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Étude de l'utilisation des médias sociaux au sein d'organisations syndicales du milieu de l'éducation

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Étude de l'utilisation des médias sociaux au sein

d'organisations syndicales du milieu de l'éducation

Mémoire

Lisa Dubé

Maîtrise en relations industrielles - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Étude de l’utilisation des médias sociaux au sein

d’organisations syndicales du milieu de l’éducation

Mémoire

Lisa Dubé

Sous la direction de :

Catherine Le Capitaine, directrice de recherche Martine D’Amours, codirectrice de recherche

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Résumé

Au fil des années, plusieurs solutions ont été mises de l’avant pour freiner le déclin du taux de syndicalisation et revitaliser les organisations syndicales; l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (Internet, sites web, médias sociaux, etc.) est l’une d’elles. Les syndicats utilisent de plus en plus des médias sociaux pour communiquer avec leurs membres et le grand public, mais en font-ils une utilisation judicieuse et savent-ils tirer partie de leur popularité? Afin de nous positionner à cet égard, nous avons cherché à savoir comment les syndicats utilisent les médias sociaux et à identifier les effets positifs de cette utilisation sur certaines dimensions de la vie syndicale ainsi que les contraintes et les risques qui y sont liés, le tout dans l’optique d’avoir une compréhension globale et nuancée du phénomène à l’étude. Nous avons, plus précisément, choisi de nous intéresser aux effets de l’utilisation des médias sociaux sur la mobilisation et la participation des membres et, subsidiairement, sur le recrutement de nouveaux membres et l’obtention d’appui du public. Nous avons fait appel à dix organisations syndicales québécoises provenant du milieu de l’éducation et c’est par le biais d’entrevues semi-dirigées que les personnes responsables de la gestion des médias sociaux au sein de chacune de ces organisations nous ont partagé leur expérience. Notre étude exploratoire met en lumière le potentiel important des médias sociaux pour mobiliser les membres, mais aussi un grand potentiel inexploité eu égard à la façon dont ils sont utilisés.

Mots-clés : médias sociaux, Web 2.0, renouvellement de l’action syndicale, mobilisation, participation

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Abstract

Over the years, several solutions were put forward in order to slow the decline of the unionization rate and to revitalize trade unions. One of these solutions is the use of information and communication technologies such as the Internet, websites and social media. Trade unions are increasingly adopting social media to communicate and engage with their members and the public, but are they using them adequately and are they fully exploiting their growing popularity? To answer these questions and to gain a comprehensive and nuanced understanding of the phenomenon, we looked at how ten unions in the field of education use social media and we tried to identify its positive impacts on certain aspects of the union life as well as the related constraints and risks. The aspects we chose to focus on are the mobilization and the participation of members and, in a subsidiary way, the recruitment of new members and the acquisition of public support. We therefore conducted semi-directed interviews with people managing social media from ten different Quebec unions. Our exploratory study highlights the significant potential of social media in mobilizing members, but also a great untapped potential regarding the way they are used.

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des figures ... vii

Liste des tableaux ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

CHAPITRE 1 - Problématique et questions de recherche ... 7

1.1. Contexte ... 7

1.1.1. Déclin du syndicalisme ... 7

1.1.2. Cadre juridique ... 10

1.2. Syndicats et TIC : état des lieux ... 16

1.2.1. Bénéfices potentiels... 19

1.2.2. Contraintes et risques potentiels ... 29

1.2.3. Remarques ... 35

1.3. Questions, objectifs et pertinence de la recherche ... 37

1.3.1. Questions de recherche et objectifs ... 37

1.3.2. Pertinence sociale et scientifique ... 38

CHAPITRE 2 - Cadre théorique, concepts et modèle d’analyse ... 40

2.1. Cadre théorique ... 40

2.2. Définition des concepts clés et modèle d’analyse... 45

2.2.1. Médias sociaux ... 46

2.2.1.1. Distinction entre le Web 1.0 et le Web 2.0 ... 46

2.2.1.2. Définition des médias sociaux ... 48

2.2.1.3. Différents types de médias sociaux ... 48

2.2.1.4. Dimensions étudiées ... 52

2.2.2. Dimensions de la vie syndicale analysées ... 52

2.2.3. Modèle d’analyse ... 54

2.3. Propositions de recherche ... 54

CHAPITRE 3 - Méthodologie ... 56

3.1. Stratégie générale de recherche ... 56

(6)

3.3. Méthodes de collecte de données ... 59

3.3.1. Avantages et limites de l’entrevue semi-dirigée ... 59

3.4. Fiabilité et validité de la recherche ... 61

3.5. Éthique ... 62

CHAPITRE 4 - Présentation des résultats ... 63

4.1. Revue des canaux de communication utilisés ... 63

4.2. Facebook ... 64 4.2.1. Modalités d’utilisation... 64 4.2.2. Objectifs ... 69 4.2.3. Contraintes et risques ... 70 4.2.3.1. Fracture numérique ... 70 4.2.3.2. Charge de travail ... 71 4.2.3.3. Dérapages ... 72 4.2.3.4. Autres ... 74

4.2.4. Effets positifs sur certaines dimensions de la vie syndicale... 74

4.2.4.1. Mobilisation ... 74

4.2.4.2. Participation ... 75

4.2.4.3. Recrutement ... 77

4.2.4.4. Appui du public ... 78

4.2.4.5. Autres ... 79

4.3. Autres médias sociaux ... 80

CHAPITRE 5 - Analyse des résultats ... 83

5.1. Vers un renouvellement de l’action syndicale? ... 83

5.1.1. Mobilisation ... 83 5.1.2. Participation ... 84 5.1.3. Recrutement ... 86 5.1.4. Appui du public ... 86 5.2. Peu de désavantages ... 87 5.3. Potentiel inexploité ... 88 5.4. Meilleures pratiques ... 90 Conclusion ... 92 Références bibliographiques... 95

ANNEXE 1 - Schéma d’entrevue ... 104

(7)

Liste des figures

Figure 1. Syndicats et médias sociaux, à la fois sujets et objets...37 Figure 2. Ressources de pouvoir syndicales selon Lévesque et Murray...43 Figure 3. Portrait des médias sociaux en 2018...51

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Liste des tableaux

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Liste des abréviations

CEFRIO Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations CÉRUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval

CRIMT Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail CSQ Centrale des syndicats du Québec

FGA formation générale aux adultes

FSE Fédération des syndicats de l’enseignement ISQ Institut de la statistique du Québec

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques TIC technologies de l’information et de la communication

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Remerciements

Je tiens à remercier ma directrice de recherche, Catherine Le Capitaine, et ma codirectrice de recherche, Martine D’Amours, qui ont, toutes deux, su me guider et m’encadrer avec bienveillance à différents moments de mon parcours. Merci pour vos conseils avisés, pour vos bons mots et pour tout le temps et l’énergie que vous avez investis dans la lecture de ce texte. Merci aussi à Francine Jacques dont l’aide fut très précieuse.

Je remercie également le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT) et l’Association du personnel administratif professionnel de l’Université Laval (APAPUL) pour leur soutien financier. Merci d’avoir cru en moi et en mon projet en m’accordant une bourse d’étude.

Un merci tout spécial à mes parents pour leur soutien inconditionnel et leur confiance inébranlable et à mon amoureux qui a su me motiver et m’écouter mieux que personne. Je tiens également à remercier toutes les personnes - famille, amis et collègues - qui m’ont encouragée au cours des deux dernières années. Merci à vous tous d’être là pour moi et de faire partie de ma vie.

Finalement, à tous les participants, merci d’avoir partagé votre expérience avec générosité et intérêt; c’est vous qui avez donné vie à cette recherche.

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Introduction

De nos jours, les médias sociaux1 sont omniprésents. Ils sont partout, en tout temps, et font partie intégrante de notre vie quotidienne à un point tel que bien des gens ne pourraient s’en passer (Geelan et Hodder, 2017). Que ce soit un téléphone, un ordinateur ou une tablette, l’outil utilisé pour se connecter est devenu aussi indispensable que notre portefeuille ou nos clés. Il constitue une porte d’entrée, toujours ouverte, vers un monde en constante ébullition. Si les enfants et les adolescents naviguaient déjà sur Internet aisément au début des années 2000 (Bennett et Taras, 2002), avec l’émergence des réseaux sociaux et des téléphones intelligents, il est encore plus facile pour des personnes de tous âges d’accéder au monde virtuel du bout des doigts (Geelan et Hodder, 2017). Que ce soit pour faire du réseautage (maintenir des contacts, retrouver des amis, développer des communautés autour d’un passe-temps ou d’un champ d’intérêts, etc.), pour s’exprimer (en publiant, en diffusant ou en commentant des textes, des images ou des vidéos), pour s’informer, pour se divertir ou encore pour s’ouvrir sur le monde, les médias sociaux constituent un tremplin vers des millions d’informations, de ressources et de gens provenant des quatre coins de la planète.

Le célèbre réseau social Facebook, créé en 2004 par Mark Zuckerberg, se passe de présentation. Avec plus de 2,3 milliards d’utilisateurs mensuels et une moyenne de 1,52 milliard d’utilisateurs quotidiens2, il s’agit du réseau social le plus populaire à travers le monde. Son utilisation, originellement restreinte aux étudiants de l’Université Harvard, a rapidement été étendue à d’autres universités américaines puis à des établissements d’enseignement du monde entier pour finir par être accessible à l’ensemble de la population mondiale (Bryson, Gomez et Willman, 2010). Aujourd’hui, Facebook permet chaque jour à des millions de personnes de communiquer. Avec 1,5 milliard de visiteurs par mois,

1 Il est important de distinguer les médias sociaux des réseaux sociaux. Les médias sociaux constituent un

ensemble d’applications permettant aux internautes de créer et d’échanger du contenu au sein d’une immense plateforme appelée « Web 2.0 ». Ils incluent notamment les réseaux de partage de contenu multimédia (tels que YouTube, Flickr et Dailymotion), les réseaux sociaux (tels que Facebook, Instagram et LinkedIn) et les mondes virtuels (tels que Second Life). Les réseaux sociaux constituent donc une partie (ou sous-catégorie) des médias sociaux. Pour plus d’informations, consulter le chapitre 2.

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YouTube n’est pas en reste, tout comme Instagram et Twitter, qui comptent respectivement 1 milliard et 335 millions d’utilisateurs mensuels3.

Au Québec, selon les données les plus récentes recueillies par le CEFRIO (2017), 67 % des adultes utilisent un ou plusieurs réseaux sociaux4. Bien que leur utilisation soit plus marquée chez les jeunes adultes, les chiffres sont tout aussi éloquents chez les personnes plus âgées (Ibid.)5. On dénote une proportion plus importante de femmes que d’hommes sur la majorité des réseaux sociaux alors que « les moins enclins à utiliser les réseaux sociaux sont les adultes avec une scolarité de niveau primaire ou secondaire et ceux dont le revenu familial annuel est inférieur à 40 000 $ » (Ibid. : 6). Facebook est, de loin, le réseau social le plus populaire; il est utilisé par 64 % des adultes québécois et par une personne sur deux chaque jour (Ibid.). YouTube rejoint également un important pourcentage de la population (57 %), mais n’est utilisé sur une base quotidienne que par un peu plus de 20 % de ses usagers (Ibid.). Par ailleurs, si ces deux plateformes attirent des personnes de toutes générations, Instagram et Snapchat sont, quant à eux, surtout populaires auprès des jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans (Ibid.). Mentionnons également que « 42 % des adultes québécois utilisent la messagerie intégrée aux réseaux sociaux comme un des principaux moyens de communication avec leur famille et leurs amis » (Ibid. : 12).

Au regard de ces statistiques impressionnantes, « [o]n ne peut [...] nier les impacts possibles dans les milieux de travail puisqu’il est clair que les membres de la population active utilisent de nos jours les différents médias sociaux » (Roy-Déry, 2012 : 31). En effet, considérant leur volume d’utilisation, les médias sociaux se sont taillé une place dans les milieux de travail, et ce, que les employeurs et les syndicats y aient été préparés ou pas. Plus le temps avance, plus des personnes pour qui les médias sociaux font partie intégrante de la vie quotidienne font leur entrée sur le marché du travail. Comme le disait

3 Repéré à https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux

4 Précisons que, dans l’étude du CEFRIO, l’expression « réseaux sociaux » comprend notamment Facebook,

LinkedIn, Twitter, Snapchat, YouTube, Google+, Pinterest et Instagram et qu’elle reçoit donc une

interprétation plus large que dans la présente recherche (voir, à cet égard, le chapitre 2).

5 Si 95 % des personnes âgées de 18 à 24 ans se connectent aux réseaux sociaux, 78 à 81 % des personnes

âgées de 25 à 54 ans en font de même. Ce n’est que lorsqu’on s’intéresse aux statistiques d’utilisation des personnes âgées de 55 ans et plus qu’on peut constater une importante diminution (52 % des 55-64 ans, 35 % des 65-74 ans et 23 % des 75 ans et plus) (CEFRIO, 2017).

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Matturi au début des années 2000, il n’y a pas de temps à perdre pour adopter des modes de communication adaptés aux attentes et aux habitudes des nouvelles générations :

[T]here is no time to waste in developing networkbased communications and services, as the members’ expectations of electronic communications and services are increasing. A large number of those members who find network interaction to be foreign are also about to retire within the next few years. The responsibility for running the trade union movement is moving to age groups for whom information technology has been a part of normal life since their childhood.

Aalto-Matturi, 2005 : 470

Nul doute que les moyens de communication ont beaucoup évolué depuis l’étude de Selvin sur les journaux syndicaux en 1963. Si la majorité des syndicats sont entrés dans l’ère numérique et sont aujourd’hui familiers avec les sites web, les intranets et les courriels, ils n’ont pas tous fait le saut vers des canaux de communication plus récents tels que les réseaux sociaux et les sites de partage de vidéos ou de photos (Panagiotopoulos et Barnett, 2015). Or, en 2019, la mise en place de stratégies de communication faisant appel aux médias sociaux (et particulièrement aux réseaux sociaux) ne nous apparaît plus facultative, d’autant plus considérant les nombreuses possibilités que leur utilisation représente pour le mouvement syndical.

Que ce soit en publiant du contenu, en interagissant avec le contenu généré par des tiers, en formant des groupes ou en envoyant des messages, il n’a jamais été aussi facile pour les internautes de créer des liens avec le monde et de s’exprimer (Chiquette, 2014). Toutefois, les réseaux sociaux n’ont pas que des avantages. Si leur facilité d’utilisation et leur coût (souvent nul) sont intéressants, ces outils peuvent également servir de tribune à des propos mensongers de même qu’à des propos choquants ou diffamatoires, considérant l’absence des balises qui dictent habituellement notre conduite en société (Ibid.). Comme les informations publiées sur les réseaux sociaux sont publiques, « les utilisateurs peuvent facilement perdre le contrôle de leur vie privée, de leur image, voire à la limite, de leur réputation » (Ibid. : 6). Il importe donc de bien analyser leurs tenants et aboutissants, car si les réseaux sociaux semblent porteurs de maintes promesses, leur utilisation comporte indéniablement des risques.

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En outre, bien que certains syndicats aient produit des documents d’information contenant des mises en garde sur l’utilisation des médias sociaux et des conseils à l’intention de leurs membres (CSQ, 2011; SCFP, 2015), les travailleurs ne semblent pas tous conscients de ce qu’implique la publication d’un message sur Facebook (Chiquette, 2014). Or, considérant que les organisations syndicales adoptent de plus en plus des stratégies de communication faisant appel aux médias sociaux, il serait plus important que jamais qu’elles sensibilisent leurs membres aux dangers liés à leur utilisation et qu’elles montrent l’exemple en en faisant elles-mêmes bon usage.

Si l’utilisation des médias sociaux pourrait s’avérer être un excellent moyen pour les syndicats de rejoindre une main-d’œuvre de plus en plus hétérogène et individualiste, encore faut-il qu’ils soient prêts à s’impliquer et qu’ils aient bien considéré leurs besoins et leur public cible avant de se lancer (Gaudreau, 2013; Diamond et Freeman, 2002). En effet, il nous apparaît d’ores et déjà que sans une bonne préparation, ce qui pourrait être un outil de communication favorisant la mobilisation et la participation des membres ainsi que le recrutement de nouveaux membres et la génération d’appui auprès du grand public pourrait aussi demeurer strictement unidirectionnel et n’avoir pour seuls destinataires que les personnes qui sont déjà membres du syndicat. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs déjà souligné l’incompatibilité qui existe, de prime abord, entre la nature horizontale et décentralisée des réseaux sociaux et la nature bureaucratique, hiérarchique et centralisée des syndicats (Upchurch et Grassman, 2015; Saundry, Stuart et Antcliff, 2007).

Considérant que les médias sociaux occupent aujourd’hui une place prépondérante dans la société et qu’ils entraînent des bouleversements majeurs qui transforment le monde du travail et affectent l’ensemble de ses acteurs, et dans le but de déterminer si les syndicats savent tirer partie de ce nouveau moyen de communication si populaire, nous avons choisi de nous intéresser à la façon dont les médias sociaux sont utilisés par les syndicats pour communiquer avec leurs membres et le grand public et aux effets positifs de cette utilisation sur certaines dimensions de la vie syndicale ainsi que les contraintes et les risques qui y sont liés. Nous cherchons, plus précisément, à savoir ce que l’utilisation des médias sociaux peut apporter aux syndicats québécois en termes de mobilisation et de

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participation des membres et, subsidiairement, en termes de recrutement de nouveaux membres et d’obtention d’appui du public, tout en mettant en lumière les défis liés à cette utilisation. Nous nous intéressons à l’impact de l’utilisation des technologies issues du Web 2.0, par opposition au Web 1.06. L’impact des technologies issues du Web 1.0 sera toutefois également pris en compte, dans une moindre mesure, dans le but de dresser un portrait global de la situation et de poser les bases de la présente recherche, compte tenu qu’il y a encore peu d’études portant sur les conséquences de l’utilisation des technologies issues du Web 2.0. En outre, nous avons choisi de mettre l’accent sur les réseaux sociaux, car ceux-ci nous apparaissent particulièrement prometteurs pour les syndicats. Considérant la rareté des études portant sur le sujet, cette recherche se veut exploratoire.

Précisons, d’emblée, que notre projet s’inscrit dans un projet de recherche de plus grande envergure mené par des chercheurs du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT) qui s’intéresse à la contribution des technologies numériques aux pratiques démocratiques des organisations syndicales au Québec en matière de communication, de délibération et de participation des membres aux décisions et aux activités de mobilisation7. Nous nous intéressons, de concert avec les chercheurs en charge de ce projet, au potentiel des médias sociaux pour les organisations syndicales, en mettant toutefois l’accent sur certains volets particuliers précédemment mentionnés (essentiellement la mobilisation et la participation des membres, mais aussi, dans une moindre mesure, le recrutement de nouveaux membres et la sensibilisation du public aux revendications syndicales). En outre, notre recherche se concentre sur la situation d’une centrale, d’une fédération et de syndicats locaux appartenant au milieu de l’éducation.

6 Le Web 2.0 constitue la deuxième génération du Web. Cette deuxième génération se distingue

essentiellement de la première par une plus grande interactivité et la participation des internautes à la création du contenu. Les médias sociaux appartiennent au domaine du Web 2.0 alors que les courriels et les sites web traditionnels sont, quant à eux, typiquement associés au Web 1.0. Précisons que dans le cadre de la présente recherche, l’expression « technologies de l’information et de la communication » (ou « TIC ») sera utilisée pour désigner les technologies issues tant du Web 2.0 que du Web 1.0.

7 Le projet en question s’intitule « L’intégration des technologies numériques au sein des organisations

syndicales : quelles contributions aux pratiques démocratiques? » et est mené par Catherine Le Capitaine, Christian Lévesque (HEC) et Marc-Antonin Hennebert (HEC). Il est subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dans le cadre du Programme Savoir : Subventions de développement Savoir.

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Dans les prochaines pages, nous commencerons par présenter la problématique et formuler les questions de recherche. Le deuxième chapitre sera consacré à l’explication du cadre théorique, des concepts et du modèle d’analyse, alors que le troisième chapitre exposera la méthodologie de la recherche. Les quatrième et cinquième chapitres seront respectivement dédiés à la présentation et à l’analyse des résultats. Nous conclurons finalement en faisant un bref résumé, puis en exposant les apports et les limites de la présente recherche ainsi que certaines pistes de réflexion pour des recherches ultérieures.

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CHAPITRE 1 - Problématique et questions de recherche

Dans ce premier chapitre, nous mettrons d’abord le lecteur en contexte en exposant certains faits sur le déclin du syndicalisme et en présentant le cadre juridique entourant l’utilisation des médias sociaux dans les milieux de travail. Nous présenterons ensuite une revue de la littérature en mettant l’accent sur les conséquences associées à l’utilisation des médias sociaux par les syndicats. Nous présenterons, plus précisément, les bénéfices potentiels, puis les contraintes et les risques potentiels, avant de conclure sur quelques remarques. Nous exposerons, finalement, nos questions de recherche, nos objectifs et la pertinence sociale et scientifique de notre recherche.

1.1. Contexte

1.1.1. Déclin du syndicalisme

Les chercheurs qui se sont intéressés au rapport entre les technologies de l’information et de la communication et le milieu syndical s’entendent généralement pour situer leurs recherches dans un contexte de déclin du syndicalisme (Wood, 2015; Cockfield, 2005; Ward et Lusoli, 2003). Rares sont les auteurs qui font fi de cette réalité partagée par des organisations et des pays du monde entier : « Repérée dès le début des années 1980, la crise du syndicalisme est d’abord considérée comme un phénomène passager, lié à une conjoncture économique transitoire ou à des circonstances nationales spécifiques. Trente ans plus tard, les organisations et les pays qui échappent à cette crise constituent des exceptions. » (Dufour et Hege, 2010 : 67.)

En effet, les organisations syndicales connaissent aujourd’hui d’importantes difficultés en matière de représentation, de participation et de mobilisation des membres (Laroche et Dufour-Poirier, 2015), tel qu’en fait foi le déclin du taux de syndicalisation8 dans de nombreux pays occidentaux (Dufour et Hege, 2010). Capacité d’action déstructurée, moindre efficacité et perte d’adhérents ne sont que quelques exemples illustrant ce déclin (Ibid.). Celui-ci est particulièrement marqué aux États-Unis et se traduit non seulement par

8

Le « taux de syndicalisation » correspond à la proportion de salariés qui sont membres d’un syndicat par rapport au nombre total de salariés (Labrosse, 2018).

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une diminution du taux de syndicalisation et du taux de présence syndicale9, mais aussi par une dégénérescence de l’ampleur et de la portée de l’action collective (Wood, 2015). Comme l’énonce éloquemment Freeman (2004 : 3), « [i]f they were an animal or plant, private-sector unions would fall on the endangered species list of the U.S. Fish and Wildlife Service ».

Si les États-Unis sont les plus drastiquement touchés, le Canada, l’Australie et la majorité des pays européens ne sont pas en reste (Dufour et Hege, 2010; Fiorito et Royle, 2005) : « Depuis 1997, le taux de syndicalisation a diminué en moyenne de 5 points de pourcentage dans l’ensemble des pays de l’OCDE. » (ISQ, 2014 : 39.) En 2013, le taux de syndicalisation moyen de l’ensemble des pays de l’OCDE était de 16,7 % (Ibid.). Au Canada, « [d]epuis que Statistique Canada mesure le taux de syndicalisation à partir des enquêtes-ménages, celui-ci est passé de 37,6 % en 1981 à 28,8 % en 2014 » (Statistique Canada, 2017a). Le Québec connaît, quant à lui, une relative stabilité (ISQ, 2014). En 2013, le taux de couverture syndicale était de 39,5 % alors que le taux de syndicalisation était de 36,3 % (Ibid.). Trois ans plus tard, en 2016, ces taux étaient respectivement de 38,9 % et 35,5 % (Labrosse, 2018; Statistique Canada, 2017b).

Des changements d’ordres économique, législatif, socioculturel et organisationnel peuvent contribuer à expliquer la crise du syndicalisme (Le Capitaine et Dufour-Poirier, 2015). Au niveau économique, la mondialisation exerce une pression monstre sur le pouvoir syndical (Ibid.). Le développement du secteur tertiaire privé, au détriment du secteur manufacturier, contribue aussi à la baisse du taux de syndicalisation (Ibid.). En effet, « [p]armi les raisons du déclin de la syndicalisation chez les jeunes hommes figure le déplacement de l’emploi des industries et professions à fort taux de syndicalisation - comme la construction et la fabrication - vers des industries et professions ayant des taux de syndicalisation plus faibles, comme le commerce de détail et les services professionnels » (Statistique Canada, 2017a). Au niveau législatif, il y a affaiblissement du droit collectif; l’État-Providence est chose du passé et le cadre juridique n’est plus adapté aux nouvelles réalités du marché du travail

9 Le « taux de présence syndicale » (ou « taux de couverture syndicale ») se distingue du taux de

syndicalisation. Il correspond, quant à lui, à la proportion de salariés visés par une convention collective par rapport au nombre total de salariés (Labrosse, 2018).

(19)

(Le Capitaine et Dufour-Poirier, 2015). Sur le plan socioculturel, l’hétérogénéité accrue de la main-d’œuvre et la multiplicité d’intérêts et de préoccupations qui en découlent représentent un défi de taille pour les syndicats, car « le syndicalisme traditionnel peut être tenté d’exercer son monopole de représentation en fonction des intérêts de la majorité, sans considérer ceux des groupes minoritaires » (Ibid. : 97). Finalement, sur le plan organisationnel, « les formes actuelles d’organisation du travail favorisent, à des degrés divers, l’autonomie et l’implication des travailleurs », mais « s’accompagnent bien souvent d’une dichotomisation de la main-d’œuvre et d’une dégradation des conditions de travail » (Ibid. : 98). Quelles qu’en soient les causes, il ne fait pas de doute, tel que le soutiennent Bryson, Gomez et Willman (2010), que le syndicalisme fondé sur le Wagner Act américain est confronté à des défis majeurs.

C’est dans cette optique et dans l’espoir de freiner ce déclin que, dès la fin des années 1990, des chercheurs ont commencé à s’intéresser au potentiel d’Internet pour les syndicats, qui, dans certains cas, l’utilisaient déjà depuis le début des années 1980 (Burgmann, 2016; Shostak, 1999a; Lee, 1997). Au fil des années, de plus en plus d’attention a été portée à leur revitalisation et les technologies de l’information et de la communication ont rapidement été considérées comme un élément clé de leur futur (Fiorito et Royle, 2005). Selon un grand nombre d’auteurs, l’utilisation des TIC par les syndicats serait effectivement un des moyens de freiner le déclin du syndicalisme et de redonner de la vigueur aux organisations syndicales en perte de vitesse (Kerr et Waddington, 2014; Darlington, 2004; Greer, 2002; Shostak, 1999a; Lee, 1997).

L’utilisation des médias sociaux par les syndicats pourrait aussi potentiellement favoriser l’adhésion des jeunes travailleurs et stimuler leur participation aux activités syndicales (Laroche et Dufour-Poirier, 2015). En effet, si les syndicats n’ont pas la cote auprès des travailleurs, jeunes et moins jeunes, ce sont surtout les premiers qu’ils peinent à attirer, le pourcentage de syndiqués étant beaucoup plus faible chez les travailleurs âgés de 15 à 24 ans que chez les travailleurs plus âgés (Ibid.). S’il y a certainement un problème au niveau du recrutement, il y a aussi, au sein de nombreuses organisations syndicales, un déficit au

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niveau de la participation des jeunes, qui perçoivent souvent les services offerts par les syndicats comme peu utiles (Ibid.) :

A different way of presenting the same problem is to suggest that unions are widely perceived as tired, archaic bureaucracies, largely irrelevant to the major issues of the contemporary world. Certainly it is clear that if unions are to appeal to the Facebook and YouTube generation, their image, language, and modes of communication must be very different from what is traditional, even if the underlying message of solidarity remains the same.

Grumbell-McCormick et Hyman, 2013 : 35

Bref, il y a actuellement, au sein des chercheurs du domaine des relations industrielles, mais aussi de l’ensemble de la population, un questionnement par rapport à la place des syndicats et au rôle qu’ils peuvent jouer dans le monde du travail tel qu’on le connaît aujourd’hui. S’il nous semble évident que les médias sociaux à eux seuls ne peuvent renverser la situation, plusieurs auteurs se montrent optimistes quant au potentiel des TIC pour les organisations syndicales. La présente recherche nous permettra de nous positionner à cet égard et de nous questionner sur la nature du changement que peuvent apporter les médias sociaux au sein des syndicats.

1.1.2. Cadre juridique10

Avant d’aller plus loin, il nous apparaît primordial d’exposer le cadre juridique dans lequel évoluent les syndicats en ce qui a trait aux technologies de l’information et de la communication. En effet, il nous semble important d’avoir une connaissance minimale des balises encadrant l’utilisation des médias sociaux par les organisations syndicales, leurs représentants et leurs membres avant de nous questionner sur les possibilités et les défis que ces technologies peuvent représenter pour le mouvement syndical.

Ces précisions nous apparaissent d’autant plus essentielles que de nombreuses fausses croyances à l’égard des réseaux sociaux circulent toujours. Il semblerait, en effet, que plusieurs travailleurs pensent à tort que les informations qu’ils publient sur Facebook sont

10 Précisons que le contenu de la présente section se veut un aperçu du cadre juridique entourant l’utilisation

des TIC dans les milieux de travail. Il ne constitue pas un avis juridique et ne peut être utilisé comme tel. Nous vous invitons à consulter un avocat pour toute question d’ordre juridique.

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du domaine de la vie privée (Chiquette, 2014; Roy-Déry, 2012). Or, non seulement le contenu publié sur les réseaux sociaux devient instantanément accessible à un grand nombre d’internautes et est susceptible d’être retransmis, copié et partagé de façon exponentielle, mais il peut également servir de preuve contre son auteur (Roy-Déry, 2012). Facebook constitue d’ailleurs un outil de surveillance de plus en plus populaire auprès des employeurs, tel qu’en font foi les nombreux jugements rendus en s’appuyant, en tout ou en partie, sur une preuve qui en est tirée (Ibid.). Il est, en effet, possible de constater que les pages Facebook sont de plus en plus utilisées « dans le cadre de divers litiges en droit du travail, que ce soit devant la Commission des lésions professionnelles [aujourd’hui le Tribunal administratif du travail], lors de recours en injonction, en matière de harcèlement psychologique, lors d’arbitrage de griefs ou encore pour des poursuites en diffamation » (Ibid. : 31-32).

Les résultats d’une étude réalisée en 2009 aux États-Unis pointent dans la même direction et mettent aussi en lumière le fait que de nombreux travailleurs n’ont pas conscience du caractère public des informations qui sont transmises sur les réseaux sociaux :

En fait, plus du tiers des participants ne prennent pas en considération ce que leurs supérieurs (37 %), leurs collègues (37 %) et leurs clients (34 %) pourraient penser de ce qu’ils viennent d’afficher en ligne sur leur page Facebook. De plus, 53 % des participants à l’étude considèrent que ce qu’ils font sur les réseaux sociaux ne regarde pas leurs employeurs. Pourtant, 30 % des dirigeants interrogés admettent procéder à une certaine surveillance informelle des sites de réseautage sociaux.

Lévesque-Groleau et Jetté, 2010 : 3-4

Évidemment, la situation pourrait être différente si la personne qui publie l’information n’a qu’un petit cercle fermé d’« amis » et utilise des paramètres de confidentialité qui limitent l’accès à son compte, l’expectative de vie privée étant plus importante chez une personne qui n’a qu’un petit nombre d’amis sur les réseaux sociaux (Roy-Déry, 2012). Toutefois, compte tenu que l’appréciation du caractère privé ou public d’une publication Facebook n’est pas une science exacte, la prudence est de mise dans tous les cas. Par ailleurs, « [s]elon la tendance jurisprudentielle actuelle, les médias sociaux sont considérés comme un lieu public et la preuve tirée de ceux-ci sera habituellement acceptée dans la mesure où

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celle-ci est considérée par le Tribunal comme étant pertinente au litige » (Ibid. : 66). Il est de la responsabilité des syndicats de conscientiser leurs membres à cet égard.

Maintenant que nous avons mis en lumière le risque que les médias sociaux peuvent représenter pour les travailleurs qui les utilisent sans précaution, entrons dans le vif du sujet : la liberté d’expression du syndicat et des travailleurs et ses limites. Soulignons, d’abord, que la liberté d’expression est enchâssée dans la Charte canadienne des droits et libertés11 et dans la Charte des droits et libertés de la personne12 et qu’il s’agit donc d’une liberté fondamentale protégée tant sur le plan constitutionnel que quasi-constitutionnel (Ibid.). Son importance en milieu de travail a d’ailleurs été reconnue dès 1999 par la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt KMart Canada Ltd.13

, puis a été réitérée de nombreuses fois par la suite14 (Ibid.). La plus haute cour du pays a notamment indiqué que « le discours syndical fait intervenir les valeurs fondamentales de la liberté d’expression et est essentiel non seulement à l’identité et à l’estime de soi des travailleurs ainsi qu’à la puissance de leur effort collectif, mais également au fonctionnement d’une société démocratique15

». Elle appartient tant au travailleur qu’au syndicat et ses représentants et c’est en vertu de cette liberté que ceux-ci peuvent « dénoncer publiquement des situations touchant leurs milieux de travail » (Ibid. : 35). En effet, « il n’y a pas de justification [...] pour ne pas accorder aux dirigeants syndicaux qui continuent d’être des salariés de l’entreprise une liberté d’expression très large, y compris celle de critiquer publiquement les politiques et les décisions de l’entreprise16

». La liberté d’expression est interprétée de façon large et libérale par les tribunaux et ne devrait être restreinte « que dans les cas les plus clairs17 ».

Toutefois, malgré sa vaste portée, la liberté d’expression dont jouissent le syndicat, ses représentants et ses membres n’est pas absolue. Outre certaines balises en lien avec le

11

Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)], art. 2b) (ci-après la « Charte canadienne »).

12

RLRQ, c. C-12, art. 3 (ci-après la « Charte québécoise »).

13 T.U.A.C. section locale 1518 c. KMart Canada Ltd., [1999] 2 R.C.S. 1083, par. 25 et 46. 14

Voir, par exemple : S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd., [2002] 1 R.C.S. 156, par. 34 et 69.

15 Ibid., par. 69.

16 Pavillon du Parc inc. et Syndicat des employées et employés du C.E.V. d’Aylmer (CSN), [2003] R.J.D.T.

1942 (T.A.), p. 56 (règlement hors cour, C.S., 2003-12-19, 550-17-001046-034).

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message communiqué, on peut aussi penser à la nécessité de respecter la réputation et le droit à la vie privée de l’employeur et de ses représentants, à l’obligation de ne pas divulguer d’informations confidentielles ainsi qu’à l’obligation de loyauté des salariés envers leur employeur (Ibid.).

Lorsqu’une convention collective est en vigueur, la liberté d’expression syndicale est nécessairement plus limitée que lorsqu’elle est exercée en situation de conflit de travail et de négociation18. Par ailleurs, la Cour supérieure a récemment indiqué, en révision d’une décision rendue par la Commission des relations de travail dans l’affaire Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec :

[27] Même en reconnaissant que l’utilisation de la messagerie électronique de l’employeur pour diffuser un message d’intérêt syndical peut constituer, en contexte de négociation collective, une forme légitime d’exercice de la liberté d’expression, encore faut-il que celle-ci soit dans les faits exercée raisonnablement pour bénéficier de la protection de la Charte et ainsi justifier l’APIGQ de blâmer l’employeur pour tenter de mettre un terme à cette pratique.19

Par conséquent, si la liberté d’expression peut s’exercer sur les lieux et pendant les heures de travail, elle doit toutefois respecter certaines conditions20. Le message diffusé par le syndicat et ses membres doit être exact (correspondre à une réalité) et être exprimé en des termes corrects (non virulents ni dénigrants) et il ne doit pas être envahissant ni mettre en péril les relations d’affaires de l’employeur avec la clientèle et les fournisseurs21

. Dans l’affaire précédemment mentionnée, la Cour a jugé que le message syndical était trop long pour être qualifié de discret, que son ton était « au mieux équivoque, au pire tendancieux et désobligeant22 » et qu’il compromettait « l’image de la fonction publique en tant

18 Syndicat des travailleuses et des travailleurs de l'Hôtel Méridien de Montréal (CSN) c. Laplante, 2016

QCCS 2639.

19Québec (Procureure générale) c. Commission des relations du travail, division des relations du travail,

2016 QCCS 5095 (requête pour permission d’appeler accueillie, C.A., 2016-11-11, 200-09-009377-166).

20Ibid., par. 28; Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes et Société canadienne des postes (Postes

Canada), [2006] R.J.D.T. 1675 (T.A.), par. 29.

21 Rappelons cependant, en ce qui concerne ce dernier point, que la liberté d’expression doit normalement

primer sur la liberté d’affaires.Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes et Société canadienne des postes (Postes Canada), préc., note 20, par. 30-45.

22

Québec (Procureure générale) c. Commission des relations du travail, division des relations du travail, préc., note 19, par. 31.

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qu’employeur23

». Compte tenu de ce qui précède, elle a conclu que la tentative de l’employeur d’empêcher l’ajout de ce message à la suite de la signature électronique des ingénieurs de l’État dans les courriels qu’ils transmettaient dans le cadre de leur travail ne constituait pas une entrave à une activité syndicale24.

En outre, les propos tenus par le syndicat ne doivent pas être diffamatoires. Il faut, à cet égard, distinguer les propos controversés ou désagréables de la diffamation25. En effet, comme le souligne la Cour d’appel, sous la plume de la juge Bich, la liberté d’expression « exige que l’on tolère même l’expression de propos incivils dans la mesure où ceux-ci, toutefois, ne franchissent pas le seuil de la diffamation, le droit à la réputation étant lui aussi un droit fondamental protégé par la Charte [québécoise]26 ». Si « le milieu des relations patronales-syndicales ou des relations intersyndicales donne assez fréquemment l’exemple d’un langage dur, qui verse volontiers dans l’excès et l’hyperbole27

», il y a tout de même des limites à ne pas franchir. La décision rendue par la Cour supérieure dans l’affaire Morency démontre également que la liberté d’expression des syndicats ne leur permet pas de s’attaquer personnellement aux représentants de l’employeur28

. À cet égard, la Cour rappelle qu’ « [i]l ne s’agit pas […] de brimer la liberté d’expression du syndicat mais d’empêcher qu’au titre d’une telle liberté, on blesse inutilement et injustement la personne vers qui on a choisi de canaliser des attaques dans le but évident de lui causer un préjudice personnel29 ». Il faut donc éviter de personnaliser le conflit. De même, un travailleur peut parler de son travail, mais devrait s’abstenir de critiquer ou d’insulter un collègue, un client ou un supérieur, de publier une photo de l’un d’eux ou de dévoiler une information confidentielle qu’il a apprise dans le cadre de son travail (Jézéquel, 2011).

Par ailleurs, l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de son employeur constitue une limite importante à la liberté d’expression qu’il peut exercer dans le cadre de son travail.

23 Québec (Procureure générale) c. Commission des relations du travail, division des relations du travail,

préc., note 19, par. 33.

24

Ibid., par. 36.

25 Confédération des syndicats nationaux c. Jetté, 2005 QCCA 1238, par. 50. 26 Ibid.

27 Ibid., par. 52. 28

Morency c. Syndicat des débardeurs, 2014 QCCS 5199.

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Cette obligation, codifiée à l’article 2088 du Code civil du Québec30, exige essentiellement de celui-ci qu’il agisse avec honnêteté, intégrité et fidélité dans le cadre de son emploi (Brière et al., 2010). Dans l’arrêt Concentrés scientifiques Bélisle inc., la juge Bich énonçait les grandes lignes de cette obligation en ces termes :

[L]e salarié ne doit pas nuire à l'entreprise à laquelle il participe ou l'entraver; il doit faire primer (dans le cadre du travail) les intérêts de l'employeur sur les siens propres; il ne doit pas se placer en situation de conflit d'intérêts […]; il doit se conduire à tout moment avec la plus grande honnêteté envers l'employeur, ne peut s'approprier les biens matériels ou intellectuels de celui-ci ou les utiliser indûment à son avantage.31

La portée de cette obligation est très large et commande la prudence. En effet, comme les informations publiées sur les médias sociaux peuvent facilement être portées à l’attention de l’employeur, les travailleurs pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant mener au congédiement s’ils ne font pas attention au contenu qu’ils mettent en ligne (Lévesque-Groleau et Jetté, 2010). Précisons que bien que le représentant syndical soit lui aussi soumis à cette obligation de loyauté, celui-ci se voit accorder une immunité relative, c’est-à-dire une immunité qui ne s’applique que dans le cadre de sa fonction de représentation et qui lui permet d’exercer ladite fonction sans crainte de représailles (Bernatchez, 2003). Toutefois, la portée de cette immunité demeure, comme le soulignent les auteurs Samson et Brunelle (2007), encore mal définie et s’avère parfois trop limitée. Comme une partie de la jurisprudence récente fait primer l’obligation de loyauté du représentant syndical sur sa liberté d’expression32

(et ce bien que cela ne soit pas conforme au principe de la hiérarchie des droits), la prudence est de mise tant pour les travailleurs que pour les représentants syndicaux.

Soulignons, finalement, que le syndicat doit aussi s’assurer de respecter le droit à la vie privée de ses membres et des travailleurs qu’il représente, droit qui est notamment protégé

30 RLRQ, c. CCQ-1991. 31

Concentrés scientifiques Bélisle inc. c. Lyrco Nutrition inc., 2007 QCCA 676, par. 39.

32 Voir notamment : Société canadienne des postes et Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes,

D.T.E. 2014T-13 (T.A.); Caisse Desjardins Thérèse-de-Blainville et Syndicat des employées et employés

professionnels et de bureau, section locale 575 (SEPB-CTC-FTQ), [2011] R.J.D.T. 1106 (T.A.); Marcotte et Trois-Rivières (Ville de), 2004 QCCRT 0332; Jean c. Commission municipale du Québec, B.E. 2001BE-789

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à l’article 5 de la Charte québécoise et aux articles 3, 35 et 36 du Code civil du Québec. En effet, « [l]es syndicats ont aussi des obligations importantes en matière de vie privée, tant en ce qui concerne leurs propres salariés et bénévoles, que leurs membres et que les salariés qu’ils représentent » (Lacoste et Lacoste, 2011 : 114). Or, Mes Lacoste et Massé-Lacoste (2011 : 115) constatent que « les syndicats sont bien souvent peu conscients de leurs obligations en matière de protection de la vie privée ». Les répondants à l’étude de Panagiotopoulos et Barnett (2015) ont d’ailleurs exprimé des préoccupations en lien avec la sauvegarde de la vie privée et la divulgation d’informations confidentielles. Ces préoccupations avaient déjà été exprimées dès le début des années 2000 avec l’émergence d’Internet (Shostak, 2002).

À la lumière de ce qui précède, il semble que les syndicats qui utilisent des médias sociaux pour communiquer avec leurs membres ou le grand public devraient s’assurer de bien connaître l’état du droit, car bien qu’ayant une vaste portée, leur liberté d’expression n’est pas absolue. En outre, il nous apparaît particulièrement important que leurs membres soient sensibilisés aux conséquences possibles de la diffusion d’informations en ligne.

1.2. Syndicats et TIC : état des lieux

La question de l’impact des technologies de l’information et de la communication sur les organisations syndicales a été traitée sous plusieurs angles, mais nous croyons pouvoir affirmer sans nous tromper que les trois principaux aspects qui ont été analysés au fil des années sont les facteurs influençant les syndicats à utiliser les TIC, la façon dont les syndicats utilisent les TIC et les conséquences des TIC sur les syndicats. Nous mettrons l’accent sur ce troisième point dans les prochaines pages. Toutefois, avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous apparaît pertinent de mentionner quelques constats formulés par les chercheurs au fil des années en lien avec les deux autres aspects.

Selon Fiorito, Jarley et Delaney (2000), la taille des syndicats est le facteur qui influencerait le plus leur décision d’utiliser ou non les TIC. Ward et Lusoli (2003) ont également souligné que les syndicats avec plus d’employés à temps plein semblaient plus actifs sur Internet, mettant ainsi en lumière l’importance des ressources dont ils disposent. Selon

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Panagiotopoulos et Barnett (2015), ce sont les ressources dont ils disposent, mais aussi le leadership exercé par les acteurs syndicaux et la pression qu’ils ressentent quant à la nécessité de se conformer aux attentes de leurs pairs et de leurs membres qui les amènent à prendre un virage technologique. Ces auteurs suggèrent que l’utilisation actuelle des médias sociaux par les syndicats ne serait donc pas le résultat d’une compréhension des risques et des bénéfices qui peuvent résulter de leur utilisation (Ibid.). Rego et al. résument bien les facteurs influençant les syndicats à utiliser les TIC en ces termes :

Unions can only apply new ICTs in creative and empowering ways when leaders choose to do so; that is to say, when they release central control over resources and discussions. In fact, only if a union executive decides to invest in new ICTs, sometimes disregarding the union’s own digital divide, will workers, unionized and non-unionized, be enabled to take advantage of technological developments. In this sense, some authors have already identified the organizational context and the communication culture as factors that mediate the use of ICTs (Martinez Lucio et al., 2009). Furthermore, users’ socio-demographic profiles also prove to be relevant and situations of computer illiteracy or other resistances to new forms of communication among workers may also render recourse to new ICTs ineffective (Martinez Lucio, 2003).

Rego et al., 2016 : 318

Panagiotopoulos et Barnett (2015) ont aussi formulé quelques constats intéressants en lien avec la façon dont les médias sociaux sont utilisés. Dans leur étude, menée auprès de 149 syndicats de partout à travers le monde affiliés à UNI Global Union, ils ont constaté que la majorité de leurs répondants utilisaient un large éventail de canaux de communication (Ibid.). L’utilisation des courriels était, évidemment, largement répandue, mais les auteurs ont également mis en lumière la place prépondérante de nombreux autres canaux tels que Facebook, YouTube et Twitter (Ibid.). Certains syndicats exploraient même les possibilités offertes par les environnements virtuels tels que Second Life (Ibid.; Bibby, 2008). En outre, ces différents canaux visaient un vaste public et non plus seulement les membres, comme l’étude de Ward et Lusoli (2003) le suggérait en lien avec les sites web des syndicats qui ne rejoignaient, au début des années 2000, qu’un public restreint. Tant Ward et Lusoli (2003) que Hodder et Houghton (2015) ont conclu, les premiers par rapport aux sites web et les seconds par rapport à Twitter, que les TIC étaient principalement utilisés pour

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communiquer de l’information. Freeman précise qu’Internet est notamment utilisé par les syndicats pour présenter leurs revendications au public et pour tenir leurs membres informés lors de conflits de travail :

In disputes with management, many unions now use the Internet to present their case to members, businesses, and the general public. In the 2001 communication workers’ strike against Verizon, the union posted daily bargaining updates on its Web site, with access restricted to members. [...] In the 2000 strike by the Society of Professional Engineering Employees at Boeing, one of the largest white-collar strikes in U.S. history, the union used its Web page to keep members alert to the latest twists and turns of the negotiations.

Freeman, 2004 : 14

Tel que précédemment mentionné, les conséquences de l’émergence d’Internet sur les syndicats ont suscité l’intérêt de plusieurs auteurs au début des années 2000 (Diamond et Freeman, 2002; Chaison, 2002 et 2005). Toutefois, l’impact de l’utilisation des médias sociaux par les organisations syndicales n’a pas retenu l’attention d’un grand nombre de chercheurs et c’est pourquoi nous devons baser en grande partie notre réflexion sur les écrits concernant les technologies issues du Web 1.0, comme les sites web et les courriels. Alors que la majorité des auteurs considèrent l’impact des TIC sur les syndicats comme essentiellement positif, d’autres émettent des réserves (Upchurch et Grassman, 2015). En fait, il semble, comme l’ont proposé Ward et Lusoli (2003) au début des années 2000, que les auteurs qui se sont intéressés à l’impact des TIC sur les organisations syndicales aient tous mis de l’avant l’un de ces trois scénarios : l’érosion, la modernisation ou la démocratisation.

Les auteurs pessimistes se montrent critiques quant au potentiel des technologies de l’information et de la communication pour les syndicats (Ibid.). Ceux qui défendent la thèse de l’érosion vont même jusqu’à dire qu’ils n’auront plus de raison d’être, car les travailleurs pourront se tourner vers des regroupements non traditionnels utilisant les TIC à leur plein potentiel ou négocier individuellement avec leur employeur (Ibid.). Selon ces auteurs, si les syndicats ne s’adaptent pas à l’ère numérique et ne commencent pas à remettre en question leur structure traditionnelle, c’est leur survie qui est menacée : « We

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suspect that unions will not gain much by adopting the new technologies, but rather, that they will lose a great deal by failing to adopt them. » (Bennett et Taras, 2002 : 174.) Même certains auteurs qui croient au potentiel des TIC pour les syndicats se montrent fatalistes : « the final reason why the union will happen is that, if it does not, then unions face e-xtinction » (Darlington, 2004).

Les auteurs optimistes, plus nombreux, estiment, quant à eux, que les syndicats pourraient améliorer leurs pratiques en tirant avantage des TIC (Ward et Lusoli, 2003). Les expressions « e-unions » ou « cyberunions » ont été développées pour parler de ces syndicats qui seraient en mesure de moderniser leurs pratiques grâce aux TIC (au niveau administratif, mais aussi au niveau de la prestation de services, du recrutement et de l’image) (Ibid.). Certains auteurs soutiennent une thèse qui va plus loin encore que celle de la modernisation : la démocratisation. Ceux-ci considèrent essentiellement que les TIC permettraient aux organisations syndicales de démocratiser et de décentraliser leurs structures hiérarchiques et d’augmenter la participation des membres (Ibid.).

Quelle que soit la thèse soutenue, il ne fait aucun doute que l’utilisation des médias sociaux comporte à la fois des bénéfices et des risques potentiels. Si nous faisons partie des optimistes et croyons que les syndicats peuvent certainement tirer avantage de l’utilisation des médias sociaux, nous sommes d’avis qu’il est important de dresser un portrait global de la situation et de mettre en lumière autant les aspects positifs que les aspects négatifs liés à leur utilisation.

1.2.1. Bénéfices potentiels

Les études menées jusqu’à maintenant sont surtout axées sur les bénéfices pouvant résulter de l’utilisation des TIC par les syndicats. En effet, tant les études menées au début des années 2000 que les études menées plus récemment (quoique moins nombreuses) mettent en lumière plusieurs avantages potentiels liés à l’utilisation des TIC par les organisations syndicales. Nous commencerons par dresser un portrait général des bénéfices identifiés par quelques auteurs au début des années 2000, puis nous mettrons l’accent sur certains d’entre eux. Nous examinerons, d’abord, la possibilité de rejoindre les jeunes et d’encourager la

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participation de l’ensemble des groupes sous-représentés, puis la possibilité de mobiliser les membres et de développer une solidarité qui va au-delà des frontières du milieu de travail et, enfin, la possibilité de se servir des médias sociaux comme vitrine permettant au public de connaître les positions des syndicats et de se joindre à leurs revendications.

Bien que l’article de Diamond et Freeman intitulé « Will unionism prosper in cyberspace? The promise of the Internet for employee organization » ait été publié il y a de cela plus d’une quinzaine d’années, il demeure une lecture incontournable sur le sujet. En effet, malgré qu’elles concernent les technologies issues du Web 1.0, les hypothèses qui y sont soulevées nous semblent pouvoir s’appliquer aux technologies issues du Web 2.0 et constituer une base solide à partir de laquelle construire l’argumentaire des autres auteurs.

Selon Diamond et Freeman (2002), Internet offrirait aux syndicats la possibilité d’informer et de sensibiliser la population en leur donnant accès à une plateforme où ils peuvent présenter leurs arguments directement au public alors que les courriels et les forums leur donneraient l’occasion de s’adresser directement à leurs membres (et membres potentiels) et de s’engager dans des discussions interactives avec eux. Cette communication améliorée pourrait, à son tour, leur permettre d’attirer de nouveaux membres, d’offrir à leurs membres actuels un service plus rapide et personnalisé, d’accroître la démocratie en leur sein et de disposer d’un soutien additionnel lors des conflits de travail (en leur permettant de mettre en œuvre de nouveaux moyens de pression et d’obtenir un appui externe) (Ibid.). Selon Diamond et Freeman, les technologies issues du Web 1.0 pourraient donc essentiellement avoir un effet bénéfique sur le recrutement, les services offerts aux membres, la démocratie au sein du syndicat et l’appui lors des conflits de travail, le tout à faible coût.

Les avantages potentiels du Web 1.0 identifiés par Fiorito, Jarley et Delaney (2000, 2002) vont sensiblement dans le même sens. Soulignant la réduction des coûts ainsi que la rapidité et la flexibilité accrues dont les syndicats pourraient bénéficier en utilisant les TIC, ces auteurs mettent de l’avant la possible amélioration des relations publiques, des services offerts aux membres, de leur performance en négociation collective, de leur habileté à organiser de nouveaux membres et de leur image, notamment auprès des jeunes travailleurs

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(Ibid.). La somme de ces améliorations constituerait, en outre, une source d’avantage compétitif vis-à-vis des autres syndicats et des employeurs (Ibid.). Greer (2002 : 228) souligne, à cet égard : « IT applications also provide unions with tactical advantages in organizing and in negotiations with employers. The Internet and e-mail provide important communication and coordination tools, which enable unions to better manage their efforts during strikes. » Lucore (2002) a d’ailleurs démontré que le coût réduit des communications permet d’améliorer la qualité et la quantité des informations qui sont accessibles aux syndicats et aux travailleurs et prétend que ce meilleur accès à l’information devrait donner plus de pouvoir aux travailleurs et réduire le monopole des employeurs33. Selon lui, les syndicats pourraient utiliser les TIC pour communiquer avec leurs membres, présenter une image publique, devenir plus démocratiques et générer une plus grande solidarité parmi leurs membres (Ibid.).

Au terme d’une étude menée auprès de dirigeants syndicaux s’intéressant à leur perception du rôle que vont jouer les TIC dans le futur de leur syndicat, Fiorito et Royle (2005) ont constaté qu’Internet serait probablement appelé à jouer un rôle majeur au sein de la majorité d’entre eux, et ce, sous plusieurs aspects. En effet, Internet serait notamment utilisé pour communiquer avec les membres, améliorer les services qui leur sont offerts et faciliter l’administration du syndicat lui-même, de même qu’à des fins de formation et de recrutement (Ibid.). La possibilité de rejoindre plus facilement les jeunes travailleurs a également été soulevée (Ibid.). Malgré que certains d’entre eux aient exprimé des réserves en lien avec la fracture numérique (ou « digital divide »), sur laquelle nous reviendrons plus loin, la perception générale des dirigeants syndicaux était sans conteste optimiste (Ibid.).

Les conclusions de l’étude menée par Panagiotopoulos (2012) complètent celles de Fiorito et Royle (2005) et font ressortir cette même perception positive chez les membres. En effet, Panagiotopoulos (2012) a constaté que les membres anticipent des bénéfices liés à la

33

Il estime, toutefois, que les travailleurs ayant accès à plus d’informations pourraient être tentés de quitter leur emploi plutôt que de former un syndicat et de négocier avec leur employeur. Aux yeux de cet auteur, les syndicats pourraient donc utiliser les TIC à leur avantage, mais l’accès facilité à l’information les rendrait aussi moins utiles. Bien que pertinente, la question de l’utilité des syndicats dans un monde où les informations sont de plus en plus accessibles aux travailleurs ne sera pas traitée dans le cadre du présent projet de recherche.

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présence des syndicats sur Internet et semblent prêts à s’engager dans les activités syndicales, et ce, même en dehors des heures de travail. Il a, à cet égard, remarqué que les jeunes, plus habiles avec Internet, seraient davantage en faveur d’une présence syndicale sur le web que les membres plus âgés (Ibid.). Selon lui, une telle présence pourrait permettre d’initier les jeunes membres au syndicalisme et augmenter les chances qu’ils s’engagent dans les activités syndicales (Ibid.). En effet, les jeunes travailleurs pourraient se sentir plus à l’aise d’approcher un syndicat à travers leur écran plutôt que d’aller parler à un représentant syndical ou de se présenter à une réunion (Burgmann, 2016; Wood, 2009). Laroche et Dufour-Poirier (2015) sont du même avis et estiment que, bien qu’il ne s’agisse que d’un outil parmi d’autres, l’usage des médias sociaux permettrait de favoriser l’adhésion des jeunes travailleurs aux syndicats et leur participation à leurs activités : « Par exemple, les représentants de ces comités ont misé sur de nouveaux canaux de communication, notamment les médias sociaux (par exemple, Facebook et Twitter), pour rejoindre les jeunes, ne serait-ce que pour convoquer des « 5 à 7 jeunes ». [...] Ces moyens de communication s’avèrent « très tendance » auprès des jeunes. » (Ibid. : 173.)

Burgmann (2016) abonde dans le même sens. Pour elle, Internet permettrait de familiariser les jeunes travailleurs à la valeur de l’organisation collective et de combler le fossé entre une main-d’œuvre de plus en plus hétérogène et individualiste et l’action collective et la solidarité qui sont au cœur du syndicalisme : « Online resources could speak to them more clearly than a union representative as they experience workplace exploitation and perhaps develop inchoate collectivist consciousness, despite the neoliberal culture in which they are otherwise embedded. » (Ibid. : 59.) Par ailleurs, bien que l’attrait des médias sociaux pour les jeunes travailleurs soit souvent mis en lumière, ils ne sont pas réservés qu’aux jeunes (Wood, 2015). Selon Derek Blackadder, un activiste syndical canadien, Facebook est un outil qui permet de rejoindre tant les jeunes travailleurs que les travailleurs plus âgés : « He believes that the utility of Facebook is its ability to attract people who are joining workplace-related groups for practical reasons. These people are from a much broader demographic than the typical under-35 Facebook crowd. With an estimated 40 per cent of Canadians on Facebook, the site is no longer just a youth phenomenon. » (Wolfson, 2008.)

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L’utilisation des TIC permettrait également d’augmenter les interactions avec les groupes sous-représentés ou marginalisés qui incluent, outre les jeunes, les femmes, les travailleurs à temps partiel et les travailleurs handicapés (Greene et Kirton, 2003). En effet, l’utilisation des TIC permet de rejoindre les membres qui ne participent généralement pas aux réunions face-à-face traditionnelles (Ibid.) : « As Greene and Kirton have suggested (2003), electronic technologies allow members to adapt union activity to their own time constraints, and also provide "safe spaces" for those, such as women, who find traditional union meetings an uncomfortable environment. » (Grumbell-McCormick et Hyman, 2013 : 100.) Ceux-ci peuvent ainsi avoir une plus grande influence sur les décisions prises par leur organisation syndicale, ce qui peut contribuer à la rendre moins centralisée et plus démocratique (Kerr et Waddington, 2014)34. Dans le même ordre d’idées, Stevens et Greer (2005) ont souligné dans leur étude que, selon les leaders syndicaux, les sites web et les courriels donnaient l’occasion aux membres de s’exprimer davantage, ce qui avait pour effet de démocratiser les organisations syndicales; « e-voice provides an opportunity for members to air their views or dissent at low cost, if there is no retaliation, and should make unions more democratic » (Greer, 2002 : 218). Les TIC permettraient aussi de surveiller et d’évaluer les actions des leaders syndicaux agissant au nom des membres (Greene, Hogan et Grieco, 2003).

That is why, while challenging the foundations of traditional union action, the use of Internet also constitutes an opportunity for union development. Indeed, ICT helps recruit new members and reach out to audiences so far inaccessible: nomad executives, expatriates, employees on temporary posting… who can now keep up with company social news, ask questions or request the help of union representatives with a simple clic, from home, outside working hours.

Michaux, 2009 : 376

Si les résultats de l’étude de Thornthwaite, Balnave et Barnes (2018) démontrent que la majorité des membres de syndicat, hommes ou femmes, préfèrent encore les moyens de communication plus traditionnels comme les contacts face-à-face et les courriels, ils

34 Précisons toutefois que les résultats de l’étude effectuée par Kerr et Waddington (2014) ne démontrent pas

que les sites web et les forums permettent d’augmenter les taux de participation auprès des femmes et des travailleurs à temps partiel, puisque les sites web des syndicats seraient plus visités par les hommes et les travailleurs à temps plein. Selon ces auteurs, ce résultat pourrait toutefois changer avec le temps et c’est justement ce que Thornthwaite, Balnave et Barnes (2018) ont observé quelques années plus tard.

Figure

Figure 1.  Syndicats et médias sociaux, à la fois sujets et objets
Figure 2.  Ressources de pouvoir syndicales selon Lévesque et Murray
Figure 3.  Portrait des médias sociaux en 2018 43
Tableau 1.  Médias sociaux utilisés au sein des organisations syndicales sondées  Facebook  Twitter  Instagram  LinkedIn  YouTube  Blogue

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