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Santé financière des entreprises laitières, céréalières et de fruits et légumes au Québec : évolution 2005-2015

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Santé financière des entreprises laitières, céréalières et

de fruits et légumes au Québec

Évolution 2005-2015

Mémoire

Ayayi Maxime d’Almeida Tohoué

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

(2)

Santé financière des entreprises laitières, céréalières et

de fruits et légumes au Québec

Évolution 2005-2015

Mémoire

Ayayi Maxime d’Almeida Tohoué

Sous la direction de :

(3)

Résumé

La situation économique difficile des fermes québécoises suscite beaucoup d’intérêt. Plusieurs études se sont consacrées à l’analyse technico-économique des entreprises agricoles, toutes productions confondues. C’est aussi le cas du présent mémoire. L’objectif général est d’analyser la santé financière des entreprises laitières, céréalières et de fruits et légumes sur la période 2005-2015. Pour y parvenir, les méthodes d’analyses comparatives, de régressions paramétriques et non paramétriques sont combinées. Les données sont issues de l’enquête financière sur les fermes co-réalisée par Statistique Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). L’absence de données sur le coût de vie des exploitants a contraint l’étude à se limiter aux entreprises en compagnie. Ces dernières sont tout de même assez bien représentatives de l’échantillon total. Les résultats ont montré que les producteurs laitiers ont une meilleure santé financière bien qu’elle soit instable et évolue en se dégradant. Les producteurs de fruits et légumes affichent une santé financière acceptable avec une tendance prometteuse. Les céréaliers sont en mauvaise posture avec une mauvaise santé financière et une tendance à l’aggravation de la situation. Les analyses ont montré aussi que les producteurs laitiers doivent leur bonne santé financière à une excellente maîtrise des coûts de production. L’excellente productivité du capital des producteurs de fruits et légumes justifie leurs résultats malgré les coûts de production élevés auxquels ils font face. La faible productivité du capital, ajoutée aux coûts de production élevés, explique la mauvaise santé financière des céréaliers. La grande entreprise de fruits et légumes est en meilleure santé financière. Inversement, la grande entreprise laitière est moins rentable. La taille n’explique pas la santé financière des céréaliers. L’expérience n’impacte pas significativement la santé financière des entreprises laitières, céréalières et de fruits et légumes.

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Abstracts

The difficult economic situation of Québec farms inspires much interest. Several studies are devoted to the technical and economic analysis of farms, all production combined. This is also the case of the current thesis. Its overall objective is to analyze the financial health of dairy, cereals and fruit & vegetable enterprises over the period 2005-2015. To achieve this, comparative analysis, parametric and nonparametric regressions have been combined. Data analyzed were from the “Farm Financial Survey” conducted both by Statistics Canada and Agriculture and Agri-Food Canada (AAC). The absence of the “cost of living” data forced the study to be limited to farming enterprises that were organized in corporation. The latter were nonetheless quite enough representative of the total sample. Results showed that dairy farmers have the best results although their financial health was unstable and was gradually degrading. Fruit and vegetable producers have an acceptable financial health with an improving trend over the years. Cereal farmers were in a bad position with poor financial health and a worsening trend. Our results also showed that dairy farmers owed their good financial health to an excellent control of production costs. The excellent productivity of cash investments (capital) of fruit and vegetable producers justifies their results despite the high production costs they face. The low productivity of capital, coupled with high production costs, explains the poor financial health of cereals. The large fruit and vegetable enterprise is in better financial health. Conversely, the large dairy enterprise is less profitable. Size does not explain the financial health of cereal farmers. Experience does not significantly impact the financial health of dairy, cereals and fruit and vegetable enterprises.

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstracts ... iv

Table des matières... v

Table des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

Aperçu du secteur agricole ... 3

Une vision et une réalité complètement opposées ... 4

Évolution de quelques indicateurs financiers de la ferme moyenne ... 5

Objectif global et questions de recherche ... 11

Pertinence de l’étude ... 12

Chapitre 2 : Cadre théorique et conceptuel ... 13

Définition de l’objet d’étude : la santé financière ... 13

Facteurs de dégradation de la santé financière ... 15

2.2.1 Les facteurs internes ... 16

2.2.2 Facteurs externes ... 17

Choix d’indicateurs ... 18

2.3.1 Incident de paiement ... 18

2.3.2 Rentabilité économique ... 19

2.3.3 Marge de sécurité sur les produits ... 20

Cadre conceptuel ... 21

Chapitre 3 : Méthodologie ... 24

Base de données et choix des productions ... 24

3.1.1 Présentation de l’enquête financière ... 24

3.1.2 Choix de productions ... 25

3.1.3 Exploration et préparation des données ... 26

Méthodes d’analyse ... 28

3.2.1 Analyse comparative ... 28

3.2.2 Modèles de régression ... 30

(6)

3.2.2.2 Régression quantile ... 31

3.2.3 Interprétation des résultats des modèles de régressions ... 32

3.2.3.1 Régressions linéaires ... 32

3.2.3.2 Régression quantiles ... 33

3.2.4 Choix des éléments d’explication de la situation financière ... 33

Chapitre 4 : Résultats et discussion ... 38

Lait : Santé financière et ses déterminants ... 38

4.1.1 Santé financière des entreprises laitières en 2015 ... 38

4.1.2 Évolution de la santé financière de 2005 à 2015 ... 39

4.1.3 Déterminants de la santé financière ... 42

Céréales : Santé financière et ses déterminants ... 46

4.2.1 Santé financière des entreprises céréalières en 2015 ... 46

4.2.2 Évolution de la santé financière de 2005 à 2015 ... 47

4.2.3 Déterminants de la santé financière ... 50

Fruits et légumes : Santé financière et déterminants ... 54

4.3.1 Santé financière des entreprises de fruits et légumes en 2015 ... 54

4.3.2 Évolution de la santé financière de 2005 à 2015 ... 54

4.3.3 Déterminants de la santé financière ... 57

Comparaison lait-céréales-fruits et légumes ... 61

Conclusion ... 68

Bibliographies ... 70

Annexe 1 : Santé financière 2005-2015 ... 73

(7)

Table des tableaux

Tableau 1. État de santé financier de l’entreprise. ... 15

Tableau 2. Principales causes internes de défaillance. ... 17

Tableau 3. Principales causes externes de défaillance. ... 18

Tableau 4. Calcul de la marge de sécurité sur les produits. ... 20

Tableau 5. Comparaison de quelques indicateurs moyens entre l’ensemble des entreprises et celles constituées en compagnie ... 27

Tableau 6. Effectif des fermes par productions et par année. ... 27

Tableau 7. Taux d’intérêt moyen annuel. ... 28

Tableau 8. Classification des entreprises agricoles selon leur état de santé financière. ... 29

Tableau 9. Synthèse des variables indépendantes et d’endettement, modes de calcul, codes et impacts attendus sur la rentabilité économique. ... 37

Tableau 10. Santé financière des entreprises laitières en 2015. ... 38

Tableau 11. Statistiques descriptives des variables indépendantes et d’endettement dans le lait. ... 43

Tableau 12. Résultats des modèles de régression sur le lait. ... 44

Tableau 13. Sensibilités moyennes des variables indépendantes significatives (Lait). ... 46

Tableau 14. Santé financière des entreprises céréalières en 2015. ... 47

Tableau 15. Statistiques descriptives des variables indépendantes et d’endettement dans les céréales. ... 51

Tableau 16. Résultats des estimations sur les céréales. ... 52

Tableau 17. Sensibilités moyennes des variables indépendantes significatives (Céréales). ... 53

Tableau 18. Santé financière des entreprises de fruits et légumes en 2015. ... 54

Tableau 19. Statistiques descriptives des variables indépendantes et d’endettements dans les fruits et légumes. ... 57

Tableau 20. Résultats des estimations sur les fruits et légumes. ... 59

Tableau 21. Sensibilités moyennes des variables indépendantes significatives (Fruits et légumes). ... 61

Tableau 22. Sensibilités moyennes des déterminants sur la rentabilité économique du lait, des céréales et des fruits et légumes. ... 66

(8)

Liste des figures

Figure 1. Vue d’ensemble de la zone agricole québécoise. ... 3

Figure 2. Répartition des recettes monétaires agricoles (en million de $) par production au Québec en 2015. ... 4

Figure 3. Évolution du pourcentage de fermes selon le chiffre d’affaires de 2001 à 2014. ... 5

Figure 4. Évolution de l’actif et du passif moyen agricole de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001). ... 6

Figure 5. Évolution de l’actif et du produit moyen agricole de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001). ... 7

Figure 6. Évolution des produits et des charges moyens agricoles de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001). ... 8

Figure 7. Évolution de la rentabilité financière de la ferme moyenne de 2001 à 2013 au Québec. ... 8

Figure 8. Évolution comparée du taux d’endettement des entreprises agricoles au Québec et au Canada de 2001 à 2015. ... 9

Figure 9. Évolution de la valeur économique et marchande des actifs agricoles de 1993 à 2011. ... 10

Figure 10. Évolution de la capacité de financement des actifs et des capitaux propres des entreprises agricoles québécoises de 1993 à 2011. ... 10

Figure 11. Cadre conceptuel. ... 23

Figure 12. Évolution de la rentabilité économique des entreprises laitières de 2005 à 2015. ... 39

Figure 13. Évolution du pourcentage de fermes laitières par classe de rentabilité économique de 2005 à 2015. ... 40

Figure 14. Évolution du pourcentage de fermes laitières liquides et non liquides de 2005 à 2015. ... 41

Figure 15. Évolution du pourcentage de fermes laitières en excellente santé et en défaillance de 2005 à 2015. ... 41

Figure 16. Évolution de la rentabilité économique des entreprises céréalières de 2005 à 2015. ... 48

Figure 17. Évolution du pourcentage de fermes céréalières par classe de rentabilité économique. ... 49

Figure 18. Évolution du pourcentage de fermes céréalières liquides et non liquides de 2005 à 2015. ... 49

Figure 19. Évolution des pourcentages de fermes en excellente santé et en défaillance de 2005 à 2015. ... 50

Figure 20. Évolution de la rentabilité économique des entreprises de fruits et légumes de 2005 à 2015. ... 55

Figure 21. Évolution du pourcentage de fermes de fruits et légumes par classe de rentabilité économique de 2005 à 2015. ... 55

Figure 22. Évolution du pourcentage de fermes de fruits et légumes liquides et non liquides de 2005 à 2015. ... 56

Figure 23. Évolution du pourcentage de fermes de fruits et légumes en excellente santé financière et en défaillance de 2005 à 2015. ... 56

Figure 24. Évolution de la rentabilité économique dans le lait, les céréales et les fruits et légumes de 2005 à 2015. ... 62

Figure 25. Évolution du pourcentage de fermes en effet levier positif dans le lait-céréales et fruits et légumes. ... 63

Figure 26. Évolution du pourcentage de fermes non liquides dans le lait, les céréales et les fruits et légumes. ... 64

(9)

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma reconnaissance

Je voudrais tout d’abord adresser toute ma gratitude au directeur de ce mémoire, Jean-Philippe Perrier, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses précieux conseils. Je reste persuadé qu’au-delà de ce mémoire, tous les conseils reçus me seront fort utiles dans mon parcours professionnel. Merci.

Mes remerciements vont aussi à l’endroit du professeur Lota Tamini pour le temps consacré à m’épauler dans mes errements statistiques. Un grand merci à tout le corps professoral du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval. Merci aussi à Monsieur Patrice Kpadé, enseignant à l’Université Nationale d’Agriculture de Porto-Novo (République du Bénin) pour ses lectures et conseils.

Je tiens également à remercier le Ministère de l’Agriculture (Agriculture et Agroalimentaire Canada), Monsieur Fabrice Nimpagaritse et tout le personnel avec lequel j’ai eu à échanger lors de mes séjours à Ottawa. L’appui financier, la mise à disposition de l’enquête financière et les différents apports sont très appréciés.

Enfin, je voudrais exprimer ma reconnaissance envers ma famille, mes amis et proches en particulier Mlle Modukpe Arielle Quenum. Merci infiniment pour tout.

(10)

Introduction

Au-delà de sa fonction nourricière, l’agriculture au Québec est un mode de vie et un moyen dynamique d’occupation du vaste territoire. C’est fort de ce constat que la Commission sur l’Avenir de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Québécois (CAAAQ) a inscrit dans son rapport la pluralité et la multifonctionnalité comme les traits devant caractériser l’avenir du secteur (CAAAQ, 2008).

Grâce aux avancées de la science et de la technologie, mais aussi à l’implication active des politiques, le secteur agricole québécois s’est profondément modernisé dans les dernières décennies. Et comme c’est le cas dans la plupart des pays industrialisés, cette modernisation intensive du secteur agricole se fait au détriment de la pluralité. Les entreprises de dimension industrielle s’imposent comme les nouveaux puissants acteurs du secteur. Si les petites et moyennes entreprises sont encore majoritaires, leur poids économique ne cesse de se dégrader. En 2014, les entreprises de moins de 99 999 $ de chiffre d’affaires (représentant plus de 40 % du total des fermes) n’ont généré que 4,5 % du revenu agricole total1. Entre 1991 et 2011, 8 639 entreprises agricoles ont mis la clé sous la porte2. Ce sont essentiellement les petites et moyennes entreprises (chiffre d’affaires compris entre 10 000 et 249 999 $) qui sont les plus touchées (voir Figure 3). Cette situation interpelle et pose une question générale qui est :

Pourquoi l’entreprise agricole moyenne québécoise est en déclin ?

C’est à cette question centrale que s’efforce de répondre la présente étude qui choisit de se focaliser sur trois productions d’importance variable dans le paysage agricole. Il s’agit du lait, des céréales et des fruits et légumes. Pour ce faire, le travail est organisé comme suit :

Le premier chapitre présente la problématique dans un contexte plus large. Il va de la présentation du secteur et de ses objectifs à l’évolution de quelques indicateurs financiers moyens. Ces différents constats permettent de justifier l’importance de l’objectif général et des questions de recherche qui font l’objet de la quatrième section. La dernière section est consacrée à la pertinence de l’étude.

Le deuxième chapitre clarifie les concepts de santé financière, ses causes et les indicateurs permettant de l’apprécier. Enfin, le cadre conceptuel est défini.

1 Statistique Canada. Tableau 002-0046 - Revenus et dépenses d’exploitation moyens des exploitations agricoles, selon la catégorie de revenu, secteurs constitué et non constitué en société, provinces, annuel (consulté le 25 juillet 2016)

2 Statistique Canada. Tableau 004-0001 - Recensement de l’agriculture, nombre et superficie des fermes et mode d’occupation des terres agricoles,

(11)

Le troisième chapitre traite de la méthodologie de l’étude. L’enquête financière sur les fermes est présentée. Les méthodes d’analyses et de traitement de données qui ont servi à répondre aux questions de recherche sont également explicitées.

Le quatrième et dernier chapitre est consacré à la présentation simultanée des résultats et de leurs discussions. Enfin, une conclusion est élaborée pour faire la synthèse des éléments de résultats afin de répondre aux questions de recherche et proposer d’éventuelles pistes pour les futures recherches.

(12)

Chapitre 1 : Problématique

Ce premier chapitre situe la problématique dans un contexte général. Les deux premières sections sont consacrées à la présentation du secteur agricole et au contraste entre vision et réalité. La troisième section présente l’évolution de quelques indicateurs clés (actifs, passifs, produits, bénéfices, valeur économique et marchande…). L’évolution de ces indicateurs, qui confirment le mal-être économique de la ferme moyenne, permet de justifier les deux dernières sections qui portent sur les objectifs et la pertinence de l’étude.

Aperçu du secteur agricole

L’agriculture québécoise emploie 42 000 productrices et producteurs répartis sur 29 000 entreprises agricoles (UPA, 2017a). Selon le recensement de l’agriculture de 2011, le secteur agricole québécois est dominé par des entreprises de tailles relativement moyennes (114 hectares). Ces entreprises sont majoritairement gérées par le noyau familial constitué en corporation ou non (Charron, Lamarche, Gilbert, Bernier, & Vézina, 2015). La zone agricole couvre un peu plus de 6,3 millions d’hectares répartis sur le territoire de 952 municipalités situées dans les 17 régions administratives du Québec. Comme le montre la Figure 1, cette zone est essentiellement située dans la partie méridionale, le long du fleuve Saint-Laurent (CPTAQ, 2016)

.

Figure 1.

Vue d’ensemble de la zone agricole québécoise.

Source : Commission de Protection du Territoire Agricole du Québec (CPTAQ, 2016, p. 4).

Bien qu’elle ne soit plus le pôle central de l’économie, l’agriculture demeure un secteur important au Québec. En 2015, les recettes monétaires tirées du marché sont estimées à huit milliards de dollars (MAPAQ, 2016). Le secteur est très orienté vers les productions animales qui génèrent près de deux tiers du total des recettes. La Figure 2 montre la répartition de ces recettes par production en 2015.

(13)

Figure 2.

Répartition des recettes monétaires agricoles (en million de $) par production au Québec en 2015.

Source : Statistique Canada, compilation du MAPAQ (2016).

Une vision et une réalité complètement opposées

La pluralité agricole, entretenue par les petites et moyennes entreprises, est l’un des objectifs affichés dans le rapport de la Commission sur l’Avenir de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Québécois (CAAAQ, 2008). Selon ce rapport, il faut :

Cohabiter dans la ruralité québécoise, une pluralité de fermes […] On devrait aussi y trouver un plus grand nombre d’installations de taille nettement plus petite […] Il y a de la place pour un nombre plus restreint de fermes de plus grande envergure (CAAAQ, 2008, p. 37).

La population agricole québécoise est vieillissante. Environ 40 % des agriculteurs quitteront l’agriculture dans les dix prochaines années (Perrier, 2013). La réussite du processus de transfert agricole devient un objectif de taille pour l’agriculture québécoise (Lepage, Couderc, Perrier, & Parent, 2011). Plusieurs programmes sont alors mis en place pour faciliter le transfert et l’installation des entreprises agricoles. Au nombre de ces programmes, on dénote le programme d’appui financier à la relève agricole, les subventions au démarrage,le programme d’aide au démarrage de nouveaux producteurs de la fédération des producteurs d’œufs du Québec, le programme d’accès prioritaire au système centralisé pour l’achat de quota de la fédération des producteurs laitiers du Québec, etc… (UPA, 2017b). Malgré cette vision et les moyens affectés, le nombre d’entreprises agricoles ne cesse de diminuer. Sur les 60 000 entreprises recensées en 1971, il n’en reste que 30 000 en 2011 (Brodeur, Lepage, Charron, Lamarche, & St-Arnaud, 2014). Entre 1991 et 2011, 8 639 entreprises agricoles ont

125 141 163 304 423 530 539 742 742 776 1322 2188 0 500 1000 1500 2000 2500 Autres bétails Pomme de terre Œufs Produits d'érable Soya Légumes Maïs Bovins et veaux Volailles et couvoirs Autres cultures Porcs Produits laitiers

(14)

dû mettre la clé sous la porte3. Comme le montre la Figure 3, cette diminution du nombre d’entreprises se ressent uniquement dans la catégorie des petites et moyennes fermes.

Figure 3.

Évolution du pourcentage de fermes selon le chiffre d’affaires de 2001 à 2014.

Source : Statistique Canada. Tableau 004-0046, compilé par l’auteur.

Même avec moins d’entreprises, la production agricole augmente. La taille moyenne des exploitations a régulièrement augmenté dans tous les secteurs. Le Québec dispose de plus de grandes entreprises (chiffre d’affaires > 500 000 $) que la moyenne canadienne (14 % au Québec contre 11,5 % au Canada)4. En 2014, ces grandes entreprises ont généré 71 % des revenus totaux alors que les petites avec un chiffre d’affaires en dessous de 100 000 $ (représentant plus de 40 % du total des entreprises) n’ont généré que 4,5 %5. Sommes-nous toujours dans cette pluralité de l’agriculture où les petites et moyennes entreprises sont viables ? La tendance de la figure 3 semble plutôt montrer le contraire. Jusqu’où diminuerait le nombre de petites et moyennes entreprises pour que la situation devienne inquiétante ?

Évolution de quelques indicateurs financiers de la ferme

moyenne

L’analyse de la baisse du nombre d’entreprises agricoles nécessite le suivi de quelques indicateurs financiers (actif, passif, ventes agricoles) et leurs conséquences.

3Statistique Canada. Tableau 004-0001 - Recensement de l’agriculture, nombre et superficie des fermes et mode d’occupation des

terres agricoles, Canada et provinces, aux 5 ans (Consulté le 12 janvier 2017)

4 Statistique Canada. Tableau 004-0233 - Recensement de l’agriculture, fermes classées selon les revenus agricoles bruts totaux

dans l’année précédant le recensement, aux 5 ans (Consulté le 25 juillet 2016)

5 Statistique Canada. Tableau 002-0046 - Revenus et dépenses d’exploitation moyens des exploitations agricoles, selon la catégorie

de revenu, secteurs constitué et non constitué en société, provinces, annuel (consulté le 25 juillet 2016) 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50% 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 10 000 $ à 99 999 $ 100 000 $ à 249 999 $ 250 000 $ à 499 999 $ 500 000 $ et plus

(15)

Les passifs (représentant ce que l’entreprise doit) augmentent plus vite que les actifs (représentant ce que l’entreprise possède). L’écart entre les deux s’accroit au fil des ans comme le montre la Figure 4.

Figure 4.

Évolution de l’actif et du passif moyen agricole de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001).

Source : Statistique Canada. Tableaux 002-0064 et 002-0071, compilés par l’auteur.

L’évolution de la valeur des actifs est en partie due à l’inflation6. De 2001 et 2011, 45 % de la croissance de la valeur des actifs agricoles est due à l’inflation (Perrier, 2014). Pour beaucoup d’universitaires, la facilité d’accès aux crédits serait une des explications de l’inflation sur les actifs agricoles. Aux premières loges des actifs agricoles qui font face à l’inflation se trouve la terre. Elle est le premier actif agricole au Canada et demeure particulièrement importante dans un contexte québécois où la propriété foncière est le fait des agriculteurs. Au cours des deux dernières décennies, le prix des terres agricoles n’a cessé de grimper. La valeur des terres en cultures a octuplé (× 8) en 20 ans (UPA & FRAQ, 2015). Selon le rapport commun de l’Union des producteurs du Québec (UPA) et de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), cette hausse de la valeur des terres agricoles est la plus grande des barrières à l’établissement de la relève (UPA & FRAQ, 2015).

L’évolution, soutenue par l’inflation, de la valeur des actifs les déconnecte de leur capacité de production. Comme le démontre la Figure 5, les actifs augmentent plus vite que les produits.

6 Inflation : Augmentation soutenue du niveau « général » des prix ( Gwartney et al., 2008[12e éd])

100% 120% 140% 160% 180% 200% 220% 240% 260% 280% 300% 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 2 0 1 3 2 0 1 5 Actif Passif

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Figure 5.

Évolution de l’actif et du produit moyen agricole de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001).

Source : Statistique Canada. Tableaux 002-0064 et 002-0071, compilés par l’auteur.

Cette augmentation de la valeur des actifs au détriment des produits entraîne une baisse de la productivité du capital. Un dollar investi en agriculture en 2001 produisait 0, 21 $ alors qu’en 2011, le même dollar investi a rapporté 0,18 $ (L’Italien, Nantel, & Bishinga, 2014). De 4,60 $ en 1971, il faut investir 6,15 $ de capital pour générer 1 $ de revenu en production laitière en 2011 (Brodeur et al., 2014).

L’augmentation de la production s’accompagne d’une augmentation conséquente des coûts de production. Cette augmentation des charges d’exploitation constitue une menace de plus à l’équilibre financier des fermes. La Figure 6 montre que les dépenses d’exploitation ont même augmenté plus vite que les produits entre 2001 et 2010. 100% 120% 140% 160% 180% 200% 220% 240% 260% 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 2 0 1 3 2 0 1 5 Actif Produits

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Figure 6.

Évolution des produits et des charges moyens agricoles de 2001 à 2015 au Québec (base 100 en 2001).

Source : Statistique Canada. Tableaux 002-0064 et 002-0071, compilés par l’auteur.

Bien que les produits aient régulièrement augmenté en valeur, la baisse de la productivité du capital et la hausse des coûts de production amenuisent la profitabilité des fermes. Cela se traduit par la baisse de la rentabilité des capitaux propres (rentabilité financière) présentée dans la Figure 7.

Figure 7.

Évolution de la rentabilité financière de la ferme moyenne de 2001 à 2013 au Québec.

Source : Statistique Canada. Tableaux 002-0044, 002-0064 et 002-0071 ; compilé par l’auteur7.

En plus d’être de moins en moins rentables, les fermes québécoises sont plus endettées que leurs homologues canadiennes et états-uniennes (Perrier, 2013). De 1993 à 2011, la dette des entreprises laitières a triplé en dollar courant (Perrier, 2014). Les passifs qui continuent à augmenter plus vite que les actifs ne présagent pas une amélioration ou un contrôle de l’endettement. Ce taux d’endettement est une situation à suivre de près, car « … un passif important pourrait, à terme, devenir un facteur de déstabilisation des finances de l’entreprise et

7 La rentabilité financière calculée n’inclut pas le coût de vie.

100% 120% 140% 160% 180% 200% 220% 240% 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 2 0 1 3 2 0 1 5 Produits Dépenses 3.00% 3.50% 4.00% 4.50% 5.00% 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 2 0 1 3

(18)

entraîner une spirale de surendettement » (L’Italien et al., 2014, p. 19). La Figure 8 ci-après montre l’évolution du taux d’endettement des entreprises agricoles au Québec et au Canada de 2001 à 2015.

Figure 8.

Évolution comparée du taux d’endettement des entreprises agricoles au Québec et au Canada de 2001 à 2015.

Source : Statistique Canada. Tableaux 002-0064 et 002-0071, compilés par l’auteur.

Alors que les actifs ont augmenté en partie à cause de l’inflation et que les passifs ont augmenté plus vite que les actifs, une question émerge : est-ce l’inflation sur les actifs qui autorise un endettement dans ces proportions ?

Tous ces indicateurs (inflation, baisse de la productivité du capital, inefficacité technico-économique...) concourent de manière logique à un écart de plus en plus poussé entre la valeur économique (proportionnelle aux bénéfices générés et au rendement espéré) et la valeur marchande (valeur d’échange sur le marché) des actifs agricoles. Ces actifs valent bien plus que le bénéfice espéré de leur mise en valeur (capacité de production). La Figure 9 suivante montre la différence entre la valeur marchande et la valeur économique des actifs agricoles au Québec.

10% 12% 14% 16% 18% 20% 22% 24% 26% 28% 30% 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 2 0 1 3 2 0 1 5

(19)

Figure 9.

Évolution de la valeur économique et marchande des actifs agricoles de 1993 à 2011.

Source : Perrier, 2014.

Pour analyser les conséquences de la situation, Perrier (2014) s’est intéressé à l’évolution de la capacité de financement des fermes. Sous l’hypothèse d’un montant d’emprunt d’une durée de 15 ans à un taux de 5 % dont l’annuité est égale à la capacité de remboursement, l’auteur aboutit aux résultats décrits à la Figure 10.

Figure 10.

Évolution de la capacité de financement des actifs et des capitaux propres des entreprises agricoles québécoises de 1993 à 2011.

Source : Perrier, 2014.

Deux constats ressortent de l’analyse de la figure 10 :

- En 2011, une entreprise agricole est capable de financer ses actifs à seulement 50 % (passant de 60 à 50 % dans le temps) de leur valeur. Comment prendre de l’expansion s’il faut autofinancer 50 % de l’investissement additionnel ? 0 500000 1000000 1500000 2000000 2500000 3000000 3500000 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 VM actif VE actif 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

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- En 2011, les capitaux propres (représentant le patrimoine de l’entreprise moins ses dettes) ne peuvent se financer qu’à 20 % (de 40 à 20 % dans le temps, diminution plus rapide que sur les actifs, car l’endettement augmente plus vite que les actifs) de sa valeur. Autrement dit, lors d’un transfert familial, la relève ne peut racheter le patrimoine agricole qu’à 20 % de leur valeur ou le cédant ne récupère que 20 % de la valeur de ses capitaux propres comme fonds de pension.

Ce contraste entre la valeur économique et valeur marchande pose beaucoup de problèmes aussi bien à la relève qu’aux agriculteurs cédants. Pour la relève, le défi principal se résume à comment trouver le financement nécessaire pour accéder aux actifs agricoles ? Pour les cédants, notamment les agriculteurs avec relève, la question est un peu plus délicate. La situation pour beaucoup est telle que le transfert est de moins en moins évident. Il est bien plus intéressant de vendre son entreprise que de la transférer au détriment d’une bonne retraite. Dans le lait, seul le tiers des entreprises est capable de faire un transfert correct pour la relève et le cédant (Perrier, 2014). Les deux tiers restants doivent-ils démanteler leurs entreprises ou se contenter d’un fonds de pension faible ?

Objectif global et questions de recherche

Le vieillissement de la population agricole québécoise met une pression supplémentaire sur la réussite des transferts. La relève ne manque pas, mais la faible capacité économique des entreprises rend difficile tout processus de transfert. Il devient donc primordial de se questionner sur la situation des entreprises et vers quoi elles convergent. Plus généralement, la question de la capacité des entreprises agricoles québécoises à créer de la valeur ajoutée avec l’ensemble des capitaux engagés (rentabilité économique) est posée. Dans le lait, de 1999 à 2008, 45 % des fermes sont en crise (Reid, 2013). Ces exploitations ne dégagent pas assez de liquidités pour faire face aux annuités. Ce résultat soulève plus d’inquiétudes dans la mesure où le lait est la première production agricole en termes de recettes au Québec. Est-ce une problématique spécifique à la production laitière ou généralisée à l’agriculture ? Existe-t-il des secteurs de production qui s’en sortent mieux que d’autres ? Voilà autant de questions qui justifient la présente recherche.

L’objectif général est d’analyser la santé financière (rentabilité économique + liquidité) des fermes pour expliquer la transformation du paysage agricole québécois. L’étude se focalise sur trois productions : le lait, les céréales et les fruits et légumes. En adoptant une analyse par secteur d’activité, le présent travail veut répondre aux questions spécifiques suivantes :

 Comment a évolué la santé financière (rentabilité économique + liquidité) des entreprises agricoles par production de 2005 à 2015 ?

 Quels éléments (choix des investissements, productivité du capital, pourcentage de charge, main d’œuvre…) expliquent la rentabilité économique des entreprises agricoles ?

(21)

 S’il existe des différences entre les secteurs de production, quels éléments peuvent les expliquer ?

Pertinence de l’étude

La plupart des études technico-économiques dans le secteur agricole utilisent de façon unilatérale les critères de rentabilité et/ou de liquidité pour définir l’entreprise la plus performante. À travers la « santé financière », la présente étude veut aller au-delà de ce choix. Elle propose de classifier les entreprises en combinant simultanément les deux critères de gestion (rentabilité et liquidité). Cela permet une classification plus complète et plus juste de la situation économique des entreprises. En effet, si la pérennité d’une entreprise rentable peut être menacée, celle d’une entreprise rentable et liquide est assurée.

Avec l’aide de la régression quantile, l’étude ambitionne mettre en évidence l’influence des déterminants selon le niveau de réussite des entreprises. Cela pourrait servir à mieux orienter les pistes de solutions selon l’état de santé de chaque entreprise.

« Un problème bien posé est un problème à moitié résolu ». Cette maxime d’Henri Poincaré résume bien la pertinence sociale de l’étude. Identifier les déterminants de la performance économique dans chaque production fournirait des leviers d’actions aux différents acteurs pour inverser la tendance.

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Chapitre 2 : Cadre théorique et conceptuel

Ce deuxième chapitre permet de prime abord d’expliciter l’objet de l’étude : la santé financière. Par la suite, les facteurs internes et externes responsables de la dégradation de la santé financière d’une entreprise sont exposés. La troisième section est consacrée à la présentation et à la discussion de trois indicateurs permettant de statuer sur l’état des entreprises. Enfin, la dernière section de ce chapitre porte sur le cadre conceptuel.

Définition de l’objet d’étude : la santé financière

La « santé » est un terme vaste avec un champ lexical très varié. Dans la constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en vigueur depuis le 7 avril 1948, elle se définit comme un « état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »8. En parallèle à son application médicale, le mot santé fait référence à un état plus ou moins satisfaisant d’un domaine (économique, sociale, technologique...), d’une institution ou d’un groupe. On parle donc couramment de santé d’une monnaie, de santé d’une machine, de santé financière... Quel que soit le domaine d’utilisation, le principe demeure le même. On parle de bonne santé quand tous les composants d’un organisme, d’un groupe, d’une machine fonctionnent harmonieusement. Dès lors qu’au moins un des composants d’un organisme, d’un groupe, d’une machine ne fonctionne pas comme il devrait, la santé est menacée. Suivant ce raisonnement, définir et caractériser la santé financière d’une entreprise agricole revient d’abord à définir ce que c’est qu’une entreprise agricole et quels sont ses objectifs.

D’après le programme de recensement mondial de l’agriculture 2000 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) :

Une exploitation agricole est une unité économique de production agricole soumise à une direction unique et comprenant tous les animaux qui s’y trouvent et toute la terre utilisée, entièrement ou en partie, pour la production agricole, indépendamment du titre de possession, du mode juridique ou de la taille. La direction unique peut être exercée par un particulier, par un ménage, conjointement par deux ou plusieurs particuliers ou ménages, par un clan ou une tribu ou par une personne morale telle que société, entreprise collective, coopérative ou organisme d’état (FAO, 1995, p. 28).

8 Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946 ; signé le 22 juillet 1946 par les

représentants de 61 États. 1946 ; (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n °. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948 à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé.

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Selon le Règlement sur l’enregistrement des exploitations agricoles au Québec, une exploitation agricole est « une entreprise qui réunit en une même unité économique et comptable des capitaux et des facteurs élémentaires de production pour en tirer un produit agricole destiné à la vente »9.

En agriculture, il existe une multitude d’objectifs ou finalités couramment observés : croissance de l’entreprise, amélioration du revenu ou du niveau de vie familiale, augmentation du temps de repos, amélioration de la technologie au sein de l’exploitation agricole, protection de l’environnement, augmentation de la production ou du nombre d’animaux… (Levallois, 2010). Ces objectifs varient en fonction du type de production, de la forme juridique de l’exploitation, du gestionnaire ou de l’exploitant. Malgré cette diversité d’objectifs, la plupart des exploitations agricoles partagent la même finalité : le profit ou l’accroissement de la fortune de l’exploitant et la pérennité. Accroître l’avoir des exploitants va dans le sens de la pérennité de l’entreprise, car elle permet non seulement d’enrichir l’exploitant, mais aussi de constituer de bonnes réserves pour faire face aux éventuels risques. Ces deux notions, qui se recoupent sur bien des plans, constituent les deux paliers de la gestion économique et financière (Levallois, 2010). Toutes les décisions sont prises dans l’optique que l’entreprise va durer. Suivant ces deux finalités, une exploitation agricole rentable et pérenne est une exploitation en bonne santé financière. Dès lors que l’exploitation agricole n’est plus rentable, sa pérennité se voit menacée. On peut donc la qualifier d’entreprise en difficulté ou ayant une mauvaise santé financière. Dans le même sens et selon Crucifix et Derni (1992), toutes les entreprises poursuivent deux objectifs économiques : la rentabilité et la liquidité. C’est donc en fonction de l’atteinte ou non de ces deux objectifs que l’entreprise sera dite en santé ou maladive (défaillante). La rentabilité est un élément primordial à considérer pour évaluer la santé financière d’une entreprise. Elle est encore plus importante lorsqu’il s’agit d’analyser le long terme ou la pérennité de l’entreprise. Par définition, la rentabilité d’une entreprise indique sa capacité à réaliser un bénéfice en utilisant l’ensemble de ses actifs. Elle représente le rapport entre les bénéfices réalisés et les sommes mobilisées pour les obtenir. On distingue deux types de rentabilité : la rentabilité économique et la rentabilité financière. La rentabilité financière appréhende la capacité de l’entreprise à dégager des profits des seuls capitaux apportés par les actionnaires alors que la rentabilité économique prend en compte toutes les sommes mobilisées (capitaux propres + dettes). Malgré l’importance de la rentabilité, une entreprise doit nécessairement être liquide pour faire face aux dépenses de tous ordres que nécessitent son bon fonctionnement et son développement » (Riollet, 1991). Autrement dit, une entreprise doit disposer de « moyens suffisants pour couvrir les dépenses nécessaires sans découvert de trésorerie » (Crucifix & Derni, 1992, p. 14). La liquidité mesure la capacité de l’entreprise à s’acquitter de ses dettes exigibles, mais aussi à faire face aux dépenses et imprévus sans recours aux nouveaux emprunts. L’interaction entre la liquidité et la rentabilité permet à Crucifix et Derni (1992) de classer les entreprises en quatre catégories et d’apprécier leur état financier comme suit dans le Tableau 1 :

9Gouvernement du Québec. M-14, r. 1 - Règlement sur l’enregistrement des exploitations agricoles et sur le paiement des taxes

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Tableau 1.

État de santé financier de l’entreprise.

Source : Adapté de Crucifix et Derni (1992, p. 16).

La santé financière des exploitations agricoles sera analysée selon ces deux critères. L’exploitation agricole est en pleine forme ou en bonne santé financière si elle rentable et liquide. Sa santé peut se détériorer de manière passagère lorsqu’elle est rentable et non liquide. La rentabilité affichée dans le temps pourra corriger les problèmes de liquidité. L’exploitation agricole est dite en difficulté financière ou en « maladie chronique » dès qu’elle n’est plus rentable. Sa pérennité est menacée, et ce, même si elle est liquide.

Facteurs de dégradation de la santé financière

Après avoir clarifié la notion de santé financière, il est nécessaire de passer en revue les facteurs qui pourraient entraîner la dégradation de la santé financière des entreprises. Pourquoi une entreprise dévie de sa mission au point de voir sa pérennité remise en question ? En fonction de quels éléments la santé financière de l’entreprise se dégrade ?

Une entreprise ne se retrouve pas en difficulté financière du jour au lendemain. La perte de la santé financière est souvent la conséquence de plusieurs évènements ou décisions qui s’échelonnent dans le temps.

Dans la littérature, il n’est pas facile de distinguer systématiquement les causes des difficultés financières de leurs effets ou symptômes. Bien souvent, « les causes ponctuelles et apparentes dissimulent parfois les raisons profondes du processus de défaillance » (Crucifix & Derni, 1992, p. 17). Les causes et conséquences sont parfois tellement liées qu’il est difficile de distinguer les véritables facteurs responsables de la difficulté financière (Crucifix & Derni, 1992). Par exemple, ne plus être en mesure de faire face à une certaine variation dans les prix des intrants n’est pas une cause de la difficulté financière, mais plutôt un effet ou une conséquence (Reid,

Santé financière de l’entreprise

« Pleine forme »

Entreprise rentable et non

liquide « Maladie passagère »

Entreprise non rentable et liquide

Entreprise rentable et liquide

« Maladie chronique »

« Défaillance » Entreprise non rentable et

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2013). Les effets sont des symptômes rapidement visibles et ressentis par le gestionnaire. Ils peuvent être définis comme des « signaux plus évidents de la dégradation de la situation financière, mais ils ne sont pas nécessairement la cause de la crise et ils ne doivent pas servir à poser un diagnostic d’entreprise » (Reid, 2013, p. 19).

Les causes de la difficulté financière peuvent être regroupées en deux facteurs : les facteurs internes sur lesquels l’entreprise a le plein pouvoir et les facteurs externes qui sont dans l’environnement dans lequel évolue l’entreprise. Elle n’a donc aucun ou très peu de contrôle sur ces facteurs externes.

2.2.1 Les facteurs internes

Au premier plan des facteurs internes pouvant expliquer qu’une entreprise soit en difficulté financière, on retrouve le profil du dirigeant. Plusieurs études sur les causes des difficultés des entreprises mettent l’accent sur les capacités managériales du dirigeant. Perry et al., (1984) imputent la faillite des Petites et Moyennes Entreprises (PME) principalement au manque de compétences des dirigeants. Étant donné que l’entreprise agricole est très souvent gérée par un noyau familial qui décide de tout, le profil managérial de ce « centre de décision » revêt toute son importance dans le cadre d’une quelconque analyse financière. L’incapacité du dirigeant à maîtriser son environnement et à s’adapter aux changements est bien souvent fatale pour l’avenir de l’entreprise (Harouz, 2012). Pour Harouz (2012), les fautes liées à la capacité managériale du décideur et sa méconnaissance du processus de décision sont à l’origine de beaucoup de difficultés qui peuvent être fatales pour l’entreprise. Toujours dans les causes liées à la capacité managériale du dirigeant, Crucifix et Derni (1992) identifient aussi le manque d’expérience, l’excès de centralisation des décisions, une mauvaise organisation de la production. Ils mettent aussi l’accent sur certains problèmes et contraintes sociaux (maladies ou tout autre empêchement...) qui peuvent ralentir le bon fonctionnement de l’entreprise. En dehors des problèmes liés au profil du dirigeant, on note aussi les problèmes liés à la structure même de l’entreprise. La structure d’une entreprise est entièrement liée à son bon fonctionnement et à l’atteinte des objectifs assignés. Le mode de production doit être le plus efficace possible et capable de générer le maximum d’output avec une utilisation rationnelle et limitée des inputs. Les responsabilités doivent être bien définies. En agriculture, le choix du secteur de production (lait, fruits, céréales, légumes, bœuf, porc...) est aussi une décision de première importance qui doit être mûrement réfléchie.

La faible autonomie financière, l’inefficacité technico-économique (mauvais contrôle des charges), les problèmes d’investissements et de mise en place d’un projet sont autant de causes internes pouvant expliquer la mauvaise santé financière d’une exploitation agricole (Levallois, 2010). Le Tableau 2 suivant résume les principales causes internes de la défaillance des entreprises.

(26)

Tableau 2.

Principales causes internes de défaillance.

Source : Adapté de Crucifix et Derni (1992, p. 18).

2.2.2 Facteurs externes

Bien que la plupart des études soient consacrées à l’analyse des causes internes, il est néanmoins important de souligner le rôle des facteurs externes sur le bien-être des entreprises. Altman (1968) a établi un lien entre la défaillance des entreprises et des facteurs macroéconomiques tels que l’encadrement du crédit, le flux de création d’entreprises, le marché boursier, les performances de l’activité économique. Comme toute entreprise, l’exploitation agricole évolue dans un environnement économique qui agit et affecte ses choix. Les prix du marché conditionnent directement le chiffre d’affaires des entreprises agricoles. La volatilité des prix du marché (intrants, semences, produits agricoles, carburants…) impacte directement la santé financière des entreprises agricoles (Levallois, 2010). Les prix du marché sont quant à eux conditionnés par d’autres phénomènes macroéconomiques. Reid (2013) recense plusieurs facteurs externes qui ont un certain pouvoir explicatif sur la santé financière des entreprises agricoles. On dénote la hausse des prix du pétrole, la capacité de la Chine à faire trembler les marchés mondiaux, les crises européennes (partenaire commercial du Canada) qui se reflètent sur le marché canadien, les prix de l’énergie qui touchent le secteur agricole, les programmes gouvernementaux,

Causes internes de la défaillance

Profil du dirigeant Structure de l’entreprise

Faute de gestion Environnement social

Incompétences Manque d’expérience Mauvaise organisation Excès de centralisme Coût d’exploitation trop élevé Mauvaise anticipation des prix du marché

Train de vie excessif Erreur d’investissement Efficacité technico-économique déficiente Maladie Décès Mésentente entre responsables Autres empêchements... Inadéquation de la structure de production

Charges salariales excessives Charges financières trop élevées Insuffisance de fonds de roulement Responsabilités mal définies

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et les variations du taux d’intérêt (Reid, 2013). Le Tableau 3 suivant retrace quelques facteurs externes qui peuvent expliquer la défaillance de certaines entreprises.

Tableau 3.

Principales causes externes de défaillance.

Source : Adapté de Crucifix et Derni (1992, p. 21).

Choix d’indicateurs

Afin de différencier une entreprise agricole en pleine santé financière d’une entreprise défaillante, il est indispensable de se doter d’indicateurs fiables. Ce sont des grandeurs (généralement des ratios) mesurables, souvent utilisées pour juger du niveau d’atteinte des objectifs assignés à une entreprise ou à un secteur d’activité. Selon Levallois (2010), un bon indicateur de la situation financière des entreprises agricoles doit remplir les conditions suivantes :

 Être un indicateur de l’efficacité économique

 Être un indicateur de la compétence de l’agriculteur, capable d’éliminer l’endettement (qui pourrait pénaliser par exemple un agriculteur nouvellement installé)

 Être comparable d’une entreprise à l’autre

Pour choisir, trois indicateurs sont passés en revue : l’incident de paiement, la rentabilité économique et la marge de sécurité. Les avantages et limites des indicateurs sont relevés afin de retenir les plus aptes à définir cette ligne entre une entreprise agricole saine et une entreprise agricole défaillante.

2.3.1 Incident de paiement

Dans le langage bancaire, un incident de paiement est un « non-paiement par la banque d’une opération au débit du compte pour défaut ou insuffisance de provision, quels que soient les moyens de paiement utilisés Causes externes

de défaillance

Condition de crédit et marché monétaire

Flux de création d’entreprises

Le resserrement des conditions de crédit accroît le taux de défaillance La distribution de la faillite dépend de la durée de vie de l’entreprise

Variation des prix

Inflation

Le chiffre d’affaires et le bénéfice net sont liés à la conjoncture économique

Les entreprises endettées voient une part de la croissance de leur revenu absorbée par les frais financiers

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(chèque, prélèvement…) »10. Une entreprise fait face à des incidents de paiements lorsque son profit n’est plus en mesure de couvrir en intégralité la somme de ses annuités. Il s’en suit des retards ou manquements de paiements. Selon Colson et Pineau (1991, p. 58), une entreprise agricole a un incident de paiement lorsqu’elle accuse « un retard de paiement d’une durée conséquente auprès des fournisseurs, du crédit agricole ou de la mutualité sociale agricole ». C’est le critère externe choisi par Colson et Pineau (1991) pour détecter la défaillance des entreprises agricoles. Selon eux, la caractérisation des entreprises agricoles en « incident de paiement et l’étude de leurs différences avec le reste de la population permettent d’identifier les ratios les plus pertinents pour analyser la difficulté financière » (Colson & Pineau, 1991, p. 58).

Basé essentiellement sur le poids de la dette, cet indicateur ne répond pas aux critères de classification de Levallois (2010). Sa plus importante limite est le temps qui peut s’écouler entre le moment où la situation financière de l’entreprise agricole se dégrade et les incidents de paiements. Les producteurs utilisent souvent des stratégies d’adaptation (augmentation des comptes fournisseurs, augmentation de la marge de crédit, refinancement des dettes, allongement des dettes, allongements des échéances, vente partielle d’actifs...) visant à masquer la situation réelle de leurs exploitations. C’est fort de toutes ces raisons que ce critère n’est pas retenu pour les besoins de cette étude.

2.3.2 Rentabilité économique

La rentabilité économique mesure la capacité de l’entreprise à rémunérer tout le capital (capital propre et dette) investi (Levallois, 2010). Elle constitue un élément privilégié pour évaluer la performance des entreprises. Elle se compare avec le taux d’intérêt sur les emprunts. Lorsqu’elle lui est supérieure, on parle d’effet levier positif. Dans le cas contraire, on parle d’effet levier négatif. En effet levier négatif, l’entreprise perd de l’argent avec les sommes empruntées et sa pérennité est menacée. Pour assurer sa viabilité, une entreprise doit « avoir la capacité à long terme de générer assez de bénéfices pour rencontrer toutes ses obligations, rémunérer le capital emprunté et celui investi par l’agriculteur » (Reid, 2013, p. 25). Selon Levallois (2010, p. 122), la rentabilité économique est « un excellent critère de comparaison entre différentes entreprises (différents types de production) ». Elle élimine l’effet de l’endettement puisqu’elle prend en considération l’ensemble des capitaux investis. Enfin, la rentabilité économique est aussi un indicateur simple à calculer, facile d’interprétation et permet de comparer plusieurs exploitations agricoles, quelles que soient leurs tailles. C’est fort de tous ces avantages qu’elle a été choisie comme l’indicateur le plus apte à juger de la santé financière des entreprises agricoles. Elle est calculée suivant la formule ci-après :

Rentabilité économique = Bénéfice net+ intérêts CT+ intérêts MLTActif total × 100

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En plus d’être rentable, une entreprise doit nécessairement être liquide (Crucifix & Derni, 1992 ; Riollet, 1991). En effet, bien que la rentabilité économique soit un critère fort efficace pour juger de la santé financière d’une entreprise agricole ; une entreprise agricole rentable peut avoir des problèmes de liquidités ou de trésorerie qui nuisent à son bon fonctionnement sur le court terme. Une telle entreprise, rentable et non liquide, est qualifiée de « malade passagère » par Crucifix et Derni (1992). À l’inverse, une entreprise avec une mauvaise rentabilité économique peut disposer d’une bonne liquidité pouvant lui servir à redresser sa situation. Un second critère, additif à la rentabilité économique, s’avère donc nécessaire pour mettre en lumière ces distinctions.

2.3.3 Marge de sécurité sur les produits

La marge de sécurité sur les produits est un critère qui témoigne de l’état de la trésorerie de l’entreprise à la fin d’un exercice. Elle est définie comme la capacité d’une entreprise à assumer une baisse des prix de ses produits sans toutefois porter atteinte à ses activités (Levallois & Perrier, 2002).Elle mesure le niveau de risque auquel l’entreprise agricole peut faire face. Plusieurs ratios entrent en compte dans sa détermination. Ces ratios sont présentés dans le Tableau 4 qui suit :

Tableau 4.

Calcul de la marge de sécurité sur les produits.

Ratios Formules

Capacité de remboursement maximale

(CDR max) (Produits — charges avant amortissements et intérêts) — Prélèvements

Solde résiduel CDR max — Annuités

Marge de sécurité sur les produits (Solde résiduel/Produit) *100

Source : Lepage et al., (2008, p. 15).

La capacité de remboursement (CDR) représente « le montant d’argent qu’une entreprise peut consacrer chaque année pour le remboursement de ses emprunts MLT » (Levallois, 2010 : 123). Selon le mode de calcul, on distingue la CDR maximale et la CDR optimale. La CDR maximale représente le montant disponible pour rembourser les emprunts, autofinancer le renouvellement des immobilisations et autofinancer partiellement les nouveaux projets. La CDR optimale correspond à la CDR maximale moins les provisions pour amortissement. Comme toute entreprise, l’exploitation agricole doit pouvoir « pratiquer un autofinancement moyen annuel de l’ordre du montant des amortissements. » (Levallois, 2010, p. 124). Cependant, les institutions financières, les conseils agricoles et bon nombre d’études similaires utilisent généralement la CDR maximale. Nous nous limiterons donc à la CDR maximale.

Le solde résiduel est ce qui reste après soustraction des annuités de la capacité de remboursement maximale. Il représente le montant d’argent disponible après que l’entreprise agricole se soit acquittée de ses dépenses d’exploitation, des salaires et des remises en capital et intérêt sur ses emprunts. C’est la somme disponible pour

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les imprévus, le renouvellement des actifs et l’autofinancement de nouveaux projets. Il renseigne donc sur la capacité de l’entreprise à faire face aux imprévus à court terme et à autofinancer ses actifs à moyen et long terme.

La marge de sécurité sur les produits n’est rien d’autre que le solde résiduel sur l’ensemble de la production. C’est un critère idéal pour juger de la liquidité des entreprises agricoles et ainsi créer des distinctions au sein des groupes de rentabilités. Son calcul aide à approfondir l’analyse au sein des différentes catégories de santé financière définie par la rentabilité économique. On distinguera ainsi les entreprises agricoles qui sont en excellente santé financière des entreprises qui sont rentables, mais non liquides. Dans les entreprises non rentables, on distinguera aussi celles qui disposent de liquidités pouvant leur permettre d’améliorer leur situation.

Cadre conceptuel

En fonction des éléments d’explications retenus, la présente étude veut analyser la santé financière des exploitations agricoles et expliquer les disparités (saine - défaillante).

L’entreprise agricole est considérée ici comme un ensemble de sous-systèmes (production végétale, animaux, commercialisation, services...) et partie prenante de super systèmes constitués par l’environnement économique, législatif, politique (Levallois, 2010). L’environnement régit de la même manière toutes les entreprises au sein d’une même production. Cet aspect n’apparait implicitement que dans la comparaison entre les différents secteurs de productions à l’étude.

La logique d’analyse choisie, inspirée de Carel (1972) et de Levallois (2010) couvre trois aspects fondamentaux : la structure du bilan, la gestion, et les résultats.

La structure du bilan : Le bilan se définit comme « un inventaire à une date donnée, mentionnant l’ensemble des ressources dont dispose l’entreprise et la façon dont elle les a utilisés » (Levallois, 2010, p. 93). Il évalue tous les actifs corporels et incorporels appartenant à l’entreprise. Le bilan dresse aussi la liste de l’ensemble des dettes et emprunts à court, moyen et long terme et des capitaux propres ou avoir du propriétaire. La structure du bilan permet de faire un état des lieux de l’entreprise pour savoir ce qu’elle vaut ; quelles sont ses ressources ? Comment ses ressources ont été financées ?

La gestion : Elle regroupe la gestion technico-économique et financière. La gestion technique répond aux questions : quels intrants ? Dans quelles quantités ? Et à quel moment ? Étant donné qu’une excellente performance technique ne garantit pas à elle seule une meilleure santé financière, la gestion économique appuie la gestion technique en répondant aux questions : quel prix ? Quel résultat ? La gestion économique aide à « réaliser une bonne utilisation des ressources disponibles avec des programmes techniques, efficaces en termes de rentabilité, afin de rémunérer de façon satisfaisante le capital et le travail fournis par l’agriculteur et sa famille. » (Levallois, 2010, p. 36). L’agriculture, de plus en plus modernisée et capitalisée, a besoin

(31)

d’importants investissements souvent réalisés sur emprunts. La décision d’investir ou non agit directement sur la rentabilité et la trésorerie de l’entreprise agricole pendant plusieurs années. Pour le bien-être de l’entreprise, chaque investissement doit être mûrement réfléchi. D’où l’importance de la gestion financière. Elle permet de juger du bien-fondé des investissements.

Les résultats : L’analyse des résultats met en évidence les performances de l’entreprise. Elle montre la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices. Les résultats constituent les effets des méthodes de production et de la gestion technico-économique et financière adoptées par l’entreprise. Une entreprise avec une bonne gestion technico-économique et financière a forcément de meilleurs résultats qu’une entreprise dont la gestion laisse à désirer. La rentabilité économique et la marge de sécurité sont les deux critères de résultats utilisés pour définir et classer les entreprises agricoles selon leur santé financière.

La possibilité d’analyser ces différents facteurs et de pouvoir juger de la santé financière sur plusieurs années enrichit l’analyse. Le cadre conceptuel défini est résumé en grande ligne dans la Figure 11.

(32)

Figure 11.

Cadre conceptuel.

Source : Inspiré de Carel (1972) et de Levallois (2010).

Environnement législatif Environnement économique

Environnement écologique Environnement social

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Chapitre 3 : Méthodologie

Le troisième chapitre porte sur les choix méthodologiques effectués pour répondre aux questions de recherche. Il commence par la présentation de la base de données utilisée et le choix des productions. S’en suit une phase de préparation des données. Enfin, les deux méthodes (analyse comparative et analyse de régressions) utilisées sont présentées. L’analyse comparative a servi à classifier les entreprises selon les critères de santé financière définis. Cela a permis de suivre les évolutions sur la période 2005-2015 (Objectif de recherche 1). Quant aux méthodes de régressions, elles ont servi à identifier les facteurs explicatifs de la rentabilité économique et effectuer les comparaisons inter-productions (Objectifs de recherche 2 et 3).

Base de données et choix des productions

3.1.1

Présentation de l’enquête financière

La présentation del’enquête financière sur les fermes disponible sur le site internet de Statistique Canada11 a servi à rédiger cette section.

Réalisée conjointement par Agriculture et Agroalimentaire Canada et Statistique Canada, l’enquête financière sur les fermes renseigne sur l’actif et le passif ainsi que sur les revenus, les dépenses, le total des achats et des ventes de biens en immobilisation des exploitations agricoles canadiennes en activité à la fin de l’année de référence. Toutefois, les exploitations dont le chiffre d’affaires est inférieur à 25 000 $, les fermes institutionnelles, les pâturages communautaires, les fermes situées sur les réserves des Premières Nations de certaines provinces et celles appartenant à des entreprises à exploitations agricoles multiples sont exclues de la population visée.

C’est une enquête transversale par échantillon d’environ 10 000 fermes.À partir de l’ensemble des exploitations agricoles du Registre des entreprises, les fermes sont classées par strates selon la province, la taille et le type d’entreprise. Dans chaque strate, un échantillon aléatoire simple est sélectionné. L’échantillon est ensuite réparti parmi les différentes strates à l’aide de méthodes statistiques qui optimisent la précision des estimations résultantes. Des poids d’échantillonnage sont assignés aux exploitations sélectionnées. Ils sont fondés sur leur probabilité de sélection, mais aussi en tenant compte des effets de la non-réponse totale.

C’est une enquête bi-annuelle à participation obligatoire. Les données sont directement collectées auprès des répondeurs. Dans le but de réduire le fardeau de réponse imposé aux agriculteurs, les formulaires fiscaux sont mis à profit pour recueillir et remplacer les données relatives aux revenus et dépenses agricoles. À partir de

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2015, les données de l’enquête financière sur les fermes sont couplées aux données fiscales au niveau des microdonnées.

Les cas de non-réponse ont été pris en compte en pondérant les rajustements apportés à chacune des strates. Le logiciel ITAO, utilisé pour la collecte des données, détecte et corrige automatiquement les incohérences et les probables erreurs dans les données. Il contient des éléments de vérification de l’étendue et de la cohérence pour chaque variable dans chaque province. Les données manquantes sont estimées à l’aide des autres renseignements tirés du questionnaire du répondant ou au moyen d’une méthode d’imputation par enregistrement donneur (établie automatiquement en fonction de la région, du type de production, de la taille de la ferme).

Pour vérifier leurs fiabilités, les données recueillies sont comparées à d’autres sources de données financières sur les fermes, telles que la série des statistiques économiques agricoles, et le recensement national de l’agriculture. Le taux de réponse global de l’enquête avoisine 78 % avec peu de non-réponses aux questions distinctes.

3.1.2 Choix de productions

Dans l’incapacité d’analyser tout le secteur agricole, trois productions très peu ou pas du tout intégrées ont été choisies. Le choix s’est opéré de manière à représenter les différentes politiques qui encadrent le secteur agricole québécois. Il s’agit du lait qui est une production sous gestion de l’offre, des grandes cultures qui sont sous le programme d’Assurance Stabilisation des Revenus Agricoles (ASRA) et du maraîchage qui ne bénéfice ni de la gestion de l’offre, ni de l’ASRA.

Lait : Le poids de la production laitière dans le paysage agricole québécois n’est plus à démontrer. Avec 5 473 fermes et plus de 3 milliards de litres produits en 2016, le lait génère des recettes de 2,45 milliards de dollars et environ 83 000 emplois directs, indirects et indus (PLQ, 2016). Il est la première production agricole au Québec. Sera considérée comme ferme laitière, toute exploitation agricole dont le revenu agricole brut provientà au moins 70 % de la vente du lait.

Grandes cultures : Les grandes cultures regroupent le maïs-grain, le blé, l’orge, l’avoine, le canola, le soya... D’après les statistiques publiées dans le rapport annuel des Producteurs de Grains du Québec (PGQ, 2016), on note 9 466 productrices et producteurs, 931 000 hectares ensemencés, 4,9 millions de tonnes de grains commercialisés et 1,3 milliard de dollars en valeur de production à la ferme.

Sera considérée comme productrice de grains, toute exploitation agricole dont le revenu agricole brut provient à au moins 70 % de la vente des grains.

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