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Expérience artistique d'une jeunesse atikamekw : l'art comme médiation favorisant le dialogue et la communauté comme lieu d'affirmation identitaire

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Academic year: 2021

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Expérience artistique d’une jeunesse atikamekw :

l’art comme médiation favorisant le dialogue et

la communauté comme lieu d’affirmation identitaire.

Mémoire

Sonia Basile-Martel

Maîtrise en arts visuels

Maître ès arts (M.A)

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

Ce mémoire porte sur les apprentissages pouvant émerger d‟une expérience artistique basée sur le partage, la rencontre, la réflexion et le dialogue entre une artiste intervenante et des adolescents de sa communauté autochtone d‟appartenance. Plus précisément, cette recherche ethnographique à caractère autoethnographique tente de démontrer de quelles façons l‟art communautaire, au cœur d‟une démarche réflexive, peut contribuer à l‟affirmation identitaire d‟une jeunesse atikamekw.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... III TABLE DES MATIÈRES ... V INDEX DES ILLUSTRATIONS ET TABLEAUX ... IX REMERCIEMENTS ... XI

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE ... 3

1.1 L‟art et l‟identité ... 3

1.2 L‟art avec la communauté d‟appartenance ... 4

1.3 La définition du problème ... 6

1.4 La question de recherche ... 8

1.5 Les objectifs de recherche ... 9

CHAPITRE 2 : PORTRAITS AUTOCHTONES ... 11

2.1 La nation Atikamekw de Wemotaci ... 11

2.1.1 Le territoire et la communauté de Wemotaci ... 11

2.1.2 Le peuple d‟hier à aujourd‟hui ... 14

2.1.2.1 Les aînés : les racines d‟une identité collective ... 15

2.1.2.2 Les parents : la génération des pensionnats ... 15

2.1.2.3 Les enfants : l‟espoir d‟un « à venir » ... 16

2.1.3 Le mode de vie ... 17

2.1.3.1 La langue : la survie de l‟atikamekw ... 18

2.1.3.2 L'éducation : le retour aux sources ... 19

2.1.3.3 Les activités traditionnelles : le partage ... 21

2.2 L‟artiste autochtone au Québec ... 22

2.2.1 L‟art autochtone ... 22

2.2.2 L‟artiste et l‟identité autochtone ... 24

2.2.2.1 Jacques Newashish, Eruoma Awashish et les arts visuels ... 25

2.2.2.2 Samian, Chloé Sainte-Marie et la musique ... 28

2.2.2.3 Wapikoni Mobile et la vidéo ... 32

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CHAPITRE 3 : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL ... 39 3.1 L'identité ... 39 3.1.1 L‟identité du « Je » ... 40 3.1.1.1 La crise identitaire ... 40 a) « Qui suis-je? » ... 40 b) Être adolescent ... 41 3.1.1.2 La double identité ... 42 a) Être métis ... 43 b) Être praticien-chercheur ... 43

c) Être artiste intervenant et autochtone ... 44

3.1.2 L‟identité du « Nous » ... 45

3.1.2.1 Le Soi et l‟Autre ... 45

3.1.2.2 L‟idée de communauté ... 46

3.1.2.3 Le sentiment d‟appartenance ... 47

3.2 L'expérience artistique ... 47

3.2.1 Vivre une expérience artistique ... 47

3.2.1.1 L‟art solitaire ... 48

3.2.1.2 Le processus de création ... 48

a) La phase d'ouverture ... 49

b) La phase d'action productive... 49

c) La phase de séparation ... 50

3.2.1.3 La place de l‟œuvre ... 50

3.2.2 Faire vivre une expérience artistique ... 51

3.2.2.1 L‟art communautaire ... 51

3.2.2.2 L‟animation de l‟artiste ... 52

a) Le soutien artistique ... 52

b) Le dialogue ... 52

3.2.2.3 L‟art comme objet médiateur du « Nous » ... 54

CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE ... 57

4.1 Les positions épistémologique et méthodologique ... 57

4.1.1 La dimension qualitative interprétative de la recherche ... 57

4.1.2 La dimension réflexive de la recherche ... 58

4.1.3 La recherche ethnographique ... 59

4.1.4 L‟approche autoethnographique ... 61

4.2 Les modes de collecte des données ... 62

4.2.1 Les activités artistiques et „‟dialogiques‟‟ ... 62

4.2.2 Le journal de bord ... 63

4.2.3 L‟expérience de terrain ... 64

4.2.4 Les rapports hebdomadaires ... 65

4.2.5 Les réalisations artistiques ... 65

4.3 Le mode d‟analyse des données ... 66

4.4 Les modes de présentation des résultats ... 66

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4.4.1.1 L‟écriture à la première personne ... 67

4.4.1.2 Les critères de validité du récit ... 68

4.4.2 Tableaux et synthèse ... 68

4.4.3 Les limites de la recherche ... 69

4.5 La préparation de la chercheure ... 69

4.6 Le contexte de la recherche ... 70

4.6.1 Le stage en art avec la communauté ... 70

4.6.2 Le Centre d‟Amitié Autochtone de La Tuque ... 70

4.6.3 Le recrutement des participants ... 71

4.7 L‟aspect éthique de la recherche ... 71

CHAPITRE 5 : RÉSULTATS ... 73

5.1 Préparation de l‟artiste intervenante ... 73

5.1.1 Rencontre avec les Sages de la communauté Atikamekw ... 73

5.1.2 Réalisation d‟un programme d‟activités artistiques ... 74

5.1.2.1 Les thèmes choisis ... 75

5.1.2.2 L‟importance accordée au dialogue ... 76

5.1.3 Appropriation des lieux ... 76

5.2 Récit de l‟expérience... 78

5.2.1 Première semaine ... 78

5.2.1.1 Description ... 78

a) La rencontre et les présentations ... 78

b) La première activité : Le bâton de parole ... 79

c) L‟activité Une image vaut mille mots ... 80

5.2.1.2 Réflexion ... 82

a) Le rituel de présentation ... 82

b) Un dialogue difficile ... 82

c) La participation de l‟artiste intervenante ... 83

5.2.2 Deuxième semaine ... 83

5.2.2.1 Description ... 84

a) L‟appréciation du moment présent ... 84

b) Une activité musicale improvisée ... 85

c) La réalisation d‟une vidéo ... 86

5.2.2.2 Réflexion ... 86

a) La relation avec les participants ... 86

b) L‟ouverture à l‟autre ... 87

c) L‟accompagnement ... 87

5.2.3 Troisième et dernière semaine ... 88

5.2.3.1 Description ... 88

a) L‟initiative d‟une participante : Le capteur de rêves ... 88

b) L‟exposition Miro’art ... 89

c) Les remerciements ... 91

5.2.3.2 Réflexion ... 93

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b) Le sentiment de fierté ... 93

c) La fin d‟un projet ... 93

5.3 Tableaux ... 94

5.4 Synthèses ... 98

5.4.1 Le processus de création des participants ... 98

5.4.2 Le processus d‟intervention de l‟artiste intervenante ... 99

5.4.3 Le processus d‟affirmation identitaire ... 101

5.4.4 L'art comme médiation favorisant le dialogue ... 101

5.4.5 Le sentiment d‟appartenance à la communauté ... 102

CONCLUSION ... 105

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INDEX DES ILLUSTRATIONS

Fig.1 : Toponymie de Wemotaci ... 12

Fig.2 : Oeuvre de Eruoma Awashish intitulée L’instant d’un regard, 2012 ... 27

Fig.3 : Images extraites de la vidéo Nikokom, Nitcotco, Nin, e aromowak, 2011 ... 34

Fig.4 : Réinterprétation de la notion de dialogue proposée par Freire (1974) ... 53

Fig.5 : Salle aménagée pour le projet au CAALT ... 77

Fig.6 : Image pigée et dessin réalisé par Naomie ... 81

Fig.7 : Image extraite de l‟enregistrement vidéo de la composition musicale ... 85

Fig.8 : Images extraites de la vidéo Le temps d’un Miro’art ... 86

Fig.9 : Réalisation des capteurs de rêves et le capteur „‟spider‟‟ de Kim ... 89

Fig.10 : Photographies exposées par les participantes... 90

Fig.11 : Salle aux néons „‟black light‟‟ de l‟exposition Miro’art ... 91

INDEX DES TABLEAUX

Tableau 1 : Bilan des apprentissages émergeant de l‟expérience ... 95

Tableau 2 : Bilan des objectifs ... 96

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REMERCIEMENTS

Ce mémoire de maîtrise ne serait pas ce qu‟il est sans le soutien de nombreuses personnes ayant grandement contribué à sa réalisation.

Tout d‟abord, je remercie chaleureusement ma directrice de recherche, Madame Francine Chaîné, qui a cru de tout cœur en ma démarche et qui a su m‟accompagner jusqu‟au bout de mes réflexions, de mes doutes, et de ma réussite. Je tiens à remercier Madame Eva Ottawa, Grande Chef/Présidente du Conseil de la Nation Atikamekw pour son appui; Madame Christine Jean, Directrice générale du Centre d‟Amitié Autochtone de La Tuque et les employés pour leur accueil et leur présence; ainsi que tous les jeunes Atikamekws pour leur collaboration et leur générosité envers moi. Sans vous, je serais seule avec mon art.

Merci à Jacques Newashish, Eruoma Awashish, Manon Barbeau, Chloé Sainte-Marie, Samian, Naomi Fontaine et Ghislain Picard, pour leur implication et l‟intérêt porté à ce mémoire.

Je remercie aussi mes tantes, Madame Jeannette Laloche et Madame Marthe Coocoo, membres respectés et Sages de la communauté Atikamekw de Wemotaci, qui m‟ont soutenue dans mes démarches et qui m‟ont inspirée à partager avec les miens dans le respect de notre culture. Kice mikwetc nitosis.

Finalement, un immense merci à ma famille, tout particulièrement à ma mère Angèle Basile, et à mes ami(e)s qui m‟ont toujours encouragée du mieux qu‟ils ont pu dans ce périple. Merci à mon amoureux Kenny Lacoursière, qui m‟a supportée depuis le tout début de mes études et qui n‟a jamais douté de ma réussite.

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INTRODUCTION

La question de l‟identité est posée depuis plusieurs années chez les Premiers peuples, et l‟histoire regorge de faits ayant pu contribuer à rendre nébuleuse l‟image qu‟ont les autochtones d‟eux-mêmes individuellement et collectivement. Cependant, le présent est bien vivant, et ceux-ci trouvent de plus en plus leur voie, tout en se donnant une voix, à travers le monde des arts. Que cela tienne du traditionnel ou du contemporain, l‟univers créatif des peuples autochtones est telle une bouée qui permet à leur culture de survivre, de renaître et d‟exister.

En tant que jeunes autochtones, nous ne pouvons que constater l‟importance de contribuer à la survie de notre culture. L‟héritage qui nous est laissé par nos aînés se fragilise, il est même parfois perdu pour certaines communautés, pour certaines familles, et pour certains individus qui ne savent pas qui ils sont ni d‟où ils viennent. Nous reconnaissons aussi de plus en plus l‟histoire de nos parents, nous tentons de nous reconstruire une identité collective et une fierté en tant que Premières Nations, et nous voulons affirmer notre survie dans des mouvements comme Idle no more. C‟est une renaissance autochtone qui se vit. Cette renaissance n‟est pas un évènement auquel on assiste, c‟est un processus auquel on doit participer en se demandant constamment quel rôle nous pouvons y jouer. Pour ce faire, il importe qu‟une action soit posée. Nous avons la possibilité d‟agir et de prendre part à la survie culturelle de notre communauté, en souhaitant que notre geste puisse être porteur d‟espoir pour les générations futures. En outre, le pouvoir détenu actuellement par la jeunesse autochtone est avant tout de se reconnaître.

Suite à cette prise de conscience, les intentions de la chercheure ont pris forme. Cette recherche est devenue le symbole d‟une jeunesse autochtone tentant de se découvrir et de s‟exprimer par l‟entremise d‟une expérience artistique en communauté d‟appartenance. Elle vise plus précisément à raconter de quelles façons l‟art communautaire peut favoriser une affirmation identitaire.

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L‟intervention a été réalisée auprès d‟un groupe de jeunes Atikamekws de La Tuque. Les activités mises en place par l‟artiste intervenante ont été élaborées dans une perspective de partage, de rencontre, de réflexion et de dialogue. Les apprentissages émergeant de cette expérience contribuent à définir l‟approche que souhaite développer l‟artiste intervenante au sein de sa communauté. La jeunesse atikamekw, catégorie sociale ciblée pour cette recherche, est l‟identité que tentent d‟affirmer autant les participants que la chercheure.

Le plan du mémoire suit le cheminement de la chercheure en fonction des réflexions développées au cours de ses études de deuxième cycle. Le premier chapitre présente l‟élaboration du projet de recherche de maîtrise en art avec la communauté selon une problématique liée au parcours artistique et identitaire de la chercheure. Le deuxième chapitre dresse un portrait de la Nation Atikamekw ainsi que celui de divers artistes du Québec qui affirment une identité autochtone à travers la création, portraits visant à situer la chercheure au regard de ses origines atikamekws ainsi que de sa pratique artistique. Le troisième chapitre aborde le cadre théorique et conceptuel de la recherche par des notions d‟identité et d‟expérience artistique, et tente de les définir en établissant des liens entre chacun d‟eux. Le quatrième chapitre décrit la méthodologie retenue pour cette recherche ethnographique à caractère autoethnographique, afin de décrire l‟approche qui convenait à l‟intervention pratiquée par l‟artiste auprès de sa communauté autochtone d‟appartenance. Finalement, le cinquième chapitre témoigne de l‟expérience vécue sur le terrain et des résultats de la recherche, dans une perspective d‟apprentissages et d‟affirmation identitaire à travers le récit descriptif, réflexif et analytique d‟une pratique en art communautaire.

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CHAPITRE 1

PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.1 L’ART ET L’IDENTITÉ

L‟art a toujours occupé une très grande place dans ma vie, non pas uniquement pour sa part créative, mais aussi pour sa dimension réflexive. Dès mon enfance, ma créativité m‟a permis de m‟exprimer et de prendre place dans le monde.

Je suis née d‟une mère Atikamekw et d‟un père Québécois. J‟ai grandi en ville, et je n‟ai jamais habité mon village d‟origine, Wemotaci1, à l‟exception d‟un séjour de quelques mois durant lequel je

suis allée à l‟école de la communauté pour poursuivre ma deuxième année du primaire. À ce niveau, les cours ne sont donnés qu‟en langue maternelle, soit l‟atikamekw, mais je ne parlais que le français. Cette période plutôt difficile a été pour moi un premier choc culturel. Néanmoins, j‟ai appris à communiquer avec les autres élèves à travers le dessin. Cette expérience m‟a fait découvrir ma différence aux yeux des autres enfants Atikamekws, et ma créativité m‟a permis de développer un premier contact avec eux.

À l‟adolescence, j'ai fait face à un sentiment de dualité émanant de mon identité métisse. Une appartenance à deux cultures différentes a éveillé un questionnement et la nécessité de me reconnaître en tant qu‟Atikamekw et Québécoise. À travers cette bousculade identitaire, j'ai trouvé une échappatoire où tout me semblait possible : les arts visuels. J‟ai donc orienté mes études dans ce domaine, du secondaire à l‟université. Au fil de ma formation, l‟art est devenu un outil de réflexion et d‟affirmation identitaire ayant contribué à l‟invention d‟un statut pouvant unifier cette double identité qui m‟habitait. Je me suis additionné à moi-même, et ce fut la naissance d‟une artiste „‟Atikabécoise‟‟.

Aujourd‟hui, je me rends à Wemotaci quelques fois par année pour visiter ma famille ou participer

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aux activités communautaires, mais la distance a créé un vide à combler. Je ressens le besoin de me rapprocher de mes origines autochtones afin de développer un sentiment d‟appartenance. C‟est ainsi qu‟avec le temps, mon identité est devenue une source d‟inspiration artistique : art et identité sont désormais liés de manière intrinsèque à ma démarche de création, et au cœur de cette dynamique réflexive réside l‟essence de la présente recherche.

1.2 L’ART AVEC LA COMMUNAUTÉ D’APPARTENANCE

En continuité avec une pratique artistique personnelle développée dans le cadre de mes études au premier cycle, un désir de créer avec les autres s‟est concrétisé à travers deux projets réalisés avec des adolescents de ma communauté à Wemotaci. Les projets Identité (2009) et Laisser sa trace (2009) m‟ont permis d‟établir un premier contact artistique avec ma communauté, entrainant de nouvelles réflexions quant à mes aspirations personnelles et professionnelles à l‟égard de mes origines autochtones et de mon statut d‟artiste.

Le projet Identité a été réalisé en 2009 pour répondre aux exigences d‟un cours complémentaire en enseignement des arts suivi lors de mes études de premier cycle à l‟UQTR. Ce cours visait à permettre aux étudiants de clarifier leur conception de l‟artiste-enseignant tout en s‟investissant dans un projet personnel de création. Il n‟était pas obligatoire de réaliser le projet dans un contexte scolaire réel, néanmoins, il m‟a semblé important de le réaliser auprès de jeunes Atikamekws de ma communauté. Pour ce faire, une collègue et moi avons élaboré plusieurs activités artistiques s‟adressant à un groupe d‟élèves de 6e année de l‟école primaire Seskitin de Wemotaci. Les

intervenants du milieu se sont montrés très ouverts, ce qui a su donner de l‟importance au projet. À notre arrivée, la direction a manifesté son enthousiasme au regard de mon engagement auprès des miens et de l‟implication de ma collègue québécoise. Ce bref voyage de trois jours nous a permis dans un premier temps de découvrir les lieux, de préparer le matériel et les activités, de nous présenter au groupe, et dans un deuxième temps, d‟animer les activités auprès des élèves qui nous étaient confiés pour la journée avec le soutien d‟un enseignant. Comme ma collègue ne connaissait ni les gens, ni le milieu, ni la culture, elle a éprouvé quelques craintes à l‟égard de son statut de „‟blanche‟‟ et de l‟accueil qu‟elle recevrait de la part des élèves. Pour ma part, j‟appartenais à la communauté, mais étrangement, je me sentais un peu comme elle. Toutefois, mon passage m‟a

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permis de constater l‟ouverture du milieu et de développer une confiance envers ce type de projet artistique que je désirais réaliser avec les jeunes de ma communauté.

Le second projet intitulé Laisser sa trace, réalisé la même année, m‟a permis de poursuivre ma démarche d‟art en communauté de façon plus approfondie. C‟est suite à un appel de dossiers d‟artistes fait par l‟organisme Oxy-Jeunes2, que mon projet a vu le jour. Celui-ci devant illustrer

l'influence du territoire sur les aspirations des jeunes, mon objectif a donc été de favoriser l‟expression et la valorisation des talents d‟adolescents autochtones habitant en communauté. Cinq jeunes Atikamekws ont été choisis en fonction de divers intérêts artistiques : l‟écriture, la photographie, la peinture, et l‟artisanat. Comme les jeunes avaient participé au précédent projet, le climat de confiance était déjà établi. Cette deuxième expérience a été l‟occasion de les accompagner dans leur création, plutôt que de leur proposer des activités artistiques. Mon rôle consistait donc à les soutenir artistiquement tout au long du projet qui s‟échelonnait sur une période d‟un mois. Les échanges étaient guidés par le processus de création de chacun, et portaient sur leurs besoins, leurs questionnements, et l‟avancée de leurs réalisations. Chaque adolescent devait produire au moins une œuvre en vue d‟une exposition finale, dont voici l‟essentiel. L‟un d‟entre eux a réalisé deux toiles représentant des paysages contrastant de la ville et de la forêt. À travers celles-ci, on pouvait ressentir la dualité de deux mondes que la plupart des jeunes autochtones rencontrent, et le choix qu‟ils envisagent déjà devoir faire dans un proche avenir. L‟apprenti photographe pour sa part, a choisi de représenter la communauté sous cinq prises de vues différentes, chacune illustrant la beauté des lieux, et marquant un attachement au territoire. Par ailleurs, des pièces artisanales étaient présentées sous forme de bijoux (bracelets, barrettes, colliers). Le travail de perlage qui en est ressorti démontre un savoir traditionnel ayant été transmis et actualisé. Finalement, une œuvre littéraire arrimée à une pièce musicale composée par un artiste professionnel, dénonçait l‟abus de consommation qui trouble la confiance à l‟égard de l‟héritage laissé aux générations futures. Toutes ces œuvres ont permis de percevoir l‟influence du territoire sur les aspirations des jeunes, et la façon dont ils souhaitaient laisser leur trace pour exprimer d‟où ils viennent. Pour promouvoir l‟exposition, des affiches ont été distribuées dans la communauté et une annonce a été faite à la radio communautaire. Malheureusement, très peu de visiteurs se sont présentés, et il importe peu

2Oxy-Jeunes est un organisme à but non lucratif, visant à développer l‟estime et le dépassement de soi d‟adolescents de 12 à 17 ans,

en misant sur le processus structuré d‟une démarche artistique accompagnée par des artistes professionnels et des intervenants communautaires. Sources internet : http://oxy-jeunes.com/presentation/, consultée le 27/07/2013.

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d‟énoncer les tristes raisons qui ont pu mener les parents et la communauté en général à ce désintéressement vis-à-vis de l‟exposition. Cette réalité à laquelle nous devions faire face, a durement ébranlée mes idéaux pour ce projet voulant favoriser l‟expression et la valorisation des jeunes Atikamekws. Ces derniers n‟ont toutefois pas semblé surpris que peu de gens se déplacent pour venir les encourager. Ils étaient souriants, et ne semblaient pas moins fiers d‟eux-mêmes pour autant. Ils ont échangé entres eux à propos de leurs réalisations, se sont félicités les uns les autres, ont pu partager un sentiment d‟accomplissement. Dès lors, je me suis engagée dans une importante réflexion : les réalisations artistiques derrière cette expérience étaient-elle simplement des objets à contempler? S‟agissait-il plutôt d‟une action, d‟une prise de parole suggérant « la création et l'action communautaire comme [des] lieux d'affirmation identitaire »? (Dubuc, Kaine, 2010, p.6).

1.3 LA DÉFINITION DU PROBLÈME

Pour faire suite à ces projets réalisés avec les jeunes de ma communauté, j‟ai ressenti le besoin de m‟engager auprès d‟eux et de réfléchir à de nouveaux projets permettant de développer l‟affirmation identitaire par l‟expérience artistique. J‟avais la conviction que ceux-ci pouvaient faire la différence, si minime soit-elle.

Pour cette recherche de deuxième cycle, mon désir d'aller vers les adolescents Atikamekws a donc été intuitif. Ces jeunes ont besoin de ressources pour les aider à croire en leur avenir, et ils ne sont pas différents de tous les autres jeunes de la province : ils écoutent de la musique, font de l‟art et du sport, s‟amusent avec leurs amis, clavardent sur Internet, vont à l‟école, regardent des films, etc. Cependant, leur réalité peut différer de celle d‟adolescents non-autochtones, entre autres à cause de la coupure identitaire causée par les pensionnats indiens3. Bien que certains puissent penser qu‟il

s‟agit d‟une histoire très ancienne, ce phénomène a encore de fortes répercussions sur la vie actuelle de plusieurs familles autochtones. « Pour une communauté humaine confrontée à la nécessité d'exister dans le présent, la recherche de racines identitaires et le bricolage d'une mémoire collective peuvent apparaître comme capitaux » (Chanson, Servais, 2006, p.33). C'est pourquoi il est encore essentiel d'en parler, et qu‟il est particulièrement urgent d‟aller à la rencontre de la jeune génération

3 Les pensionnats indiens sont les institutions canadiennes où ont été envoyés des milliers d‟enfants autochtones séparés de leurs

parents en vue d‟une évangélisation, d‟une assimilation et d‟une éducation. Au Québec, ces écoles ont existé de 1934 à 1980 (Hot, 2010).

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qui deviendra à son tour leader de la communauté et protectrice de la culture. Pour le moment, les jeunes autochtones ont peut-être encore un peu de mal à croire en l‟avenir, soit parce qu‟ils n‟y ont tout simplement pas songé, soit parce qu‟ils ont des problèmes de consommation pour combler leurs craintes leur donnant une vision d'avenir tronquée et parfois vide d'espoir. Ces troubles de dépendances occasionnent souvent un manque de confiance, une mauvaise estime de soi, et parfois un désespoir amenant au suicide (Kirmayer, et al., 2007). Malgré ces difficultés, plusieurs jeunes se prennent en main et ont des rêves qui occupent une place très importante au cœur de la communauté qui encourage comme elle peut les aspirations de chacun, que ce soit dans les sports par exemple. Je peux en témoigner selon ma propre expérience d‟adolescente, mais aussi en fonction de mes rencontres avec les jeunes Atikamekws et de leur ouverture face aux projets artistiques. À travers ceux-ci, je n‟aspire pas à changer le monde, mais je crois que mon parcours personnel a fait naître un questionnement quant à ce que peuvent vivre à leur tour les jeunes de ma communauté. Cela m‟a amenée à réaliser pour eux et avec eux, des activités artistiques voulant favoriser une réflexion sur leur identité.

Au fil des expériences et des rencontres, j'ai pu observer l‟influence qu‟ont de plus en plus les arts sur l'affirmation identitaire autochtone. Je pense entre autres au Wapikoni Mobile, un studio ambulant de formation et de création audiovisuelle et musicale, qui depuis sept ans, parcourt les communautés des Premières Nations du Québec afin de donner la chance aux jeunes de s‟exprimer, de s‟ouvrir aux autres, et de s‟affirmer à travers la vidéo et la musique4. Cette approche fait écho aux

expériences artistiques que j‟ai réalisées avec ma communauté, et me permet d‟imaginer leurs impacts dans la vie des jeunes rencontrés. Je ne peux changer le monde, mais je crois au changement de la vision que les jeunes ont de leur monde, vision qui peut se traduire dans l‟affirmation d‟une identité individuelle et culturelle à travers l'art. Comme le disait la directrice Manon Barbeau, « l'art enracine l'identité, et, en même temps, la fait fleurir »5. Dans la démarche artistique

que je tente de développer auprès de ma communauté, l‟un des buts visés est d'intégrer la réflexion identitaire au processus de création. « Ce n'est point l'œuvre faite et ses apparences ou ses effets dans le monde qui peuvent nous accomplir et nous édifier, mais seulement la manière dont nous l'avons faite. » (Gingras-Audet, 1979, p.197).Le processus de création m‟apparaît désormais aussi important que le résultat lui-même mais je ne cherche toutefois pas à diminuer la présence de

4 Source internet : http://www.wapikoni.tv/univers/about , consultée le 03/02/2011. 5 Manon Barbeau, 2013, communication personnel.

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réalisations artistiques pouvant résulter d'une telle expérience, où l‟objet artistique peut devenir un langage universel, une médiation pouvant favoriser les dialogues. « En contexte de communauté d‟apprentissage, le dialogue apparaît également comme un acte créatif. » (McLaren, 1997, cité par Orellana, 2005). Et si le dialogue est vu comme un acte créatif, la création ne pourrait-elle pas être un acte dialogique? Dans le cadre de cette recherche, l‟accent est mis sur l‟affirmation d‟une identité individuelle mais aussi collective à travers une relation dialogique construite par l‟art permettant l‟émergence d‟apprentissage. Néanmoins, une expérience artistique partagée peut aussi permettre à une communauté de s‟affirmer aux yeux d‟une collectivité plus grande. Guérir d'une invisibilité, tel est le mandat que se donne de plus en plus l'art autochtone d'aujourd'hui. À cet effet, « Yves Sioui-Durand, un homme de théâtre huron-wendat, établit un lien évident entre l'art, l'affirmation identitaire et la guérison. Il affirme que l'art, pour les autochtones, est considéré comme une médecine. » (Cité par Audet, 2005, p.18). La quête de guérison des peuples autochtones est de plus en plus exprimée depuis la reconnaissance des blessures causées par les pensionnats amérindiens que les autochtones tentent encore aujourd'hui de surmonter et qui touchent plusieurs générations (Audet, 2005). Moi-même concernée par cette réalité qu'a vécue ma mère ainsi que plusieurs membres de ma famille, je me sens engagée envers ma communauté, j‟ai besoin de m‟exprimer, mais aussi de lui donner une voix, d‟aller à sa rencontre et de la faire connaître.

L‟intention de départ de cette recherche de maîtrise fut d‟animer des activités artistiques auprès d‟adolescents Atikamekws, ainsi, je n‟avais pas imaginé que cette expérience puisse avoir des effets sur ma propre identité atikamekw et mon statut d‟artiste intervenante. Cette recherche n‟est donc pas qu‟une réflexion portée sur l‟art et l‟identité, elle est aussi une forme de retour aux sources et un questionnement sur mon parcours artistique et identitaire à travers l‟expérience d‟art partagé avec les adolescents de ma communauté.

1.4 LA QUESTION DE RECHERCHE

Mon parcours réflexif entre l‟art et l‟identité m‟amène à m‟interroger sur les effets d‟une expérience artistique partagée avec ma communauté, et soulève par le fait même l‟importance du processus de création et d‟intervention à travers lesquels se concrétisent l‟expérience d‟affirmation identitaire. Ces réflexions développées tout au long du processus de collecte et d‟analyse des données, soulèvent la

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question de recherche suivante : Quels sont les apprentissages qui émergent d‟une expérience artistique partagée avec sa communauté d‟appartenance dans une perspective de dialogue et d‟affirmation identitaire? Bien que cette question supporte toute la recherche, elle suppose deux réflexions spécifiques à celle-ci : l‟une concerne les adolescents atikamekws rencontrés, et l‟autre l‟artiste qui intervient dans sa propre communauté. Elle englobe donc les sous-questions suivantes : quels apprentissages émergent de la pratique? Lesquels émergent des dialogues? De quelles façons l‟expérience artistique favorise-t-elle une affirmation identitaire?

1.5 LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

L‟objectif principal de cette recherche est donc de décrire l‟expérience artistique partagée avec des adolescents Atikamekws dans une perspective d‟apprentissage. Des sous-objectifs plus spécifiques définissent celui-ci, et concernent autant l‟artiste intervenante que la communauté :

 Partager une expérience artistique dans le respect de la communauté et de notre culture.

 Rencontrer des membres de la communauté atikamekw dans le contexte de cette

expérience artistique afin de développer un sentiment d‟appartenance.

 Porter une réflexion sur l‟identité à travers un processus de création.

 Expérimenter l‟art comme outil pouvant favoriser le dialogue et l‟affirmation de soi.

Ces objectifs visent à encadrer l‟expérience artistique vécue par les participants, mais aussi à définir une pratique d‟art en communauté développée par l‟artiste intervenante.

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CHAPITRE 2

PORTRAITS AUTOCHTONES

Puisque la question identitaire prime dans la problématique de cette recherche, il importe d'explorer diverses caractéristiques entourant la nation atikamekw à laquelle j‟appartiens, et plus précisément, la communauté de Wemotaci d‟où je suis originaire. Dans un autre ordre d‟idées, il sera pertinent de définir l‟art autochtone et de présenter différents artistes œuvrant au Québec, afin de porter une première réflexion sur l‟affirmation d‟une identité autochtone à travers la création. Ce chapitre vise donc à mieux me situer en tant qu‟Atikamekw, mais aussi en tant que jeune artiste autochtone.

2.1 LA NATION ATIKAMEKW DE WEMOTACI

Pour présenter la nation atikamekw de Wemotaci, milieu d‟où je suis issue, je ferai une revue historique reliée au territoire et à la communauté, je définirai la population et dresserai un portrait plus précis du peuple, et j'aborderai le mode de vie dans les contextes de la langue, de l‟éducation et des activités traditionnelles, afin de reprendre contact et prendre conscience de tous ces faits qui ont permis à ma nation de se construire une identité culturelle.

2.1.1 Le territoire et la communauté de Wemotaci

L'être humain se définit en partie par son territoire d'appartenance et en partie par sa communauté d'origine (Lavoie,1999). Pour les habitants du village atikamekw de Wemotaci, la définition entourant leur identité n‟est pas si évidente. En effet, le territoire qu'ils occupent depuis des millénaires n'a pas toujours été considéré comme étant le leur. Dans l'histoire, on fait souvent référence aux ''Têtes-de- boules'', et les Atikamekws ont longtemps été perçus comme des « squatters » et des « usurpateurs » de territoire, ceci entrainant de lourdes conséquences sur leur estime personnelle, mais aussi sur l'équilibre de cette nation en construction (Jérôme, 2010). De ces faits historiques, il ne faut pas déduire qu'aujourd'hui le sentiment d'appartenance au territoire des Atikamekws en est amoindri. Au contraire, les habitants de ma communauté n'en ont que davantage démontré l'envie de défendre

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leur terre, au travers plusieurs revendications, et non pas dans le sentiment que celle-ci leur appartient, mais dans la perspective que ce sont eux qui appartiennent à cette terre à laquelle ils doivent protection. Elle a nourri nos familles depuis tant d'années, et malgré le fait qu'aujourd'hui le mode de vie ait bien changé depuis le temps où les subsistances étaient tirées uniquement des ressources naturelles (Boivin, 2003), la reconnaissance est toujours présente. Ce territoire situé à environ 115 kmau nord de la ville de La Tuque, a été nommé de bien des façons au cours des temps passés selon l'ouvrage de la Commission de toponymie (Québec) paru en 1994.

Fig.1 : Toponymie de Wemotaci 6 8emoutachen...1724 Montachene...1827 Weymontachinque...1829 Waimootansking...1830 Weymontachingue...1832 Warmontashingen...1837 Warmontaching...1840 Weymontachie...1986 Wemotaci...1997

Alors que l'on a tant cherché à écrire et à nommer cette montagne d'où l'on observe, Wemotaci, une question subsiste : que signifie le territoire pour la communauté qui l'habite? Pour y répondre, je me suis penchée sur le texte d'une Atikamekw ayant eu la chance de poser la question à son grand-père :

Pour l‟homme atikamekw disait-il, « le territoire est bien plus qu‟un espace d‟exploitation pour la chasse, la trappe et la cueillette, il représente en fait un milieu de vie avec lequel il entre en relation d‟échange et de partage et pour lequel il éprouve un profond respect. Ainsi, pour les chasseurs, il ne s‟agit pas simplement d‟occuper le territoire, mais également d‟avoir une forme d‟engagement envers ce dernier et les êtres qui l‟habitent ». (Mon grand-père vit des émotions en se remémorant ce que son père lui a partagé et appris au cours de sa vie.) Cette conception du territoire constitue le fondement de l‟identité atikamekw et cette vision demeure très présente dans les discours atikamekws actuels sur le territoire. (Awashish, 2007, p.28)

6 Source : http://www.toponymie.gouv.qc.ca/CT/toposweb/fiche.aspx?no_seq=261561, Commission de toponymie

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Il demeure toujours pertinent pour les occupants du village de Wemotaci, et les occupants de tout autre village, de soulever la question territoriale. Questionner le territoire, c'est aussi questionner l'identité collective, « ce qui fait qu'un peuple, une nation ou un groupe ethnique se sent différent et surtout se sent valorisé » (Lepage, 2002, p.45). Le territoire existe sans la communauté, et c'est plutôt la communauté qui émerge et qui se caractérise par le territoire qu'elle occupe. Pour les Atikamekws de Wemotaci, ce sont plus que des revendications territoriales, ce sont des affirmations identitaires et existentielles qui témoignent d'un mouvement de solidarité visant à défendre les terres ancestrales. Quoi qu‟il en soit, « ces revendications doivent être abordées sous l'angle du partage plutôt que sous l'angle de la privation » (ibid), un partage pouvant enfin démontrer aux communautés autochtones qu'elles existent et qu'elles sont comprises. En juin 2012, suite aux blocages forestiers menés sur le territoire atikamekwvisant à démontrer un mécontentement causé par « la stagnation du processus de règlement de leurs revendications territoriales »7, nous avons pu constater que

l'ignorance n'était point payante. « Le Québec doit établir une relation de nation à nation », s'est exprimé Ghislain Picard8, Chef de l‟Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

(APNQL). Comment expliquer qu'en 2012, aucune communication réelle n'ait pu s'établir entre les autochtones et les Québécois sur la question territoriale et qu'on en soit encore à conscientiser la population qu'une relation doit être instaurée?

Ce qui aurait pu être une démarche d‟égalité fondamentale, de reconnaissance réciproque et de respect mutuel des parties, s‟est avéré plutôt comme un processus entaché par un très grand déséquilibre dans le rapport de force, par la méprise et la mésentente, voire le mensonge et la fraude (Lepage, 2002, p.54).

Les communautés autochtones ont tendance à être sur la défensive, mais comment faire autrement lorsqu'on repense au processus connu dans le passé? Les autochtones se méfient, tentent de se tenir debout, de ne pas se laisser vaincre par une culture qui se croit plus grande et plus forte. On ne peut leur reprocher, surtout pas dans un Québec qui se bat pour les mêmes raisons.

Le territoire et la communauté de Wemotaci sont très fortement liés par un passé qui les a tous deux bâtis. Les Atikamekw ont eu et auront encore aujourd'hui à « négocier et penser au quotidien leur relation au territoire sur le territoire même, à travers la relation qu'ils entretiennent avec les non autochtones, les blancs ou ''emitcikocic''. » (Jérôme, 2010, p.61). Effectivement, dans le désir qu'ils

7 Source : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/353745/pourquoi-vouloir-noyer-le-poisson. 8 Source : http://www.atikamekwsipi.com/medias

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ont de voir le territoire survivre et la communauté grandir, ils doivent s'ouvrir aux changements que la culture doit assimiler aujourd'hui, poursuivre la transmission des valeurs ancestrales par et pour le territoire qui les entoure, mais aussi, bâtir un pont avec la nation québécoise. Tout démontre que les Atikamekws de Wemotaci se sont affirmés sur ce point depuis déjà plusieurs années, et rien ne démontre qu'ils ont l'intention de baisser les bras. Dans les revendications écrites venant des autochtones, on y mentionne souvent l'objectif d'une collaboration entre les deux peuples (autochtone - québécois), « plus harmonieuse, digne et respectueuse. » (Boivin, 2003). L'idée de collaboration pourrait devenir un embrayeur face aux changements relationnels entre les autochtones et les Québécois, et favoriser la mise en place de vrais dialogues pour régler la question territoriale. Et si la question du territoire est aussi importante pour l‟identité des autochtones qui vivent en communauté, qu‟en est-il de ceux qui vivent en milieu urbain?

2.1.2 Le peuple Atikamekw d’hier à aujourd’hui

Les Atikamekws de la Haute-Mauricie sont un peuple traditionnellement nomade, composé d'environ 6000 personnes aujourd'hui, réparties sur trois communautés distinctes : Manawan, Opitciwan et Wemotaci. Aujourd'hui le peuple est sédentarisé. On dénombre aussi plusieurs familles habitant en milieux urbains comme les villes de La Tuque, Shawinigan, Trois-Rivières, Québec et Montréal. Encore une fois, on comprend que le territoire peut aider à définir ce qu'est le peuple atikamekw. Mais un peu plus spécifiquement, concernant celui de la communauté de Wemotaci, on pourrait se poser la question suivante : « Que signifie être Atikamekw aujourd'hui? » (Jérôme, 2010, p.10). À cela, j'aurais envie de répondre qu'il n'y pas de signification qui puisse se justifier seule, mais les écrits sur le sujet ne manquent pas (Lavoie 1999, Boucher 2005, Bergeron et Rioux 2007, Jérôme 2005, 2009, 2010). Ceux-ci nous permettent de constater que les Atikamekws vivent ensemble, et qu'ils se caractérisent tous individuellement selon leur appartenance au groupe. Leur identité passe par l'identité familiale. « La sphère familiale dévoile des catégories émiques basées sur les rôles qu‟y joue chaque individu et entre lesquels il y a transmission des savoirs : petits-enfants, parents, grands-parents. » (Boucher, 2005, p.77). Ces trois catégories interagissent, formant ainsi un portrait de famille atikamekw typique. C'est dans la représentation de chacun de ces groupes, que peut se dresser un portrait du peuple atikamekw dans son ensemble.

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2.1.2.1 Les aînés : les racines du passé

Les aînés sont les traces vivantes d'un mode de vie passé qui n'est pourtant pas si lointain. Ils ont beaucoup à raconter. Les savoirs plus traditionnels qu'ils transmettent « suscitent observation et écoute, signes de la tradition orale à laquelle ils appartiennent » (Boucher, 2005, p.93). La plupart des échanges ne se prévoient pas, ils ne s‟imposent pas, ils surviennent à des moments inattendus et précieux. Il faut respecter la présence des aînés, et être à l'écoute de l'espace qu'ils occupent par leurs paroles, leurs regards, et leurs gestes. Au sein des communautés autochtones, les aînés sont reconnus et appartiennent à la famille de tous. Prenons par exemple le cas des kokoms (mères). « Les enfants de Wemotaci ont généralisé l'expression kokom pour identifier une grand-mère, leur grand-mère ou la grand-mère de quelqu'un d'autre. Cette généralisation a eu comme effet qu'aujourd'hui cette nouvelle expression fait partie du langage quotidien des habitants de Wemotaci. » (Lavoie, 1999, p.111). Il est vrai de dire que le terme kokom est devenu courant, mais il est surtout devenu une marque d'affection et de reconnaissance envers les femmes aînés de la communauté, qui deviennent à la fois les mères et les grand-mères de tous. Cela a pour effet de créer un sentiment d'unicité au sein du village, et de valoriser les relations intergénérationnelles, puisque tous peuvent apprendre des autres, sans contrainte familiale. Les barrières qu'on croit trop présentes entre les aînés et les jeunes, n‟existent pas dans ce contexte d'appellation sociale. En somme, les aînés occupent encore aujourd'hui une place prédominante, située au cœur du processus de survie de la culture atikamekw. De leurs savoirs découle la force d'une jeunesse grandissante. Les aînés, comme nikokom (ma grand-mère), sont le reflet d'un passé, la trace d'un présent, et la mémoire de demain.

2.1.2.2 Les parents : la génération des pensionnats

Ils sont de la génération marquée d'un lourd passé, de ceux qui tentent de se réconcilier avec eux-mêmes. Ils sont aussi de la génération qui a dû prendre des décisions, et se battre pour ces choix. Cette jeunesse d'hier qui a grandi, malgré tout.

[…] les adultes, une fois devenus parents, se retrouvent à une étape charnière de la transmission intergénérationnelle. C‟est que cette génération est marquée par une nouvelle ère de politiques assimilatrices. École, sédentarisation et vie en communauté sont trois des changements majeurs auxquels ils durent faire face. […] Afin de bien comprendre comment les parents vivent et perçoivent leur rôle au sein

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de la transmission contemporaine des savoirs, il faut bien saisir l‟ampleur de la coupure qui a eu lieu dans la reproduction sociale à l‟époque où ces individus devenaient adultes et parents (Boucher, 2005, p.84).

Beaucoup se sont relevés, d'autres ont encore un peu de mal, mais parmi ceux qui s‟en sont le

mieux sortis, ils tirent leur force dans la défense de ce qu'ils sont et de ce qui les définit : la langue, les traditions, et le territoire. Tout ce qui leur a été enlevé étant enfant, ils tentent de se le réapproprier aujourd'hui. Pour ceux par contre qui se cherchent encore, le reflet d'eux-mêmes est tout autre. Ils n'ont pas encore trouvé en eux la pleine guérison qu'ils attendent. Le sentiment de déracinement les habite toujours, même si la plupart occupent présentement le territoire. D'autres ont préféré la ville, mais reviennent régulièrement à la communauté. Certains travaillent, d'autres s'occupent de leur famille. Dans l'ensemble, les parents autochtones d'aujourd'hui ont chacun pris la route qu'ils ont senti la meilleure pour eux et leur famille, tout cela en n‟oubliant pas de préserver la transmission intergénérationnelle. Par ailleurs, il serait faux de croire « qu‟un adulte, une fois parent, ne reçoit plus de savoirs de ses aînées, ceux-là mêmes qui entretiennent une relation particulière de transmission avec leurs enfants. » (Boucher, 2005, p.77). En effet, le processus de partage n'étant pas linéaire au temps et à l'âge, chacun des membres de la famille, voire même de la communauté, peut soutirer de nouveaux apprentissages à différentes étapes de sa vie. Par contre, les parents autochtones d'aujourd'hui doivent bien souvent jouer le rôle de médiateurs dans les échanges entre la génération plus jeune et les aînés. Effectivement, comme c‟est le cas pour moi-même, beaucoup de jeunes Atikamekws ne maîtrisent pas leur langue maternelle, la présence des parents est donc nécessaire. Ce phénomène peut être troublant à imaginer au sein d'une seule et même famille, mais il est pourtant bien réel. Nikawi (ma mère) fait partie des survivants des pensionnats. Elle est de ceux qui doivent aujourd‟hui être des piliers pour les nouvelles familles, de ceux qui ont subi, qui ont tenté et qui tentent encore aujourd‟hui d'amortir les chocs causés par leur déracinement culturel.

2.1.2.3 Les enfants : l‟espoir d‟un « à venir »

Selon les écrits de Jérôme (2010), « les liens de parenté et l'appartenance à une famille, à une communauté ou à une nation prévalent sur la notion de ''jeune autochtone'' comme expressions et représentations identitaires » (p.336). Donc, petite enfance, enfance, préadolescence, adolescence, jeunes adultes, sont des phases d'âge pouvant s'introduire dans la catégorie jeunesse, mais qui

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demeure sans frontière réelle (Jérôme, 2010). Au-delà de cela, ce sont les relations qui situent réellement l'étape de la vie à laquelle l'Atikamekw fait face. Ceux qui se sentent concernés par cet espace d'identification sociale, comme moi par exemple, savent qu'ils doivent affirmer cette position et tracer leur propre chemin. De nos jours, la jeunesse autochtone a un mode de vie qui se différencie totalement de celle de leurs parents. Aujourd'hui, ils ont la responsabilité de s'éduquer et de trouver un emploi, ce qui peut restreindre leur liberté d'accès aux savoirs traditionnels, au territoire et aux aînés (Boucher, 2005). En effet, les activités pouvant favoriser la transmission des valeurs fondamentales de la culture autochtone sont un peu mises de côté pour laisser place au système éducationnel occidental, ce qui néanmoins, n'empêche pas les jeunes de s'intéresser aux deux niveaux d'apprentissages où chacun peut développer un sentiment de fierté. Malgré cela, plusieurs sont portés à croire que la nouvelle génération ne s'intéresse pas assez à la culture, ou qu'elle n'y connaît rien (Jérôme, 2010). Il peut être vrai de dire que, pour toute personne, il est possible de rencontrer une étape dans la vie où tout puisse sembler sans intérêt. Pensons à la période de l'adolescence plus précisément. Pour ce qui est des jeunes Atikamekws, cette absence de connaissances ne peut se traduire en un désintéressement. Ils se retrouvent tout simplement devant un avenir incertain pour leur culture, et sont souvent sans modèle préétabli pour leur éducation, puisque leurs parents n'ont pas eu de modèle non plus, et cette réalité inclue les enfants de ces enfants. Néanmoins, la jeunesse atikamekw d‟aujourd'hui incarne l'espoir et la survie de la culture. Nin (moi), nimis (ma grande sœur), et maintenant nitowacim (mon neveu), sommes de cette génération en mouvement.

2.1.3 Le mode de vie

Une vision stéréotypée du mode de vie autochtone subsiste encore aujourd'hui. Cette image de « ''Kawish'' alcooliques, profiteurs du système, abuseurs du bien-être social.» (Jérôme, 2010, p.111), est malheureusement encore présente. Il s'agit de faire cesser l‟ignorance pour comprendre cette réalité qui échappe à bien des gens, et qui pourrait faire une différence sur la vision qu‟ont les peuples autochtones d‟eux-mêmes. Malgré tous les propos négatifs que l'on peut entendre concernant le mode de vie des autochtones, il semble qu'on enjolive aussi ce même mode de vie en affirmant que les Premières nations ont tout, et facilement. Cette idée se transmet bien souvent par des personnes qui ne voient qu‟un seul côté des choses, et qui ne cherchent pas à aller plus loin.

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[…] l'idée que les autochtones sont comblés de privilèges est si fortement répandue qu'il n'est pas surprenant qu'une majorité des gens en soient arrivés à croire que les autochtones vivent mieux ou aussi bien que les Québécois. De l'idée de ''privilège'' on a donc glissé, sans trop s'en rendre compte, vers le ''privilégié''. Pourtant la réalité quotidienne dans la majorité des communautés autochtones est tout à fait à l'opposé de cette perception. (Lepage, 2002, p.61)

Ces propos sur le mode de vie ''privilégié'' des autochtones ne sont tout simplement que le reflet

d'une propagande provenant de certaines personnes insouciantes ou ignorantes. Et chacun des préjugés mentionnés ci-haut découle d'une ''vérité'' qu'il faut questionner. Mis à part l'expression ''Kawish'' à connotation raciste dont le sens est détourné, les termes d'alcooliques, de profiteurs et d'abuseurs du système, peuvent être resitués dans des contextes logiques et historiques pouvant répondre à leur apparition dans le présent collectif. Si tout un chacun s'attardait à l‟histoire et aux faits pouvant justifier le mode de vie actuel des peuples autochtones, ces préjugés n'auraient plus lieu d'être, et cela encouragerait la lutte contre la disparition de la langue, de l‟éducation positive, de la valorisation et de la survie des traditions, par conséquent, de la culture autochtone.

2.1.3.1 La langue : la survie de l‟Atikamekw

« Nehirowimo! Parle en atikamekw! » J‟ai souvent entendu cette expression quand je rendais visite à ma famille, et il n'est pas rare de l'entendre quand vient le temps de sensibiliser la jeunesse à l'utilisation de leur langue maternelle (Jérôme, 2010). En tant que métisse, il a été difficile d‟assumer le fait de ne pas maîtriser celle-ci, mais j‟ai toujours l‟espoir de réussir un jour car heureusement, notre langue survit plutôt bien au sein de la nation atikamekw. Par contre, il ne faut pas négliger les efforts qui ont été déployés pour y arriver. Ce sont les parents, la génération des pensionnats, qui ont le plus revendiqué la nécessité de valoriser la langue par tous les moyens possible. La culture en dépend, et tous en sont conscients. « Je regarde autour de moi et je vois bien l‟urgence de faire quelque chose, car nous sommes en train de voir la culture atikamekw disparaître… tranquillement, mais sûrement. » (Ottawa, 2006, p.4). La conscience collective est grande sur l'importance d'agir et de sauvegarder l'existence de notre culture. C'est un héritage qui risque de se perdre peu à peu. Comment cette dégénérescence se fait-elle sentir? Comment se vit-elle? Comment la décrire? Et comment la vaincre? Les Atikamekws ont conscience de ce qui est en jeu, et ils en prennent surtout conscience à travers les relations intergénérationnelles qui sont parfois difficiles et même impossibles dans certains cas.

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Ces propos tenus en 1992 sont toujours d'actualité et se retrouvent au cœur des préoccupations quant à l'avenir de la langue atikamekw. Quand tous les aînés auront disparu, qu'adviendra-t-il? Les parents prendront-ils leur place? Et quand ces parents n‟y seront plus, est-ce que la présente jeunesse qui aura grandi sera assez forte pour poursuivre la transmission de savoirs à leur tour? Est-ce à Est-ce moment que l'on peut imaginer voir la culture s'éteindre, et une langue devenir muette? C'est très clairement ce qui inquiète les parents et les aînés d'aujourd'hui. Ceux-ci encouragent les jeunes à explorer leur culture à travers tout ce qui peut les intéresser, que ce soit par la musique, le chant, ou l'écriture. La langue atikamekw écrite est aussi un point à améliorer davantage. « Je pense que c'est ennoblir une langue que de l'écrire. » (Coocoo, 1992, p.325). Il est vrai que toute langue mérite d'avoir sa propre mémoire „‟encrée‟‟ sur papier. C'est d'autant plus pertinent dans un contexte de culture orale comme c'est le cas chez les Atikamekws. Ne rien perdre de cette richesse qu'est la langue qui unit un peuple. D‟un autre côté, les aînés sont conscients que « la tradition orale a joué un rôle clé pour garder les pratiques culturelles vivantes dans les pires conditions. Si les connaissances avaient été écrites, il aurait été plus facile de les détruire! » (Trépanier, Creighton-Kelly, 2011, p.29).

2.1.3.2 L‟éducation : le retour aux sources

Les aînés ont longtemps redouté la présence d‟institutions scolaires au sein de leur communauté. Ce qui est tout à fait compréhensible quand on repense à l‟éducation qu‟ont reçue leurs enfants dans les pensionnats amérindiens. Néanmoins, aujourd'hui la tension se fait moins sentir. L'éducation fait désormais partie prenante du développement chez les jeunes autochtones. « C'est une responsabilité individuelle et commune que de préparer l'avenir, et l'éducation en est la base. Il faut donc la solidifier et le moyen de le faire, c'est à notre manière, c'est-à-dire avec nos valeurs, notre culture, notre histoire et, surtout, dans notre langue maternelle. » (Coocoo, 1992, p.325). Suite à l'instauration des écoles dans les milieux autochtones, les membres des communautés ont défendu l'importance d‟enseigner la langue et les traditions autochtones dès les premiers apprentissages.

Il apparaît clairement que la culture est une façon de vivre, de faire, de penser et aussi une façon de parler, car on sait que la langue en est une composante. Dans l'avenir, il serait très important que la langue soit encore le moyen de lier les aînés et les jeunes. Il faut trouver une façon de les faire se rejoindre, car actuellement les ondes sont brouillées entre ces générations. Il paraît urgent d'y remédier par des moyens qui sauraient les intéresser. (Coocoo, 1992, p.323)

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D‟emblée, il importe de rappeler deux éléments cruciaux. Chez les Autochtones, pendant des centaines d‟années, les savoirs ont été transmis dans le contexte de la famille et de la communauté. L‟école est apparue il y a à peine 50 ans; la tradition scolaire des nations autochtones est donc très jeune par rapport à la nôtre. De plus, non seulement l‟école constitue un phénomène relativement récent pour eux, mais elle est entrée en conflit, de nombreuses façons, avec leur style de vie traditionnelle. (Bergeron, Rioux, 2007, p.10)

Ils accueillent l'idée de permettre à leurs enfants de s'instruire tout autant que les autres, mais en ne négligeant pas de favoriser les savoirs propres à la culture autochtone. Il va sans dire que les parents ont un rôle prédominant à jouer dans le cheminement scolaire de leurs enfants, en communauté comme ailleurs (Bergeron, Rioux, 2007). Néanmoins, dans le contexte autochtone, il demeure encore plus essentiel que les parents, malgré leur propre processus de scolarisation ayant pu être difficile, s'investissent dans la réussite académique de leurs enfants. Le décrochage scolaire chez les Autochtones est très présent. Les niveaux atteints sont en moyenne très bas.

Plus de 40% des Autochtones n'ont pas atteint le troisième secondaire, alors que cette proportion est de 20% pour l'ensemble de Québécois. Bien que les données à ce sujet ne soient que partielles, on observe que le phénomène du décrochage scolaire, même au niveau primaire, est très préoccupant dans la plupart des communautés autochtones. Par exemple, on rapporte dans certaines d'entre elles des taux de décrochage de 10% dès le primaire et atteignant 50% au troisième secondaire. (Lepage, 2002, p.62)

Bien que ces statistiques datent de plus de dix ans, elles démontrent tout de même une réalité et un manque qu'il est difficile de nommer. Pourquoi un si grand nombre d'autochtones ne ressentent-ils pas la motivation de terminer leurs études? Dans ces chiffres, on constate que la langue a peut-être un plus grand rôle à jouer qu'on ne le croit. Si les écoles autochtones ont mis en place une éducation en langue autochtone, c'était sans doute pour éviter la coupure identitaire entre les savoirs traditionnels et les savoirs académiques occidentaux. Par contre, dès le primaire, l'enfant autochtone doit faire face aux apprentissages en langue seconde, qui dans le cas des Atikamekws est le français. « Selon plusieurs intervenants en éducation, les difficultés scolaires des élèves autochtones sont associées à des difficultés liées à la langue d‟enseignement, entre autres. » (Bergeron, Rioux, 2007, p.14). Il est tout à fait pertinent d'estimer que les autochtones ayant des troubles d'apprentissages ou un désintéressement scolaire puissent retrouver confiance et estime d'eux-mêmes à travers la réaffirmation de leur identité. C‟est donc un retour aux sources nécessaires.

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2.1.3.3 Les activités traditionnelles : le partage

Plusieurs écrits racontent les activités traditionnelles atikamekws, mais ceux de Jérôme (2010) découlent d'une grande imprégnation culturelle l'ayant profondément habitée, comme lors d'une cérémonie de sudation, un processus de purification par la chaleur et la noirceur dans une tente traditionnelle.

J'étais saisi par l'obscurité. Il n'y avait plus un bruit, excepté celui de respirations plus puissantes que d'autres. Je sentais la chaleur monter sur mon visage. Mes yeux s'habituaient à cette opacité […] Ce silence anéantissait tous mes repères et au bout de quelques minutes, peut-être une dizaine, j'étais incapable de me situer dans la loge, ni d'identifier les places où se tenaient mes voisins […] Je somnolais, les douleurs disparaissaient. Je ne sentais plus le sol, ni aucune partie de mon corps. J'entendais le bruit sourd des crépitements du feu à l'extérieur sans savoir de quel côté ils provenaient […] Un chant grave et pénétrant, entonné par l'ensemble des participants au rythme d'un tambour à main et d'un hochet, a rompu ce silence, me sortant brutalement de ce demi-sommeil. J'écoutais sans savoir où regarder. Je cherchais la moindre source lumineuse qui me permettrait de reprendre quelques repères. J'abandonnais rapidement la lutte, restais collé au sol, reniflant l'odeur des branches d'épinette qui servaient cette fois encore de tapis de sol. Je me laissais bercer par ce chant, puis par un long récit en atikamekw. (Jérôme, 2010, p.161-162)

Cette expérience démontre la profondeur des activités dites traditionnelles. Rien n'est laissé au

hasard. Tout, dans les moindres détails, a sa raison d'être. Les Atikamekws pratiquent encore aujourd'hui plusieurs cérémonies symboliques très présentes dans le cheminement de chacun. Que ce soit la cérémonie d'accueil d'un nouveau-né, celle de ses premiers pas, ou tout simplement une cérémonie de lever du jour pour remercier la vie, toutes ces traditions permettent au peuple de se retrouver, de s'unir et de partager leur présence. Les pow-wows qui ont lieu chaque été dans les diverses communautés autochtones du Québec qui célèbrent la danse, les habits et les chants traditionnels, sont aussi des cérémonies sacrées, voire même un art pour la communauté. Par ailleurs, les Atikamekws et les peuples autochtones en général, adoptent maintenant d'autres pratiques qu'ils considèrent traditionnelles par le reflet culturel qu'elles transmettent (dans les arts visuels, la musique, la littérature, etc.) favorisant l‟émergence d‟une identité autochtone au sein de la société québécoise. En somme, toutes ces actions démontrent le besoin et la volonté des Premières nations d‟exprimer leur culture, de la partager avec le reste de la population québécoise, et d‟en être fiers. Il ne reste qu‟à engager de véritables dialogues.

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2.2 L’ARTISTE AUTOCHTONE AU QUÉBEC

Puisque l‟art est un autre point central de cette recherche, je me suis arrêtée sur ce que signifie être une artiste autochtone aujourd‟hui au Québec. Dans cette section, je définirai sommairement ce qu‟est l‟art autochtone, et prendrai aussi pour exemple des artistes qui expriment cette identité culturelle à travers différents champs de création comme les arts visuels, la musique, la vidéo et la littérature. Il va sans dire que ces choix sont faits en fonction de mes expériences personnelles dans le domaine artistique, de mes sources d‟inspirations, de mes découvertes et de mes rencontres.

2.2.1 L’art autochtone

Le terme „‟art autochtone‟‟ est une « catégorie opératoire »9 que l‟on amalgame encore trop souvent

à l‟artisanat10, à des objets „‟amérindiens‟‟ de plus en plus répandus, commercialisés, voire même

banalisés. Pensons entre autres au capteur de rêves que l‟on peut maintenant retrouver dans des boutiques de souvenirs et les commerces à un dollar. Bien que cet objet soit maintenant populaire, on ne reconnaît pas toujours sa véritable valeur ou le peuple qu‟il représente. Mais il est devenu, paradoxalement, un sujet et une image assez intéressante pour être „‟emprunté‟‟ dans divers contextes artistiques.

La contradiction est apparue dans toute sa splendeur lors de la première édition de la biennale de Montréal (27 août au 18 octobre 1998). La plus grande exposition de la biennale était placée sous le signe de la légende amérindienne des «capteurs de rêves» et pourtant aucun artiste amérindien n'avait été invité à participer à l'événement. Cherchant à justifier cette incongruité, le communiqué de presse expliquait dans un jargon très new age qu‟«aujourd'hui le capteur de rêves est suspendu partout où il peut nous apporter de l'énergie positive. [ ... ] Le capteur de rêves est conscient du monde. Son action n'est pas innocente.». (Uzel, 2000, p.197-198)

Est-ce que les choses ont beaucoup changé depuis? J‟ose espérer que oui en ce qui concerne le monde de l‟art, mais le côté esthétique que l‟on continue d‟attribuer à l‟image autochtone est actuellement devenu une mode qui se porte, sur les vêtements ou les accessoires, sans que ces symboles ne soient encore réellement compris par la société. C‟est une représentation

9 «Tout comme on parle d'art africain, d'art américain, ou d'art islamique, le terme à valeur de classification et de nomination sur la

base d'une distinction ethnique qui n'a en soi aucune valeur» (Bouchard, 1989, cité par Marchand, 2008, p.19).

10 «Comme le déplore Jacqueline Bouchard, du département d'anthropologie de l'université Laval, dès que l'on parle d'art amérindien

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folklorique du peuple autochtone, qui renvoie à des stéréotypes, « à un passé lointain, traditionnel et bien souvent à des cultures qui seraient figées dans ce passé » (Marchand, 2008, p.8), qui semble subsister dans l‟imaginaire collectif d‟un bon nombre de Québécois. Pourtant, l‟art autochtone est de plus en plus présent, accessible, et témoigne des préoccupations identitaires actuelles. Notre mode de vie en tant qu‟autochtones a certes évolué, et il en va de même pour la façon dont nous sommes amenés à exprimer notre créativité, influencés par tout ce qui nous entoure comme la technologie par exemple (Uzel, 2000). Nos objets artisanaux conservent malgré tout un sens sacré, bien qu‟ils soient parfois décontextualisés, métamorphosés ou réinventés par la volonté et l‟intention des artistes. De très bons exemples de ce type de démarche artistique se retrouvent dans l‟ouvrage Passages migratoires : Valoriser et transmettre les cultures autochtones, d‟Élisabeth Kaine et Élise Dubuc (2010)11. D‟ailleurs, un artisan de Uashat mak Mani-utenam participe à ce projet en travaillant

sur une série d‟objets inspirés du teueikan (tambour traditionnel).

Paul Blacksmith s‟interroge sur le droit de l‟artisan de modifier ce que ses ancêtres lui ont transmis. [...] se demande s‟il peut transformer le tambour traditionnel, le teueikan utilisé depuis des siècles dans les rituels précédant la chasse, un bien patrimonial collectif, en une œuvre personnelle. Un aîné lui dira que le plus important est d‟utiliser le talent que le Créateur lui a donné et qu‟ainsi il fera les bons choix. (Kaine, Dubuc, 2010, p.42)

L‟art autochtone évolue, et le peuple grandit avec lui. Ce qui importe de plus en plus aujourd‟hui, c‟est que l‟art autochtone puisse survivre afin de permettre la survie de la culture autochtone en elle-même. « Si les peuples autochtones cessent de danser le pow-wow en Amérique, il n‟y aura plus de pow-wow sur la planète. Il s‟agit d‟une forme d‟art unique au monde, qui existe seulement „‟ici‟‟ » (Trépanier, Creighton-Kelly, 2011, p.17). Donc c‟est notre art qui permettra à notre culture de survivre puisqu‟il fait partie de nos traditions, de nos coutumes, de nos croyances, et de notre façon d‟exister aux yeux du monde. Le pow-wow dont il a été question plus tôt, en est un bon exemple. « Pour un non-Autochtone, le pow-wow apparaît comme un spectacle traditionnel coloré peu différent d’un festival. Mais le pow-wow est à la fois cela et bien plus. Dans un certain sens, les pow-wow

11 Passages migratoires présente la synthèse des travaux de recherche et de création réalisés grâce à un partenariat entre des

universités et des communautés autochtones. Le projet de recherche Design et culture matérielle : développement communautaire et

cultures autochtones a été l‟occasion d‟une riche réflexion communautaire, qui se poursuit toujours. Passages migratoires est

également le catalogue de l‟exposition du même nom, présentée en 2008. Le livre intéressera toutes les personnes curieuses des cultures autochtones et ouvertes à engager un dialogue qui serait basé sur une meilleure connaissance des enjeux dans le domaine du patrimoine : grand public, étudiants et chercheurs de diverses disciplines, histoire de l‟art, muséologie, anthropologie, design. (Description tirée de la quatrième de couverture)

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