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Les mécanismes impliqués dans le développement et l’association entre les SA et

Chapitre 4 : Conclusion

4.2 Implications pour la recherche

4.2.3 Les mécanismes impliqués dans le développement et l’association entre les SA et

Les résultats de la présente thèse constituent un appui empirique à la distinction et à la spécificité des SA et des SD durant l’âge scolaire, mais également à leur forte association, malgré l’absence de chevauchement entre les items utilisés pour les mesurer. En effet, en plus de souligner que les SA et les SD se distinguent de manière stable durant l’enfance, les résultats du premier article montrent que l’association entre les deux ensembles de symptômes est stable au cours de cette période. De plus, les résultats du deuxième article montrent que les SA et les SD au même âge demeurent associés lorsqu’on contrôle pour les niveaux de SA et SD précédents ce qui indiquent qu’ils évoluent en parallèle. Sur le plan de la recherche, ces résultats soulignent la pertinence de considérer les SA et les SD séparément à l’enfance et la nécessité de s’intéresser aux mécanismes qui sous-tendent leur développement et qui peuvent mener à leur cooccurrence et leur association dès le début de l’âge scolaire. Le deuxième article de la thèse s’est particulièrement intéressé aux mécanismes sous-jacents sous l’angle des bases étiologiques. Plusieurs constats se dégagent de cette étude et doivent être soulignés.

4.2.3.1 Le développement des SA et des SD

Malgré leur association et leur stabilité modérée, une discontinuité dans le développement des SA et des SD ressort des résultats du deuxième article et informe quant aux mécanismes en cause dans le développement des deux ensembles des symptômes. En effet, il ressort de cet article que la majeure partie des influences génétiques et environnementales liées aux SA et aux SD est spécifique à chaque âge, ce qui suggère un rôle crucial d’effets développementaux sur les deux ensembles de symptômes et leur association au cours de l’enfance.

Une première hypothèse avancée pour expliquer cette discontinuité est le développement cérébral qui pourrait représenter un mécanisme biologique qui sous-tend en partie le

développement des SA et des SD et de leur association. En effet, le développement cérébral est le produit d’influences génétiques et environnementales qui affectent l’efficacité des réseaux cérébraux responsables du fonctionnement sensoriel, moteur, comportemental, cognitif et émotionnel (Deoni et al., 2016). Plus particulièrement, le développement cérébral se poursuit tout au long de l’enfance et de l’adolescence (Casey, Galvan, & Hare, 2005; Lenroot et al., 2009), alors que les régions responsables de processus de plus haut niveau, tels que les capacités de régulation émotionnelle, atteignent leur maturité plus tard que les régions responsables de processus primaires, moteurs ou sensoriels (Ochsner & Gross, 2005). Par exemple, il est possible que les SD mesurées dans le cadre de la thèse reflètent, en partie, l’émotionalité. L’émotionalité varierait d’une personne à l’autre selon le niveau de réactivité et les capacités de régulation émotionnelle associés à des dispositions tempéramentales innées qui rendent un enfant plus ou moins susceptible de réagir négativement en réponse à des stresseurs (LaFreniere, 2000; Saudino, 2005). Ces dispositions tempéramentales pourraient expliquer la stabilité modérée des SD dans notre étude. Mais au-delà de celles-ci, le niveau de réactivité et les capacités de régulation émotionnelle seraient aussi influencés par les expériences et le développement cognitif, langagier et social (LaFreniere, 2000) qui pourraient également expliquer l’arrivée de nouvelles sources d’influences (i.e. innovation) génétiques et environnementales durant l’enfance.

Une deuxième hypothèse, de nature plus environnementale, pourrait s’ajouter à la précédente pour expliquer la discontinuité des SA. En effet, les SA pourraient être moins stables au cours de la première moitié du primaire car les capacités cognitives qui sous-tendent la rumination et l’inquiétude qui accompagnent les SA sont encore en développement (Garber, 2007). Il est aussi possible que les SA présents au début de l’âge scolaire dépendent davantage du contexte et de la présence ou non de stresseurs générés par l’environnement ou certains évènements. Par exemple, un des stresseurs environnementaux importants durant cette période de développement est le début de la scolarisation qui représente une transition qui a été associée à une augmentation du niveau de cortisol, i.e. l’hormone de stress, chez les enfants (Lupien, King, Meaney, & McEwen, 2001). L’entrée à l’école et les transitions scolaires, comme la transition entre la maternelle et la première année, sont des stresseurs universels puisqu’ils représentent des contextes nouveaux auxquels les enfants doivent s’adapter et qui peuvent mettre à l’épreuve leur sentiment de contrôle, peu importe leurs dispositions tempéramentales

(Lupien, King, Meaney, & McEwen, 2001). Une explication possible à l’augmentation subséquente de la stabilité des SA serait que l’enfant ait appris à s’adapter à la nouveauté ou, au contraire, généralise sa réponse d’anxiété à plusieurs situations.

Il demeure néanmoins possible que la discontinuité retrouvée dans nos résultats puisse refléter en partie des choix méthodologiques. D’abord, le recours à des évaluateurs indépendants à chaque temps de mesure pourrait avoir accentué la discontinuité. Aussi, une plus grande stabilité des SD que des SA pourrait être une conséquence de la nature même des items évalués dans nos mesures. Par exemple, il se peut que les manifestations d’anxiété aient été plus difficiles à percevoir pour les enseignants que les manifestations de tristesse, particulièrement au début de l’âge scolaire.

4.2.3.2 L’association entre les SA et les SD

La présence de contributions longitudinales positives des SD vers les SA et marginales des SA vers les SD à l’enfance est un constat considérable de la thèse et informe le développement de l’association entre les deux ensembles de symptômes. Au sein de notre échantillon, la relation entre les SD précédents et les SA subséquents étaient plus fortes et plus constantes que l’inverse. Initialement, l’absence de contributions des SA vers les SD subséquents contrastait avec la présence de corrélations phénotypiques positives et significatives de la 1ière à la 6e année. Nous avons par contre mis en évidence la présence d’un

effet de suppression qui masquait une contribution positive des SA aux SD à partir de la 1ière

année.

L’effet de suppression est un artéfact statistique qui masque la véritable relation entre deux variables quand d’autres prédicteurs sont considérés (Lavigne et al., 2015). Plus spécifiquement, une variable suppresseur augmente le pouvoir de prédiction d’une variable et réduit celui d’une autre lorsqu’incluse dans une régression (Maassen & Bakker, 2001). Deux situations indiquent la présence d’un effet de suppression : 1) quand la valeur non- standardisée du coefficient de régression est plus élevée que la corrélation bivariée entre les deux variables ; 2) quand ces derniers ont des signes différents (Kline, 2015). Cette dernière situation était présente dans notre étude et dans trois des quatre études précédentes sur l’association longitudinale entre les SA et les SD. Cole et al., (1998) et Snyder et al., (2009)

ont trouvé également des contributions négatives, mais des SD précédents vers les SA subséquents, alors que les corrélations phénotypiques étaient positives. L’effet de suppression est donc susceptible de survenir presque systématiquement dans l’étude de l’association entre l’anxiété et la dépression avec des modèles de corrélations croisées, puisqu’il s’agit de phénotypes modérément associés de manière transversale (Maassen & Bakker, 2001). Considérant ce qui précède, les résultats de la thèse permettent de conclure, que les SD précoces apparaissent plus stables et centraux tant pour le développement des SD que pour celui des SA durant l’âge scolaire, mais que les SA contribuent tout de même marginalement au développement des SD durant cette période.

Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer les contributions longitudinales entre les SD et les SA subséquents. La première est qu’ils partagent des influences génétiques, telles que des dispositions tempéramentales. Outre le partage de facteurs génétiques, des phénomènes de corrélation gènes-environnement pourraient aussi être impliqués. Ceux-ci sont les processus par lesquels des différences génétiques contribuent à la variation dans les environnements auxquels nous sommes exposés (Plomin et al., 2013). Dans le cas de la relation qui nous intéresse, il est possible que les SD contribuent aux SA dans une période où ils sont moins stables en influençant les cognitions et les facteurs biologiques, ce qui pourrait faire en sorte que l’enfant soit plus susceptible d’interpréter une situation comme étant anxiogène ou que sa vulnérabilité biologique soit augmentée (Garber, 2007, Faravelli et al., 2012). Par exemple, un enfant avec des SD pourrait avoir tendance à générer des pensées négatives et donc à interpréter une situation de manière négative, laquelle deviendrait anxiogène et augmenterait les SA. Aussi, les enfants plus prédisposés à développer des SD au plan génétique pourraient en retour générer des stresseurs interpersonnels ou des réactions de la part de leurs pairs qui pourraient augmenter le risque de conflits ou d’être rejetés (Garber, 2007; Brendgen et al., 2013). Par ce processus, les SD pourraient à la fois contribuer aux SA et maintenir les SD. Nous avons également trouvé un chevauchement des influences de l’environnement unique entre les SD précédents et les SA subséquents qui suggère la présence d’effets spécifiques à chaque enfant impliqués dans les contributions croisées. Il est possible que la présence de SD mène les parents à utiliser des stratégies comportementales d’activation qui pourraient augmenter l’exposition à des

expériences nouvelles, et accentuer les SA chez les enfants plus vulnérables, notamment dans les cas où il y a une surstimulation.

La contribution positive, quoique marginale, entre les SA précédents et les SD subséquents trouvée dans notre étude était expliquée par un chevauchement des facteurs génétiques, ce qui concorde avec les explications proposées par les modèles physiologiques dominants

présentés dans l’introduction de la thèse. Ainsi, un niveau élevé d’activation suivant un stress chronique sur une longue durée pourrait mener le corps à présenter certains signes de dépression (Zahn-Wazler et al., 2000). De manière alternative, l’évitement qui accompagne généralement l’anxiété pourrait empêcher la participation à des activités plaisantes et donc faciliter les SD (Lavigne et al., 2015).

De manière générale, les résultats de la deuxième étude de la thèse ont mis en évidence la présence de discontinuité dans le développement des SA et des SD par une stabilité phénotypique modérée et la présence d’influences génétiques et environnementales novatrices avec le développement. Ils ont aussi montré la présence de contributions longitudinales entre les deux ensembles des symptômes au cours de l’âge scolaire qui proviendraient de mécanismes développementaux sous-tendus par des influences génétiques et environnementales partagées.