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Association entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs à l'enfance : structure factorielle et étiologie génétique et environnementale

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Academic year: 2021

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Association entre les symptômes anxieux et les

symptômes dépressifs à l’enfance : structure

factorielle et étiologie génétique et

environnementale

Thèse

Laurence Tanguay-Garneau

Doctorat en psychologie – recherche et intervention – orientation clinique

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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Association entre les symptômes anxieux et les

symptômes dépressifs à l’enfance : structure

factorielle et étiologie génétique et

environnementale

Thèse

Laurence Tanguay-Garneau

Sous la direction de :

Ginette Dionne, directrice de recherche

Michel Boivin, codirecteur de recherche

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Résumé

La question de la spécificité et de l’association entre l’anxiété et la dépression est un enjeu tant au plan empirique et théorique que clinique. L’objectif principal de la thèse était de décrire le cours du développement de l’association entre les symptômes anxieux (SA) et les symptômes dépressifs (SD) durant l’âge scolaire, d’abord en documentant le changement ou la continuité dans leur association et leur spécificité dans un premier article, puis en documentant les contributions longitudinales entre les SA et les SD et les fondements étiologiques de ces contributions dans un deuxième article. Les données concernant les SA et les SD ont été rapportées par questionnaire par les enseignants de 1112 enfants à cinq temps de mesure de la maternelle à la 6e année (6 à 12 ans). Dans un premier temps, la

stabilité des SA et des SD et de leur association a été évaluée en comparant les moyennes d’échelles, les variances et les corrélations inter-échelles entre les temps de mesure. Différentes structures factorielles ont été comparées. Les analyses ont révélé que les SA et les SD étaient au mieux modérément stables du début à la fin de l’école primaire et qu’une conceptualisation bidimensionnelle selon laquelle les SA et les SD forment deux construits distincts étaient appuyée, malgré qu’ils soient fortement associés durant cette période du développement. Dans un deuxième temps, un modèle de corrélations croisées génétiquement informatif a permis d’examiner les contributions génétiques et environnementales aux associations transversales, aux associations croisées et à la stabilité des SA et de SD de la maternelle à la 6e année. Les résultats suggèrent que les SA et les SD sont associés au cours

du primaire et sont relativement stables, dû à des influences génétiques et environnementales communes. Les SD précoces apparaissent plus stables et centrales tant pour le développement des SD que pour celui des SA durant l’âge scolaire, alors que les SA contribuent marginalement au développement des SD. Les résultats novateurs de la thèse soulignent l’importance de certaines hypothèses explicatives de l’association entre l’anxiété et la dépression, informent quant à la spécificité des deux ensembles de symptômes et permettent de générer des hypothèses supplémentaires sur les mécanismes impliqués dans leur association.

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Abstract

The matter of the distinctiveness and the association between anxiety and depression in childhood is an empiric, theoretical, and clinical issue. The principal objective of the present thesis was to describe the development of the association between AS and DS during the school-age period, first by documenting changes and continuity in their association in a first article, and then by documenting the longitudinal contributions between AS and DS and their etiological underpinnings in a second article. Teachers assessed AS and DSin 1112 twins at 5 time points from Kindergarten to Grade 6 (6 to 12 years of age). First, scale means, variances and inter-scale correlations were compared through time to assess the stability of AS and DS and of their association. Different factorial structures were compared. Analyses revealed that AS and DS were modestly stable at best from the beginning to the end of elementary school and that a bidimensional conceptualization, i.e. AS and DS as two distinct constructs, was supported by the data even though they remain highly correlated within this developmental period. Second, a genetic cross-lagged model was used to examine the genetic and environmental contributions to cross-sectional associations, cross-age and cross-lag effects of AS and DS from Kindergarten to Grade 6. Results suggested that AS and DS were associated throughout the elementary school-years and relatively stable due to common genetic and unique environmental influences. In the early school-years, DS are more stable than AS, and more central to the development of both subsequent AS and DS; AS only marginally contributed to subsequent DS in this sample. The innovative results of the thesis underline the importance of certain explanatory hypotheses of the association between anxiety and depression, inform about the distinctiveness of the two sets of symptoms and allow to generate additional hypotheses concerning the mechanisms implicated in the association.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux... vii

Chapitre 2 ... vii

Chapitre 3 ... vii

Liste des figures ... viii

Chapitre 2 ... viii

Chapitre 3 ... viii

Liste des abréviations ... ix

Chapitre 1 : Introduction ... 1

1.1 La psychopathologie développementale ... 2

1.2 Le développement émotionnel ... 4

1.2.1 Les émotions ... 4

1.2.2 La régulation émotionnelle et les symptômes anxieux et dépressifs ... 5

1.2.3 La peur et les symptômes anxieux ... 6

1.2.4 La tristesse et les symptômes dépressifs ... 7

1.2.5 Les symptômes anxieux et dépressifs et les difficultés intériorisées ... 8

1.3 L’association entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs à l’enfance.. 8

1.4 Les hypothèses explicatives de l’association entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs ... 10

1.4.1 La spécificité des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs... 10

1.4.2 L’association longitudinale entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs ... 14

1.4.3 L’étiologie des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs ... 18

1.4.4 La contribution des facteurs étiologiques à l’association longitudinale entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs ... 23

1.5 Objectifs de la thèse ... 25

Chapitre 2 : The Association and Distinctiveness of Anxiety and Depression Over the Course of Elementary School ... 27

2.1 Résumé ... 28

2.2 Abstract ... 29

2.3 Introduction ... 30

2.3.1 The present study ... 34

2.4 Methods ... 35

2.4.1 Participants and procedure ... 35

2.4.2 Measures ... 36

2.4.3 Statistical Analyses ... 37

2.5 Results ... 38

2.5.1 How stable are AS and DS means and variances stable over time? ... 38

2.5.2 To what extent are AS and DS manifestations associated concurrently? Do these concurrent associations fluctuate over time? ... 39

2.5.3 What is the factorial structure of AS and DS at each time point? Is there continuity or discontinuity in the factorial structure of AS and DS over time? ... 39

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2.6 Discussion ... 41

2.6.1 The stability of AS and DS during childhood ... 43

2.6.2 Clinical implications of this study ... 44

2.6.3 Limits and future directions ... 45

2.7 Conclusion ... 47

2.8 References... 47

Chapitre 3 : A Genetically Informative Study of the Longitudinal Association Between Anxiety and Depressive Symptoms During Childhood ... 60

3.1 Résumé ... 61

3.2 Abstract ... 62

3.3 Introduction ... 63

3.4 Methods ... 66

3.4.1 Participants and procedure ... 66

3.4.2 Measures ... 67

3.4.3 Statistical Analysis ... 68

3.4.3.1 Data preparation ... 68

3.4.3.2 Rationale of twin modeling ... 68

3.4.3.3 Bivariate genetic models ... 68

3.4.3.4 Genetic cross-lagged models ... 69

3.5 Results ... 70

3.5.1 Descriptive statistics ... 70

3.5.2 Bivariate genetic models ... 70

3.5.3 Genetic cross-lagged models ... 71

3.5.3.1 Cross-sectional variances and covariances ... 72

3.5.3.3 Previous common effects ... 73

3.5.3.4 Cross-lagged effects ... 73

3.6 Discussion ... 74

3.6.1 The discontinuity and continuity of AS and DS ... 75

3.6.2 Temporal sequences between AS and DS ... 77

3.6.3 Clinical implications of this study ... 80

3.6.4 Limits and conclusion ... 80

3.7 References... 82

Chapitre 4 : Conclusion ... 95

4.1 Rappel des objectifs et des résultats de la thèse ... 95

4.2 Implications pour la recherche ... 96

4.2.1 Retour sur les hypothèses explicatives de l’association entre les SA et les SD ... 96

4.2.2 La distinction entre les SA et les SD ... 97

4.2.3 Les mécanismes impliqués dans le développement et l’association entre les SA et les SD ... 100

4.2.4 L’utilisation d’un modèle statistique novateur ... 104

4.3 Implications pour la pratique clinique ... 106

4.3.1 Dépistage et prévention ... 106

4.3.2 Rôle des enseignants et importance de l’environnement scolaire ... 109

4.4 Forces et limites de la thèse ... 110

4.5 Pistes de recherches futures ... 113

4.6 Conclusion ... 114

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Liste des tableaux

Chapitre 2

Table 2.1 Descriptive statistics for AS and DS items and scales from ages 6 to 12 years for the total sample. ... 55 Table 2.2 AS and DS item correlations from age 6 to age 12. ... 56 Table 2.3 Fit index estimates for single-factor, two-factor and hierarchical models for AS

and DS from age 6 to age 12. ... 57

Chapitre 3

Table 3.1 Descriptive statistics for anxiety symptoms (AS) and depressive symptoms (DS) ... 88 Table 3.2 Correlations between anxiety symptoms (AS) and depressive symptoms (DS)

from Kindergarten to Grade 6. Within-time AS and DS correlations are presented above the diagonal. ... 89 Table 3.3 Proportions of variance explained by additive genetic (a2), shared environment

(c2), and unique environment (e2) factors and genetic (rA), shared environment (rC), and unique environment (rE) correlations from the best-fitting bivariate Model of AS and DS ... 90 Table 3.4 Proportion of AS and DS variance explained by additive genetic (A) and unique

environment (E) factors coming from cross-age, cross-lagged and common effects at the previous time points and variance specific to each time point from Kindergarten to Grade 6. ... 91

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Liste des figures

Chapitre 2

Figure 2.1 Standardized parameter estimates of factor loadings for the single-factor model of internalizing symptoms (IS) from age 6 to age 12. Standardized parameter estimates are presented in temporal order: age 6, 7, 9, 10, and 12. ... 58 Figure 2.2 Standardized parameter estimates for a) the two-factor model and b) the

hierarchical model for AS and DS from age 6 to age 12. Standardized parameter estimates are presented in temporal order: age 6, 7, 9, 10, and 12. ... 59

Chapitre 3

Figure 3.1 Path diagram illustrating the cross-lagged model. Latent variables: A = additive genetic factors, E = unique environment factor. Standardized path estimates: a = path coefficient for additive genetic variance, e = path coefficient for unique environment variance, b = partial regression coefficient, r = genetic and environmental correlations. ... 93 Figure 3.2 Path diagram of the cross-lagged model of the longitudinal relationship between

AS and DS from Kindergarten to Grade 6. A = additive genetic factors, E = unique environment factors. All paths are standardized parameter estimates... 94

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Liste des abréviations

AS Anxiety symptoms (voir SA) CDI Children’s Depression Inventory CFA Confirmatory factor analysis CFI Comparative Fit Index

DS Depressive symptoms (voir SD)

DSM-5 Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition

DZ Jumeaux dizygotes

FIML Full information maximum likelihood HHS Hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe) MAR Missing at random

ML Maximum likelihood estimation

MLR Maximum likelihood estimation with robust standard errors

MZ Jumeaux monozygotes

NIMH National Institute of Mental Health QNTS Quebec Newborn Twin Study

R-CMAS Revised Children’s Manifest Anxiety Scale RDoC Research Domain Criteria

RMSEA Root Mean Square Error of Approximation SA Symptôme anxieux (voir AS)

SBQ Social Behavior Questionnaire

SD Symptômes dépressifs

SES Socioeconomic status

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Remerciements

La thèse représente la réalisation d’un parcours doctoral et d’un cheminement personnel marqués par des expériences enrichissantes et par moment semés d’embûches. Je tiens à exprimer ma reconnaissance envers tous ceux qui m’ont accompagnée dans ce parcours. D’abord, merci à ma directrice de thèse, Ginette Dionne, pour m’avoir permis de développer mon autonomie, pour avoir su à plusieurs reprises m’amener à me dépasser et pour m’avoir encouragée, surtout dans les derniers miles. Je tiens également à remercier mon co-directeur de thèse, Michel Boivin, pour son regard critique sur mes idées, ses commentaires pertinents et ses encouragements. Merci à Geneviève Belleville et Mara Brengden, membres de mon comité de thèse, pour avoir suivi et contribué à mon cheminement au cours des cinq dernières années. Merci pour vos commentaires constructifs, votre intérêt pour ma thèse et vos suggestions toujours très pertinentes.

Je tiens également à remercier l’équipe de GRIP-Laval, dont les membres m’ont chacun épaulée à leur façon au cours de mon parcours doctoral. Merci à Hélène Paradis et Bei Feng pour le temps pris pour transmettre leurs connaissances et particulièrement à Bei pour sa patience et son aide dans la réalisation des analyses statistiques. Merci à Nadine Forget-Dubois pour sa grande disponibilité malgré ses nombreux mandats et ses judicieux conseils. Merci à Marie-Noëlle St-Pierre pour son intérêt sincère envers le travail des étudiants et son aide précieuse dans les démarches administratives. Je remercie également mes collègues du GRIP-Laval pour les moments partagés au labo et les échanges stimulants.

Je me dois également de remercier le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds facultaire d’enseignement et de recherche et le Fonds Tougas pour leur soutien financier au cours du mon parcours doctoral.

À mes amis de longue date, Josiane, Nicolas, Catherine, Éloïse et Agathe, merci de faire partie de ma vie depuis toutes ces années et malgré la distance pour certains; votre amitié et votre soutien sont précieux. Danielle et Catherine, l’amitié que nous avons développée au cours du doctorat est pour moi un bonheur encore plus grand que la réussite de cette étape académique. Alexandra, notre relation qui a commencée par une colocation au 1242 s’est

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transformée en une amitié précieuse. Je suis privilégiée d’avoir eu une alliée, une confidente avec qui partager mon quotidien. Merci pour les nombreux moments de folie, les discussions sérieuses et pour ton soutien inégalable dans les hauts et les bas qui ont marqué mon parcours académique et personnel des cinq dernières années.

À ma famille, vous êtes mes premiers modèles, une grande source de réconfort et de conseils. À mes parents, Nicole et Louis, et à Louis-Charles et Maude, merci pour votre présence et votre soutien inconditionnel dans les moments de célébration, mais aussi et particulièrement au cours de certaines épreuves qui ont marqué les dernières années. Finalement, à mon amoureux, Cédric, merci pour ton écoute, ton optimisme et ta patience qui m’ont aidée plus que tu le crois à passer à travers certains moments de découragement. Merci aussi de croire en moi, je suis choyée d’être à tes côtés.

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Avant-propos

Les chapitres 2 et 3 de la thèse correspondent à des articles qui seront soumis pour publication dans des revues scientifiques. Le chapitre 2 est intitulé The Association and Distinctiveness of Anxiety and Depression Over the Course of Elementary School. Les auteurs sont, dans l’ordre, Laurence Tanguay-Garneau et Michel Boivin, affiliés à l’Université Laval, Mara Brendgen, affiliée à l’Université du Québec à Montréal, Alexandra Matte-Landry, affiliée à l’Université Laval, Frank Vitaro, affilié à l’Université de Montréal et Ginette Dionne, affiliée à l’Université Laval. Le chapitre 3 est intitulé A Genetically Informative Study of the Longitudinal Association Between Anxiety and Depressive Symptoms During Childhood. Les auteurs sont, dans l’ordre, Laurence Tanguay-Garneau, Michel Boivin, Bei Feng, affiliée à l’Université Laval, Alexandra Matte-Landry, Mara Brendgen, Frank Vitaro et Ginette Dionne. Je suis auteure principale des deux articles. À ce titre, j’ai fait la recension des écrits, effectué les analyses statistiques avec le soutien des statisticiennes, interprété les données, formulé la plupart des idées et rédigé les articles, sous la supervision de ma directrice de recherche.

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Chapitre 1 : Introduction

Les troubles anxieux et les troubles dépressifs font partie des maladies mentales les plus répandues et affectent autant les adultes que les enfants et les adolescents (Kessler et al., 2009; Merikangas et al., 2010). Ils sont liés à plusieurs autres incapacités physiques, psychologiques et sociales. À titre d’exemple, jusqu’à environ 60% des gens aux prises avec un trouble dépressif majeur rapportent un déficit jugé sévère à très sévère dans au moins une sphère de leur vie. Un déclin des capacités fonctionnelles est noté dans plusieurs domaines, dont sur le plan des fonctions cognitives, du fonctionnement social et de la productivité (Kessler et al., 2003).

Entre l’âge de 9 et 12 ans, la prévalence moyenne de troubles anxieux se situerait entre 0.9% et 4.6%, tandis que les troubles dépressifs auraient une prévalence moyenne entre 0.4% et 1.9% (Costello, Mustillo, Erkanli, Keeler, & Angold, 2003). Malgré que la prévalence de ces diagnostics soit faible chez les enfants, la présence de symptômes d’ordre sous-clinique serait beaucoup plus répandue. En effet, sous l’angle de la présence de symptômes, 25% des enfants auraient présenté un niveau élevé de problèmes liés à l’anxiété ou à la dépression à l’âge de 10 ans (Costello et al., 2003; Riberdy, Tétreault, & Desrosiers, 2013). C’est donc dire qu’un enfant sur quatre peut manifester des niveaux inquiétants de symptômes d’anxiété ou de dépression sans toutefois présenter tous les critères d’un trouble. La présence de ces symptômes à l’enfance aurait plusieurs impacts psychosociaux, dont des difficultés scolaires et dans les relations sociales (Boivin, Hymel, & Bukowski, 1995; Duchesne, Vitaro, Larose, & Tremblay, 2008; Coplan & Ooi, 2003), et serait liée à la présence de d’autres problématiques, dont des troubles extériorisés, comme l’hyperactivité ou les troubles de la conduite (Gilliom & Shaw, 2004; Reinke & Ostrander, 2008). Compte tenu de leur prévalence élevée et de leur impact fonctionnel dès l’enfance, cette période développementale pourrait donc être une période-clé dans l’étude des manifestations précoces des symptômes anxieux (SA) et des symptômes dépressifs (SD) et de leur évolution.

Bien qu’ils soient présentés comme des catégories distinctes dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013), les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont aussi souvent considérés, et ce surtout à

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l’enfance, comme faisant partie d’une catégorie plus générale : les troubles intériorisés. Dans la littérature scientifique, les troubles intériorisés, qui incluent des difficultés de nature émotionnelle, sont mis en opposition avec les troubles extériorisés qui rendent compte de problèmes liés à la régulation du comportement. Les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont donc souvent combinés pour refléter un concept plus général, ce qui suggère qu’ils sont suffisamment liés d’un point de vue clinique et théorique pour former une entité conceptuelle. Certains vont même jusqu’à remettre en doute la validité du système de classification présentement en vigueur et, plus spécifiquement, l’indépendance des troubles anxieux et des troubles dépressifs (Lilienfeld, 2003), alors que d’autres argumentent que l’association entre les troubles ne remet pas forcément en question leur spécificité et donc leur classification séparée (Maser & Cloninger, 1990). La question de la spécificité et de l’association entre l’anxiété et la dépression est donc un enjeu tant au plan empirique, théorique que clinique.

L’objectif principal de la thèse est de décrire le cours du développement de l’association entre les SA et les SD durant l’âge scolaire, d’abord en documentant le changement ou la continuité dans leur association et leur spécificité dans un premier article, puis en documentant les contributions longitudinales entre les SA et les SD et les fondements étiologiques de ces contributions dans un deuxième article.

1.1 La psychopathologie développementale

La psychopathologie développementale est un cadre théorique intégratif qui se penche sur l’étude de la santé et l’adaptation comportementale dans un contexte développemental (Masten, 2006). Elle représente la fusion de deux écoles de pensée dans le domaine de l’étude des comportements adaptatifs, d’abord celle qui adopte le point de vue de la psychologie clinique, puis celle qui adopte le point de vue de la psychologie du développement (Cicchetti, 1984; Masten, 2006). La présente thèse s’appuie sur ce cadre théorique intégratif en considérant le développement des SA et des SD pour informer notre compréhension des troubles anxieux et des troubles dépressifs au cours de l’enfance.

La psychopathologie développementale postule qu’une psychopathologie apparait au sein d’un organisme en développement, donc qu’il est nécessaire d’adopter une perspective

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développementale pour mieux comprendre, mais aussi prévenir et intervenir sur les causes et les conséquences de cette difficulté. Plus précisément, on considère qu’un changement chez l’individu ou son environnement peut créer un changement dans le comportement ou les difficultés présentés (p.ex. l’entrée à l’école, la puberté). Dans le même ordre d’idées, on met également l’accent sur le fait que l’adaptabilité d’un individu augmente généralement avec son développement, suivant sa maturation biologique et la multiplication de ses expériences (Masten, 2006), ce qui souligne la nécessité de considérer à la fois l’influence des facteurs biologiques ou génétiques et celle de l’environnement. Considérant ce qui précède, les études prospectives longitudinales apparaissent essentielles pour bien capturer les interactions entre les différents facteurs influençant le développement des comportements adaptés et de leurs pendants pathologiques.

Ce cadre théorique intégratif souligne également qu’on définit les psychopathologies par rapport à ce qui est considéré comme étant la norme, ce qui suggère qu’il est important de considérer l’ensemble des variations dans le comportement cible. Il est attendu que la compréhension des processus responsables du développement normatif informe le développement des psychopathologies, de la même manière que les comportements inadaptés et leur développement informent quant au développement normal. Cette compréhension intégrée peut ultimement permettre la mise en place d’interventions et de mesures de prévention mieux adaptées (Masten, 2006).

Ainsi, selon la perspective de la psychopathologie développementale, la compréhension des psychopathologies passe notamment par la compréhension de leur processus de développement et du développement normatif du phénomène pour en comprendre son pendant pathologique. L’étude de l’association entre les troubles dépressifs et les troubles anxieux serait donc mieux servie en s’intéressant à leur développement précoce et leurs manifestations autant cliniques que sous-cliniques dans un contexte longitudinal. Ainsi, afin de mieux comprendre le développement des SA et des SD à l’enfance, il importe d’aborder le développement émotionnel typique.

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1.2 Le développement émotionnel

1.2.1 Les émotions

L’émotion est une réaction corporelle agréable ou désagréable de courte durée qui peut être provoquée par un stimulus interne (une pensée) ou externe (la perception d’un évènement) (Thommen, 2010). Elle se distingue du sentiment, qui est la prise de conscience de l’émotion par la personne, et de l’humeur, qui est une disposition affective plus permanente (Damasio, 2002; Thommen, 2010). Chaque émotion, qu’elle soit positive (joie, par exemple) ou négative (tristesse, par exemple), a une fonction. Par exemple, la peur peut nous permettre de s’échapper de situations qui peuvent menacer notre intégrité physique ou psychologique, alors que la tristesse peut servir à manifester du mécontentement et susciter des comportements réconfortants de l’entourage (P. M. Cole, Michel, & Teti, 1994; Thommen, 2010; Watson & Clark, 1992). Les émotions ont donc une fonction adaptative puisqu’elles organisent le fonctionnement en ayant une fonction régulatrice sur d’autres processus, telle que la communication (P. M. Cole et al., 1994). Le fait de vivre des émotions négatives ne rend donc pas compte d’une dysfonction ; elles deviennent inadaptées seulement lorsque leur intensité perturbe le fonctionnement, qu’elles sont de longue durée ou inappropriées au contexte (P. M. Cole et al., 1994; Thommen, 2010; Watson & Clark, 1992).

Le développement émotionnel est caractérisé par un patron de différenciation qui s’opère au cours des premières années de vie, durant lesquelles les émotions se complexifient. En début de vie, le développement émotionnel de l’enfant peut se représenter par deux pôles. On propose que l’enfant se retrouve dans un état émotionnel négatif de détresse générale ou dans un état émotionnel positif de bien-être. Les émotions primaires distinctes que sont la surprise, la peur, la colère, la joie, la tristesse et le dégoût émergent vers l’âge de six mois ou plus tôt selon la maturation cognitive. À l’âge de trois ans, le niveau de différenciation des émotions atteint sensiblement celui des adultes avec, en plus des six émotions primaires, des émotions liés à la conscience de soi et des règles (p.ex. jalousie, culpabilité, fierté) (Lewis, 2016; Saarni, 2011). Dans le cadre de la présente thèse, les émotions de peur et de tristesse sont centrales, puisqu’intimement liés aux concepts de SA et de SD.

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1.2.2 La régulation émotionnelle et les symptômes anxieux et dépressifs

Dans le domaine de l’étude des émotions et du développement émotionnel, plusieurs concepts sont utilisés, dont l’activation émotionnelle, la réactivité émotionnelle, la régulation émotionnelle et l’émotionalité. Bien qu’il existe une terminologie et des interprétations variées entourant les termes utilisés, certains consensus semblent émerger de la littérature scientifique.

La réactivité émotionnelle est le concept qui réfère à l’apparition, l’intensité et la durée d’une réaction émotionnelle, d’orientation ou motrice qui reflète, en partie, l’activation émotionnelle (Goldsmith et al., 1987). La régulation émotionnelle est un processus développemental qui débute dans les toutes premières années de vie et qui résulte en la capacité à initier, maintenir, moduler ou changer l’apparition, l’intensité ou la durée d’une émotion et de ses corrélats physiologiques et comportementaux, dans le but d’atteindre une adaptation biologique et sociale flexible (P. M. Cole et al., 1994; Eisenberg & Spinrad, 2004). L’émotionalité réfère à l’expérience émotionnelle associée à la réactivité et constitue le résultat de la régulation émotionnelle sur l’activation émotionnelle (Eisenberg, 2005; Wang & Saudino, 2011). Le niveau d’émotionalité varierait d’un individu à l’autre en fonction, notamment, du niveau de réactivité et des capacités de régulation émotionnelle. En d’autres mots, il y aurait une activation émotionnelle qui résulterait en une réaction émotionnelle, d’orientation ou motrice plus ou moins importante selon l’efficacité des stratégies de régulation. L’expérience émotionnelle associée à la réactivité est appelée l’émotionalité.

La réactivité et les capacités de régulation ont été associées au tempérament, qui réfère aux différences individuelles quant à des tendances comportementales et d’émotionalité qui sont considérées comme étant des traits innés de l’enfant (LaFreniere, 2000; Saudino, 2005). Nonobstant ces différences individuelles présentes dès la naissance, des stratégies de régulation se développent au cours de l’enfance et peuvent venir moduler l’émotionalité présentée par l’enfant, au-delà de ses prédispositions tempéramentales. Le processus de régulation émotionnelle débute dès la naissance et est d’abord davantage externe, les parents prodiguant les soins nécessaires pour calmer ou distraire le nourrisson de sa détresse ou de son inconfort physiologique (Trevarthen, 1984). Au cours du développement, la régulation passe progressivement d’un processus externe pour devenir un processus de plus en plus

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interne. Cette évolution est graduellement rendue possible par le développement cognitif, langagier et social de l’enfant durant la période préscolaire (LaFreniere, 2000).

Au plan normatif, la régulation émotionnelle est au cœur de l’émergence des SA et des SD, qui sont respectivement caractérisés par une détresse liée à la régulation des émotions négatives que sont la peur et la tristesse (P. M. Cole et al., 1994; Eisenberg et al., 2001). Selon ce qui précède, chaque enfant se retrouve sur un continuum allant d’une fréquence et d’une intensité de symptômes faible à une présence de symptômes de niveau sous-clinique ou clinique. En adoptant la perspective de la psychopathologie développementale, cette thèse s’intéresse aux manifestations anxieuses et dépressives en adoptant une approche populationnelle quant à l’étude de leur développement et, ce faisant, en considérant tout le continuum de fréquence et d’intensité des SA et des SD.

1.2.3 La peur et les symptômes anxieux

La peur est définie comme étant une émotion à valence négative qui est générée en réponse à une menace perçue et qui a pour but de motiver la personne à adopter une réaction défensive pour se protéger. La peur se présente dans des situations de menace physique imminente, mais, chez les humains, également en présence d’une menace psychologique. Une réponse physiologique est déclenchée et se résorbe lorsque la situation ne représente plus une menace (LaBar, 2016; Webb & Pizzagalli, 2016). Cette réponse prépare le corps à réagir à la menace et implique le système nerveux sympathique et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) qui, lorsqu’activé par la détection d’un stresseur par l’amygdale, résulte en la libération de cortisol, une hormone stéroïdienne qui a pour effet de mobiliser les réserves d’énergie dans le corps, par les glandes surrénales (Stahl, 2013).

L’anxiété, quant à elle, n’est pas une émotion de base, mais plutôt un état de malaise, une activation émotionnelle prolongée de l’émotion de peur, créé par l’anticipation d’une situation négative ou incertaine ou imprévisible (LaBar, 2016; Lake & LaBar, 2011). Aussi, elle serait maintenue par des processus cognitifs, dont la rumination, l’abstraction et la simulation ou projection mentale (LaBar, 2016).

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La distinction entre les concepts de peur et d’anxiété demeurent encore à être clarifiée. Une première conceptualisation propose qu’il s’agisse de deux construits apparentés, mais distincts (LaBar, 2016). Selon cette conceptualisation, l’anxiété serait plus durable, davantage axée vers le futur et aurait des déclencheurs moins spécifiques que la peur (Lang, Davis, & Öhman, 2000). La peur pourrait devenir anxiété lorsque les stratégies d’adaptation sont inefficaces (LaBar, 2016). Une deuxième conceptualisation propose que le phénotype de l’anxiété soit constitué d’une première composante d’anxiété/peur et d’une deuxième composante d’inquiétudes ou de détresse (Stahl, 2013). Des associations entre ces deux composantes et les régions cérébrales et les circuits qui les régulent ont été établis. La composante d’anxiété/peur serait sous-tendue par des circuits de l’amygdale, alors que la composante d’inquiétudes serait régulée par une boucle cortico-striato-thalamo-corticale. Des dysfonctionnement précis et différents dans ces circuits seraient reflétés par les divers diagnostics de troubles anxieux (Stahl, 2013).

Dans le cadre de la présente thèse, les SA sont mesurés par un questionnaire qui inclut des items généraux qui réfèrent à la fois aux composantes de peur et d’inquiétudes.

1.2.4 La tristesse et les symptômes dépressifs

La tristesse est une émotion à valence négative qui est générée en réponse à la perception de perte ou d’échec (Lewis, 2016; Webb & Pizzagalli, 2016). Il s’agit d’un des symptômes clés de la dépression, avec la perte d’intérêt. Toutefois, la tristesse n’est pas suffisante, ni nécessaire pour parler d’une dépression clinique telle que définie dans les critères diagnostiques usuels (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013; Stahl, 2013; Webb & Pizzagalli, 2016). La dépression est également caractérisée par plusieurs symptômes somatiques, tels que la fatigue et la perte d’appétit (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013). La tristesse et la dépression sont associés à des biais cognitifs qui influencent plusieurs étapes du traitement de l’information, dont l’attention, l’interprétation et la mémoire, et à des patrons d’activation cérébraux similaires (Webb & Pizzagalli, 2016).

Dans le cadre de la présente thèse, les SD sont mesurés par un questionnaire qui inclut des items qui réfèrent à la tristesse, à la perte d’intérêt et au symptôme somatique de fatigue.

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1.2.5 Les symptômes anxieux et dépressifs et les difficultés intériorisées

Les SA et les SD sont souvent regroupés sous la terminologie de difficultés « intériorisées » en opposition avec les difficultés « extériorisées » pour caractériser la manière dont l’individu réagit émotionnellement. Alors que la catégorie de difficultés extériorisées renvoie à des difficultés portant sur l’expression des émotions et des actions qui interfèrent avec l’interaction avec l'environnement (comme l’agressivité ou l’impulsivité), la catégorie des difficultés intériorisées réfère à des difficultés dirigées vers soi (Thommen, 2010).

Considérant ce qui précède, plusieurs auteurs étudient les SA et les SD en les combinant (p.ex. Côté et al., 2009; Gilliom & Shaw, 2004; Kendler, Gardner, & Lichtenstein, 2008; Sterba, Prinstein, & Cox, 2007), tandis que d’autres choisissent de ne pas utiliser le concept des symptômes intériorisés. Alors que la pratique courante est de combiner les SA et les SD à l’enfance (Thommen, 2010), il est pertinent de s’assurer que des appuis empiriques supportent cette pratique.

1.3 L’association entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs

à l’enfance

La dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013) conserve les troubles anxieux et les troubles dépressifs dans des classes diagnostiques différentes. Ainsi, on considère que les deux ensembles de symptômes représentent des entités distinctes. Pourtant, les SA et les SD sont souvent combinés pour refléter un concept plus général, les symptômes intériorisés, ce qui suggère qu’on peut également considérer qu’ils sont suffisamment liés pour former une entité conceptuelle.

D’un point de vue clinique, l’anxiété et la dépression sont reconnus comme étant hautement comorbides. Une méta-analyse sur les psychopathologies pédiatriques a rapporté que les enfants de la population générale avec un trouble anxieux ou un trouble dépressif auraient 8.2 fois plus de risque d’avoir l’autre trouble en comorbidité, ce qui indique une association considérable entre les deux phénotypes (Angold, Costello, & Erkanli, 1999). Dans les échantillons cliniques, le taux de comorbidité rapporté pourrait atteindre 70% (Birmaher et al., 1996). On remarque également que l’anxiété et la dépression sont traités avec succès par

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des agents pharmacologiques et des approches psychothérapeutiques similaires, ce qui représente un indice de leur association et des mécanismes sous-jacents à cette association (Axelson & Birmaher, 2001). D’abord, le traitement pharmacologique de première ligne pour les troubles anxieux (Glazier, Anthony Puliafico, Na, & Rynn, 2015) et les troubles dépressifs (Birmaher & Brent, 2007) chez les enfants est l’utilisation d’antidépresseurs de la catégorie des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Cette médication a pour effet de rendre disponible une plus grande quantité de sérotonine dans la synapse. Ce neurotransmetteur serait présent à de fortes concentrations dans les parties du cerveau impliquées dans les émotions et des dysfonctions sérotoninergiques ont été liées à la présence de dépression et d’anxiété (Kring & Mote, 2016). En ce qui a trait aux interventions psychothérapeutiques, la thérapie cognitive-comportementale et la thérapie interpersonnelle (davantage chez les adolescents) sont les thérapies privilégiées à la fois pour l’anxiété et la dépression (Alvarez, Puliafico, Glazier, & Albano, 2016; Birmaher & Brent, 2007). De plus, des traitements transdiagnostiques ont été développés dans les dernières années et des protocoles ciblant les perturbations émotionnelles de l’anxiété et de la dépression par le biais de stratégies cognitives et comportementales sont maintenant proposés (Kring & Mote, 2016). Au-delà de leur fréquente cooccurrence, ces indices suggèrent qu’ils puissent partager des caractéristiques biologiques ou cognitives.

Alors que ces études rapportent l’association entre l’anxiété et la dépression d’un point de vue catégoriel, donc par rapport à un niveau de symptômes cliniques menant à un diagnostic, d’autres chercheurs se sont davantage intéressés à l’association des SA et des SD d’un point de vue dimensionnel. Ainsi, lorsqu’on considère tout le continuum de leur intensité et de leur fréquence, les SA et les SD sont également fortement associés durant l’enfance, avec des corrélations qui varient entre .52 et .81 sur une variété d’échelles ou de questionnaires (D. A. Cole, Peeke, Martin, Truglio, & Seroczynski, 1998; Mesman & Koot, 2000; Snyder et al., 2009).

Même si la présence de l’association entre les SA et les SD fait consensus, peu d’études jusqu’à présent se sont intéressées à la question du point de vue développemental en ciblant spécifiquement à la période de l’enfance. En connaissant mieux le développement de l’association entre les SA et les SD à l’enfance, l’enjeu de la spécificité et de l’association

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entre les troubles anxieux et les troubles dépressifs en serait mieux informé. De plus, sachant que la présence simultanée de ces deux difficultés est associée à davantage de problèmes psychosociaux et une moins bonne réponse au traitement (Birmaher et al., 1996), il est nécessaire de mieux comprendre le développement du phénomène pour être en mesure d’intervenir efficacement de manière précoce.

Plusieurs hypothèses ont été avancées dans la littérature pour expliquer l’association entre les SA et les SD, lesquelles ont été résumées par Garber and Weersing (2010). Premièrement, il est possible que la cooccurrence entre les SA et les SD soit le produit d’un chevauchement des symptômes et des items qui sont utilisés pour les évaluer. Deuxièmement, il a été proposé qu’un des deux ensembles de symptômes puisse représenter un facteur de risque pour le développement de l’autre ensemble de symptômes. Troisièmement, l’association entre les SA et les SD pourrait découler de facteurs étiologiques communs (Garber & Weersing, 2010). Ces différentes hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives, puisque plusieurs explications pourraient être valides et se combiner pour expliquer l’association observée entre les SA et les SD au cours du développement ; d’ailleurs plusieurs travaux appuient l’une ou l’autre de ces hypothèses.

1.4 Les hypothèses explicatives de l’association entre les symptômes

anxieux et les symptômes dépressifs

1.4.1 La spécificité des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs

La première hypothèse avancée pour expliquer l’association entre les SA et les SD est de nature méthodologique et théorique. Tel que mentionné précédemment, il est proposé qu’il y ait un certain chevauchement entre les manifestations d’anxiété et de dépression. D’un point de vue méthodologique, ce chevauchement est proposé comme étant une des causes de l’association mesurée entre les SA et les SD, puisque certains outils de mesure présenteraient des items similaires. Au plan clinique, l’anxiété est caractérisée par des symptômes clés de peur et d’inquiétude, alors que la dépression est caractérisée par les symptômes clés de tristesse et de perte d’intérêt. D’autres symptômes sont non-spécifiques et partagés par l’anxiété et la dépression, tels que des symptômes concernant le sommeil, la concentration et l’attention, ainsi que l’irritabilité (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013; Kring &

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Mote, 2016; Stahl, 2013). Ces symptômes se retrouvent au sein des critères diagnostiques des troubles anxieux et des troubles dépressifs (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013) et également dans des questionnaires largement utilisés en contexte clinique ou de recherche pour évaluer la sévérité des SA et des SD, tels que le Children Depression Inventory (CDI; Kovacs, 1992) ou le Revised Children’s Manifest Anxiety Scale (R-CMAS; Reynolds & Richmond, 1978; Stark & Laurent, 2001).

Certains chercheurs ont donc mesuré l’association entre les SA et les SD en excluant volontairement les items redondants. Les résultats montrent que les SA et les SD demeurent tout de même associés, avec des corrélations passant de .85-.93 à .72-.90 (D. A. Cole, Truglio, & Peeke, 1997). Considérant ce qui précède, on peut se demander si le fait que les deux ensembles de symptômes soient associés au-delà de leurs manifestations partagées puisse justifier qu’ils soient considérés comme une seule entité conceptuelle durant la période de l’enfance.

Dans cette perspective davantage théorique, la structure factorielle de l’anxiété et de la dépression a été étudiée à plusieurs reprises, notamment dans le but de valider la classification actuelle des troubles. L’analyse factorielle est une méthode d’analyse statistique qui permet d’identifier des facteurs communs qu’on dit latents (donc non observés) à partir de variables observées. Son but est d’atteindre la plus grande parcimonie possible en expliquant la plus grande proportion de covariance (variance partagée entre deux ou plusieurs variables) d’une matrice de corrélation, en utilisant le plus petit nombre de construits latents (Field, 2013). La plupart des études factorielles s’intéressent aux manifestations d’anxiété et de dépression qui sont spécifiquement associés à des diagnostics, tels que l’anxiété sociale, l’anxiété généralisée, les phobies et la dépression majeure.

La plupart de ces études ont été menées avec des échantillons d’adultes ou d’adolescents ou avec des échantillons qui comprennent à la fois des enfants et des adolescents. Chez les adultes, les résultats montrent que les SD et certains SA se regroupent, généralement quand il s’agit de manifestations d’anxiété plus générales (Eaton et al., 2013; Eaton, Krueger, & Oltmanns, 2011; Krueger, Caspi, Moffitt, & Silva, 1998; Seeley, Kosty, Farmer, & Lewinsohn, 2011). On réfère communément à ce facteur en parlant du « facteur détresse ».

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Sellbom, Ben-Porath, & Bagby, 2008; Slade & Watson, 2006; Vollebergh et al., 2001; Watson, 2005). Chez les adolescents, des chercheurs ont conclu qu’un modèle à un facteur regroupant les SA et les SD était le plus parcimonieux, même si des modèles à deux facteurs, un modèle « peur » et « détresse » (le facteur détresse pouvant regrouper des SA et des SD) et un modèle « anxiété » et « dépression », représentaient bien les données également (Gomez, Vance, & Gomez, 2014).

Les études avec des échantillons comprenant des enfants fournissent des résultats contradictoires. D’abord, deux études ont obtenu des résultats qui tendent à appuyer la conception selon laquelle les SA et les SD représenteraient deux entités distinctes. Premièrement, Higa-McMillan, Smith, Chorpita, and Hayashi (2008) ont testé la validité des SA et des SD se rapportant à des diagnostics du DSM-IV dans un échantillon clinique d’enfants et d’adolescents âgés de 6 à 18 ans. Ils ont trouvé que les symptômes se regroupaient pour former plusieurs facteurs représentant la dépression, la phobie sociale, les symptômes d’inquiétudes du trouble d’anxiété généralisée et les symptômes somatiques du même trouble. Deuxièmement, Trosper, Whitton, Brown, and Pincus (2012) ont montré la présence de différents facteurs reflétant différents diagnostics d’anxiété et de dépression avec leur échantillon clinique d’enfants et d’adolescents également âgés de 6 à 18 ans. Toutefois, il est à noter que ces facteurs se regroupaient à un niveau supérieur de second ordre en un seul facteur qu’ils ont nommé « émotionalité ». C’est donc dire que même si les différents SA et SD ne se regroupaient pas en un seul facteur, l’association entre les facteurs créés était suffisante pour qu’un facteur supérieur représente cette covariance.

En revanche, les résultats d’une étude menée avec un échantillon normatif d’enfants et d’adolescents âgés de 4 à 17 ans supportent la conceptualisation selon laquelle les SA et les SD pourraient représenter une seule entité. Lahey et al. (2008) ont trouvé, à l’instar des études faites chez les adultes et les adolescents, que les SD et certains SA (symptômes de phobie sociale et d’anxiété généralisée) se regroupent pour former un facteur « détresse ». Ils ont également identifié un facteur « peur » qui incluait les symptômes de phobie spécifique, d’agoraphobie, d’anxiété de séparation et de trouble obsessif-compulsif. De manière intéressante, ils ont trouvé, tout comme Trosper et al. (2012), qu’une proportion substantielle

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de la covariance entre les deux facteurs de premier ordre pouvait être expliquée par un facteur supérieur de second ordre dit « intériorisé ».

Bien que les études portant sur des échantillons cliniques ou normatifs d’enfants et d’adolescents informent à propos de la spécificité des SA et des SD durant la période précédant l’âge adulte, elles ne considèrent pas la possibilité que cette spécificité puisse changer au cours du développement. De plus, elles s’intéressent aux SA et aux SD qui sont spécifiquement associés à des diagnostics et non pas à des manifestations générales d’anxiété et de dépression qui peuvent varier de manière normative chez les enfants.

Jusqu’à présent, deux études se basant sur des échantillons normatifs se sont intéressés à la spécificité des SA et des SD en considérant seulement les enfants de manière distincte. Ces études se sont intéressées à des manifestations générales d’anxiété et de dépression ne faisant pas spécifiquement référence à des troubles. Boylan, Miller, Vaillancourt, and Szatmari (2011) ont trouvé des facteurs distincts pour les SA et les SD qui se sont montrés stables à travers trois temps de mesure, c’est-à-dire deux temps de mesure durant l’enfance (6-8 ans, puis 9-11 ans) et un temps de mesure à l’adolescence (12-14 ans). Considérant que ces temps de mesure incluaient des enfants d’âges différents, il demeure possible qu’il y ait de la discontinuité dans la spécificité des SA et des SD, mais qu’elle n’ait pas émergé en raison de cette caractéristique méthodologique de l’étude. En ce sens, D. A. Cole et al. (1997) ont trouvé de la discontinuité dans la structure des SA et des SD entre leur première prise de mesure (3e année du primaire) et leur deuxième (6e année du primaire). En 3e année, les

facteurs représentant respectivement les SA et les SD étaient associés par une corrélation ne se distinguant pas de 1 et un modèle à un facteur représentait aussi bien les données qu’un modèle à deux facteurs tout en étant plus parcimonieux. En 6e année, le modèle à deux

facteurs était celui montrant un meilleur ajustement aux données.

En somme, les appuis empiriques en ce qui a trait à la distinction et la spécificité des SA et des SD au cours de l’enfance sont inconstants (Boylan et al., 2011; D. A. Cole et al., 1997; Higa-McMillan et al., 2008; Lahey et al., 2004; Lahey et al., 2008; Trosper et al., 2012). De plus, peu d’études ont considéré tout le continuum de fréquence et d’intensité de SA et de SD pour informer la spécificité et l’association entre les deux ensembles de symptômes.

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au cours de cette période développementale. Comme il semble y avoir une discontinuité développementale dans la structure des deux ensembles de symptômes de l’enfance à l’âge adulte (Waszczuk, Zavos, Gregory, & Eley, 2014) et que les études à l’enfance ont produit des résultats inconstants, il apparait pertinent de clarifier la question de la continuité de la structure factorielle des SA et des SD au cours de la période de l’enfance.

1.4.2 L’association longitudinale entre les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs

Une deuxième hypothèse pour expliquer l’association entre les SA et les SD est qu’un des deux ensembles de symptômes puisse représenter un facteur de risque pour le développement de l’autre ensemble de symptômes, créant ainsi une cooccurrence des manifestations anxieuses et dépressives (Cummings, Caporino, & Kendall, 2014). Plusieurs résultats d’études fournissent des indices qui vont dans le sens de cette hypothèse.

D’abord, des chercheurs ont comparé l’âge respectif d’apparition des troubles anxieux et des troubles dépressifs. Il ressort des résultats de plusieurs études que les troubles anxieux auraient tendance à faire leur apparition au début de l’enfance, alors que les troubles dépressifs débuteraient plus souvent vers la fin de l’enfance ou au cours de l’adolescence (Kovacs & Devlin, 1998; Roza, Hofstra, van der Ende, & Verhulst, 2003). Ainsi, lorsque les SA et les SD se retrouvent en comorbidité, l’anxiété tend à précéder l’apparition de la dépression (Roza et al., 2003). Toutefois, cette comorbidité semble différer selon le diagnostic primaire. En effet, les enfants avec un diagnostic primaire de dépression auraient plus souvent un diagnostic d’anxiété en comorbidité que l’inverse. Une revue de la littérature révèle que de 25% à 50% des enfants avec un diagnostic de dépression ont un trouble anxieux en comorbidité, alors que 10% à 20% des enfants avec un trouble anxieux primaire rencontrent également les critères de la dépression (Axelson & Birmaher, 2001). Ce phénomène pourrait être un artefact associé à l’âge d’apparition usuel des troubles, comme être un indice d’une relation dynamique longitudinale, voire séquentielle, entre l’anxiété et la dépression.

Considérant la tendance qui ressort de ces études, plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer l’association longitudinale entre l’anxiété et la dépression. Au plan physiologique, un niveau élevé d’activation suivant un stress chronique durant une longue

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période de temps pourrait mener le corps à présenter des signes de dépression (Zahn-Wazler, Klimes-Dougan, & Slattery, 2000). Ce mécanisme pourrait opérer par le biais de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) qui lorsqu’activé par la détection d’un stresseur par l’amygdale, résulte en la libération de cortisol, une hormone stéroïdienne qui a pour effet de mobiliser les réserves d’énergie dans le corps, par les glandes surrénales. La suractivation de ce circuit est associée à la composante de la peur présente dans l’anxiété (Bear, Connors, & Paradiso, 2006; Stahl, 2013). On a observé des anomalies de l’activité de l’axe HHS dans la dépression, telles qu’un taux élevé de cortisol et une perte de l’inhibition de l’axe par l’hippocampe et l’amygdale (Stahl, 2013). Au plan cognitif, les SA comme les SD sont associés à des processus et des biais (LaBar, 2016; Webb & Pizzagalli, 2016). Les comportements de rumination, les biais d’attributions et les inférences négatives pourraient faciliter l’émergence de SD dans un contexte de SA présents de manière chronique sur une longue période de temps (Starr & Davila, 2012; Zahn-Wazler et al., 2000). Ces hypothèses visent à expliquer le lien entre l’anxiété qui précède la dépression, alors que peu de mécanisme n’est proposé pour expliquer le lien inverse. Au plan physiologique, l’effet dépresssogène de l’activation répétée de l’axe HHS pourrait interférer avec la réaction aux stresseurs (Guerry & Hastings, 2011) et donc favoriser l’augmentation de SA. Il a aussi été suggéré que les stratégies d’activation comportementale mises en place par l’entourage de l’enfant et non pas par des professionnels pour diminuer les SD chez les enfants puissent contribuer, dans certains cas, à une augmentation de l’exposition à des nouvelles expériences qui pourraient favoriser l’augmentation de SA (Lavigne, Hopkins, Gouze, & Bryant, 2015).

Il est à noter que ce sont typiquement les niveaux cliniques d’anxiété et de dépression qui sont considérés dans les études sur leur comorbidité. Il est toutefois possible que la dynamique longitudinale entre les SA et les SD puisse être différente lorsqu’on considère également leurs niveaux sous-cliniques, ce qui pourrait nous éclairer sur les processus menant à un niveau clinique de symptômes. Par exemple, un niveau sous-clinique de SD pourrait accompagner un trouble anxieux et être lui-même associé à la présence d’un trouble dépressif subséquent (Garber & Weersing, 2010). Ainsi, une approche dimensionnelle à l’étude de l’association temporelle entre l’anxiété et la dépression pourrait mieux capter ces interactions à travers le temps (Cummings et al., 2014).

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1.4.2.1 Études longitudinales selon l’approche dimensionnelle

Étant donnée la cooccurrence des SA et des SD tant au plan clinique que sous-clinique, plusieurs chercheurs ont étudié l’association entre les manifestations anxieuses et dépressives en utilisant une approche dimensionnelle. Ils ont d’abord documenté la stabilité des SA et des SD, puis la stabilité de leur association et, enfin, leur dynamique longitudinale.

D’abord, les résultats de quelques études indiquent que la stabilité des SA et des SD est de modérée à élevée et pourrait varier selon l’évaluateur et l’âge des enfants. En effet, D. A. Cole et al. (1998) ont mesuré les SA et les SD d’un échantillon de 330 enfants de 3e et 6e

année (âge moyen de 9.8 ans au temps 1, ÉT = 1.6) à des intervalles de 6 mois durant une période de 3 ans. Les auteurs ont trouvé que la stabilité était légèrement plus grande pour les SA que pour les SD, autant en considérant les auto-rapports (rs = .59-.90 et rs = .49-.87, respectivement) que les rapports parentaux (rs = .74-.94 and rs = .67-.92, respectivement). Chez des enfants plus jeunes (âge moyen de 6 ans au temps 1), Snyder et al. (2009) ont trouvé que la stabilité moyenne des SA sur une période de 1 an était élevée pour les rapports parentaux (rs = .51-.63), mais plutôt faibles pour les rapports des enseignants (rs = .22-.34). Quant aux SD, leur stabilité moyenne était élevée tant pour les rapports parentaux (rs = .54-.63) que pour les rapports des enseignants (rs=.52-.66). Malgré les variations dans les résultats, il semble que les SA et les SD au cours du primaire soient relativement stables dans le temps.

En plus de documenter la stabilité des SA, des SD et de leur association, l’étude de l’association longitudinale entre les SA et les SD nous informe quant à la présence d’une relation dynamique entre les deux ensembles de symptômes. D. A. Cole et al. (1998) ont observé que, selon l’auto-rapport et le rapport parental, le niveau de SA prédisait une augmentation du niveau de SD ultérieurement, en contrôlant pour le niveau initial de SD. Inversement, le niveau de SD rapporté par les parents prédisait une diminution des SA ultérieurement. L’interprétation de ces relations dynamiques entre les SA et les SD dans cet échantillon est toutefois limité d’un point de vue développemental, considérant que les données à chaque temps de mesure provenaient d’enfants d’âges différents.

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L’étude de Snyder et al. (2009) pallie cette limite en rapportant les résultats d’enfants du même âge à chaque temps de mesure et produit des résultats différents selon les répondants et l’âge de l’enfant. Les SA rapportés par les enseignants de l’âge de 5.3, 5.8 et 6.3 ans prédisaient une augmentation des SD 6 mois plus tard, alors que les SD rapportés par les enseignants de 6.8 et 7.8 ans prédisaient une diminution des SA de 12 à 18 mois plus tard. Les rapports parentaux ont produit des résultats opposés : les SD rapportés de l’âge de 5.3. 5.8 et 6.3 ans prédisaient une diminution des SA 6 mois plus tard et les SA rapportés de l’âge de 6.8 et 7.8 ans prédisaient une augmentation des SD de 12 à 18 mois plus tard. Ce modèle a toutefois été jugé moins parcimonieux qu’un modèle sans corrélations croisées et c’est donc la dynamique longitudinale qui ressort des données rapportées par les enseignants qui a été retenue. Ainsi, les auteurs ont conclu que les SA prédisaient une augmentation des SD présentés ultérieurement, lesquels prédisaient une diminution des SA. Même si cette étude inclut plusieurs temps de mesure, ceux-ci ne couvrent que les premières années de l’âge scolaire.

Une seule étude s’intéressant aux dynamiques longitudinales entre les SA et les SD couvre toute la période de l’âge scolaire avec un échantillon comprenant des filles âgées de 6 à 12 ans (Keenan, Feng, Hipwell, & Klostermann, 2009). Les résultats indiquent que les symptômes d’anxiété sociale et d’anxiété généralisée prédisaient une augmentation des SD au cours de l’année suivante à partir de l’âge de 8 ans, même si le niveau de SD au temps suivant était expliqué dans une plus grande mesure par les niveaux précédents de SD.

Tout comme Snyder et al. (2009) et D. A. Cole et al. (1998), Lavigne et al. (2015) ont trouvé que les SA prédisaient une augmentation des SD subséquents, lesquels prédisaient une diminution des SA dans leur échantillon d’enfants de 4, 5 et 6-7 ans. Suite à une série de démonstrations, ils ont conclu que l’effet inhibiteur était dû à un effet statistique de suppression et donc que les SD prédisaient plutôt une augmentation des SA subséquents. L’effet de suppression survient lorsque la contribution d’une variable indépendante diminue ou devient négative lorsque d’autres variables indépendantes sont considérées. Les auteurs ont donc remis en question la validité de l’effet inhibiteur des SD sur les SA qui a été rapportés dans les études précédentes.

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En somme, les résultats d’études menées avec des cohortes populationnelles nous indiquent que les SA et les SD sont associés tout au long de l’âge scolaire et nous suggèrent aussi que les SA tendent à prédire une augmentation des SD manifestés ultérieurement, alors que l’inverse n’est pas toujours observé (Keenan et al., 2009), que les SA pourraient prédire une diminution des SD subséquents (D. A. Cole et al., 1998; Keenan et al., 2009; Snyder et al., 2009) ou que des artefacts statistiques puissent masquer une contribution positive des SD aux SA subséquents entre certains âges. Ainsi, il pourrait y avoir un mécanisme impliquant une séquence temporelle entre les deux types de symptômes sur cette période expliquant, du moins en partie, leur association. Les résultats de ces différentes études ne permettent toutefois pas de dresser un portrait clair des dynamiques longitudinales entre les SA et les SD durant la période de l’âge scolaire, puisque les résultats varient selon l’âge des enfants, qu’une seule étude couvre toute la période du primaire et que des artefacts statistiques puissent en compliquer les interprétations. La direction des dynamiques longitudinales au cours de l’enfance demeure donc à être clarifiée. Une meilleure connaissance de l’association entre les deux types de symptômes au cours de la période scolaire permettrait de mieux comprendre l’évolution et l’influence mutuelle de ces symptômes avant qu’ils n’atteignent un niveau clinique et nous permettrait de mieux déceler les signes qui porteraient à intervenir auprès des enfants qui présentent un patron inquiétant de SA et de SD.

1.4.3 L’étiologie des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs

L’association entre les SA et les SD pourrait s’expliquer par un manque de spécificité et de distinction entre les deux ensembles de symptômes et par une séquence développementale selon laquelle un ensemble de symptômes prédirait une augmentation ou une diminution de la présence ultérieure de l’autre ensemble de symptômes. Une autre possibilité évoquée est que des facteurs étiologiques communs puissent expliquer l’association entre les SA et les SD.

1.4.3.1 Les déterminants communs aux symptômes anxieux et aux symptômes dépressifs Divers déterminants ont été identifiés comme prédicteurs des SA et des SD, dont certains provenant de l’environnement, tels que la dépression chez un parent (Axelson & Birmaher, 2001; Côté et al., 2009; Sterba et al., 2007), le fonctionnement de la famille et les pratiques

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parentales (Côté et al., 2009; Gilliom & Shaw, 2004; Oldehinkel, Veenstra, Ormel, de Winter, & Verhulst, 2006; Wood, McLeod, Sigman, Hwang, & Chu, 2003) et les relations avec les pairs (Boivin, Hymel, & Bukowski, 1995; Greco & Morris, 2005; Strauss, Lahey, Frick, Frame, & Hynd, 1988). De manière plus distale, le statut socio-économique de la famille (revenu familial et niveau d’éducation), ainsi que l’âge de la mère à la naissance de l’enfant sont souvent associés aux SA et aux SD chez les enfants. Par contre, ces associations ne sont pas toujours observées (Brendgen, Lamarche, Wanner, & Vitaro, 2010; Côté, Tremblay, Nagin, Zoccolillo, & Vitaro, 2002; Letcher, Sanson, Smart, & Toumbourou, 2012; Roza et al., 2003). En fait, ces déterminants plutôt de type démographique pourraient jouer un rôle dans l’émergence de SA ou de SD en favorisant l’apparition d’autres facteurs de risque plus proximaux comme les conduites parentales, les conditions de vie précaires etc. (Goodyer, Wright, & Altham, 1990).

D’autres déterminants propres à l’enfant seraient communs au développement des SA et des SD. D’abord, de nombreuses études ont mis en évidence des différences selon le sexe, les femmes étant plus à risque, dans le développement de SA et de SD durant l’adolescence et l’âge adulte (Bekker & van Mens-Verhulst, 2007; Roza et al., 2003). Alors que plusieurs études n’ont pas observé de différences selon le sexe durant l’enfance (Duchesne, Larose, Vitaro, & Tremblay, 2010; Duchesne et al., 2008; Mesman & Koot, 2000), certaines ont montré que les filles présentaient davantage de SA (Letcher et al., 2012) et de SD (Bergeron et al., 2007; Brendgen et al., 2010; Brendgen, Wanner, Morin, & Vitaro, 2005) que les garçons durant la transition entre l’enfance et l’adolescence. La différence selon le sexe quant à la présence de SA et de SD au cours de l’adolescence et de l’âge adulte a le plus souvent été attribuée à la survenue de la puberté (Angold & Worthman, 1993). Le tempérament de l’enfant a également été mis en cause à plusieurs reprises dans le développement des SA et des SD, notamment à travers les concepts de névrosisme ou d’émotionalité négative (Brendgen et al., 2005; Clark, Watson, & Mineka, 1994; Compas, Connor-Smith, & Jaser, 2004; Gilliom & Shaw, 2004; Nigg, 2006; Schmitz et al., 1999), de tempérament difficile (Côté et al., 2009; Guerin, Gottfried, & Thomas, 1997) et de l’inhibition comportementale (Crockenberg & Leerkes, 2005; Hudson, Dodd, & Bovopoulos, 2011). En particulier, le tempérament difficile a été lié à la présence de symptômes intériorisés durant les périodes préscolaire et primaire (Crockenberg & Leerkes, 2005; Hudson, Dodd, & Bovopoulos, 2011).

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Les enfants avec un tempérament difficile auraient tendance à réagir de manière négative et intense (ce qui peut référer à l’émotionalité négative), à avoir des routines irrégulières et à s’adapter plus difficilement aux nouvelles expériences que les autres enfants (LaFreniere, 2000). L’inhibition comportementale, quant à elle, est définie comme étant de l’hypervigilance à l’environnement (Degnan, Almas, & Fox, 2010). Les enfants présentant cette caractéristique réagiraient plus intensément aux situations nouvelles ou peu familières. Ils auraient tendance à se retirer des interactions sociales et à adopter un comportement de réticence, voire de peur (Degnan, Almas, & Fox, 2010). L’inhibition comportementale a été associée à la présence de symptômes anxieux et internalisés durant la période préscolaire (Crockenberg & Leerkes, 2005; Hudson, Dodd, & Bovopoulos, 2011) et à des symptômes anxieux à l’âge scolaire (Biederman et al., 2001; Kiff, Lengua, & Bush, 2011). L’association entre ces traits ou ces tempéraments est toujours à être clairement établie, mais il est possible que chacun d’entre eux représente partiellement la vulnérabilité biologique générale à développer un trouble émotionnel (Barlow, 2002).

1.4.3.2 La contribution des facteurs génétiques et environnementaux aux symptômes anxieux et aux symptômes dépressifs : les études de jumeaux

Plusieurs déterminants, qu’ils soient de nature biologique ou environnementale, ont été identifiés comme étant des prédicteurs des SA et des SD, donc pouvant possiblement prédisposer ou précipiter leur développement. Par contre, il est difficile de mesurer leur impact relatif ou de confirmer leur rôle causal dans le développement des SA et des SD et leur association au cours du développement. En effet, seule la méthode expérimentale, par laquelle il est possible de manipuler les variables, peut nous informer à ce sujet. Alors qu’il est éthiquement et pratiquement impossible de manipuler le patrimoine génétique d’une personne pour en mesurer l’influence sur son développement, certaines situations naturelles produisent des variations génétiques et environnementales systématiques qui peuvent être mises à profit dans des devis quasi-expérimentaux. L’une d’entre-elles est la naissance de jumeaux, qui permet la mise en application d’une méthodologie particulière : le devis de jumeaux.

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