• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Conclusion

4.4 Forces et limites de la thèse

Les résultats de la présente thèse doivent être interprétés à la lumière des forces et des limites des études qui la composent. D’abord, un petit nombre d’items a été utilisé pour mesurer les construits d’intérêt, soit trois pour les SA et quatre pour les SD. Il s’agit d’une limite communément retrouvée dans les études populationnelles longitudinales qui mesurent une multitude de construits chez un nombre important de participants. Concernant les SA, les items utilisés réfèrent aux composantes de peur et d’inquiétude, ce qui concorde avec une conceptualisation répandue de l’anxiété (Stahl, 2013). Concernant les SD, les items réfèrent à la tristesse, à la perte d’intérêt et à un des symptômes somatiques associés, la fatigue. Tout comme pour les items de SA utilisés, les items de SD concordent avec le modèle théorique sur lequel le construit s’appuie (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013; Stahl, 2013), ce qui est un indice de validité de construit. Toutefois, il est possible que les items utilisés ne rendent pas compte de l’ensemble des manifestations des SA et des SD. Particulièrement pour les SA, les items ont probablement mieux mesuré la composante d’inquiétude que de peur, ce qui pourrait indiquer qu’ils seraient davantage associés à de

l’anxiété générale qu’à des symptômes pouvant faire penser à la phobie sociale ou spécifique, par exemple. Considérant ce qui précède, il est pertinent de garder en tête que les résultats des études peuvent ne pas se généraliser intégralement à des diagnostics précis de troubles anxieux ou dépressifs, particulièrement pour l’analyse factorielle, dont les résultats dépendent des items qui y sont inclus. Quoi qu’il en soit, les résultats de la première étude ont montré que les items utilisés rendaient bien compte de deux construits différents et ont donc appuyé l’utilisation des échelles dans le cadre de la thèse.

Dans le même ordre d’idées, les items utilisés ne visaient pas l’identification d’un niveau clinique de SA et de SD selon une approche catégorielle, mais plutôt la considération de tout le continuum de fréquence des SA et des SD. Cette approche dimensionnelle inclut les niveaux normatifs, sous-cliniques et cliniques de présentation de symptômes et permet d’étudier le développement des phénomènes dans une perspective épidémiologique. Bien que la généralisation des résultats à un contexte strictement clinique puisse en être limitée à certains égards (p.ex. par la difficulté à identifier si les patrons diffèrent selon un diagnostic de phobie spécifique comparativement à un diagnostic d’anxiété généralisée), cette approche décrit une réalité populationnelle notamment via l’accès à un relativement grand échantillon et assure la présence de cette variance populationnelle au plan statistique. C’est cette dernière qui nous permet d’étudier les mécanismes étiologiques qui sous-tendent le développement des SA et des SD.

Une autre limite est l’utilisation d’un seul répondant par enfant pour identifier la fréquence des SA et des SD à chaque temps de mesure. Il est possible que les enseignants aient sous- estimé la fréquence des symptômes puisque certaines manifestations d’anxiété ou d’humeur dépressive peuvent être plus difficiles à inférer à partir d’observations, comparativement à l’auto-observation lorsqu’il s’agit d’un auto-rapport. Toutefois, l’utilisation des enseignants comme répondants a permis l’indépendance des évaluations entre chaque temps de mesure, ce qui n’aurait pas été le cas avec l’utilisation du rapport d’un parent par exemple. Considérant l’intérêt particulier de la thèse pour la présence de stabilité, de continuité ou de discontinuité dans le développement des SA et des SD, l’indépendance des évaluations à travers le temps représente une force de la thèse. En effet, la variance partagée entre les temps de mesure ne peut pas être attribuée à la non-indépendance des évaluateurs. Aussi,

l’utilisation du rapport des enseignants permet une certaine généralisation au contexte d’évaluation clinique. Leur rapport est fréquemment utilisé dans ce contexte considérant qu’ils ont un échantillon de plusieurs enfants auquel comparer l’enfant-cible, ce qui peut contribuer à la validité de leur évaluation.

Les différences liées au sexe n’ont pas été abordées spécifiquement dans le cadre de la thèse puisque la taille de l’échantillon le permettait difficilement, en particulier dans le cadre des analyses génétiques. De nombreuses études ont mis en évidence des différences selon le sexe, les femmes étant plus à risque de développer des SA et des SD durant l’adolescence et l’âge adulte (Bekker & van Mens-Verhulst, 2007; Roza et al., 2003). Par contre, la présence de ces différences sont moins claires durant l’enfance. En effet, des résultats d’études ont montré des proportions similaires de garçons et de filles présentant divers niveaux de SA (Duchesne et al., 2010; Duchesne et al., 2008) et de SD (Mesman & Koot, 2000) à l’âge scolaires. D’autres ont trouvé un niveau plus élevé de SD chez les garçons (Anderson, Williams, McGee, & Silva, 1987; Costello et al., 1988) ou un niveau plus élevé de SA chez les filles (Costello et al., 1988). Aussi, certaines études ont révélé que les filles présentaient davantage de SA (Letcher et al., 2012) et de SD (Bergeron et al., 2007; Brendgen et al., 2010; Brendgen et al., 2005) que les garçons durant la transition entre l’enfance et l’adolescence. Principalement, les différences selon le sexe quant à la présence de SA et de SD ont été attribuées à la survenue de la puberté (Angold & Worthman, 1993). Dans l’échantillon à l’étude dans le cadre des présents travaux, des différences selon le sexe ont été trouvées pour les SA (6e année) et les SD (1ière à 6e année), les garçons présentant des scores plus élevés

que les filles. Toutefois, les tailles d’effets de ces différences étaient petites (D de Cohen entre .10 et .19) (Cohen, 1988), ce qui a motivé le choix de ne pas les considérer dans les analyses subséquentes. Par contre, cela n’exclut pas la possibilité que des mécanismes étiologiques différents puissent être trouvés si le sexe des enfants était considéré, ce qui n’était toutefois pas un objectif de cette thèse.

Finalement, une des forces principales de la thèse est le protocole de recherche employé. Premièrement, l’utilisation de plusieurs temps de mesure couvrant la période de l’enfance de manière presqu’annuelle a permis de bien documenter le développement des SA et des SD et l’association longitudinale entre les deux types de symptômes. Deuxièmement, l’utilisation

du devis de jumeaux a permis de mettre en évidence des patrons d’influences génétiques et environnementales sur la variation et la covariation des SA et des SD au cours de l’âge scolaire. Toutefois, il faut souligner certaines limites inhérentes à ce devis. D’abord, il s’agit d’une méthode corrélationnelle et il est impossible de tirer des conclusions affirmées sur le rôle causal de déterminants spécifiques. Aussi, le devis de jumeaux est basé sur la prémisse que l’environnement des jumeaux MZ et des jumeaux DZ est similaire et que les contributions génétiques sont additives. Il faut donc considérer les estimés comme étant des approximations. De plus, les facteurs de l’environnement unique ne peuvent être dissociés de l’erreur de mesure ce qui en limite l’interprétation. Troisièmement, la thèse innove au plan statistique en présentant un modèle de corrélations croisées génétiquement informatif qui inclut plus de deux temps de mesure, ce qui n’avait jamais été fait auparavant, du moins dans un manuscrit publié.