• Aucun résultat trouvé

La participation des pères d'enfants prématurés dans la Méthode Kangourou et leur compétence parentale ultérieure

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La participation des pères d'enfants prématurés dans la Méthode Kangourou et leur compétence parentale ultérieure"

Copied!
67
0
0

Texte intégral

(1)

La participation des pères d’enfants prématurés dans la

Méthode Kangourou et leur compétence parentale

ultérieure

Mémoire doctoral

Valérie Gingras

Doctorat en psychologie (D. Psy.)

Docteure en psychologie (D. Psy.)

(2)

La participation des pères d’enfants prématurés dans la

Méthode Kangourou et leur compétence parentale

ultérieure

Mémoire doctoral

Valérie Gingras

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Cette étude s’intéresse au lien entre la quantité (fréquence) de la méthode en kangourou (MK) chez les pères d’enfants prématurés en lien avec leur compétence parentale ultérieure perçue ou observée. Elle considère également la relation conjugale comme étant un aspect pouvant venir expliquer ou modérer les éléments quantitatifs de l’expérience en MK du père et les mesures de compétence parentale subséquentes. Au total, 42 pères ont tenu un registre de la prise en MK de leur bébé et rempli des questionnaires avant la première prise en MK, à la sortie de l’hôpital et à nouveau rempli des questionnaires et ont été observés avec leur enfant 3 mois après la sortie de l’hôpital. Un résultat majeur en ressort, soit que plus la fréquence de prise en MK est élevée par rapport à la mère (ratio père/mère), plus le père rapporte un sentiment d’auto-efficacité (SAE) élevé à la sortie de l’hôpital, mais aussi trois mois plus tard, et ce, même en contrôlant pour le niveau initial du SAE. De plus, l’absence de la mère lors d’une tâche d’interaction entre le père et son enfant à domicile est liée à des comportements paternels favorisant le développement cognitif de l’enfant. Somme toute, ces résultats soulignent l’importance d’être à l’écoute des pères et de les valider dans leur rôle en leur offrant un espace auprès des soins de l’enfant. La conjointe ainsi que le personnel hospitalier peuvent agir à titre de facilitant et les encourager à s’approprier le rôle qui leur est dû. Quelques pistes d’interventions sont proposées.

(4)

Table des matières

Résumé ... iii

Liste des tableaux... vi

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

La prématurité et ses risques pour l’enfant ... 2

Les parents et le développement de l’enfant à risque ... 4

Le père et le développement de l’enfant à risque ... 5

Relation père-enfant et le développement de l’enfant ... 6

Engagement parental et développement des enfants prématurés ... 9

Relation père-enfant et relation père-mère ... 11

La place du père dans les UNSI... 12

La prématurité et la compétence parentale ... 13

La prématurité et le sentiment d’auto-efficacité ... 14

La méthode kangourou : une intervention visant à favoriser le développement de l’enfant prématuré ... 16

Objectifs et hypothèses ... 19

Chapitre 1 : Méthodologie ... 20

Participants ... 20

Instruments de mesure ... 21

Mesures quantitatives de l’expérience en Méthode Kangourou (MK)... 21

Mesure du sentiment d’auto-efficacité (SAE). ... 21

Mesure de la compétence parentale. ... 22

Mesures de la relation entre le père et la mère de l’enfant. ... 23

Variables sociodémographiques. ... 25

Procédure ... 25

Chapitre 2 : Résultats ... 27

Analyses préliminaires ... 27

Corrélations entre les variables d’intérêts ... 27

Modèles multivariés visant à expliquer les variables critères de compétence parentale ... 30

Explication du SAE lors de la sortie de l’hôpital. ... 32

Explication du SAE lors de la visite à domicile, trois mois après la sortie de l’hôpital. ... 32

Chapitre 3 : Discussion... 33

Limites de l’étude ... 34

Forces de l’étude ... 35

Implications théoriques et cliniques du projet ... 36

Recherches futures ... 40

Conclusion ... 42

(5)

Annexe B : Questionnaire de sentiment de compétence parentale ... 56 Annexe C : Échelle des comportements interpersonnels de la conjointe ... 57 Annexe D : Questionnaire de la satisfaction conjugale ... 59

(6)

Liste des tableaux

TABLEAU 1 STATISTIQUES DESCRIPTIVES ET CORRÉLATIONS DE PEARSON POUR LE SENTIMENT D’AUTO-EFFICACITÉ (SAE), LA COMPÉTENCE PARENTALE (NCAST), SES PRÉDICTEURS POTENTIELS ET VARIABLES CONTRÔLES ENVISAGÉES ... 28

TABLEAU 2 RÉSULTATS DES ANALYSES DE RÉGRESSION LINÉAIRE VISANT À EXPLIQUER LE SENTIMENT D’AUTO-EFFICACITÉ (SAE) RAPPORTÉ LORS DE LA SORTIE DE L’HÔPITAL ET TROIS MOIS PLUS TARD, LORS DE LA VISITE À DOMICILE... 31

(7)

Remerciements

Comment est-il possible de rassembler en deux pages tout l’amour, l’estime et la gratitude que je peux éprouver envers les gens qui m’ont accompagnée tout au long de mon parcours en psychologie?

Tamarha est un modèle duquel chaque directeur de recherche devrait s’inspirer. Elle enseigne et elle superviseuse avec son cœur. Elle est une passionnée qui se permet d’extérioriser son enthousiasme, ce qui la rend tellement attachante. En plus, elle est particulièrement humaine. Elle sait entendre les besoins de chacun et s’ajuster en conséquence. Je ne sais comment te remercier Tamarha pour la confiance que tu m’as portée et transmise envers mes propres compétences. Comment tu as su forger en moi une grande curiosité envers les réalités familiales de notre société actuelle. Sincèrement, je ne sais comment te remercier pour ta sensibilité qui ne me laissait jamais indifférente suite à nos rencontres. Merci pour les valeurs que tu m’as transmises : dévouement, plaisir/rire, confiance, vulnérabilité, passion, rigueur et bienveillance. Je quitte avec un bagage inestimable!

Un merci tout spécial à Réjean et Natalia de m’avoir permis de vivre l’aventure du projet Père-Kangourou du début à la fin. Sans vous, rien de tout ça n’aurait existé. Merci pour votre confiance, votre humanité et pour votre générosité envers la cause des pères d’enfant prématuré. Vous êtes inspirants et vous m’avez fait «voyager» pendant ces années à travailler à vos côtés! Natalia tu me faltas y quiero celebrar contigo en Colombia!

Merci à Karl, William et Étienne pour la codification des vidéos NCAST. Ce fut un réel plaisir de travailler à vos côtés et de se casser la tête à distinguer des subtilités comportementales dans l’interaction père-enfant. Votre assiduité, vos réflexions intelligentes et votre bonne humeur resteront gravées en moi!

Un énorme merci aux papas qui ont osé prendre part au projet dans un contexte très difficile ainsi qu’au personnel hospitalier qui a contribué avec sourire à faire avancer la recherche!

(8)

Sur le plan clinique, je tiens à remercier mes superviseurs ainsi que la merveilleuse équipe du laboratoire du couple pour votre support, vos encouragements et pour le bagage que vous m’avez transmis. Vous m’avez permis de pousser mes réflexions à des niveaux supérieurs à une femme de mon âge et d’en apprendre énormément sur moi-même.

Merci à mes bohèmes préférés : Lisa, Cam, Steph, Lau, Flo, Doug & Seb. Votre folie admirable, votre bon cœur, votre intelligence et votre polyvalence me sont si chers! Merci à mes meilleures copines d’enfance : Cath, Dré, Gabe et Caro d’avoir été là dès le début et d’être toujours autant présentes dans ma vie à votre unique façon! Merci à Melou, ma «grande sœur» et à Élye, cette petite bête canine, qui a su me réconforter dans les moments de stress. Merci à mes précieuses copines du doc : MP (monamoureuse/partner#1dejoie), Laurie, Alexe, Sarah & Manon avec qui les intérêts, les échanges stimulants et le plaisir d’être ensemble étaient et sont toujours au rendez-vous! Merci à ma Raquel, mon âme sœur du continent européen, pour ton soutient, ta générosité, ta douceur et ta folie. Merci aussi à mes cousines/sœurs d’amour!

Merci à mon amoureux, J-A, qui m’a connue dans une période chargée de ma vie et différente de la sienne et qui ne m’a, en aucun cas, porté jugement. Au contraire, tu étais toujours là à m’encourager avec ton humour impeccable conjugué à une belle activité plein-air afin de maintenir un juste équilibre et notre passion commune! Ta joie de vivre, ta simplicité, ta grande curiosité pour tout, tes multiples attentions et j’en passe auront adouci ma fin de parcours et attendri mon cœur dans les moments d’inquiétudes.

Et je terminerai avec ces personnes pour qui j’éprouve une admiration immense : mes parents. Maman, toi qui a su être là depuis le début. Cette grande fierté que tu me portes m’a sans doute donné la motivation d’aller jusqu’au bout, mais aussi tout ton dévouement à mon égard et ton énergie inépuisable (danse, plein air, théâtre, tennis, natation…). Merci d’avoir su contenir mes émotions (surtout les négatives) sous l’effet du stress et d’avoir vu au-delà de ces dernières. Ça compte beaucoup. Papa, merci d’avoir donné un sens à ce projet et d’avoir su à ta façon, prendre ta place dans ma vie. Ta générosité, ta douceur, ton écoute, ton souci à l’égard de mon bien-être et ton ouverture valent plus que tout. Merci à Johanne et Jean également pour les nombreux encouragements. Ça n’a pas de prix!

(9)

Introduction

Sur un ensemble de 184 pays, plus de 15 millions de bébés naissent prématurément avec un poids de moins 2,500g (5lb), soit de 5 % à 18 % des naissances vivantes (Goldberg & DiVitto, 2002; Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2017). La prématurité est la première cause mondiale de décès chez les enfants de moins de cinq ans. Au Québec, la proportion d’enfants prématurés se situe autour de 7,1% (Institut de la statistique du Québec, 2011). Une naissance prématurée s’accompagne d’un risque élevé de divers problèmes de santé (Bhutta et al., 2002; Lorefice et al., 2015; Månsson & Stjernqvist, 2014). En ajout, on a observé un risque pour la qualité de la relation parent-enfant et le développement de compétences parentales adéquates (Feeley, Gottlieb, & Zelkowitz, 2007; Goldberg & DiVitto, 2002, Harrison & Magill-Evans, 1996; Poehlmann, Burnson, & Weymouth, 2014;

Rautava, Lehtonen, Helenius, & Sillanpää, 2003). La méthode kangourou (MK), qui consiste principalement à procurer un contact peau à peau du bébé prématuré avec un parent, généralement la mère du bébé, est une méthode reconnue pour réduire les risques développementaux et de santé pour le bébé (Conde-Agudelo, Díaz-Rossello, & Belizan, 2016). On lui a également reconnu des bénéfices pour favoriser le développement d’habiletés parentales et la relation d’attachement entre la mère et l’enfant (Charpak et al., 2005;

Feldman, Eidelman, Sirota, & Weller, 2002). Toutefois, peu de recherche a été réalisée sur les bénéfices potentiels de la méthode kangourou pour la relation entre le père et son enfant et les compétences parentales de ce dernier. Le présent projet vise à remédier à ce manque de connaissances en examinant l’association entre l’expérience du père en position kangourou (fréquence, ratio par rapport à la mère) et son sentiment d’auto-efficacité et la compétence parentale.

(10)

La prématurité et ses risques pour l’enfant

Dès qu’un enfant nait à moins de 37 semaines complètes de gestation, sa naissance est considérée prématurée. Il existe trois sous-catégories, soit la prématurité moyenne, voire

tardive entre la 32e et la 37e semaine, la grande prématurité entre la 28e et 32e semaine et la

prématurité extrême à moins de 28 semaines (OMS, 2017). Le pronostic pour un bébé

prématuré est déterminé en fonction de l’âge gestationnel, du poids de naissance ainsi que de la cause de la prématurité. Les complications sont variables, mais seront pour la plupart reliées à l’immaturité et elles dépendront de la qualité des soins reçus dès la naissance et les mois suivants de même que de la sévérité de la prématurité (OMS, 2013).

Les facteurs susceptibles d’accroître le risque d’une naissance prématurée sont variés. Parmi ceux-ci comptent les grossesses multiples, parfois liées au recours à des traitements contre l’infertilité, des maladies chroniques chez la femme enceinte (p. ex., diabète et hypertension), des infections, une prédisposition génétique, ainsi que l’âge de la mère (plus à risque si âgée de plus de 35 ans et de moins de 19 ans) (Organisation Mondiale de la Santé [OMS], 2017; Préma-Québec, 2013).

Les bébés naissants prématurément seront pris en charge dans une unité néonatale de soins intensifs (UNSI). Grâce au développement majeur des technologies dans les UNSI, il est maintenant possible d’assurer la viabilité d’un bébé né à seulement 22 à 23 semaines de gestation (Goldberg & DiVitto, 2002; Rysavy et al., 2015). Le nouveau-né sera généralement placé dans un incubateur qui contrôlera sa température corporelle, son oxygène, ses signes vitaux, de même que l’humidité ambiante (Mello, Serafim, Moraes, Miranda, Soussumi, & Mello, 2011). Il recevra des soins quotidiens 24 heures sur 24 adaptés à sa condition par le personnel de l’unité (le néonatologiste, personnel infirmier, inhalothérapeutes, travailleurs sociaux, spécialistes, etc.) tout au long de son séjour, tel que des analyses de sang et d’urine, une pesée quotidienne, des radiographies et des échographies (Société canadienne de pédiatrie, 2017). Le bébé sera nourri la plupart du temps par une sonde de gavage, afin de compenser pour son immaturité, et par allaitement (Jefferies, 2014). En fonction de ses déficits, il y a aussi de fortes chances que le bébé porte un moniteur cardiaque, un oxymètre, un cathéter central de même qu’un respirateur (ventilation mécanique). La cause majeure de

(11)

manque de surfactant pulmonaire. La production de celui-ci débute normalement vers la fin du second trimestre de grossesse et elle se maintient jusqu’à la 37e semaine. Le traitement

par ventilation mécanique est donc souvent nécessaire à sa survie (Mally, Bailey, & Hendricks-Muñoz, 2010).

Avant de laisser partir l’enfant à la maison, ce dernier doit satisfaire certains critères de maturité développementale et de poids. Chaque pays a son propre protocole, adapté aux réalités locales. Par exemple, la norme au Québec varie autour de 2 000 grammes, alors que dans certains pays, elle peut être aussi basse que 1 500 grammes en fonction de l’espace disponible et de la quantité du personnel, ce qui est relié au taux de naissances prématurées. Enfin, l’enfant devra avoir atteint les compétences physiologiques de thermorégulation, de stabilité respiratoire, de contrôle de la respiration et la capacité à s’alimenter (Jefferies, 2014). Malgré les avancées technologiques et la formation du personnel hospitalier à procurer des soins optimaux, surtout dans les centres spécialisés, un risque élevé de problèmes de santé chez les bébés prématurés demeure, notamment à l’égard de difficultés respiratoires, alimentaires, de conservation de la chaleur corporelle et d’infections, ainsi que des risques subséquents de présenter divers déficits de nature développementale, langagière, sur le plan affectif, cognitif, moteur et neurologique (Bhutta, Cleves, Casey, Cradock, & Anand, 2002;

Lorefice et al., 2015; Månsson & Stjernqvist, 2014; Marlow, Wolke, Bracewell, & Samara, 2005; OMS, 2017; Salvan et al., 2014; Torrioli et al., 2000; Wolke & Meyer, 1999). Plus l’âge gestationnel et le poids à la naissance sont petits, plus il y a des chances que le cerveau de l’enfant soit immature, augmentant ainsi la gravité des symptômes (Bhutta et al., 2002; Månsson & Stjernqvist, 2014). À plus long terme, l’âge scolaire est une période critique, très marquée par ces problèmes de santé, puisqu’à ce moment le développement cognitif, émotionnel et social est en plein essor et que la réussite scolaire peut être compromise (Aarnoudse, Weisglas-Kuperus, Goudoever, & Oosterlaan, 2009; Barre et al., 2011; Bhutta et al., 2002; Salvan et al., 2014). Enfin, dans certains cas, ces difficultés modérées à sévères pourraient avoir des répercussions cognitives, comportementales et sociales jusqu’à l’âge adulte (Aarnoudes et al., 2009; Doyle & Anderson, 2010; Ekeus, Lindström, Lindblad, Rasmussen, & Hjern, 2010).

(12)

En somme, bien que les soins médicaux disponibles pour un enfant né prématurément aient grandement progressé, il n’en demeure pas moins que la prématurité comporte des risques importants à la naissance, inclut des soins complexes et intrusifs à la vie familiale, et à long terme est associée une multitude de difficultés au cours de la vie.

Les parents et le développement de l’enfant à risque

La naissance prématurée comporte des enjeux particuliers. Ces nouveaux parents sont susceptibles d’être pris au dépourvu et de devoir faire le deuil de tout ce qu’implique une naissance à terme (p. ex., cours prénataux, festivités avec la famille et les amis, préparation de l’espace pour l’enfant à la maison) (Goldberg, & DiVitto, 2002). Ils peuvent également éprouver des inquiétudes persistantes au sujet de la santé et de la survie de leur enfant, puisque des complications médicales peuvent survenir à n’importe quel moment (Schappin, Wijnroks, Venema, & Jongmans, 2013). Pendant que l’enfant est sous les soins du personnel de l’UNSI, on encourage ses parents à s’impliquer auprès de celui-ci (Jefferies, 2012; Ramezani, Shirazi, Sarvestani, & Moattari, 2014). Par exemple, ils peuvent changer ses couches, lui faire prendre le bain, prendre sa température, le prendre en contact peau à peau (c.-à-d., la méthode kangourou) et la mère est encouragée à l’allaiter. Néanmoins, l’environnement hospitalier peut constituer une source de stress pour les parents, en raison de l’activité constante et des bruits étrangers émis par les moniteurs (Joseph et al., 2007). L’apparence physique du bébé peut aussi évoquer une certaine détresse (Dudek-Shriber, 2004). Les incubateurs peuvent également séparer les nourrissons de leurs parents les priver d’une proximité nécessaire, directe et régulière pendant un long moment (Charpak, Ruiz-Peláez, Charpak, 2001; Cleveland, 2008). Ainsworth (1978) rapporte que les bébés ayant été séparés immédiatement après la naissance par la maladie ou la prématurité ont des risques plus grands de développer des liens d’attachement anxieux.

En plus du contexte de stress accru que constitue la naissance prématurée, les enfants prématurés présentent généralement un plus grand défi pour les parents. Plusieurs études mentionnent que les enfants prématurés sont moins entreprenants, moins souriants, moins attentifs, moins sensibles aux stimulations et davantage irritables que ceux nés à terme (Cabral, da Silva, Tudella, & Martinez, 2015; Darcy, Hancock, & Ware, 2008; Golberg &

(13)

prématurément recherchent moins d’interaction et manifestent plus d’émotions négatives que positives lorsqu’ils sont comparés à des enfants avec une naissance à terme. Ainsi, l’immaturité physique et neurologique de l’enfant peut favoriser une distance sur le plan affectif entre l’enfant et le parent et affecter la capacité de ces deux acteurs à entrer en relation (Darcy et al., 2008; Goldberg & DiVitto, 2002). Les résultats de l’étude de Harrison et Magill-Evans (1996) appuient cette idée; comparés à des parents d’enfants nés à terme, les parents d’enfants prématurés ont des scores moins élevés aux mesures d’interaction parent-enfant lors d’une tâche d’enseignement, particulièrement les pères. Les auteurs de l’étude proposent que cela puisse s’expliquer par des attentes moins élevées des parents vis-à-vis leur enfant prématuré.

Le père et le développement de l’enfant à risque

Si on s’attarde à l’expérience du père de façon plus spécifique, on constate qu’en plus du stress et des inquiétudes liées à la santé et la survie de son enfant, ce dernier doit prendre en charge la vie familiale. En effet, il doit assumer plusieurs responsabilités dès la période post-partum auprès de l’enfant prématuré, mais également auprès de la mère qui peut être épuisée ou malade suite à l’accouchement prématuré (Mackley et al., 2010; Lindberg et al., 2007). Ainsi, il peut devoir partager son temps entre soutenir la mère, être présent pour le nouveau-né à l’hôpital, mais aussi voir aux tâches domestiques, aux soins d’autres enfants à la maison, ainsi que de gérer son éventuel retour au travail (Lindberg et al., 2007; Mackley et al., 2010; Pohlman, 2005; Reis et al., 2017). Certains pères tentent d’obtenir une flexibilité dans leurs heures de travail afin d’être auprès de leur enfant, mais de tels accommodements semblent plus accessibles aux pères de classe socio-économique plus élevée (Reis et al., 2017). L’étude qualitative de Pohlman (2005) a recueilli plusieurs témoignages de pères qui se sentent intimidés et craintifs dans les UNSI contrairement à leur milieu de travail, où ils peuvent facilement se sentir confiants. De manière générale, on a noté chez des pères d’enfants nés à terme qu’un manque de préparation au rôle de père est lié aux habiletés de ce dernier à s’engager auprès de son enfant, à une perception de ne pas avoir les compétences, le savoir ou le support pour le faire, malgré un désir d’être engagé auprès du nouveau-né (St John, Cameron, & McVeigh, 2005). Une naissance prématurée comporte beaucoup

(14)

d’insécurité, d’imprévisibilité et de nouveauté. Ainsi, il peut être encore plus difficile pour le père de s’engager auprès de son enfant dans ce contexte.

Tous ces facteurs peuvent générer une grande charge de stress, un sentiment de perte de contrôle et une confusion chez les pères dans leur rôle de parent engendrant des risques de désengagement parental et une sensibilité moindre des parents, nuisant au développement de leur relation avec l’enfant (Arockiasamy, Holsti & Albersheim, 2008; Charpak et al., 2001; Cleveland, 2008; Mackley et al., 2010). Ceci peut accroître les risques développementaux pour l’enfant, compte tenu du rôle reconnu du père.

Relation père-enfant et le développement de l’enfant

Lorsque l’on tente d’identifier les composantes pouvant favoriser le développement des enfants dans une population à développement normal, la majorité des études s’entendent pour dire que la qualité de l’interaction parent-enfant et qu’un engagement parental précoce y contribue grandement à long terme (Baker, 2013; Bystrova et al., 2009; Coyl, Newland, & Freeman, 2010; Paquette, Coyl-Shepherd, & Newland, 2013).

Bien que l’usage du terme parent peut référer à la mère et au père de l’enfant ou à une absence de distinction de l’apport de chacun, on constate que bon nombre d’études qui se sont intéressées à l’apport du « parent » au développement de l’enfant se sont en fait limitées à étudier les mères (p. ex., Towe-Goodman et al., 2014). En ce sens, la majorité des travaux antérieurs réalisés sur l’apport parental au développement de l’enfant nous informent principalement sur l’apport de la relation mère-enfant. La qualité de la relation entre la mère et l’enfant, soit l’attachement, la qualité des soins, de même que les compétences parentales de cette dernière sont depuis longtemps reconnues comme étant très importantes pour le développement de l’enfant (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978; Lamb, 2000; Lemelin, Tarabulsy, & Provost, 2006; Newland et al., 2013). Longtemps négligé par la recherche, le père était perçu comme un accompagnateur à la mère avec comme rôle principal celui d’appuyer financièrement la famille (Palkovitz, Trask, & Adamsons, 2014). Depuis les années 1970, le père est de plus en plus considéré comme un membre actif au développement et aux soins de son enfant tant sur le plan recherche (Lamb, 2000; Marsiglio, Amato, Day, & Lamb, 2000; Paquette et al., 2013) qu’au niveau sociétal (Coleman, 1988; Ferguson, 2006).

(15)

En effet, le père d’aujourd’hui joue de multiples rôles : soignant, professeur, protecteur, pourvoyeur, coparent, conjoint, etc. (Lamb, 2010; Newlan, Coyl-Shepherd, & Paquette, 2013). Dans les dernières décennies, l’implication de ce dernier auprès de l’enfant a augmenté dans les pays industrialisés, particulièrement dans les familles de niveau socioéconomique moyen (Paquette et al., 2013). L’évolution sociale et économique expliquerait ce changement. En effet, il semble que la mère passerait plus de temps à l’extérieur de la maison, ce qui favoriserait une redéfinition du rôle du père dans son implication auprès de l’enfant (Reis et al., 2017). Le père s’engage également de plus en plus tôt dans son développement (Paquette & Bigras, 2010). Les interactions entre le père et son enfant varient en fonction de l’âge et du genre de l’enfant ainsi que des dynamiques familiales, soit de la qualité de la relation conjugale, des diverses pratiques coparentales, de la perception des rôles selon le genre chez les parents, du contexte familial ainsi que des influences éco-culturelles (Newland, et al., 2013; Paquette et al., 2013; Yoshida, 2012).

Plusieurs chercheurs ont mis de l’avant la contribution importante du père au développement cognitif, social et émotionnel de l’enfant, et ce, dès la naissance (Bronte-Tinkew, Carrano, Horowitz, & Kinukawa, 2008; Lamb, 2010; Lamb & Lamb, 1976; Lewis & Lamb, 2003; Paquette et al., 2013; Parke, 2002). Bronte-Tinkew et al. (2008) notent que plus un père montre un engagement chaleureux, une participation dans les soins généraux et physiques de l’enfant et qu’il entreprend des activités cognitivement stimulantes auprès du nourrisson, moins celui-ci est à risque de présenter un délai sur le plan cognitif. Cette relation est encore plus signifiante auprès d’enfants avec des besoins particuliers.

Le père est fréquemment associé au rôle de compagnon de jeu (Dumont & Paquette, 2008; Lamb, 2000). Bien que l’on note que la mère passe typiquement plus de temps à jouer avec leur enfant que le père (Lamb, 2000), elle s’adonne davantage à des jeux cognitifs avec son enfant, par l’entremise d’un objet et des jeux de rôles (Paquette, 2004a). De son côté, le père s’engage davantage dans les jeux impliquant un contact physique, tels des jeux de bataille. Il le ferait même de plus en plus auprès des filles (Paquette & Bigras, 2010). En effet, il favoriserait la stimulation de son enfant et il susciterait plusieurs émotions chez celui-ci. Il l’encourage à explorer et lui enseigne comment faire face aux différents défis pouvant survenir dans le jeu (Paquette, 2004a; Paquette, 2004b; Paquette, Bolté, Turcotte, Dubeau, &

(16)

Bouchard, 2000). De cette façon, l’enfant développe sa capacité d’adaptation aux nouvelles demandes de l’environnement ainsi que les compétences qui lui permettent de réguler ses affects, ce qui le prépare à faire face aux diverses réalités du quotidien (Jeynes, 2016). Cela favorise également le développement de ses fonctions exécutives (Grossmann, Grossmann, Fremmer-Bombik, Kindler, & Scheuerer-Englisch, 2002; Towe-Goodman et al., 2014). L’étude de Towe-Goodman et al. (2014) dénote que la sensibilité du parentage des pères, évaluée par l’observation d’une tâche de jeu dyadique avec l’enfant, est corrélée positivement à celle des mères (rs = 0,33 et 0,44 alors que l’enfant est âgé de 7 et 24 mois respectivement). Bien que la sensibilité du parentage paternel ne contribuait pas de manière unique à prédire le fonctionnement exécutif de l’enfant à 7 mois dans cette étude, suggérant les effets plus généraux d’une sensibilité parentale partagée avec la mère, la sensibilité du parentage de chacun des parents contribuait significativement à expliquer le fonctionnement exécutif de l’enfant à 24 mois. Paquette (2004b), auteur de la théorie d’activation père-enfant, soutient que le père intervient grandement dans le développement de l’autonomie, du courage et de l’esprit de compétition chez son enfant. Cet apport résulterait de sa capacité à exciter, à surprendre, et à bouleverser l’équilibre de son enfant dans le jeu physique. Toutefois, ces contributions pourraient seulement prendre naissance s’il y a présence d’un lien émotionnel, soit un attachement, entre le père et l’enfant (Paquette, 2004b).

Le père contribuerait également au développement du langage de l’enfant. Comparé à la mère, le père aurait recours à des phrases plus complexes, à des énoncés de nature impérative et il chercherait particulièrement l’attention de son enfant (Lewis & Lamb, 2003; Rowe, Coker, & Pan, 2004). Conséquemment, le père solliciterait davantage les capacités linguistiques et pragmatiques de l’enfant que la mère, l’incitant à développer sa façon de communiquer dans les échanges sociaux (Lamb, 2010). Dans l’étude de Duursma (2014), la fréquence de lecture d’histoires par le père, évalué lorsque son bambin est âgé de 24 mois, prédit le développement cognitif et langagier de l’enfant à l’âge de 36 mois, tel qu’évalués par le Bayley Scales of Infant Development et le Peabody Picture Vocabulary Test, et ce en contrôlant pour l’apport que pourrait avoir la lecture par la mère. Incidemment, la fréquence de lecture par la mère à 24 mois ne contribuait significativement qu’à expliquer le développement cognitif à 36 mois, pas le développement langagier. Bref, au-delà de la

(17)

contribution de la mère, l’engagement du père auprès de l’enfant s’avère un prédicteur de son développement cognitif et langagier dans cette étude.

Ainsi, sur le plan cognitif, plus l’engagement du père auprès de l’enfant est élevé, meilleures sont les performances cognitives de l’enfant, sa capacité à résoudre des problèmes, sa maturité scolaire, sa capacité d’adaptation au stress et aux frustrations associés à l’école, son quotient intellectuel (QI) et meilleur est son locus de contrôle interne (Jeynes, 2007; Jeynes, 2016; McWayne, Downer, Campos, & Harris, 2013; Lamb, 2010; Pougnet, Serbin, Stack, & Schwartzman, 2011). Le père aurait des attentes élevées et il insisterait davantage sur l’éducation préparatoire de l’enfant comparativement à la mère qui serait davantage patiente et attentionnée devant ce dernier (Jeynes, 2016). Sur le plan socio-émotionnel, l’engagement plus grand d’un père envers son enfant favoriserait un attachement de type sécurisé (Cox, Owen, Henderson, & Margand, 1992) et ce type d’attachement diminuerait l’agressivité et les risques d’avoir des relations problématiques avec les pairs (Allan & Daly, 2007). L’enfant développerait donc une meilleure compétence sociale et il adopterait des comportements davantage prosociaux. En effet, un engagement plus grand du père favoriserait l’empathie chez son enfant, de même que des comportements moins stéréotypés (Paquette et al., 2013). Considérant que les enfants prématurés tendent à présenter plus de troubles de comportements, de l’immaturité sociale et à vivre du rejet que les enfants nés à terme (Nadeau & Tessier, 2003; Tessier & Nadeau, 2004), l’engagement parental du père semblent d’autant plus importants dans ce contexte.

Engagement parental et développement des enfants prématurés

L’importance du père pour le développement des enfants ne présentant pas de risques particuliers est donc bien établie. Bien que l’on puisse penser qu’il en est de même pour les enfants à risque de présenter des retards de développement, les appuis empiriques sont peu nombreux. Plusieurs auteurs soulignent le manque d’études réalisées auprès de pères dont l’enfant présente un risque de difficultés développementales, telles que dans le contexte d’une naissance prématurée (Coleman & Karraker, 2003; Joseph, Mackley, Davis, Spear, & Locke, 2007; Kmita, Kiepura, & Majos, 2014; Lindberg, Axelsson & Öhrling, 2007; Mackley, Locke, Spear & Joseph, 2010). Il semble toutefois important de considérer l’apport du père

(18)

et les bénéfices potentiels de son engagement précoce auprès du nourrisson prématurité (Sarkadi, Kristiansson, Oberklaid, & Bremberg, 2008).

Des études prospectives longitudinales auprès des familles d’enfants prématurés s’intéressent essentiellement à l’interaction précoce mère-enfant sur le développement cognitif et social ultérieur à l’âge préscolaire. Dans ces dernières, on note que plus une mère est engagée, en contrôle et sensible aux besoins de son enfant à risques, plus ce dernier montre de bonnes capacités cognitives, langagières et de résolutions de problèmes plus tard (Landry, Smith, Miller-Loncar, & Swank, 1998; McGrath, Sullivan, & Seifer, 1998). De même, le fait que la mère porte beaucoup d’attention à son enfant est associé à des meilleurs résultats scolaires et une meilleure compétence intellectuelle à l’âge de 12 ans, à une diminution des difficultés émotionnelles et comportementales et une plus grande estime de soi (Beckwith, Rodning, & Cohen, 1992). Cela démontre bien l’importance d’un engagement précoce et stimulant de la mère auprès d’un enfant prématuré sur son développement futur et à long terme (Cohen, 1995).

L’une des rares études s’intéressant aux pères d’enfants prématurés et de l’effet de leur engagement auprès ceux-ci démontre qu’un engagement élevé dans les premières années de vie, par le jeu, chez des pères afro-américains est associé à un meilleur développement cognitif de leur enfant. En effet, dans le groupe avec un grand engagement (n = 305), le Q.I chez les enfants âgés de trois ans est en moyenne 6 points de plus que celui des enfants dont le père est peu engagé (n =148) (Yogman, Kindlon, & Earls, 1995). L’engagement du père dans le jeu et dans les soins de l’enfant a été mesuré indirectement par une entrevue avec la mère à 12, 24 et 35 mois d’âge corrigé et il a été noté sur une échelle de réponses à 5 points par cette dernière.

En contexte de prématurité, la qualité de l’interaction parent-enfant, notamment l’attachement, est un prédicteur important dans le développement cognitif et social de l’enfant (Candelaria, Teti, & Black, 2011; Poehlmann et al., 2014). Il semble également que les enfants prématurés vivent des interactions dyadiques moins optimales avec leurs parents. En effet, les parents d’enfants prématurés tendent à se montrer plus intrusifs du fait qu’ils tentent de répondre aux signaux instables de leur enfant prématuré et qu’ils souhaitent

(19)

promouvoir le développement cognitif de ce dernier (Feldman, 2007). Cela diminuerait l’autonomie de l’enfant, tout en augmentant son excitation nuisant ainsi à son autorégulation (Taylor, Eisenberg, Spinrad, & Widaman, 2013). En ce sens, des pratiques parentales positives et de qualité permettraient de contrebalancer les vulnérabilités biologiques d’un enfant prématuré (Poehlmann et al., 2014). Néanmoins, la majorité des études appuyant cette idée ont été réalisées auprès des mères.

Ainsi, les études ne permettent pas de dresser un portrait clair de l’interaction entre les

pères et leur enfant prématuré (Goldberg & DjVitto, 2002). La littérature est manquante à ce sujet, alors que les enfants prématurés présentent des défis et des besoins plus élevés que les enfants nés à terme. Généralement, ces parents nécessiteront certaines interventions afin de favoriser leur engagement auprès de leur enfant prématuré dans un contexte hospitalier difficile (Tessier et al., 2009; Vanderveen, Bassler, Robertson, & Kirpalani, 2009).

Relation père-enfant et relation père-mère

Pour avoir une bonne compréhension ce qui contribue à l’engagement du père envers son enfant, il s’avère important de considérer sa relation avec sa conjointe, mère de l’enfant. En effet, la satisfaction conjugale est associée à la quantité et la qualité de l’engagement du père envers l’enfant (Fagan & Barnett, 2003; Gaunt, 2008; Schoppe-Sullivan, Brown, Cannon, Mangelsdorf, & Sokolowski, 2008; Tremblay et Pierce, 2011) et prédit le sentiment de compétence du père (Bouchard et Lee, 2000). Un soutien de la conjointe qui promeut la perception de compétence, l’appartenance sociale et le sentiment d'autonomie du père semble favoriser la motivation de ce dernier à s’engager de même que sa satisfaction dans son rôle de père (Bouchard & Lee, 2000). De plus, l’adoption d’une posture de mère sentinelle («maternal gatekeeping») par la conjointe, c'est-à-dire des comportements et des croyances qui restreignent la collaboration entre la femme et l’homme dans les tâches familiales, limiterait le développement de la compétence du père de même que la quantité de son engagement auprès de son enfant (Fagan & Barnett, 2003; Gaunt, 2008; Schoppe-Sullivan et al., 2008). Il semble que si la mère ne perçoit pas son conjoint comme étant compétent, elle sera portée à l’exclure des tâches familiales et à adopter la responsabilité première de l’éducation de leur enfant (Fagan & Barnett, 2003; Schoppe-Sullivan et al., 2008). Elle pourrait même critiquer ses actions lorsqu’il est engagé envers leur enfant. Les croyances

(20)

qu’elle porte par rapport aux rôles familiaux, son besoin de validation au sujet de son identité maternelle, de même que l’adoption de normes élevées devant la garde d’enfants peuvent expliquer pourquoi la mère adoptera des comportements de mère sentinelle. Ainsi, les comportements et les attitudes de la mère pourraient inhiber ou inversement promouvoir la participation paternelle dans les tâches parentales et le développement de la relation père-enfant (Bravo, 2013; Newland, Ciciolla, & Crnic, 2015).

De même, le père se perçoit souvent comme un aide aux soins que la mère apporte à l’enfant plutôt qu’un soignant à part entière (Provenzi et al., 2016). En effet, celui-ci est porté à croire que la mère est en meilleure position pour répondre aux soins de son enfant, ce qui peut favoriser son désengagement devant celui-ci. Pourtant, lorsque le père s’approprie son rôle, il contribue au développement physique, émotionnel, intellectuel et social de son bébé (Shorey, He, & Morelius, 2016).

La place du père dans les UNSI

Le contexte hospitalier d’une naissance prématurée ne semble pas favoriser la place du père. Généralement, la mère y est perçue comme le dispensateur primaire des soins de l’enfant (Bruce, Lilja, & Sundin, 2014; Reis et al., 2017). En plus, dans un contexte où celle-ci est reconnue comme étant vulnérable, elle devient alors la « cliente » par défaut des UNSI. L’environnement hospitalier est typiquement adapté pour accommoder un parent et son enfant, favorisant difficilement l’espace pour un deuxième parent, soit le père. De plus, le personnel hospitalier ne prend pas toujours le temps de s’adresser ou de s’intéresser au père en vulgarisant leur langage technique, par exemple (Arockiasamy et al., 2008; Boukydis, 2011; Pohlman, 2009; Reis et al., 2017). Cela ne permet pas au père d’avoir une place et que

l’on s’intéresse à ses besoins.

De même, par leur détresse manifeste, l’attention est principalement centrée sur la mère et l’enfant. Toutefois, le père est tout autant à risque de vivre de la détresse du fait qu’il doit soutenir sa conjointe, son enfant prématuré, les autres enfants à domicile en plus de maintenir son travail afin de subvenir financièrement aux besoins familiaux (Lindberg et al., 2007;

Mackley et al., 2010; Pohlman, 2005). Il n’osera pas nécessairement la démonter, négligeant ainsi ses propres besoins afin de préserver une certaine stabilité devant leur fragilité (Reis et

(21)

al., 2017). Ainsi, il est possible que le personnel hospitalier porte peu attention et ne réponde pas aux besoins d’information et de soutien du père.

Somme toute, le contexte de la prématurité, les besoins et les défis particuliers que posent l’enfant, de même que la place du père par rapport à sa conjointe et dans l’environnement hospitalier mènent à supposer qu’il puisse être difficile pour le père, dans un tel contexte, de prendre sa place de parent auprès de son enfant. Le contexte de prématurité pourrait donc entraver le développement de sa compétence parentale et de son sentiment d’auto-efficacité.

La prématurité et la compétence parentale

De bonnes habiletés parentales semblent nécessaires afin de promouvoir ce développement optimal de l’enfant, mais le contexte de la prématurité porte à croire que la compétence parentale du père puisse être affectée. On peut donc se demander si le père sera en mesure de favoriser un climat d’apprentissage et d’enseignement qui pourra compenser les enjeux liés à la prématurité.

Jones et Prinz (2005) définissent la compétence parentale comme les comportements, les stratégies et les habiletés mises en place dans le but de favoriser un développement optimal et adapté au développement de leur enfant. La compétence parentale prend en compte la qualité du parentage. Une façon de mesurer la compétence parentale est d’observer

l’interaction parent-enfant dans l’enseignement d’une tâche, tel que le Nursing Child

Assessment Satellite Training (NCAST) (Banerjee, & Tamis-LeMonda, 2007; Nakamura, Stewart, & Tatarka, 2000; Olds, 2006). Dans la tâche d’enseignement NCAST, les habiletés du parent peuvent être observées. Par exemple, il est possible d’évaluer les moyens que prend le parent pour enseigner quelque chose à son enfant. Entre autres, on évalue sa capacité à détecter les signaux de détresse chez l’enfant, mais également sur son aptitude à y répondre et sa façon de promouvoir son développement socio-affectif et cognitif (Sumner, & Spietz, 1996).

Malgré le contexte de risques que constitue la prématurité et l’importance particulière de l’apport et de la stimulation parentale pour favoriser un meilleur développement de ces

(22)

enfants, très peu d’études se sont intéressées à la compétence parentale dans un contexte de prématurité chez les mères et encore moins chez les pères. L’étude de Harrison et de

Magill-Evans (1996), abordée plus haut, figure parmi les exceptions. Cette étude avait comme objectif de comparer les interactions parent-enfant pour des enfants nés à terme (M = 39,5 semaines, n = 49) versus des enfants prématurités (M = 34,1 semaines, n = 54) afin de voir si les interactions parent-enfant de ces derniers étaient moins optimales à trois et 12 mois après leur congé d’hôpital. Elle comparait également les interactions mère-enfant et père-enfant. Les résultats de cette étude indiquent que, globalement, les parents d’enfants prématurés ont généralement de moins hauts scores d’interaction, soit une plus faible compétence parentale, lors de tâches d’enseignement (NCAST) avec leur enfant que chez les parents d’enfants nés à terme. Les pères d’enfants nés prématurément s’avèrent être le groupe de parents le moins compétents (score moyen le moins élevé), notamment dans leur capacité à favoriser le développement cognitif et leur aptitude à détecter les signaux de leur enfant.

La prématurité et le sentiment d’auto-efficacité

Le sentiment d’auto-efficacité (SAE), se définit généralement comme étant les croyances ou les jugements qu’un parent porte sur ses habiletés ou sa compétence à accomplir le rôle qu’est celui d’être un parent (Coleman & Karraker, 1998; de Montigny & Lacharité, 2005; Hess, Teti, & Hussey-Gardner, 2004). On mentionne qu’il est le résultat de l’évaluation que le parent se fait de l’interaction avec l’enfant via les caractéristiques et les comportements de ce dernier (Goldberg, 1977). Le sentiment d’auto-efficacité d’un parent est plus élevé lorsque celui-ci est capable d’identifier, d’anticiper et de répondre aux besoins de l’enfant, et qu’il a une meilleure connaissance des actions à émettre et des tâches à réaliser, selon l’âge de l’enfant, et la réaction de l’enfant vis-à-vis les comportements du parent (Ballenski & Cook, 1982; Goldberg, 1977). Il n’en demeure pas moins que le SAE est une appréciation subjective qui ne concorde pas nécessairement avec les comportements observés et qualifiés comme étant compétents ou non.

Pennell, Whittingham, Boyd, Sanders et Colditz (2012) soulèvent que peu d’intérêt a été porté à l’égard du sentiment d’auto-efficacité chez les parents d’enfants prématurés. Les pères seraient plus affectés par l’état critique de leur enfant et ils auraient généralement un

(23)

Rautava et al., 2003). L’étude longitudinale de Rautava et al. (2003) comparait des mères et de pères d’enfants à haut risque de problèmes développementaux (naissance prématurée < 32 semaines ou poids de naissance < 2000 grammes), à faible risque de problèmes développementaux (naissance prématurée avec poids de naissance > 2000 grammes) et un groupe d’enfants nés en santé (contrôle). Dans le groupe à haut risque, une plus forte proportion de pères éprouvent des difficultés d’adaptation et estiment avoir besoin de plus de soutien dans la première année comparé aux pères du groupe à faible risque. L’étude de Hudson et ses collaborateurs (2001), menée avec des parents d’enfants nés en santé (n = 44), indiquent qu’au sein du couple, les pères rapportent un sentiment d’auto-efficacité plus faible que les mères au l’Infant Care Survey (écart entre les moyennes varie de 0,29 à 0,60 sur une étendue possible de 4 points), mais que celui-ci est significativement relié à leur satisfaction parentale à 12 et 16 semaines suivants la naissance de leur enfant. McBride (1989) montre que plus un père vit de stress, plus son sentiment d’auto-efficacité diminue. Une autre étude montre que le sentiment d’auto-efficacité est plus faible chez les pères d’enfants naissant à faible poids que ceux d’enfants nés à terme (Feeley et al., 2007). Ainsi, il est envisageable que le stress généré par le contexte de la prématurité puisse miner le sentiment d’auto-efficacité paternel.

Il semble donc nécessaire de s’intéresser à ce qui promeut le SAE pour éviter les contrecoups engendrés par la prématurité pour la relation parent-enfant. Une solution qui semble faire consensus dans la littérature est d’engager le père à interagir très tôt avec son enfant (Johnson, 2008; Leerkes & Burney, 2007; Lundqvist, Westas & Hallström, 2007). Un engagement précoce favoriserait le SAE (Lindberg, Axelsson, & Öhrling, 2008) et de manière réciproque, le SAE stimulerait l’engagement (Sanderson & Thompson, 2002).

L’étude de Lindberg et al. (2008), réalisée auprès de 8 pères d’enfants prématurés via un entretien narratif, rapporte que plus ceux-ci s’engagent tôt dans les soins de leur enfant, plus ils développent une aisance avec leur enfant. Sanderson et Thompson (2002), dans leur étude de 137 pères d’enfants de 2 et 6 ans, observent qu’une plus forte perception de compétence parentale chez les pères (c.-à-d., leur auto-efficacité) explique leur plus fréquente participation à des activités de soins de base, de loisirs, de religion ou d’éthique, de soutien émotionnel ou d’activités liées à l’école, de même qu’une plus grande prise de responsabilités pour la gestion des tâches de soin de l’enfant. La relation pourrait toutefois s’opérer en sens

(24)

inverse, tel que le suggèrent Baruch et Barnett (1986) menée auprès de pères d’enfants d’âges variés (de 3 à plus de 9 ans). Ils rapportent qu’engager les pères à participer au travail familial (incluant les soins de l’enfant et les travaux ménagers) les fait sentir plus engagés et compétents dans leur rôle de père. Globalement, ces recherches soulignent l’importance d’offrir des opportunités aux pères d’être en contact avec leur enfant dans les UNSI (Johnson, 2008), de les engager dans les soins à leur apporter. Pour assurer un développement optimal des enfants prématurés, et favoriser le sentiment d’auto-efficacité, il s’avère pertinent d’examiner ce qui peut contribuer à l’engagement précoce de celui-ci auprès de son enfant (Lindberg et al., 2007; St John et al., 2005).

La méthode kangourou : une intervention visant à favoriser le développement de l’enfant prématuré

La méthode kangourou (MK) semble constituer une stratégie prometteuse pour contrebalancer les risques associés à la relation parent-enfant et engager les parents hâtivement auprès de leur bébé prématuré. La MK fait appel au contact peau à peau, où le bébé est placé verticalement et directement sur la poitrine du parent (Jefferies, 2012;

Bergman & Bergman, 2015). La MK est recommandée dès que la survie du bébé n’est plus menacée (Jefferies, 2012; Bergman & Bergman, 2015). Cette méthode s’est développée en Colombie vers la fin des années 1970 afin de répondre aux lacunes présentes dans les hôpitaux (surpopulation des pouponnières, coûts élevés des incubateurs, taux de décès grandissant) (Jefferies, 2012; Bergman & Bergman, 2015).

La MK comporte beaucoup de bénéfices. Auprès du bébé, la MK aurait divers bénéfices telles que réduire le risque de mortalité et d’infections, diminuer les signes d’agitation, les rendre plus alertes socialement, augmenter la circonférence crânienne et le poids général, réguler la température corporelle, la respiration et le rythme cardiaque, diminuer la durée de l’hospitalisation, améliorer le sommeil, offrir une meilleure régulation émotionnelle et stimuler le développement psychomoteur et cognitif (Conde-Agudelo et al., 2016; Erlandsson, Dsilna, Fagerberg & Christensson, 2007 ; Feldman, 2007; Feldman et al., 2002; Jefferies, 2012; Johnson, 2007). De plus, la MK permet de créer des liens entre le parent et l’enfant par l’intermédiaire de la position qui favorise l’échange de regards et la

(25)

proximité physique (Feldman, 2007; Gale & VandenBerg, 1998). Elle vient en quelque sorte contrebalancer à la distance suscitée par le contexte de la prématurité (Lundqvist et al., 2007).

Lorsque l’on s’intéresse aux bénéfices de la MK spécifiquement auprès de la mère, on constate qu’elle favorise les liens et l’attachement mère-enfant, les affects positifs de celles-ci envers leur enfant (p. ex., le considérer moins différent), augmente son sentiment d’auto-efficacité quant à ses habiletés en tant que mère, et diminue le risque de symptômes dépressifs maternels (Barnett, Leiderman, Grobstein, & Klaus, 1970; Charpak et al., 2005). Également, prendre l’enfant en kangourou aide les mères à être plus sensibles, chaleureuses, adaptatives (bref, plus compétentes), et plus débrouillardes lorsque l’enfant a six mois d’âge corrigé (Feldman et al., 2002). De plus, il semble que la MK augmente l’apport en ocytocine générant une plus grande quantité de lait maternel (Feldman et al., 2002).

Les études quant aux effets de la MK se sont toutefois davantage attardées à la relation entre les mères et les bébés prématurés. Les pères n’ont que tout récemment fait l’objet de recherches à ce sujet et la plupart des études réalisées sont d’ordre qualitatif ou exploratoire (Blomqvist, Rubertsson, Kylberg, Jöreskog & Nyqvist, 2012; Olsson, Eriksson, & Anderzén-Carlsson, 2017). Il semble que les pères dans les UNSI ne se perçoivent pas comme le parent de leur enfant avant d’avoir été en mesure d’avoir un contact physique ou visuel avec ce dernier (Feeley, Sherrard, Waitzer, & Boisvert, 2013). Ainsi, la MK leur permettrait de créer un lien d’attachement avec le nouveau-né, de prendre confiance en leur rôle et leurs habiletés, de développer leur sentiment d’auto-efficacité et de les impliquer dans le développement de leur enfant (Blomqvist et al., 2012; Helth & Jarden, 2013; Tessier et al., 2009). Il semble important de reconnaître la place du père auprès de son enfant prématuré dans cette période importante et notamment lorsque la mère peut être difficilement impliquée dans les soins de l’enfant pour des raisons médicales (p. ex., césarienne) (Erlandsson, et al., 2007).

Les recommandations quant à la quantité d’heures souhaitables en position de la MK sont «le plus longtemps possible» et «au minimum 1 heure par jour» (Tallandini & Scalembra, 2006), notamment dans les programmes où il est impossible de les porter constamment. Dans certains pays, tels que la Colombie et le Vietnam, il est possible d’effectuer la MK 24 heures sur 24, puisque les parents peuvent rester à l’hôpital ou retourner à la maison avec leur bébé, en revenant à l’hôpital pour un suivi quotidien. Au Canada, la

(26)

durée du port en MK est d’une à trois heures par séance (Jefferies, 2012). Le port en MK se fait généralement jusqu’au moment où l’enfant atteint 37 semaines d’âge corrigé ou que le pédiatre juge bon de cesser la MK (Varela Pulido, 2016). Toutefois, la revue systématique de Chan, Labar, Wall, & Atun (2016) rapporte qu’il y a peu d’information dans la littérature sur la fréquence et la durée réelles du contact en MK et sur les critères spécifiques pour mettre fin à la MK. Plusieurs obstacles du côté du personnel soignant peuvent affecter à la mise en place de la MK, tels qu’une formation inadéquate, un malaise devant le processus, le peu de connaissances, le manque de temps ou de ressources du personnel hospitalier, ainsi que l’impression d’avoir une faible intimité et une réticence des parents (Jefferies, 2012).

Toutefois, on note que les parents ayant pratiqué la MK offrent un environnement familial plus stimulant et sensible aux besoins de l’enfant que ceux qui auraient seulement offert des soins standards en incubateur à leur enfant (Feldman et al., 2002). Mörelius, Örtenstrand, Theodorsson, & Frostell (2015) notent également que prendre le bébé en position kangourou de façon continue (durée de 24 heures), en alternant entre le père et la mère, diminue les conflits conjugaux et le stress parental, notamment chez les pères. Ces auteurs expliquent cela par le fait que les parents doivent travailler en équipe et partager des responsabilités. Cela favorise le soutien entre les deux partenaires, renforce leurs liens et engage davantage le père auprès de l’enfant. Ainsi, la MK favoriserait une relation plus égalitaire faisant une plus grande place du père auprès de son nouveau-né prématuré (Olsson et al., 2017).

Après recension de la littérature, il est à se questionner au sujet de l’accès du père à la MK dans le contexte hospitalier. La prématurité comporte beaucoup d’enjeux, non seulement pour l’enfant, mais aussi par rapport à la relation parent-enfant. Une façon de minimiser les risques de la prématurité est d’engager très tôt les parents auprès de leur enfant, soit dès ses premiers instants de vie. La méthode kangourou est une intervention utilisée depuis peu dans les UNSI du Québec. Celle-ci implique les parents et offre de nombreux bénéfices pour chacun. Toutefois, alors que les pères semblent susceptibles de vivre beaucoup de remise en question par rapport à leur compétence parentale dans ce contexte, il y a très peu d’étude quantitative sur la participation du père dans la MK et ses bénéfices lors de la sortie de l’hôpital et dans les mois qui suivent (Olsson et al., 2017). En plus, l’environnement

(27)

hospitalier, qui favorise davantage la mère, et le regard que pose la mère sur le père semblent affecter sa compétence parentale de même que son engagement envers celui-ci (Reis et al., 2017). Pour ces différentes raisons, il semble pertinent d’investiguer en quoi la prise du bébé en MK par le père peut prédire sa compétence parentale et son sentiment d’auto-efficacité ultérieurs, afin de mieux informer les interventions dans les UNSI envers les pères d’enfants prématurés.

Objectifs et hypothèses

Le premier objectif du présent projet est de déterminer si des aspects quantitatifs de l’expérience de prise en MK du père (fréquence et ratio par rapport à la mère) permettent d’expliquer son sentiment d’auto-efficacité (SAE), évalué au moyen d’un questionnaire autorapporté (à la sortie de l’hôpital et 3 mois plus tard), et sa compétence parentale, évaluée lors d’une tâche d’enseignement réalisée à domicile (3 mois après la sortie de l’hôpital). Il est attendu que plus la fréquence de prises en MK et la fréquence de prises en MK par rapport à la mère à l’hôpital d’un père seront élevées, plus celui-ci se percevra comme efficace et se montrera compétent en interaction avec son enfant.

Le deuxième objectif est de déterminer si des aspects de la relation conjugale (c.-à-d., satisfaction conjugale, qualité du soutien de la conjointe, présence ou absence de la conjointe lors de la tâche père-enfant) contribuent à expliquer le SAE et la compétence parentale du père. Il est attendu que la qualité de la relation avec la conjointe et/ou que sa présence lors d’une tâche père-enfant puisse contribuer à l’explication de son SAE et sa compétence parentale, mais également qu’ils puissent modérer les liens entre des aspects quantitatifs de l’expérience en MK du père et les mesures de compétence parentale subséquentes.

(28)

Chapitre 1 : Méthodologie

Participants

Les données de cette étude sont tirées de l’étude Père-Kangourou (Varela Pulido, 2016), réalisée par Natalia Varela Pulido et Réjean Tessier. L’échantillon comporte 55 pères d’enfants prématurés. Ces derniers ont été recrutés au Centre Mère-Enfant Soleil du CHUL de Québec. Le recrutement des participants a débuté en juillet 2013 et a pris fin en octobre 2014. Des données ont été amassées lors de visite à domicile jusqu’en mai 2015 auprès de ces mêmes pères. Les critères d’éligibilité incluent être un père d’un bébé prématuré âgé de 33 semaines de gestation et moins, ne jamais avoir porté un bébé en méthode kangourou auparavant ni celui de l’étude en cours, et enfin, être ou vivre en couple avec la mère du bébé. Pour des raisons éthiques, il n’était pas possible de répartir aléatoirement les pères sur la participation à la MK (c.-à-d. former des groupes avec et sans MK). Tous les participants ont choisi de faire la méthode kangourou, mais à une fréquence variable. Un total de 173 pères satisfaisait les critères d’inclusions lors du recrutement initial. Vingt-quatre n’ont pas voulu prendre part à l’étude, 80 n’étaient plus admissibles pour diverses raisons (p. ex., le bébé avait été pris kangourou avant le moment convenu, parents absents, problèmes de santé mentale nuisibles chez les parents) et 14 bébés sont décédés en cours d’étude. De ce fait, les données à l’hôpital sont disponibles pour 55 pères ayant tous pris leur bébé en kangourou à l’hôpital. De ce nombre, 42 ont complété des mesures à au moins une des deux phases d’évaluation subséquentes (lors de la sortie de l’enfant de l’hôpital et 3 mois plus tard). L’échantillon final du présent mémoire est donc constitué de ces 42 pères.

La moyenne d’âge des pères est de 33,0 ans (É.T. = 4,4). La scolarité moyenne de ces derniers est de 14,8 années d’études (É.T. = 3,4). Le revenu familial médian se situe entre 60,000$ et 89,000$ et il varie entre 30,000$ et 90,000$ et plus. Les pères travaillent en moyenne 44,3 heures par semaine (É.T. = 11,9). Au plan conjugal, 76,9 % des pères vivent en union de fait avec la mère de leur enfant, alors que les autres sont mariés. Ils sont en couple avec la mère de leur enfant depuis en moyenne 5,9 ans (É.T. =3,2). À la naissance, l’âge de gestation moyen des bébés est de 29,6 semaines (É.T. = 2,5) avec un poids moyen de 1252,4 grammes (É.T. = 448,1). Lors de la sortie de l’hôpital, le poids moyen des bébés est de

(29)

2481,7g (É.T. = 509,3). L’échantillon compte autant de filles (n = 21) que de garçons (n = 21). Le tiers des hommes (33,3 %) étaient déjà pères d’un autre enfant.

Instruments de mesure

Mesures quantitatives de l’expérience en Méthode Kangourou (MK). Après la

première prise en kangourou, les assistants remettent au père ainsi qu’à la mère deux copies de couleurs différentes d’une grille (Annexe A) conçue par l’équipe de recherche pour compiler les activités de prise en kangourou de chaque parent. Cette grille est à compléter à chaque fois que les parents prennent leur enfant en MK. Sur ces dernières, ils doivent préciser le moment et la durée de chaque période de contact peau à peau au courant d’une journée. Ces inscriptions sont répétées dans le temps jusqu’à la sortie de l’hôpital. Un suivi quotidien dans l’unité était effectué par les assistants de recherche afin de garantir une qualité dans la collecte de données rapportées par les parents. À partir des informations contenues dans les grilles remplies par les pères et les mères, deux valeurs ont été compilées et retenues pour les analyses : la fréquence de séances de prise en MK du père (nombre) pendant que l’enfant est hospitalisé et le ratio de la fréquence de séances de prise en MK du père par rapport à la fréquence de prise en MK par la mère (ratio père/mère).

Mesure du sentiment d’auto-efficacité (SAE). Le questionnaire sur le Sentiment de

Compétence Parentale est une traduction française réalisée par Charbonneau & Robitaille (1988), de la version originale anglaise Parenting Sense of Competence Scale créé par Gibaud-Wallston (1978). Celui-ci est composé de 19 items (Annexe B) pour lesquels le répondant indique son degré d’accord au moyen d’une échelle de réponses de type Likert à 6 points (1 = Tout à fait en désaccord à 6 = Tout à fait en accord). Des analyses factorielles réalisées sur la version francophone révèlent que l’instrument contient trois dimensions référant au sentiment d’auto-efficacité (SAE; 6 items), de satisfaction parentale (6 items) et de motivation/valorisation (5 items). Deux items ne sont attribués à aucune sous-échelle, car leurs corrélations avec les autres items étaient très faibles et leurs coefficients de saturation à l’analyse factorielle sont en dessous de 0,40 pour chacun des trois facteurs identifiés (Bolté, 1994). Puisque l’étude s’intéresse au SAE du père, seule la sous-échelle évaluant ce concept est retenue pour cette étude. Elle montre une cohérence interne acceptable avec un alpha de Cronbach de 0,72 (Bolté, 1994). Le score s’obtient par la moyenne des réponses aux six items.

(30)

Un score élevé indique un plus grand sentiment d’auto-efficacité dans le rôle de parent. Les pères ont complété cette mesure à trois reprises, soit avant le premier port en MK (alpha de Cronbach = 0,67, T1), à la sortie de l’hôpital (alpha = 0,64, T2) et à domicile, trois mois après la sortie (alpha = 0,68, T3). La cohérence interne notée dans cette étude est légèrement en dessous de celle rapportée par Bolté (1994). Cette dernière, qui reposait sur un échantillon de 126 parents, demeure un meilleur indicateur de la cohérence interne de la mesure à 6 items, limité dans le présent projet par le petit nombre de participants.

Mesure de la compétence parentale. Le Nursing Child Assessment Satellite Training

(NCAST) (Barnard, 1993) a été employé pour évaluer la tâche d’enseignement à laquelle pères et enfants ont pris part durant la visite à domicile effectuée trois mois après la sortie de l’hôpital. Le NCAST comporte une tâche standardisée, d’une durée variant entre 1 à 5 minutes, qui permet d’observer et évaluer la qualité de l’interaction parent-enfant dès la naissance du bébé allant jusqu’à l’âge de 3 ans (Sumner & Spietz, 1996). Au moment de la tâche, l’assistante de recherche demande au père de choisir entre six tâches d’enseignements.

Il doit choisir une tâche qu’il croit que l’enfant ne maîtrise pas déjà, c.-à-d., une tâche qui constituerait un nouvel apprentissage. Les trois premières sont adaptées pour un enfant âgé entre 0 et 3 mois (1. Tenir un hochet, 2. Suivre des yeux le hochet, 3. Imiter le parent qui sort la langue) et les autres pour un enfant âgé entre 3 et 6 mois (4. Atteindre le hochet, 5. Transférer un bloc d’une main à l’autre, 6. Serrer un jouet dans sa main). Le père doit placer son bébé devant lui et tenter de lui enseigner la tâche choisie. L’assistant lui précise qu’il n’est pas nécessaire que l’enfant réussisse la tâche, mais que le père doit essayer de lui apprendre du mieux qu’il le peut.

La grille d’évaluation NCAST comporte 73 items portant sur divers comportements à coter de façon dichotomique : oui/présent (1) ou non/absent (0). Les items sont divisés en quatre sous-échelles pour le parent et deux pour l’enfant. Les sous-échelles du parent considèrent la sensibilité aux signaux (11 items), la réponse à la détresse de l’enfant (11 items), la promotion du développement socioaffectif (11 items) et la promotion du développement cognitif (17 items). Les sous-échelles de l’enfant évaluent la clarté des indices (10 items) et la sensibilité au parent (13 items). Des scores élevés signifient une relation plus optimale dans les interactions, soit des affects positifs, de la synchronicité, la

(31)

présence de vocalisations, de réciprocité et de sensibilité. La validité et la fiabilité de cette mesure ont été établies (Sumner, & Spietz, 1996). De plus, cet outil discrimine les populations plus à risques de celles moins à risques, telles que les enfants prématurés et à terme (Barnard, Bee, & Hammond, 1984; Free, Russell, & Mills, 1989, cité dans Nakamura et al., 2000). Puisque le présent projet se centre sur la compétence du père, seules les évaluations des comportements du père sont prises en compte. Les scores pour les 4 sous-échelles sont calculés en additionnant le nombre d’items codifiés avec un oui/présent. Le score total a été calculé en additionnant les scores des quatre sous-échelles du père.

La codification des vidéos s’est effectuée en dyade. L’auteure du mémoire est la codificatrice principale et trois auxiliaires de recherche agissent comme codificateurs associés. La codificatrice principale et l’un des auxiliaires étaient appariés pour codifier l’ensemble des vidéos sur une sous-échelle donnée (deux sous-échelles par auxiliaire). Six à huit vidéos ont été codifiés en dyade. Les codifications ont été comparées et une discussion au sujet des désaccords, entre la codificatrice principale et l’auxiliaire, a servi à établir un consensus sur la codification de chaque vidéo et assurer une fidélité inter-juge de 90% pour chaque sous-échelle. Une fois ce degré de fidélité atteint, les 28 à 30 vidéos restants ont été codifiés de façon autonome par les auxiliaires de recherche.

Mesures de la relation entre le père et la mère de l’enfant. Trois mesures portent sur

la mère de l’enfant (conjointe du père). Deux évaluent la perception que le père a de sa relation avec sa conjointe : sa perception du soutien qu’elle lui offre et sa satisfaction conjugale. La troisième mesure évalue le risque d’influence de la mère sur le comportement du père pendant la tâche d’enseignement à domicile, par sa présence (passive ou intrusive) ou son absence du domicile pendant la tâche.

La perception du père quant à la qualité du soutien que lui procure sa conjointe est évaluée par l’Échelle des comportements interpersonnels de la conjointe (Bouchard & Lee, 2000), qui porte sur la perception que le père a du soutien de ses 3 besoins psychologiques fondamentaux par sa conjointe : autonomie (p. ex., «Ma conjointe respecte mon opinion lorsque nous prenons une décision concernant notre enfant», compétence (p. ex., Ma conjointe trouve que j’ai de bonnes habiletés parentales) et appartenance sociale (p. ex., «Ma conjointe est là lorsque j’ai besoin d’elle, comme parent». Selon la théorie de

Références

Documents relatifs

Quand l'érosion et le soulèvement des planchers a endommagé le sous-sol de bâtiments existants, on peut y remédier (a) en relevant artificiellement le niveau

Après avoir analysé les mécanismes mis à l’œuvre dans l’exclusion des autrices, dans le champ littéraire, et démontré, preuve à l’appui, la misogynie de ces

The upper plot shows the power spectrum where two clear maxima around 27 days are evident between days 230 and 340 and that indicate the simultaneous presence of these oscillations

L'analyse des contrastes indique que la méthode d'intervention augmente les comportements maternels alors que le risque social est moyen (p&lt;.05) ou élevé (p&lt;.05),

Le rapport 2010 du PNUD propose un nouveau calcul de l'IDH : les trois dimensions qui entrent dans le calcul de l'indice composite restent les mêmes (santé, éducation, niveau de

The objective of this study was to develop fermented camel milk using mesophilic lactic culture and to test the acceptability of the product in comparison with the traditional

En présence de l’inducteur, la chaine du transfert du phosphate se continue jusqu'à la phosphorylation du substrat et donc l’équilibre se déplace progressivement vers

L’originalité de ce test tient d’une part dans la complémentarité des souches fongiques étudiées : l’étude de leur développement permet de travailler sur