manière satisfaisante des moments de rupture et de crise qui caractérisent les changements de niveau 2 ou 3 en référence à la typologie proposée par les auteures dans le prolongement de celle de Baluteau (2003).
Ch 10 : observant « Le changement dans le changement » les auteurs rendent compte des effets non prévus par un changement planifié dans le cadre d'une recherche-intervention. Ils montrent que l'évolution de tous les participants au dispositif y compris des chercheurs-intervenants peut résulter d'un effet induit du changement programmé initialement. D'où le changement dans le changement. Sans qu'elle soit complètement affirmée, l'article laisse entrevoir une conception dialogique du changement en cours d'élaboration. Dialogique entre le plan comme levier du changement organisationnel -changement programmé, administré- et l'effet de ce changement sur les acteurs : changement induit, mais qui peut être lui-même à l'origine de changement au niveau organisationnel voire retentir sur la conception, la conduite et l'accompagnement du changement programmé et administré.