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Littératie et communication en santé : le poids des connaissances antérieures dans la compréhension

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Academic year: 2021

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MARIE-CHRISTINE LEBLANC

LITTERATIE ET COMMUNICATION EN SANTE

LE POIDS DES CONNAISSANCES ANTÉRIEURES DANS LA

COMPRÉHENSION

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en communication publique

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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Résumé

La promotion de la santé vise, entre autres, à fournir aux citoyens les ressources et les outils nécessaires pour qu'ils puissent prendre en charge leur santé et leur bien-être. Dans cette optique, les documents écrits sont un élément important permettant aux intervenants des milieux gouvernementaux, communautaires et hospitaliers d'accompagner les citoyens dans le maintien et l'amélioration de leur santé. Dans ce mémoire, la compréhension qu'ont les lecteurs des documents écrits est étudiée au regard du concept de littératie en santé, c'est-à-dire la capacité d'un individu de, tout d'abord, trouver l'information et, ensuite, de la traiter. La littératie en santé étant un concept englobant, un seul élément a été ciblé, soit les connaissances antérieures des lecteurs. Ainsi, la relation entre la compréhension qu'ont les lecteurs des documents écrits en santé et les connaissances antérieures a été vérifiée. L'étude de cette relation a été chapeautée par la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson qui met en évidence l'importance d'adapter le contenu aux caractéristiques des lecteurs. Le présent projet souligne donc l'importance d'adapter les documents écrits en santé au bagage de connaissances des lecteurs dans le but de faciliter la prise en charge de leur santé.

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Avant-propos

C'est maintenant le temps de mettre un point final à ce projet dans lequel je me suis investie quotidiennement pendant plus de deux ans. Ce chapitre de ma vie a été ponctué de rencontres inspirantes et d'expériences enrichissantes. De cette aventure, je retiens qu'en conjuguant le travail, la volonté et la persévérance à une bonne dose d'ambition, tous les rêves sont permis, mais surtout, tous les buts peuvent être atteints. Je tiens à remercier les personnes qui, sur le chemin de ma réussite, ont été déterminantes.

Isabelle Clerc, ma merveilleuse directrice, un énorme merci. Tu as su donner des ailes à mon projet. Merci d'avoir cru en moi. Merci de ta confiance. Cette passion des mots qui m'habitait déjà, tu l'as fait grandir et je te promets de toujours la garder bien vivante. Je tiens également à remercier Pénélope Daignault pour ses précieux conseils et June Marchand pour sa prélecture attentive.

Maman, papa, merci de m'avoir donné les outils nécessaires tant pour relever les défis que pour surmonter les obstacles. Maman, merci de ton écoute. Papa, merci pour les kilomètres parcourus. Je vous aime de tout mon cœur.

Zarah, merci d'être le soleil de ma vie.

Amé et Guylou, en plus d'être des meilleures amies extraordinaires, vous avez été de précieuses alliées. Merci de votre amitié inconditionnelle. Nath, ma jumelle cosmique, de notre amitié est née une complicité indéfectible. Merci ! Pour ta façon unique de faire de la gestion de crise, pour ton soutien, mais surtout, pour ton amitié, merci Emilie Dion Roy. Sarah, tous les cafés bus avec toi ont été d'une utilité inestimable. Merci, très chère collègue, pour tes judicieux conseils.

Un gros merci à tous ceux et celles qui ont été, de près ou de loin, les lanternes de ce chemin parfois peu éclairé.

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A Clara et Pierre-Luc, mes anges gardiens.

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Table des matières

Résumé ii Avant-propos... iii

Liste des tableaux. . .. ... .. ... viii

Liste des figures... ix

Introduction... . 1 Chapitre 1 : Problématique, questions et objectif de recherche.. .— 5

1.1 De l'alphabétisation vers la littératie 5

1.2 Enquêtes internationales 6 1.3 L'enjeu de la santé 8 1.4 L'angle de la cognition 11 1.5 Bagage de connaissances 12 1.6 Efficacité communicationnelle 13 1.7 Problématique de la pertinence 14

1.8 Questions, hypothèse et objectif de recherche 14

Chapitre 2 : Revue de la littérature... 16

2.1 Littératie 16 2.2 Littératie en santé 20 2.3 Compréhension en lecture 25 2.3.1 Les schémas 25 2.3.2 Définition conceptuelle 26 2.4 Connaissances antérieures 28 2.4.1 Définition conceptuelle 28 2.4.2 Le rappel et l'apprentissage 30 2.4.3 La compréhension 31

Chapitre 3 : Cadre théorique 34

3.1 Présentation de la théorie de la pertinence 34

3.2 Les notions de base 35 3.2.1 Faits manifestes 35 3.2.2 Hypothèses 36 3.2.3 Environnement cognitif 37

3.3 La communication ostensive-inférentielle 38 3.3.1 La communication ostensive 38

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3.3.2 Le processus inférentiel 39 3.4 La théorie de la pertinence 40

3.4.1 Principe de pertinence 41 3.4.2 Évaluation de la pertinence 42 3.4.3 Effets cognitifs et efforts de traitement 42

3.5 La compréhension guidée par le principe de pertinence 45

Chapitre 4 : Méthodologie 47

4.1 Devis de recherche 47 4.1.1 Avantages 47 4.1.2 Limites 48 4.2 Population et échantillon de recherche 48

4.2.1 Population 49 4.2.2 Échantillonnage 49 4.3 Sélection de l'outil de communication 51

4.4 Instrument de mesure 52 4.4.1 Mode d'administration 52

4.4.2 Contenu des questionnaires 53

4.4.3 Prétest 57 4.5 Démarche d'analyse des résultats 57

4.5.1 Préparation du fichier 57

4.5.2 Description du pointage 57 4.5.3 Échelles utilisées 58

Chapitre 5 : Présentation et analyse des résultats 60

5.1 Profil des répondants 60 5.2 Résultats sommaires 60 5.3 Analyse par domaine d'études 62

5.3.1 Profil des deux groupes de répondants 63 5.3.2 Résultats au questionnaire de connaissances 64 5.3.3 Résultats au questionnaire de compréhension 66

5.3.4 Mise en relation des deux questionnaires 69

Chapitre 6 : Discussion 75

6.1 Interprétation des résultats à la lumière de la revue de la littérature et du cadre théorique 75

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6.3 Limites du projet 79 6.4 Pistes de recherche futures 80

Conclusion... ... 82

Bibliographie... ... 84

Annexe A : Questionnaire 1... ... ... ... ...91

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Liste des tableaux

Tableau 1 - Répartition des répondants selon le nombre de points obtenus dans les questionnaires

de connaissances et de compréhension 61 Tableau 2 - Répartition des répondants selon les niveaux de connaissances et de compréhension

62 Tableau 3 - Moyenne du total de points au questionnaire de connaissances selon le domaine

d'études 64 Tableau 4 - Répartition des deux groupes de répondants selon le niveau de connaissances 66

Tableau 5 - Moyenne du total de points au questionnaire de compréhension selon le domaine

d'études 67 Tableau 6 - Répartition des deux groupes de répondants selon le niveau de compréhension 69

Tableau 7 - Répartition des niveaux de compréhension des étudiants en nutrition selon le niveau

de connaissances 72 Tableau 8 - Répartition des niveaux de compréhension des étudiants en communication publique

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Liste des figures

Figure 1 - Répartition des deux groupes de répondants selon le pointage obtenu au questionnaire

de connaissances 65 Figure 2 - Répartition des deux groupes de répondants selon le pointage obtenu au questionnaire

de compréhension 68 Figure 3 : Répartition des répondants selon le niveau de connaissances et de compréhension 74

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Introduction

La communication occupe une place prépondérante dans le domaine de la santé, autant dans la sphère publique que privée. Cette place tend à prendre davantage d'importance depuis quelques années, particulièrement grâce à la promotion de la santé. Les intervenants des milieux gouvernementaux, communautaires et hospitaliers tentent de plus en plus de promouvoir une bonne communication avec les citoyens au sujet de la santé et du bien-être. Or, les citoyens ne sont pas tous en mesure de prendre part activement à cette communication. Selon le Conseil canadien sur l'apprentissage (CCA), « 6 adultes canadiens sur 10 ne possèdent pas les compétences pour répondre adéquatement à leurs besoins en santé » (2008 : En ligne). Les lacunes associées au manque de compétences en lecture et en écriture se manifestent fréquemment lors de situations de la vie quotidienne telles que lire la posologie d'un médicament, choisir un aliment plutôt qu'un autre, se renseigner sur un traitement ou une maladie, etc. Ainsi, un nombre important de citoyens n'est pas en mesure de participer à cet échange que tentent d'installer les principaux acteurs sociaux dans le domaine de la santé. Les citoyens n'ont pas tous la capacité de trouver et de comprendre l'information dans le but ultime de prendre des décisions éclairées par rapport à leur santé et à leur bien-être. Par exemple, « des chercheurs à Montréal ont trouvé que les dépliants dans les bureaux des médecins étaient écrits pour des personnes capables de lire à un niveau correspondant presque à la douzième année. La plupart des patients avaient pourtant un niveau de littératie beaucoup plus bas » (Petch et al., 2004 : En ligne). Les concepts, en pleine expansion, de littératie et de littératie en santé prennent tout leur sens dans cette perspective. En effet, la littératie est la capacité d'un individu de, tout d'abord, trouver l'information et, ensuite, de la traiter. Le niveau de littératie d'un individu dépend de plusieurs facteurs tels que le niveau de scolarité, le bagage de connaissances, la familiarité du sujet, etc. Les définitions conceptuelles de la littératie et de la littératie en santé seront d'ailleurs présentées ultérieurement puisque ces deux concepts sont inhérents au présent projet.

Étant donné que les résultats issus des enquêtes internationales sur la littératie ont démontré qu'environ 60 % des Canadiens n'atteignent pas le seuil minimal sur l'échelle de la littératie en santé et, donc, se retrouvent fréquemment confrontés à des situations pour lesquelles ils ne sont pas outillés, différentes pistes d'action ont été développées par rapport au faible niveau de

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littératie en santé. Il y a deux principaux pôles d'action : l'éducation des patients et la communication. D'une part, des stratégies sont établies pour tenter de hausser le niveau de littératie des Canadiens. Des groupes d'experts issus de domaines variés et des professionnels de la santé travaillent conjointement à établir des mesures qui permettraient de hausser le niveau de littératie dans des groupes ciblés de personnes. Ils cernent les obstacles et proposent des solutions, mais surtout, ils créent des programmes d'éducation des patients dans le but de voir augmenter le niveau de littératie de ces derniers. D'autre part, de la documentation adaptée au faible niveau de littératie des Canadiens est produite dans le but de les outiller. Les rédacteurs professionnels ont pour mission de produire des documents compréhensibles par le public à qui ils sont destinés. Ces deux pôles d'action convergent toutefois dans la même direction. L'objectif commun des professionnels de la santé et des rédacteurs est à la fois de fournir aux citoyens les outils nécessaires à la prise en charge de leur santé et de les accompagner dans ce processus d'autonomie.

L'avenue choisie dans ce projet est l'amélioration de la documentation mise à la disposition des citoyens. Alors qu'une quantité immensurable de documents destinés au grand public sont produits chaque année, l'évaluation de ceux-ci est beaucoup moins fréquente. Les documents, aussi audacieux et colorés soient-ils parfois, ne semblent pas toujours remplir leur fonction première, c'est-à-dire informer les citoyens. À ce propos, l'évaluation de la compréhension qu'ont les destinataires de ces documents tarde à gagner en importance. Pourtant, il serait primordial de s'assurer que l'information transmise soit bien comprise. L'efficacité d'un texte s'évalue par des critères de lisibilité et d'intelligibilité , mais au-delà des caractéristiques du texte, il importe de considérer la façon dont le texte est compris par les lecteurs. Ainsi, l'étude des documents écrits peut être envisagée de deux points de vue : celui de la production ou celui de la réception. Le pôle de la production s'intéresse principalement à la façon dont sont conçus et rédigés les documents écrits tandis que le pôle de la réception s'intéresse à la façon dont sont compris les documents par les lecteurs. La réception sera la voie d'étude empruntée dans le présent mémoire.

1 « La lisibilité du texte, dans son acception la plus simple, est un score permettant d'évaluer la facilité de lecture

d'un écrit en regard de barèmes résultant de la compilation de données linguistiques sur la construction d'une phrase » (Beaudet, 2001 : 7).

« L'intelligibilité d'un text

compréhension la plus exacte possible » (Préfontaine et Lecavalier, 1996 : 99).

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Dans cette optique, le concept de littératie est parfaitement adapté au projet, car il dépend directement des caractéristiques personnelles des lecteurs qui influencent la compréhension que ces derniers ont de l'information écrite. Dès lors, il semble pertinent de vérifier comment le concept de littératie permet d'envisager la compréhension des documents écrits sous un angle nouveau. La documentation destinée aux citoyens relève de plusieurs domaines. Les documents écrits provenant du domaine de la santé sont les outils de communication visés dans le cadre de ce mémoire puisque la problématique de la littératie en santé est particulièrement déterminante d'un point de vue social, comme en témoignent les résultats issus des enquêtes internationales sur la littératie. À ce sujet, le rapport du CCA souligne qu'une population qui affiche un niveau satisfaisant de littératie est possiblement prédisposée « à une meilleure santé, à des systèmes d'éducation plus efficaces, à une participation accrue à la vie sociale et à la démocratie » (2007a :

102). La pertinence sociale du projet sera davantage explicitée dans la problématique lors de la présentation sommaire des résultats des enquêtes internationales sur la littératie.

Au regard du concept de littératie, l'étude de la compréhension des documents écrits dans le domaine de la santé par les lecteurs aurait pu être faite sous différents angles. Il est ici question de la relation entre les connaissances antérieures, un des facteurs associés au niveau de littératie, et la compréhension de l'information écrite par les lecteurs. Plus précisément, le présent mémoire traite de la relation entre les différents types de connaissances inexistantes, exactes, inexactes -et la compréhension qu'ont les lecteurs des documents écrits relatifs à la santé.

Le premier chapitre présente la problématique de la littératie d'abord dans une perspective globale en s'appuyant sur les résultats des enquêtes internationales sur la littératie. La problématique est ensuite resserrée au domaine de la santé, enjeu central du présent projet. Puis, la compréhension des documents en santé est située par rapport à l'angle de la cognition, au bagage de connaissances des lecteurs et à l'efficacité communicationnelle. La problématique se conclut avec la formulation des questions, de l'hypothèse et de l'objectif de recherche.

La revue de la littérature des concepts clés qui structurent ce projet - littératie, littératie en santé, compréhension en lecture et connaissances antérieures - fait l'objet du deuxième chapitre.

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Différentes études et définitions sont présentées afin d'ancrer chacun des concepts importants dans la littérature et d'établir un cadre conceptuel rigoureux.

Dans le troisième chapitre, le cadre théorique sur lequel s'appuie ce mémoire est exposé, soit la théorie de la pertinence de Dan Sperber et de Deirdre Wilson (Relevance : Communication and cognition, 1986). Les notions de base inhérentes à la compréhension de cette théorie telles que l'environnement cognitif et la communication ostensive-inférentielle sont d'abord expliquées. Ensuite, les grands principes de la théorie basée sur les efforts de traitement et les effets cognitifs sont présentés. La compréhension guidée par le principe de pertinence est finalement décrite. Le quatrième chapitre fait état de la méthodologie du projet. Le devis mixte de recherche est premièrement présenté. Suivent la sélection de l'échantillon et le choix de l'outil de communication. Les deux questionnaires ayant servi d'instruments de mesure sont ensuite exposés en détail. La démarche d'analyse des résultats conclut ce chapitre.

La présentation et l'analyse des résultats font l'objet du cinquième chapitre. Dans un premier temps, un portrait général des répondants est tracé et, dans un deuxième temps, les résultats sont présentés, d'une part, sommairement et, d'autre part, en détail, par groupe de répondants. La comparaison des résultats à la fin de ce chapitre soulève quelques pistes d'explication qui sont davantage expliquées au chapitre suivant.

Le sixième chapitre, enfin, présente la discussion des résultats les plus déterminants à la lumière des concepts centraux et du cadre théorique choisi dans le but de proposer des explications possibles. Les limites du projet sont ensuite soulevées ouvrant ainsi la voie à des pistes de recherche futures.

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Chapitre 1 : Problématique, questions et objectif de

recherche

Dans ce premier chapitre, la problématique sera d'abord située dans un contexte social par le biais des enquêtes internationales sur la littératie. Il sera ensuite question de l'enjeu de la santé, de l'angle choisi, soit la cognition, du bagage de connaissances des lecteurs et de l'efficacité communicationnelle. La problématique de la pertinence sera également abordée brièvement puisque celle-ci est au cœur du cadre théorique développé dans le troisième chapitre. Finalement, les questions, l'hypothèse et l'objectif de recherche guidant le projet seront exposés.

1.1 De l'alphabétisation vers la littératie

La compréhension des lecteurs a longtemps été associée, et l'est même encore dans certains cas, à la capacité à lire et à écrire ; il s'agit du niveau d'alphabétisme. Cette conception restrictive de la compréhension renvoie à la définition de l'alphabétisation : « Habileté ou compétence dans l'utilisation du code écrit» (Legendre, 2005 : 41). Le concept d'alphabétisation, ainsi défini, suggère une catégorisation dichotomique : ceux qui savent lire et ceux qui ne savent pas lire. Par ailleurs, avant l'apparition du concept de littératie, le terme « alphabétisation » a longtemps été considéré comme la traduction française de literacy3. Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que le

concept de littératie a commencé à être couramment utilisé : « Le concept apparaîtra pour la première fois en français en 1985 (Giasson etal., 1985), mais il faudra attendre 1991 pour qu'une revue accepte de lui consacrer un premier article, puis un numéro spécial (Pierre, 1991) » (Pierre, 2003 : 123). La confusion entre alphabétisation et littératie va toutefois au-delà de la querelle terminologique. Le rapport à la réalité de ces deux concepts diffère autant par la définition que par l'usage. L'alphabétisation divise les gens en deux groupes, soit les alphabètes et les analphabètes. Elle propose ainsi une vision très restrictive de l'apprentissage et de la

3 « Le terme "alphabétisme" a été adopté dans les milieux francophones d'éducation des adultes au Canada après la

publication du rapport canadien de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA), rapport dont le titre en français est Lire l'avenir : un portrait de l'alphabétisme au Canada (Statistique Canada, 1996). Dans le rapport international de VEIAA, en français, on a préféré le terme "littératie" (Organisation de coopération et de développement économiques et Statistique Canada, 1995) à celui d'alphabétisme. Les termes "alphabétisme" ou "littératie" ont un sens distinct de celui d'"alphabétisation", alors qu'en anglais, le terme literacy est utilisé pour désigner l'alphabétisme et l'alphabétisation. De plus, en français, le terme "alphabétisation" est peu utilisé pour parler de l'apprentissage du lire, de l'écrire, du compter des enfants, alors que literacy l'est beaucoup plus souvent » (Bélisle, 2004: 166).

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compréhension. La littératie, quant à elle, se traduit par des compétences sociales. Plusieurs définitions de la littératie ont été proposées au cours des dernières années. Un certain nombre d'entre elles seront exposées en détail dans le deuxième chapitre. Néanmoins, la définition retenue au sens de ce projet est la suivante : « La littératie se définit comme la capacité d'un individu de capter l'information, de la traiter et d'agir selon son bagage et les facteurs qui conditionnent cette capacité dans un domaine en particulier » (Clerc et al, 2009 : 10). De ce fait, le niveau de littératie d'un individu dépend de ses caractéristiques personnelles comme son âge et son niveau de scolarité, mais aussi de ses connaissances antérieures, de son attitude envers la lecture et du contexte social dans lequel il évolue.

Le concept de littératie permet ainsi de repenser la problématique de l'alphabétisation, en tenant compte des facteurs épistémologiques, historiques, sociaux, politiques, idéologiques, linguistiques et psychologiques qui déterminent l'appropriation de l'écrit par les individus et les sociétés (Pierre, 2003 : 125).

Dès lors, lorsqu'il est question de la compréhension des lecteurs, il ne s'agit plus seulement du niveau d'alphabétisme, c'est-à-dire la capacité à lire et à écrire, mais bien du niveau de littératie qui, lui, sous-tend un ensemble de compétences sociales et de connaissances qui s'inscrivent sur un continuum.

1.2 Enquêtes internationales sur la littératie

Dans le but de tracer un portait global des compétences des citoyens de différents pays en matière de littératie, de numératie4 et de résolution de problèmes5, des enquêtes internationales ont été

mises sur pied. Afin d'interpréter correctement les résultats que révèlent ces enquêtes, il faut tout d'abord comprendre la définition de la littératie sur laquelle elles s'appuient : « La littératie est la capacité d'utiliser des imprimés et des écrits nécessaires pour fonctionner dans la société, atteindre ses objectifs, parfaire ses connaissances et accroître son potentiel » (CCA, 2005 : 200). De prime abord, cette définition ne suggère pas la prise en compte du bagage de connaissances des individus et d'une panoplie d'autres facteurs, psychologiques et sociaux, par exemple, dans l'évaluation des compétences. Il s'avère aussi important de comprendre comment le niveau de littératie a été mesuré et, ainsi, d'interpréter les résultats en fonction du contexte artificiel dans

4 « Traitement de l'information mathématique présente dans des activités de la vie courante (établir le solde d'un

compte de chèques, calculer un pourboire, etc.) » (Institut de la statistique du Québec, 2003 : 2).

5 « Approche visant à prendre des mesures concrètes dans des tâches complexes pour lesquelles il n'y a pas de

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lequel ces données ont été recueillies, c'est-à-dire dans un contexte d'évaluation. Les répondants avaient des tâches précises à réaliser dans un contexte fabriqué aux fins de l'évaluation. Les mêmes tâches, inscrites dans le quotidien des sujets, auraient probablement donné des résultats différents. Dans la réalité, en effet, les gens pallient leurs difficultés en ayant recours à l'oral ou en demandant de l'aide à quelqu'un. Néanmoins, les résultats révélés par VEnquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (ElACA) réalisée en 2003, qui s'appuie sur la précédente, soit VEnquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA) réalisée en 1994, mettent en lumière le faible niveau de littératie des Canadiens.

Dans le cas présent, il sera seulement question des deux échelles de littératie : compréhension de textes suivis6 et compréhension de textes schématiques . Ces deux échelles sont divisées en cinq

niveaux allant de 1 (faible) à 5 (élevé). À cet effet, Statistique Canada a défini le niveau 38 de

littératie comme le seuil souhaitable «permettant de comprendre et d'utiliser l'information contenue dans des textes » (2005b : En ligne). Les résultats canadiens de l'EIACA de 2003 ont démontré que 42 % des Canadiens âgés de 16 à 65 ans n'atteignent pas le niveau 3 aux échelles de textes suivis et de textes schématiques. C'est donc dire que neuf millions de Canadiens âgés de 16 à 65 ans, selon l'enquête, n'ont pas les connaissances et les compétences suffisantes pour traiter et comprendre des textes suivis comme des nouvelles, des dépliants et des manuels d'instruction ainsi que pour situer et utiliser l'information présentée de façon schématique dans des formulaires, des cartes et des tableaux. Les résultats de 2003 sont comparables à ceux révélés par l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes de 1994 puisque les échelles utilisées sont sensiblement les mêmes, mis à part quelques éléments qui ont été modifiés ou ajoutés. Force est de constater qu'il y a eu peu d'amélioration en ce qui a trait au niveau de littératie des Canadiens entre 1994 et 2003. Par exemple, « pour la population canadienne de 16 ans et plus, le résultat moyen dans le domaine des textes suivis s'est établi à 270 [niveau 2] en 1994 et à 272 [niveau 2] en 2003 » (Statistique Canada, 2005b : En ligne). Cette absence de différence porte à croire qu'il y a encore du travail à faire pour aider les millions de Canadiens

6 « Compréhension et utilisation de l'information contenue dans des éditoriaux, des reportages, des brochures, des

dépliants, des manuels, etc. » (Institut de la statistique du Québec, 2003 : 2).

7 « Repérage et utilisation de l'information contenue dans des tableaux, des diagrammes, des cartes géographiques,

etc. » (Institut de la statistique du Québec, 2003 : 2).

8 « Une personne dont les compétences correspondent à un niveau donné maîtrise non seulement les tâches associées

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qui n'atteignent pas le seuil minimal sur l'échelle de la littératie et qui doivent donc quotidiennement faire face à des situations pour lesquelles ils ne sont pas outillés. Il semble alors inévitable de nous demander quelles sont les répercussions sociales d'une population affichant un niveau de littératie aussi bas.

La littératie revêt sa pertinence sociale dans son impact sur l'environnement global dans lequel évoluent les Canadiens. Par exemple, le rapport État de l'apprentissage au Canada : Pas le temps de s'illusionner du Conseil canadien d'apprentissage (CCA) avance qu'« une hausse de 1 % dans les niveaux de littératie peut se traduire par une augmentation de 1,5 % du PIB par habitant ainsi qu'une amélioration de 2,5 % de la productivité de la main-d'œuvre » (2007a : 102). La relation de cause à effet n'est cependant pas directe puisqu'un nombre élevé d'autres facteurs, comme la pauvreté et l'isolement, sont impliqués. Il est tout de même possible de croire que le niveau de littératie d'une population a certes, dans une certaine mesure, des répercussions sur sa situation socio-économique. Dès lors, une population ayant un niveau de littératie moyen près du seuil souhaitable établi est potentiellement prédisposée à afficher une meilleure santé globale, à des systèmes de santé et d'éducation plus fonctionnels et à une participation active des citoyens à la vie sociale (CCA, 2007a). La santé et le bien-être sont aussi des sphères touchées à la fois directement et indirectement par la question du niveau de littératie. « Une analyse des liens entre la littératie en santé et l'arthrite, le diabète, la consommation abusive d'alcool, l'hypertension artérielle, les blessures, le stress et l'asthme pour chacune des régions sociosanitaires du Canada présente des constatations fort intéressantes » (CCA, 2008 : 16). Il semblerait que le nombre de cas de diabète, par exemple, diminue lorsque le niveau de littératie par rapport à la santé augmente (CCA, 2008). Une fois de plus, diverses raisons peuvent expliquer une baisse du nombre de cas de diabète, le niveau de littératie en santé étant l'une de celles-là. De ce fait, la santé semble un élément très important dans la problématique générale de la littératie.

1.3 L'enjeu de la santé

Les chercheurs ont commencé à s'intéresser au lien potentiel entre la littératie et la santé vers la fin des années 1980. Ces nouvelles recherches axées sur l'enjeu de la santé au regard de la littératie ont fait en sorte que la littératie en santé a fait son chemin dans les années 1990 pour finalement devenir, dans le contexte actuel, un objet d'étude important. « Le nombre d'études et

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d'éditoriaux portant sur la littératie parus entre 2000 et la fin de 2006 a plus que doublé comparativement à la période de 1970 à 1999. Dans l'ensemble, la documentation traitant de près ou de loin de la littératie en santé est composée de quelque 1 000 articles » (CCA, 2007a : 11). En raison de cet intérêt marqué et de son importance sociétale, la littératie associée aux questions de santé et de bien-être est devenue plus qu'une simple application de la littératie au domaine de la santé. D'ailleurs, chaque domaine où la littératie est utilisée donne lieu à un contexte bien particulier. « Les activités au sein de ces domaines ne sont pas le fait du hasard et ne varient pas de façon aléatoire : il existe des configurations particulières de pratiques de l'écrit, il y a des façons d'agir habituelles adaptées à des événements de littératie dans des contextes particuliers » (Barton et Hamilton, 2010 : 49). À ce propos, la littératie en santé est maintenant une problématique à part entière.

La problématique de la littératie en santé a été intégrée à l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes de 2003. L'ajout de l'échelle de la littératie en santé a fait l'objet d'un processus fastidieux afin de rendre compte le plus représentativement possible de l'éventail des activités et des comportements liés à la santé dans la vie de tous les jours (CCA, 2007c). Les résultats de la population canadienne sur l'échelle de la littératie en santé s'apparentent à ceux concernant la littératie présentés plus tôt. Toutefois, VEIACA démontre qu'« un plus grand nombre de Canadiens affichent un niveau plus faible de littératie en santé (60 %) que de littératie (48 %) » (CCA, 2008 : 2). Par conséquent, six adultes sur dix se situent sous le seuil minimal de 3 sur l'échelle de la littératie en santé et n'ont pas les aptitudes requises pour traiter et comprendre les messages relatifs à la santé. La littératie en santé s'inscrit, elle aussi, sur un continuum de compétences sociales. Elle représente « the degree to which individuals have the capacity to obtain, process, and understand the basic health information and services needed to make appropriate health decisions » (Institute of Medicine, 2004 : 20). Cette définition suggère que la littératie en santé dépend également du bagage personnel des individus. De plus, la notion de prise de décisions que reflète cette définition souligne que le processus de lecture qu'implique la littératie en santé n'est pas une fin en soi. Ce n'est pas le processus de lecture en tant que tel qui est ciblé, mais bien les conséquences qui y sont rattachées, c'est-à-dire les décisions prises par un individu à la suite de la compréhension qu'il a d'un document relié à

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sa santé. Conséquemment, la littératie en santé est définie dans un contexte bien particulier où les enjeux sont considérables.

Les activités de promotion et de prévention de la santé et la compréhension du système de santé lui-même, s'accompagnant généralement de documents écrits, représentent un défi de taille pour les millions de Canadiens qui n'ont pas les aptitudes nécessaires pour comprendre ces documents. A cet effet, « les personnes qui éprouvent des difficultés de lecture sont aussi celles qui risquent davantage d'avoir des problèmes de santé » (Dorval et al, 2010 : 7). Qui plus est, le rapport du CCA indique que le niveau de littératie pourrait influer directement sur la santé d'un individu : « De faibles niveaux de littératie peuvent entraîner des conséquences directes comme le mauvais usage de médicaments, la non-conformité aux directives médicales [...] en raison de l'incapacité de comprendre les modes d'emploi et les mises en garde » (CCA, 2007a : 106). Il faut toutefois relativiser le poids de ces liens de cause à effet, car plusieurs autres déterminants sociaux, culturels ou économiques doivent être considérés. Par ailleurs, il semblerait que les personnes ayant un faible niveau de littératie en santé sont généralement désavantagées.

Elles sont mal renseignées sur les questions d'ordre général liées à la santé, connaissent peu les services de santé préventive et sont donc moins nombreuses à y recourir, ont un taux d'hospitalisation plus élevé et davantage plus de difficulté à utiliser efficacement le système de soins de santé (CCA, 2007a : 106).

Lorsqu'ils ne peuvent pas pallier leurs difficultés par l'oral ou par l'entraide, les individus affichant un faible niveau de littératie sont plus à risque de ne pas comprendre les documents écrits relatifs à la santé et donc, de prendre des décisions inappropriées quant à leur santé. Or, dans le contexte actuel où divers changements s'opèrent dans le système de santé et où les coûts reliés aux soins de santé ne cessent d'augmenter, les citoyens sont appelés à prendre davantage en charge leur santé et leur bien-être. Par exemple, l'autogestion9, qui implique une participation

active du patient, est de plus en plus valorisée dans les établissements de santé. Toutefois, pour s'autogérer, les patients doivent avoir les aptitudes leur permettant de comprendre l'information transmise. « Une partie des patients auxquels on demande de s'autogérer appartiennent aux catégories de la population les plus susceptibles de souffrir de lacunes sur le plan de la littératie » (CCA, 2007c : 3). De fait, cette demande d'autonomie grandissante entraine une hausse des

9 « L'autogestion comprend toutes les tâches qu'une personne atteinte d'une maladie chronique ou plus peut faire

pour mener une existence correcte, y compris acquérir la confiance en soi nécessaire pour se prendre en charge et pour gérer les aspects médicaux et émotionnels de sa ou de ses pathologies » (CCA, 2007c : 3).

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compétences requises pour naviguer dans le système de santé. Il apparaît alors essentiel de nous demander comment il est possible pour les Canadiens de comprendre les documents écrits dans le domaine de la santé dans le but de prendre des décisions appropriées en matière de santé et de bien-être, considérant que la population canadienne affiche un faible niveau de littératie.

1.4 L'angle de la cognition

L'étude de la compréhension des activités de traitement de l'information, c'est-à-dire les processus cognitifs qui entrent enjeu lorsqu'un lecteur tente de comprendre des documents écrits, semble représenter une piste de solution qui permettrait d'améliorer le rapport entre la production des documents relatifs à la santé et la réception de ceux-ci par les lecteurs. Qu'en est-il de la problématique de la littératie en santé si elle est abordée sous l'angle de la cognition? Quel est le rôle du bagage de connaissances des lecteurs dans la compréhension qu'ils ont de l'information écrite dans le domaine de la santé?

La psychologie cognitive, qui a pour but d'étudier la cognition, est une sous-discipline de la psychologie. L'étude de la cognition, soit la faculté mobilisée lors de nombreuses activités mentales comme la mémorisation et la compréhension (Lemaire, 2006), établit les processus cognitifs qui permettent de réaliser certaines tâches. Par exemple, dans le cas de la compréhension de textes, Lemaire explique qu'il n'est pas suffisant de dire qu'un individu comprend un texte. « Il est nécessaire de dire par quelle suite de processus la compréhension d'un texte est réalisée » (2006: 14). L'activation de schémas est un des processus associés à la compréhension en lecture. Les schémas sont des structures cognitives logées dans la mémoire à long terme (MLT) qui participent au processus de compréhension. Un texte présente généralement plusieurs informations implicites que le lecteur doit reconstruire à partir de sa connaissance générale du monde.

Comprendre un texte, c'est donc mettre en œuvre toute une série de traitements cognitifs qui vont permettre de rétablir les informations implicites [...] et de gérer la construction macrostructurale en faisant intervenir différents types de schémas présents dans les représentations préalables du lecteur (Coirier et a i , 1996 : 62).

L'intérêt de l'approche cognitive en littératie s'appuie sur cette notion de schéma qui conduit à nous demander ce que le lecteur se représente lors de la lecture d'un texte. L'angle de la cognition implique un questionnement par rapport aux schémas qui sont activés lors de la lecture

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d'un texte donné. Ainsi, les informations organisées en schémas représentent un bagage de connaissances qui peut influencer le traitement de nouvelles informations. De ce fait, il apparaît pertinent de vérifier le rôle du bagage de connaissances dans la compréhension en lecture, plus précisément, dans le cas présent, dans la compréhension des documents écrits en santé.

1.5 Bagage de connaissances

Le concept de littératie, tel que mentionné précédemment, dépend de plusieurs caractéristiques personnelles des individus. La caractéristique retenue dans le cadre du présent projet est les connaissances antérieures puisqu'il a été démontré que le bagage de connaissances des lecteurs doit être considéré dans l'étude de la compréhension en lecture. Selon Sorin, les connaissances antérieures, sommairement, représentent « les informations dont disposent les destinataires sur le sujet traité dans l'énoncé ou le texte» (1996: 70). Elles sont composées d'un ensemble d'informations, d'idées, de représentations, de concepts, d'images, d'expériences, etc. (Legendre, 2005). Ces connaissances sur des faits, des concepts, des êtres, des choses, sont emmagasinées dans la mémoire à long terme au fil des expériences. Le bagage de connaissances d'un individu est donc composé de ce qu'il sait au préalable.

Bartlett (1932) a été le premier à mettre en lumière l'importance de la contribution du lecteur lors d'un acte de compréhension. Il a également été un des premiers à développer la notion de schéma cognitif. Le concept de schéma, expliqué en détail dans le deuxième chapitre, a été repris par plusieurs auteurs au fil des ans et a permis de démontrer que les connaissances antérieures d'un individu organisées sous forme de schémas sont un des facteurs importants à considérer dans le processus d'apprentissage (Ausubel, 1968 ; Schneider et al, 1989). Dans cette optique, selon Gurlitt et Renkl, les connaissances antérieures sont : « The learner's content knowledge related to the domain studied, which is present before the implementation of a particular instruction » (2009: 418). Dans un contexte d'apprentissage, l'individu traite l'information selon les connaissances qu'il possède au préalable. Par exemple, Weinert et Helmke (1998) ont souligné la corrélation entre les connaissances préalables et l'apprentissage des mathématiques. Le rôle des connaissances antérieures a également été démontré dans le processus de mémorisation et de rappel des idées. Les travaux de Spilich, Vesonder, Chiesi et Voss (1979) ont révélé qu'un niveau de connaissances préalables suffisamment élevé par rapport au domaine de référence permet un

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meilleur rappel du texte. Les connaissances antérieures sont donc un important facteur à considérer dans l'apprentissage et la mémorisation (Bransford et Johnson, 1972). Or, dans le cas présent, comment le bagage de connaissances d'un individu est-il actualisé lors de l'acte de compréhension? En 1996, selon Coirier et al, les travaux traitant de l'activation des connaissances antérieures au cours de la compréhension en lecture étaient assez rares. Pourtant, l'intérêt particulier porté au bagage cognitif des lecteurs ouvre une voie nouvelle à l'amélioration de la communication écrite en santé. Dans une perspective contemporaine, où la problématique de la littératie en santé est un enjeu capital, le bagage de connaissances des individus est manifestement un concept à considérer dans la compréhension en lecture. Qui plus est, la propension à s'adapter au bagage du lecteur est un élément prépondérant dans l'atteinte de l'efficacité communicationnelle maximale des documents produits.

1.6 Efficacité communicationnelle

L'efficacité communicationnelle est une finalité, c'est-à-dire qu'elle représente l'objectif principal visé par le destinateur. L'importance de tenir compte du destinataire lors de la production de documents relève de cette notion. « Une communication réussie est une communication qui produit l'effet voulu sur le récepteur » (Clerc et Kavanagh, 2006 : 24). À ce propos, afin de maximiser les chances de réussite de l'acte de communication, il semble inévitable de prendre en considération les caractéristiques des destinataires. « L'efficacité communicationnelle est fonction de l'adaptation du texte (ou document) au bagage du lecteur (son profil, ses compétences, ses croyances, sa motivation, etc.) et à son processus de lecture » (Beaudet et Clerc, 2008 : En ligne). Par ailleurs, la définition proposée par Cardinal illustre bien la relation entre l'efficacité communicationnelle et deux des éléments centraux — les intentions de communication et l'effort de traitement — de la problématique de la pertinence abordée dans le cadre théorique. « L'efficacité communicationnelle peut être définie comme le seuil de réussite attendu d'un acte de communication entre un destinateur qui a des intentions de communication et un destinataire qui fournit un effort de traitement pour comprendre le message qui lui est transmis » (Cardinal, 2004 : En ligne). De fait, la notion d'efficacité communicationnelle s'inscrit aussi bien dans la problématique de la littératie que dans la réflexion théorique guidée par le principe de pertinence.

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1.7 Problématique de la pertinence

Il a été établi précédemment que la compréhension en lecture est le résultat d'une interaction entre le texte et le lecteur, et, qu'ainsi, les caractéristiques du lecteur comme celles du texte doivent être considérées. D'une part, « les connaissances et les objectifs du lecteur influencent la manière dont celui-ci détermine ce qui est pertinent, formule des attentes et infère des faits qui ne sont pas directement établis dans le texte » (Reed, 1999 : 417). D'autre part, les schémas mentaux qui sont activés lors du processus de compréhension sont déterminés par les informations présentes dans le texte. De ce fait, le traitement associé à de nouvelles informations dépend du texte, mais également de la pertinence qu'accorde le lecteur à celles-ci en fonction de son bagage de connaissances. L'activation des structures de connaissances déjà existantes selon la pertinence accordée aux nouvelles informations relève de la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson (Relevance : Communication and cognition, 1986). Cette théorie pragmatique cognitive de la communication est tout à fait appropriée dans le cadre du présent mémoire puisque le bagage de connaissances des lecteurs, ce que Sperber et Wilson appellent l'environnement cognitif, s'inscrit dans la problématique de la pertinence. Selon Sperber et Wilson, chaque individu a un environnement cognitif différent et il faut en tenir compte. Cet environnement cognitif, soit la représentation du monde et les hypothèses assimilées antérieurement, est l'élément central autour duquel s'articulera le cadre théorique exposé dans le troisième chapitre.

1.8 Questions, hypothèse et objectif de recherche

Dans le contexte de la problématique exposée dans les précédents points, les questions de recherche que nous posons sont les suivantes :

Y a-t-il une relation entre le niveau de connaissances antérieures et la compréhension qu'ont les lecteurs de l'information écrite dans le domaine de la santé?

Quelle est la relation qui unit les différents types de connaissances antérieures — inexistantes, inexactes, exactes — et la compréhension qu'ont les lecteurs des documents écrits dans le domaine de la santé?

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Dans le but de répondre aux questions de recherche, l'hypothèse suivante est proposée : Plus les sujets ont un niveau élevé de connaissances antérieures exactes, meilleure sera leur compréhension. La variable indépendante est le niveau de connaissances et la variable dépendante est le niveau de compréhension. Cette hypothèse semble la plus adéquate par rapport à la fois à la problématique et aux études connexes qui ont été menées. L'hypothèse sera justifiée au regard des définitions conceptuelles des notions centrales de ce projet, de la revue de la littérature et de la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson.

Afin de vérifier cette hypothèse de recherche, nous nous donnons l'objectif de recherche suivant :

Décrire la relation entre les différents types de connaissances antérieures — inexistantes, inexactes, exactes — et la compréhension qu'ont les lecteurs des documents écrits dans le domaine de la santé.

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Chapitre 2 : Revue de la littérature

Ce deuxième chapitre présente une revue de la littérature circonscrite, c'est-à-dire relevant uniquement des domaines pertinents du point de vue de l'angle de recherche, sur les quatre principaux concepts — littératie, littératie en santé, compréhension en lecture, connaissances antérieures — dans le but de définir un cadre conceptuel adéquat.

2.1 Littératie

L'émergence du concept de littératie a permis de repenser la problématique de l'alphabétisation (Pierre, 1991) en associant l'appropriation de l'écrit à des compétences sociales qui se construisent dans un environnement influencé par des facteurs politiques, idéologiques, économiques, etc. Si l'alphabétisation est définie comme un ensemble de connaissances langagières, la littératie représente plutôt un bagage de compétences cognitives et sociales. La confusion, voire la querelle, terminologique entre les concepts d'alphabétisation et de littératie a émergé d'un problème de traduction, comme il a été mentionné précédemment, mais également d'une problématique d'usage. « Traditionnellement, la littératie a fait référence à la capacité de lire, de comprendre, et d'utiliser l'information. Cependant, la signification du terme s'est élargie pour englober une gamme de connaissances, de compétences et d'habiletés » (Statistique Canada, 2008 : En ligne). Dans cette perspective, le concept de littératie est devenu, par son usage, davantage englobant que celui d'alphabétisme. La littératie s'est ainsi développée pour devenir un concept « élastique » (Whalen, 2004) qui dépend d'une panoplie de caractéristiques personnelles et de facteurs sociaux. De ce fait, plusieurs définitions de la littératie ont été proposées au fil de cette évolution. Certaines de ces définitions seront présentées dans le but de confronter différentes orientations, mais aussi dans l'optique de tracer un portrait global de la construction conceptuelle de la littératie. Ces définitions convergeront finalement vers une seule définition qui, elle, sera la pierre angulaire de ce projet.

Il existe sans aucun doute une multitude de définitions de la littératie. Cette pluralité est justifiée, d'une part, par la complexité à circonscrire ce concept en des termes précis et univoques. D'autre part, la multiplicité des définitions est apparue à cause des transfonnations qui se sont opérées graduellement dans la conception même de la littératie. Ces changements dans la façon

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d'entrevoir la littératie ont mené à une évolution conceptuelle. Malgré l'avancement qu'ont permis les nouvelles propositions définitoires, des définitions restrictives et arbitraires de la littératie perdurent et, de ce fait, entretiennent la confusion terminologique. À cet effet, la définition de la littératie proposée par VEncyclopedic Dictionary of Semiotics, Media, and Communications est plutôt simpliste : « To read and write a language at some level of proficiency» (Danesi, 2000 : 134). Dans un même ordre d'idées, le Grand dictionnaire terminologique présente la littératie simplement comme un bloc de connaissances que doivent posséder les individus pour fonctionner en société : « Ensemble des connaissances en lecture et en écriture permettant à une personne d'être fonctionnelle en société » (OQLF, 2002 : En ligne). Les deux définitions précédentes démontrent la persistance d'une dichotomie réductrice : ceux qui savent lire et ceux qui ne savent pas lire. Le concept de littératie est toutefois beaucoup plus nuancé et complexe. D'ailleurs, cette nuance est abordée par VEncyclopaedia Britannica.

It is common to think of literacy as the simple ability to read and write. Such thinking is in part a consequence of the naive assumption that alphabetic literacy is a matter simply of decoding graphs into sounds and vice versa. In fact, literacy involves competence in reading, writing, and interpreting texts of various sorts. It involves both skill in decoding and higher levels of comprehension and interpretation (2011 : En ligne).

La distinction avancée par Y Encyclopaedia Britannica soulève un point important quant à la complexité du concept. L'habileté à lire et à écrire fait, certes, partie de la littératie, mais n'en est pas pour autant son unique fondement. Ainsi, il ne faut pas seulement construire la définition par rapport à l'aspect fonctionnel relié aux aptitudes. Il faut plutôt considérer la littératie comme un bagage de connaissances et de compétences sociales qui s'inscrivent sur un continuum. Cette notion de continuum, définie par / 'Office québécois de la langue française (OQLF) comme un « objet ou phénomène dont on ne peut considérer une partie que par abstraction » (1978 : En ligne), illustre bien le caractère non dichotomique de la littératie. Au sens du concept de littératie, le continuum représente un ensemble de capacités, de connaissances et de compétences qui ne peuvent être isolées les unes des autres. « Le continuum de capacités est en soi un bagage acquis par un individu tout au long de sa vie, à partir de ses expériences scolaires, sociales, relationnelles, politiques, etc. » (Cardinal, 2004: En ligne). Ainsi, la littératie ne se développe pas à un moment précis dans la vie d'un individu, mais bien tout au long de sa vie et surtout, dans des contextes variés.

Literacy is no longer seen as an ability that is developed during the early school years, but is instead viewed as an advancing set of skills, knowledge, and strategies that individuals build on throughout their lives in various contexts and through interaction with their peers and with the larger communities in which they participate OCirsch, 2001 :4).

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La notion de contexte a fait évoluer le concept vers une conception à caractère plus social : « Literacy has evolved from a basic ability to read and write, [...] and has extended to recognize culture, context, and language » (Mancuso, 2008 : 248). De ce fait, la littératie est ancrée socialement. Plus encore, selon Rassool, la littératie prend tout son sens dans la société. « Literacy obtains meaning within society and culture » (Rassool, 2003 : 49). Conséquemment, la notion de compétences sociales, qui a élargi les frontières du cadre conceptuel de la littératie, est indissociable du concept lui-même.

La littératie se développe ainsi dans un contexte social où se produisent des interactions qui ne sont pas négligeables puisque celles-ci participent au renforcement des compétences d'un individu. D'ailleurs, une des raisons exprimées par Harris et Hodges pour expliquer la difficulté à déterminer une seule définition de la littératie renvoie au contexte social : « The dual referents of literacy, individual and social » (1995 : 140). Cette dualité se manifeste par les échanges entre les individus, mais aussi par l'interaction entre l'individu et la société. La relation entre l'individu et la société à laquelle il prend part doit être prise en compte puisque le contexte social influence le développement des connaissances, mais également les transformations au sein de la représentation du concept de littératie. « Views about the uses and value of literacy for the individual and society, as well as definitions of literacy, are altered as societies undergo political, cultural, and technological changes » (Rassool, 2003 : 50). Les changements qui ont lieu dans une société font évoluer, directement ou indirectement, les compétences nécessaires pour fonctionner dans celle-ci. L'évolution, qu'elle soit politique, économique, culturelle ou technologique, entraîne son lot de nouveaux défis pour les citoyens et ceux-ci s'inscrivent généralement dans la problématique de la littératie. Rassool avance quelques-uns de ces défis relevant du progrès technologique : « The multimodal features of virtual reality and hypertext environments, [...] the fact that the author-text-reader relationship has been restructured [...], the immediacy of interaction offered by information technology » (2003 : 59). L'avènement des technologies est un exemple qui illustre bien le parallèle entre les changements qui surviennent dans la société et ceux qui s'effectuent dans la définition de la littératie. C'est donc dire que le concept de littératie se modifie simultanément avec les nouveaux enjeux de la société.

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Dans un autre ordre d'idées, si la littératie était auparavant considérée comme un ensemble de connaissances, principalement à cause de la confusion avec l'alphabétisme, elle est maintenant envisagée comme une capacité. « La capacité représente la possibilité qu'a un individu de traiter l'information et de réaliser une action en fonction à la fois de son bagage stocké en mémoire et des multiples facteurs qui conditionnent sa capacité d'agir » (Clerc et a l , 2009: 8). Cette nouvelle conception souligne l'imbrication de sous-concepts importants qui permettent de définir adéquatement la littératie et, ainsi, de mettre fin, du moins en partie, au flou conceptuel. De fait, le « bagage stocké en mémoire » est l'un de ces sous-concepts et ne peut être ignoré lorsqu'il est question de la notion de capacité. Le bagage d'un individu se construit dans un contexte social et par conséquent, « le bagage repose sur des acquis (familiaux, scolaires, professionnels, socioculturels, etc.) obtenus par un contact régulier avec des connaissances, des comportements, des croyances, des valeurs » (Clerc et a l , 2009 : 9). L'ensemble des acquis n'est toutefois pas le seul élément qui conditionne la capacité. Plusieurs facteurs comme le niveau de scolarité, l'attitude envers la lecture et le statut socioéconomique favorisent la capacité d'un individu ou lui font obstacle. Dans la mesure où la notion de capacité sous-tend des concepts inhérents à la littératie, elle doit être centrale dans la définition du concept.

À la lumière des précédents constats, la définition de la littératie qui sera retenue dans le présent projet est la suivante : « La littératie se définit comme la capacité d'un individu de capter l'information, de la traiter et d'agir selon son bagage et les facteurs qui conditionnent cette capacité dans un domaine en particulier » (Clerc et al, 2009 : 10). Cette définition illustre en tous points les notions centrales de la vision de la littératie adoptée dans ce mémoire, c'est-à-dire la capacité, les facteurs qui influencent cette dernière ainsi que le bagage de connaissances. Il importe de préciser que la notion « agir » ne sera pas traitée dans le présent projet puisqu'il n'est pas question des actions posées ultérieurement par l'individu, mais bien de sa compréhension de l'information. Le dernier segment de la définition retenue, « dans un domaine en particulier », sera abordé dans la section suivante puisque ce mémoire circonscrit, en effet, un domaine précis, soit la santé.

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2.2 Littératie en santé

La définition de la littératie qui a été retenue démontre que la littératie peut s'inscrire dans un contexte précis où les enjeux sont circonscrits à un domaine particulier. Dans le présent mémoire, il sera question de la littératie dans le domaine de la santé puisque, comme il a été exposé dans la problématique, les enjeux reliés à la littératie en santé sont considérables. À l'instar du concept de littératie, plusieurs définitions de la littératie en santé ont été proposées. Certaines d'entre elles seront présentées dans cette section afin de pouvoir, au final, cerner la définition la plus pertinente au sens de l'objectif de ce projet.

La littératie en santé est apparue dans les années 1970 dans le domaine de l'éducation (Speros, 2005). Plus précisément, en 1974, le terme « health literacy » a été utilisé pour la première fois dans l'article Health Education as Social Policy, dans un sens toutefois très différent de son sens contemporain. Un peu plus tard, au début des années 1980, une étude menée par Leonard Doak, Cecelia Doak et Jane Root, traitant de l'écart entre le matériel produit en santé et la compréhension de celui-ci par les individus (Speros, 2005), a ouvert la voie à des études abordant la littératie en santé dans une optique sémantiquement plus cohérente avec le discours entretenu aujourd'hui. Malgré cela, peu de références à la littératie en santé se retrouvent dans la littérature des années 1980 (Speros, 2005). Ce n'est que dans les années 1990 que les études en littératie dans le domaine de la santé ont commencé à émerger. Plusieurs articles ont été publiés à propos, par exemple, des besoins d'une population affichant un faible niveau de littératie, des stratégies pour améliorer le bilan du niveau d'alphabétisme, etc. (Weiss et al, 1991, 1994, 1995 ; Mayeaux et al, 1996). Ces études axées sur la santé ont cependant été restreintes au cadre imposé par les précédentes études en littératie. En d'autres mots, la littératie en santé était envisagée comme tm sous-aspect de la littératie et non comme un champ d'études distinct. « None referred to health literacy as a unique or distinct concept » (Speros, 2005 : 635). Bien que le concept de littératie en santé soit davantage complexe que la simple application du concept de littératie à un contexte sanitaire, la littératie en santé est devenue un objet d'étude à part entière seulement vers la fin des années 1990. L'utilisation de la littératie en santé comme un concept distinct de la littératie a soulevé un débat et, par conséquent, la définition de ce concept est devenue problématique.

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Au même titre que la littératie, la littératie en santé a d'abord été définie par rapport à la capacité de répondre aux exigences des activités quotidiennes, dans ce cas-ci, liées à la santé et au bien-être. D'ailleurs, en 1999, VAmerican Medical Association (AMA) définit la littératie en santé comme « the constellation of skills, including the ability to perform basic reading and numerical tasks required to function in the health care environment » (553). À cette époque, ce type de définition basée sur des actions comme lire un billet de rendez-vous, comprendre la posologie d'un médicament, suivre des indications préalables à une consultation médicale, etc. est fréquent. La littératie en santé, ainsi définie, suggère le transfert des capacités de base, c'est-à-dire lire, écrire et compter, au domaine de la santé. Par conséquent, cette définition réduit le concept à la sphère individuelle. Speros souligne d'ailleurs que la définition de Y AMA est incomplète, car elle ne tient pas compte des autres aspects du concept. « It fails to take into account the broader scope of health literacy beyond health care settings [...] It also fails to address the concept's relation to verbal communication, social interaction, and capacity to act » (2005 : 635). Dans l'optique où plusieurs aspects doivent être retenus, la littératie en santé est un concept multidimensionnel (Dray et Papen, 2004 ; Mancuso, 2008). De ce fait, comme le soulignent Dray et Papen, la littératie en santé ne peut pas être réduite aux aptitudes à lire, à écrire et à compter. « Health related practices involving texts cannot be usefully conceptualised as a set of reading and writing skills alone » (2004: 313). La conception de la littératie en santé proposée par ces auteurs est donc plutôt englobante.

Parmi les dimensions qui composent les différentes définitions, l'interaction sociale revient fréquemment. « It is more appropriate to think of health literacy (i.e. the practices and social relationships around written health texts) as being situated within institutional structures, which both shape and are shaped by each other» (Dray et Papen, 2004 : 314). Ainsi, la définition conceptuelle de la littératie en santé doit rendre compte de l'interaction entre l'individu et la société dans laquelle il évolue, mais aussi des interactions avec le système de santé. « Health literacy depends on the relationship between individual communication capacities, the health care system, and the broader society » (Baker, 2006 : 878). La prise en compte des structures relatives à la santé est importante puisque les citoyens sont appelés à être de plus en plus responsables par rapport à leur santé. La complexité du système de santé tend à conférer plus d'autonomie aux individus. « En plus de la complexité générale des systèmes de santé au Canada, les nouvelles

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tendances comme l'auto-prise en charge et la pratique médicale centrée sur le patient présentent leurs propres défis » (Rootman et Gordon-el-Bihbety, 2008 : 30). Qui plus est, selon Kontos, aux changements dans la façon de naviguer dans le système de santé, il faut ajouter les innovations technologiques, car celles-ci entrainent de nouveaux obstacles. « The need for a health-literate public has become more critical than ever because of rapid innovations in biomedical sciences [...] that promotes involvement of the patients in medical decisions » (Kontos, 2008 : En ligne). La littératie en santé se développe donc sur les plans individuel et collectif parallèlement aux transformations dans le système de santé.

La littératie en santé, définie en regard des caractéristiques individuelles d'un individu, mais également selon les interactions de celui-ci avec la société et les structures régissant le domaine de la santé, suggère une constante évolution. D'ailleurs, Mancuso stipule que cette évolution est sans fin. « Health literacy is a process that evolves over one's lifetime » (2008 : 250). De la même manière, Berkman et al. (2010) estiment que la notion de dynamisme est inévitable dans la définition de la littératie en santé, principalement dans une optique de développement. À cet effet, les auteurs font référence à la définition proposée par Zarcadoolas et ses collaborateurs : « Health literacy is the wide range of skills, and competencies that people develop to seek out, comprehend, evaluate, and use health information and concepts to make informed choices, reduce health risks, and increase quality of life » (2006: 55). Selon Berkman et al, cette définition illustre bien le dynamisme du concept de littératie en santé. Dans cette perspective, la littératie en santé n'est pas un concept statique. L'évolution s'opère principalement en fonction des expériences et des choix faits par un individu, et ce, dans l'espace d'une vie. En matière de santé, les choix sont souvent interreliés à la notion de décision. Cette dernière est d'ailleurs fréquemment présente, implicitement ou explicitement, dans les définitions de la littératie en santé. « Implicit in many of the broad concepts of health literacy is the view that obtaining, processing and understanding basic health information is intrinsically connected to "appropriate health decisions" » (Peerson et Saunders, 2009: 289). Les décisions associées à la compréhension qu'ont les lecteurs d'un document écrit, par exemple, peuvent être déterminantes pour leur santé et, par conséquent, la dimension de prise de décision est importante dans la définition conceptuelle.

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Dans un autre ordre d'idées, il y a, dans la littérature, des définitions davantage orientées vers la promotion de la santé comme celle du World Health Organization (WHO) : « Health literacy represents the cognitive and social skills which determine the motivation and ability of individuals to gain access to, understand, and use information in ways that promote and maintain good health » (1998 : En ligne). Cette définition suggère que l'objectif de la compréhension n'est pas uniquement centré sur la santé de l'individu, mais également sur la promotion de la santé, relevant de la sphère collective. Ainsi, la promotion de la santé est en enjeu supplémentaire. Dans la lignée de la définition du WHO, celle de Rootman et Gordon-el-Bihbety met également en évidence la promotion de la santé. « La capacité de trouver, de comprendre, d'évaluer et de communiquer l'information de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de la vie » (Rootman et Gordon-el-Bihbety, 2008 : 13). Cette dernière mise toutefois sur la promotion de la santé au plan individuel. Par ailleurs, cette définition soulève un autre élément important. Afin d'être en mesure de comprendre l'information relative à la santé, il faut tout d'abord la trouver, pour ensuite la traiter et la comprendre. À cet effet, la définition de Y Institute of Medicine est représentative de cette série d'actions : « The degree to which individuals have the capacity to obtain, process and understand basic health information and services needed to make appropriate health decisions » (2004: 20). Plusieurs auteurs ont analysé, parfois critiqué, cette définition. Celle-ci fera donc, dans le cadre de cette proposition conceptuelle, l'objet d'une analyse approfondie.

Dans une perspective congruente avec la revue de la littérature exposée ci-dessus, Wolf et al. reconnaissent que la définition de Y Institute of Medicine illustre les multiples dimensions de la littératie en santé. « Although this definition clearly suggests that health literacy is a multifaceted concept » (2009 : 276). Dans une analyse plus approfondie, Nutbeam souligne, dans un premier temps, la présence de l'aspect social. « The Institute's definition goes on to recognize the social context of health decision-making » (2008 : 2973). Plus encore, Nutbeam estime que la définition met bien en évidence les interactions sociales qui font partie de la littératie en santé. « It also emphasizes that health literacy is context specific and subject to influence by health care interactions and structures such as the way in which services are organized and delivered » (2008 : 2973). Il est finalement question, dans l'analyse de Nutbeam, de la notion de capacité qui, selon lui, illustre le développement de la littératie en santé. « This conceptualization of health

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literacy as a set of capacities also implies that health literacy is partly knowledge based, and may be developed through educational intervention » (2008 : 2973). Baker avait fait, en 2006, un constat semblable : «[...] present health literacy as a set of individual capacities that allow the person to acquire and use new information » (878). Dans la même optique, Kontos précise que la définition de Y Institute of Medicine va au-delà de la vision simpliste de la littératie en santé. « This definition goes beyond one's ability to read and identify health terms ; it speaks more to one's ability to access health information, effectively navigate the information to retrieve relevant information, and then ultimately act on this information » (2008 : En ligne). Cette observation souligne, une fois de plus, l'importance des nombreuses dimensions rattachées au concept qui vont au-delà de la capacité à lire et à écrire.

Plus récemment, Berkman et al. ont proposé des modifications à la définition de YInstitute of Medicine. Le sens général de la définition a été conservé, mais de nouveaux termes ont été suggérés. « The degree to which individuals can obtain, process, understand, and communicate about health-related information needed to make informed health decisions » (Berkman et al, 2010 : 16). Ils ont tout d'abord remplacé « have the capacity to », qui, pour eux, semblait trop axé sur l'intelligence, par « can ». Ils ont ensuite ajouté « communicate about » dans le but d'inclure les compétences à l'oral. Les auteurs ont retiré le terme « basic » qui leur semblait trop restrictif. « Limiting the expectation of the health information and services individuals have the capacity to use to "basic" may be misconstrued as there being a ceiling on the difficulty of decisions » (Berkman et al, 2010: 16). Une autre modification considérable est la substitution du terme « appropriate » par « informed ». L'objectif de ce changement est d'éviter les erreurs d'interprétation. « The term "appropriate" risks being misinterpreted to mean that there is one best decision for a particular person or situation » (Berkman et al, 2010 : 16). Ce dernier élément est pertinent au regard de la traduction de la définition de YInstitute of Medicine qui a été faite par Rootman et Gordon-el-Bihbety : « La mesure dans laquelle les individus ont la capacité d'obtenir, de traiter et de comprendre l'information de base sur la santé et les services afin de pouvoir prendre des décisions appropriées en matière de santé » (2008 : 13). « Appropriate health decisions » a été traduit par « décisions appropriées en matière de santé », ce qui suggère une subjectivité associée aux décisions prises par les individus. À cet effet, Berkman et ses collaborateurs ont remplacé « appropriées » par « informées ». En somme, malgré quelques

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Tableau 1 - Répartition des répondants selon le nombre de points obtenus dans les  questionnaires de connaissances et de compréhension
Tableau 2 - Répartition des répondants selon les niveaux de connaissances et de  compréhension
Figure 1 - Répartition des deux groupes de répondants selon le pointage obtenu au  questionnaire de connaissances
Tableau 4 - Répartition des deux groupes de répondants selon le niveau de connaissances
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