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L'appréhension des marques non traditionnelles par le droit des maques : approche comparatiste franco-canadienne

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Academic year: 2021

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L'appréhension des marques non traditionnelles par le

droit des maques : approche comparatiste

franco-canadienne

Mémoire

Maîtrise en droit - avec mémoire

Sara Ettaoumi

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL. M.)

et

,

Master (M.)

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Résumé

Notre mémoire de maîtrise porte sur l’appréhension des marques non traditionnelles par le régime du droit des marques français et canadien. L’objectif de ce travail est de démontrer que les marques atypiques n’ont pas la place qu’elles méritent au sein du droit des marques en France comme au Canada. A l’aire des nouvelles technologies, les entreprises redoublent d’efforts pour imaginer des moyens innovants afin d’attirer de nouveaux consommateurs et de fidéliser leur clientèle. Ainsi, depuis plusieurs années, de nouveaux types de marques font progressivement leur apparition dans le domaine du marketing. En effet, les marques traditionnelles, c’est-à-dire verbales et figuratives, laissent peu à peu la place à des marques non traditionnelles sollicitant d’autres sens que la vue. Jusqu’ici, les régimes de droit des marques français et canadien n’accordaient aucune protection à ces nouvelles sortes de marques. Toutefois, l’adoption de nouvelles législations européennes et canadiennes semble ouvrir une porte pour accueillir les marques atypiques. Finalement, nos recherches montrent que l’accueil offert aux marques non traditionnelles pourrait bien s’avérer n’être qu’une illusion et que des difficultés subsistent quant à leur acceptation.

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Abstract

Our master's dissertation focuses on the understanding of non-traditional trademarks in the French and Canadian trademark law system. The objective of this work is to demonstrate that atypical trademarks do not have the place they deserve in French and Canadian trademark law. In the age of new technologies, companies are intensifying their efforts in order to imagine innovative ways to attract new consumers and build their loyalty. Thus, for several years, new kinds of brands have gradually been emerging in the marketing field. Indeed, traditional trademarks, i.e. verbal and figurative trademarks, are progressively giving way to non-traditional trademarks, which require senses other than sight in order to be perceived. Until recently, French and Canadian trademark law did not grant any protection to these new categories of trademarks. However, the adoption of new European and Canadian legislation seems to open a door to the accommodation these atypical brands. Nevertheless, our research shows that the acceptance of non-traditional trademarks may well end up being an illusion, as difficulties remain regarding their acceptance.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Des régimes de droit des marques classiquement destinés aux signes visuels ... 10

I. Des conceptions empêchant l’intégration des marques non traditionnelles ... 10

A. La notion de marque dans les régimes de propriété industrielle français et canadien ... 10

B. La reconnaissance unanime des signes visuels en tant que marque ... 13

II. L’exigence de représentation graphique en droit des marques français ... 18

A. Une condition préalable à la protection par le droit des marques ... 18

B. Un critère faisant obstacle à l’enregistrement des marques atypiques ... 20

C. L’acceptation de l’enregistrement du signe sonore à titre de marque ... 23

III. L’exigence d’emploi en droit des marques de commerce canadien ... 27

A. Une condition de fond pour obtenir l’enregistrement de la marque de commerce 27 B. Une condition faisant barrière à l’enregistrement des marques atypiques ... 29

C. L’admission de la marque sonore comme marque de commerce ... 31

Chapitre 2 : Vers une potentielle reconnaissance législative des marques non traditionnelles ... 37

I. La progressive apparition des signes non visuels dans le paysage du droit des marques ... 37

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B. Les marques non conventionnelles dans les conventions internationales ... 39

C. Les marques atypiques à l’échelle nationale ... 42

II. La possible acceptation des marques non traditionnelles en droit des marques de l’Union européenne ... 44

A. L’adoption de la réforme du « Paquet-Marques » ... 44

B. L’abolition de l’exigence de représentation graphique ... 47

III. L’ouverture de la nouvelle Loi canadienne sur les marques de commerce aux marques non conventionnelles ... 52

A. La redéfinition de notions fondamentales du droit des marques de commerce ... 52

B. La suppression de la condition d’emploi de la marque de commerce ... 55

Chapitre 3 : Les obstacles persistants quant à l'admission des signes non visuels en tant que marque ... 57

I. L’adoption de nouvelles conditions limitant l’enregistrement des marques atypiques ... 57

A. La consécration des conditions de la jurisprudence Sieckmann en droit de l’Union européenne ... 57

B. Les barrières créées par les exigences de distinctivité et de non-fonctionnalité de la marque ... 63

II. Les perspectives d’avenir des marques non traditionnelles ... 71

A. L’impossibilité d’enregistrer des marques non visuelles à défaut de solution efficiente ... 71

B. L'exemple de l'accueil offert aux marques non conventionnelles par le droit des marques de commerce des États-Unis ... 75

Conclusion ... 80

Bibliographie ... 83

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Remerciements

Je tiens avant tout à remercier mes directeurs de recherche Madame et Monsieur les Professeurs Sophie Verville et Antoine Latreille pour avoir accepté de diriger mon mémoire et m’avoir guidé durant la réalisation de cette étude. Je les remercie également pour leur disponibilité, leur aide ainsi que pour les précieux conseils qu’ils ont su me prodiguer.

Je souhaite remercier Madame le Professeur Charlaine Bouchard pour ses commentaires et suggestions opportuns lors de l’atelier de présentation.

Mes remerciements vont à Madame le Professeur Alexandra Bensamoun pour m’avoir donné la chance d’intégrer ce double diplôme et de vivre cette expérience unique.

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mes parents qui m’ont soutenu et encouragé tout au long de mon parcours académique.

Je remercie enfin mes chères colocataires et camarades de master qui m’ont conseillé et ont contribué à alimenter ma réflexion pendant la rédaction de mon mémoire.

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Introduction

La propriété intellectuelle désigne « les créations à valeur ajoutée de l’intellect humain qui découlent de l’ingéniosité, de la créativité et de l’esprit d’invention humains »1. Elle confère un droit de propriété portant sur un objet intellectuel, incorporel, immatériel. Ce droit comporte deux versants imprégnés de logiques différentes : la propriété littéraire et artistique et la propriété industrielle. Cette dernière, rattachée au domaine de l’industrie, offre une protection portant notamment sur les inventions brevetées, les signes distinctifs2, les dessins et modèles industriels ainsi que les indications géographiques.

La catégorie des signes distinctifs regroupe les moyens phonétiques ou visuels servant d’outils de ralliement de la clientèle tels que la marque. Le droit des marques est un droit d’occupation lié au commerce et à la concurrence. Il ne s’agit pas d’un droit de création puisqu’il n’a pas pour objet de protéger des créations innovantes. L’acquisition d’une marque permet au titulaire de détenir un titre de propriété sur un signe qui accompagne un produit ou un service.

La marque est un signe distinctif qui permet d’identifier les produits ou services d’une entreprise pour les distinguer de ceux de ses concurrents. Sa fonction consiste alors à désigner la source des produits ou services. Dans l’exercice du commerce, le commerçant a besoin de cet instrument pour différencier son entreprise des autres. L’acquisition d’un tel signe a pour objectif de fidéliser une clientèle, la marque lui servant de signe de ralliement.

1 Définition issue du site de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle : Christopher M Kalanje,

« Le rôle de la propriété intellectuelle et la conception de nouveaux produits », en ligne : OMPI <https://www.wipo.int/sme/fr/documents/ip_innovation_development.htm> (consulté le 27 avril 2019).

2 Nous utiliserons tout au long de notre développement la terminologie « signe distinctif » au sens du Traité

de Singapour. En vertu de l’article 2 de l’ancienne Loi sur les marques de commerce canadienne, la notion de « signe distinctif » correspondait soit au « façonnement des produits ou de leurs contenants », soit « au mode d’envelopper ou empaqueter des produits » permettant la distinction des produits ou services provenant du titulaire du signe distinctif de ceux des autres. Mais la catégorie des « signes distinctifs » a été abrogée par la nouvelle Loi sur les marques de commerce (entrée en vigueur le 17 juin 2019) qui reprend désormais la conception du « signe distinctif » selon le Traité de Singapour. Les « signes distinctifs » au sens de l’ancienne loi ont été intégrés dans la nouvelle définition du « signe » et continuent à être enregistrables à ce titre.

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Par conséquent, les marques sont des actifs incorporels qui revêtent aujourd’hui une valeur considérable pour les entreprises et qui font partie de leur capital intellectuel.

En droit français, la marque est définie par l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle de 1992, disposant que « la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe distinctif susceptible de représentation graphique, servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale »3. En droit canadien, la marque de commerce est définie par l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce de 1985 comme « selon le cas : a) signe ou combinaison de signes qui est employé par une personne ou que celle-ci projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, ses produits ou services de ceux d’autres personnes; b) marque de certification »4.

Traditionnellement, les signes qui composent la marque sont perceptibles visuellement. Le dénominateur commun liant les régimes de droit des marques français et canadien est la reconnaissance des marques verbales et les marques figuratives. Les marques verbales se caractérisent par des mots, des noms, des chiffres et autres symboles alors que les marques figuratives sont formées de logos, dessins ou étiquettes.

Or avec la révolution technologique, les entreprises ne cessent de développer de nouvelles méthodes pour communiquer avec leur potentielle clientèle et attirer de nouveaux consommateurs. C’est pourquoi on assiste désormais à l’émergence de nouveaux types de marques : les « marques dites non traditionnelles », aussi appelées « marques atypiques » ou « marques non conventionnelles ». Elles sont qualifiées de « non traditionnelles » parce qu’elles « heurtent les catégories auxquelles le praticien du droit des marques est habitué »5. Ces marques représentent des voies à explorer pour les acteurs économiques qui souhaitent se distinguer davantage de leurs concurrents et valoriser leurs portefeuilles de marques.

3 Code de la propriété intellectuelle (CPI), 19e éd, coll. Codes Dalloz Professionnels, Paris, Dalloz, 2018, art.

L. 711-1.

4 Loi sur les marques de commerce (LMC), LRC 1985, ch T-13, art. 2, sub verbo « marque de commerce ». 5 Viviane Azard et Julien Canlore, « Les marques non traditionnelles à la mode  ? » [2018] 5 Propr industr

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Les marques non traditionnelles comprennent tous les signes qui n’appartiennent ni à la catégorie des marques verbales, ni à celle des marques figuratives. Selon Audrey Yayon-Dauvet, « il s’agit de tout signe que le consommateur ne qualifierait pas spontanément de marque et qui, pourtant, lui permet d’attribuer une origine au produit »6. Ce sont alors le plus souvent des éléments secondaires de l’identification d’une origine commerciale, accompagnant une marque verbale ou figurative.

Abordées pour la première fois dans le Traité de Singapour sur le droit des marques de 20067, les marques non traditionnelles ne sont définies ni par le droit français, ni par le droit canadien. Malgré cette absence de définition, on compte dix types de marques non traditionnelles : les marques sonores, les marques multimédia, les marques de mouvement, les marques gustatives, les marques olfactives, les marques tactiles, les marques tridimensionnelles, les marques de position, les marques holographiques et les marques de couleur.

On constate alors que le droit des marques subit depuis plusieurs années un changement de paradigme. En effet, si à l’origine la marque ne s’adressait qu’à la vue, les marques non traditionnelles pourraient solliciter les autres sens du corps humain : l’ouïe avec la marque sonore, le goût avec la marque gustative, l’odorat avec la marque olfactive et le toucher avec la marque tactile.

Aucun texte n’interdit l’enregistrement des marques atypiques, que ce soit en droit français ou en canadien. A priori, rien ne fait obstacle à leur enregistrement. Cependant, jusqu’ici, les agents français et canadiens refusaient le dépôt de telles marques après examen de la demande. Mais sur quels fondements repose ce rejet ?

En droit français, c’est la condition de représentation graphique qui fait obstacle à l’enregistrement des marques non traditionnelles. En vertu de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, seules les marques qui peuvent être représentées graphiquement

6 Audrey Yayon-Dauvet, « L’émergence des marques non traditionnelles: conciliation possible entre le droit

et la volonté d’innover  ? » [2011] 3 Revue des juristes de Science Po 48 à la p 48.

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sont valablement enregistrables8. Cette condition permet de déterminer avec exactitude l’objet de la protection ainsi que la portée du droit. Le problème posé par ce critère est qu’il est impossible de représenter graphiquement une odeur, un goût.

En droit canadien, la condition d’emploi longtemps empêché l’enregistrement des marques atypiques. L’ancien article 4 de la Loi sur les marques de commerce prévoyait que pour être employée avec un produit, la marque devait, lors du transfert de propriété ou de possession, être apposée sur le produit ou son emballage9. La marque devait être appréciée par le client lors du transfert de propriété, et non pas après. Or, bien souvent, le client ne peut sentir, goûter ou toucher qu’une fois le transfert de propriété opéré.

Il existe toutefois un type de marque non traditionnelle qui parvient à faire l’objet d’un enregistrement : c’est la marque sonore. En Europe, depuis l’arrêt Shield Mark rendu en 2003 par la Cour de Justice des Communautés européennes (ci-après CJCE) (devenue la Cour de justice de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne10), le dépôt d’une portée musicale permet de remplir la condition de représentation graphique11. Au Canada, dans l’affaire Metro-Goldwyn-Mayer Lion Corp de 201212, la Cour fédérale a considéré que la marque sonore était effectivement employée en liaison avec les marchandises, quand bien même elle n’apparaissait pas sur l’extérieur du produit au moment de la vente.

Dans le cadre d’une étude relative aux marques non traditionnelles13, le Max Planck Institute a organisé des consultations à l’occasion desquelles un grand nombre d’associations professionnelles et d’utilisateurs s’est prononcé en faveur de la reconnaissance des marques atypiques. Cette étude a poussé le législateur européen à mener une réflexion quant aux opportunités que pourrait apporter l’abolition de la condition de représentation graphique.

8 CPI, art. L. 711-1. 9 LMC, art. 4.  

10 Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne, 13 décembre 2007. 11 Shield Mark BV c Joost Kist h.o.d.n Memex, 2003 CJCE.

12 Metro-Goldwyn-Mayer Lion Corp c Attorney General of Canada, 2012 CF.

13 Max Planck Institute for Intellectual Property & Competition Law, Study on the Overall Functioning of

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La Commission européenne et le Parlement européen ont entendu les recommandations du Max Planck Institute. En effet, en droit de l’Union européenne, la réforme du « Paquet-Marques » adoptée en 2015, donnant lieu à la Directive (UE) 2015/243614 et au Règlement (UE) 2015/242415, a abandonné l’exigence de la représentation graphique pour les marques de l’Union européenne. Mais la directive n’ayant pas encore été transposée en France, la condition est toujours exigée pour la marque nationale. Le législateur français aurait dû transposer la directive avant le mois de janvier 2019, mais cette transposition n’a toujours pas été réalisée à ce jour.

En droit canadien, la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d’autres mesures (ou Projet de loi C-31) (ci-après Loi n°1 sur le plan d’action économique)16 est venue modifier la Loi sur les marques de commerce, notamment en redéfinissant certaines notions fondamentales et en supprimant la condition d’emploi de la marque. La date d’entrée en vigueur de cette nouvelle loi a été maintes fois repoussée, mais les modifications sont finalement entrées en vigueur le 17 juin 2019.

L’arrivée de ces nouvelles législations vient remettre en question les fondements du droit des marques français et canadien. Plusieurs éléments permettent d’entrevoir une ouverture juridique favorable aux marques non traditionnelles : la marque sonore a déjà été reconnue en Europe comme au Canada et leurs législations respectives ont abandonné l’exigence de représentation graphique et la condition d’emploi. Ces éléments laissent alors à penser que l’enregistrement des marques non traditionnelles pourrait être accepté plus facilement par les offices nationaux de la propriété intellectuelle.

14 Directive (UE) 2015/2436 rapprochant les législations des États membres sur les marques, 16 décembre

2015.

15 Règlement (UE) 2015/2424 modifiant le règlement (CE) n°207/2009 du Conseil sur la marque

communautaire et le règlement (CE) n°2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) n°40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n°2869/95 de la commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), 16 décembre 2015.

16 Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant

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Grâce à la suppression de l’exigence de représentation graphique dans le Règlement (UE) 2015/2424, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (ci-après EUIPO) accepte désormais le dépôt de fichiers MP3 et MP4 pour les marques sonores et multimédia. La Loi sur les marques de commerce canadienne donne quant à elle une nouvelle définition du « signe », faisant référence aux « formes tridimensionnelles, hologrammes, images en mouvement, sons, odeurs, goûts, textures ou position de tout signe »17. Pourtant, de nouvelles conditions continuent à faire obstacle à l’admission de ces nouveaux types de marques.

En 2002, la CJCE a considéré dans la décision Sieckmann18 qu’il était possible de déposer un signe non perceptible par la vue, mais à la condition que sa représentation soit « claire, précise, complète, intelligible, accessible, durable et objective ». En l’espèce, la cour a rejeté une demande d’enregistrement déposée pour l’odeur « balsamique fruitée avec une légère note de cannelle », faute de précision, d’intelligibilité et de durabilité. Les sept conditions posées par la jurisprudence Sieckmann ont été consacrées par le législateur européen qui les a intégrées dans les considérants de la Directive (UE) 2015/2436. L’exigence de représentation graphique a été abandonnée certes, mais pour être remplacée par des conditions encore plus restrictives. Finalement, l’adoption de ces critères engendre un renforcement des conditions de dépôt des marques, empêchant l’enregistrement de la plupart des marques non traditionnelles.

En France comme au Canada, toute marque doit respecter l’exigence de distinctivité et le principe non-fonctionnalité. Mais le Canada va plus loin puisqu’il prévoit désormais dans la nouvelle Loi sur les marques de commerce la nécessité de rapporter une preuve de distinctivité pour certains types de signes. Ainsi, le registraire pourra exiger au déposant de démontrer que la marque non traditionnelle était distinctive au jour du dépôt de la demande d’enregistrement. Par ailleurs, le principe de non-fonctionnalité, qui ne s’appliquait

17 LMC, art. 2, sub verbo « signe ».

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auparavant qu’aux signes distinctifs19, a vu son champ d’application élargit à toutes les marques de commerce par la nouvelle loi.

En somme, il convient de se demander quelle place est laissée aux marques non traditionnelles au sein des régimes de droit des marques français et canadien classiquement destinés aux marques visuelles. Pour répondre à cette question, il faudra d’abord comprendre pourquoi, en France comme au Canada, l’intégration des marques non traditionnelles au sein du droit des marques a été longtemps refusée. Il s’agira ensuite de savoir si l’adoption de nouvelles législations en la matière permet une réelle reconnaissance des marques non traditionnelles. Enfin, il sera nécessaire de s’interroger sur l’existence de solutions permettant l’accueil des marques non conventionnelles.

Notre hypothèse est qu’a priori, les nouvelles législations semblent favoriser l’admission des marques non traditionnelles, mais finalement leur acceptation pose en réalité toujours des difficultés en raison des critères trop restrictifs. Les marques non traditionnelles semblent bien faire leur arrivée. L’adoption de nouvelles législations a permis la suppression des conditions de représentation graphique et d’emploi, ouvrant la possibilité d’enregistrer ces nouvelles marques. Cependant, la porte ouverte à ces nouvelles de marques ne semble être qu’une illusion. De nouvelles conditions très restrictives ont été consacrées dans les nouveaux textes législatifs européens et canadiens, fermant la porte à la reconnaissance de telles marques. Les offices de la propriété intellectuelle, en France et au Canada, pourraient ainsi continuer à refuser les dépôts des marques non traditionnelles, empêchant les acteurs économiques de développer de nouvelles images de marque. Il faudrait parvenir à trouver des solutions de façon à remédier aux difficultés posées par les régimes actuels. Il semble alors pertinent d’étudier le système de droit des marques des États-Unis qui reconnaît, depuis bien longtemps, la validité des marques non conventionnelles.

L’objectif principal de ce mémoire est de montrer qu’il serait opportun de reconnaître une protection aux marques non traditionnelles afin que les entreprises puissent

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avoir de nouvelles perspectives dans la création de leur image de marque. Il faudra rechercher l’intention des législateurs français et canadien afin de connaître les raisons pour lesquelles ils étaient fermés à l’admission de ces nouveaux types de marques. Il s’agira de regarder si l’acceptation marques atypiques reste au stade d’une potentialité ou si la reconnaissance pourrait s’avérer effective. Il sera nécessaire d’observer si l’abolition des obstacles à l’enregistrement permettra de déposer par exemple des goûts, des odeurs ou des textures à titre de marque.

Ce mémoire a une pertinence sociale en ce qu’il offre de nouvelles perspectives aux déposants de marques. Les entreprises auraient la faculté de faire preuve de plus de nouveauté et d’originalité dans l’élaboration de leurs signes. Déposer des marques plus attractives pourrait attiser la curiosité des clients et permettrait de proposer de nouvelles façons aux consommateurs d’identifier les produits et services plus propices à l’achat. Par ailleurs, l’intérêt scientifique de cette recherche consiste à montrer les failles des régimes français et canadien en droit des marques. Ces derniers étant trop fermés, il faudrait assouplir leurs conditions de dépôt afin élargir le champ des marques pouvant être déposées. Les entreprises ont épuisé leur imagination pour créer de nouvelles marques, menant à un appauvrissement des signes disponibles.

D’un point de vue méthodologique, l’étude privilégie une approche comparée pour mettre en parallèle la façon dont France et le Canada encadrent juridiquement l’arrivée de ces nouveaux types de marques. Les deux régimes partagent un point commun : le rejet de l’enregistrement des marques non traditionnelles. Mais la grande différence réside dans le fait qu’ils ne s’appuient pas sur les mêmes fondements juridiques pour justifier ce refus. Notre raisonnement mènera peut-être à la conclusion que « la solution adoptée par son législateur national n’est pas nécessairement la meilleure »20 et que les régimes français et canadien pourraient s’inspirer des solutions proposées par certains régimes de droit des marques étrangers.

20 Imre Zajtay, « Problèmes méthodologiques du droit comparé » dans Aspects nouveaux de la pensée

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Notre mémoire s’inscrit dans une perspective interne puisqu’il s’agit d’une recherche qui « prend le droit pour sujet »21. Nous nous appuierons tout d’abord sur une analyse exégétique traditionnelle. Nous étudierons les législations actuelles, comme la réforme du « Paquet-Marques » et la Loi n°1 sur le plan d’action économique, mais également les textes en cours d’élaboration, notamment la transposition de la directive en droit français et la nouvelle Loi canadienne sur les marques de commerce. Nous analyserons également les décisions rendues par les juges français, canadiens et européens, ainsi que par les offices de la propriété intellectuelle. Notre démonstration relèvera de la théorie du droit puisqu’elle consistera à montrer les failles des systèmes français et canadien en matière d’encadrement juridique des marques non traditionnelles. Ces nouveaux types de marques suscitent l’intérêt de nombreux auteurs et leur possible acceptation fait l’objet de débats doctrinaux avec des avis très partagés.

En adoptant une pensée critique, nous envisagerons le droit des marques « non pas seulement dans son état actuel, mais dans la totalité de son existence, c’est-à-dire dans ce qui l’a produit tout autant que dans son devenir »22. Totalement bannies auparavant, les marques non traditionnelles pourraient bien intégrer les régimes de droit des marques français et canadien. Il s’agira d’étudier toutes les évolutions du droit des marques pour comprendre l’encadrement juridique actuel des marques traditionnelles. Il faudra essayer d’anticiper les mouvements futurs législatifs pour voir si l’acceptation des marques non traditionnelles peut devenir une réalité en France et au Canada.

Après avoir démontré que la non reconnaissance des marques non traditionnelles dans les systèmes de droit des marques français et canadien est dû au fait que ces régimes sont pleinement imprégnés d’une conception visuelle du signe (chapitre I), nous étudierons l’impact des nouvelles réformes législatives française et canadienne sur l’acceptation des marques atypiques (chapitre II), pour finir en nous interrogeant sur les perspectives d’avenir des marques non conventionnelles dans ces systèmes de droit des marques (chapitre III).

21 Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada, Le droit et le savoir, Ottawa, Division de

l’information, 1983 à la p 45.

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Chapitre 1 : Des régimes de droit des marques

classiquement destinés aux signes visuels

Pendant de nombreuses années, les marques non traditionnelles sont restées proscrites des droits des marques français et canadien (I). Ainsi, le droit des marques français prévoyait que le signe devait être représenté graphiquement pour être valablement enregistré (II), tandis que le droit des marques canadien exigeait un emploi de la marque (III).

I.

Des conceptions empêchant l’intégration des marques non

traditionnelles

Les systèmes français et canadiens de droit des marques sont le fruit de législations successives et de définitions différentes (A). Pourtant, ces deux régimes partagent un point commun : la protection unanime des marques traditionnelles visuelles (B).

A. La notion de marque dans les régimes de propriété industrielle français et canadien

Pour que sa clientèle puisse reconnaitre les produits ou services qu’elle propose, une entreprise a besoin de signes de ralliement. Elle doit alors choisir de se doter d’une marque, comme l’a fait Apple avec sa célèbre pomme croquée. La marque trouve sa place au sein des signes distinctifs, qui « diffèrent des autres droits intellectuels en ce que leur objet est une création qui n’est pas valorisée en soi »23, ils représentent plutôt « une étape

23 Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau, Analyse économique du droit, 2e éd, coll Méthodes du droit, Paris,

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intermédiaire pour les consommateurs qui cherchent à acquérir des biens ou services »24. Elle se voit alors protégée des droits de propriété industrielle, en droit français comme en droit canadien.

En France, le droit des marques est régi par le livre VII de la deuxième partie du Code de la propriété intellectuelle aux articles L. 711-1 et suivants25. Ces dispositions sont issues de la codification de la loi du 4 janvier 199126, loi venue transposer en droit français la Directive européenne 89/104/CEE du 29 décembre 198827. Cette dernière s’est vue remplacée par la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 200828, le législateur européen ayant pour objectif de rapprocher les législations des États membres sur les marques. Cette perspective d’harmonisation du droit des marques continue à se dégager dans la réforme du « Paquet-Marques » adoptée par le Parlement européen en 2015. Cette réforme se compose de deux nouveaux textes législatifs qui ont alors été adoptés : la Directive (UE) 2015/243629 et le Règlement 2015/242430 du 16 décembre 2015. Mais elle n’a pas encore fait l’objet d’une transposition en droit français.

Du côté du Canada, le droit des marques de commerce s’est développé à partir du droit britannique31 et relève de la compétence législative fédérale. La matière a été profondément réformée en 1953 avec la Loi sur les marques de commerce de 195332. Mais ce droit est désormais régi par la Loi sur les marques de commerce de 198533. Cette loi s’est vue à plusieurs reprises réformée et les dernières modifications apportées par la Loi n°1 sur le plan d’action économique en 201434 sont entrées en vigueur le 17 juin dernier. Au

24 Ibid.

25 CPI, arts. L. 711 et s.

26 Loi n°91-7 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service, 4 janvier 1991.

27 Directive 89/104/CEE du Conseil rapprochant les législations des États membres sur les marques, 21

décembre 1988.

28 Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil rapprochant les législations des États membres

sur les marques, 22 octobre 2008.

29 Directive (UE) 2015/2436. 30 Règlement (UE) 2015/2424.

31 Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfaire Competition, Carswell, 2002 à la p 11. 32 Loi sur les marques de commerce (LMC), 1953, SRC 1952-53, c 49.

33 Loi sur les marques de commerce (LMC), LRC 1985, ch T-13.

34 Les amendements à la lois sont contenus dans le Chapitre XXV de la Loi portant exécution de certaines

dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures, aussi

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Canada, le système des marques enregistrées cohabite avec celui des marques non déposées, c’est-à-dire les marques non enregistrées ou en instance d’enregistrement, bénéficiant d’une protection grâce aux recours de common law et à la Loi sur les marques de commerce35.

Le droit français donne sa définition de la marque à l’article L. 711-1 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle. La marque constitue alors « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale »36. Selon les professeurs Jacques Azéma et Jean-Christophe Galloux, la marque est « un signe sensible apposé sur un produit ou accompagnant un produit ou un service et destiné à le distinguer des produits similaires des concurrents ou des services rendus par d’autres »37.

Pour Teresa Scassa, « A trademark is a mark that serves as a “ badge of origin ”38 either for wares or services »39. Avant l’entrée vigueur des modifications prévues par la Loi n°1 sur le plan d’action économique le 19 juin 2017, la Loi sur les marques de commerce canadienne précisait en son article 2 que la marque de commerce était :

Selon le cas :

a) une marque employée par une personne pour distinguer les produits ou services vendus, donnés à bail ou loués par elle, des produits ou services vendus, donnés à bail ou loués par d’autres;

b) marque de certification; c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée40.

35 Nous évoquerons uniquement le régime des marques enregistrées dans notre développement, celui des

marques non déposées ne sera pas abordé.

36 CPI, art. L. 711-1 al. 1.

37 Jacques Azéma et Jean-Christophe Galloux, Droit de la propriété industrielle, 8e éd, coll. Précis, Paris,

Dalloz, 2017 à la p 985.

38 Andrew Gowers, Gowers review of intellectual property, Norwich, HMSO, 2006,Section 1.18, n° 15. 39 Teresa Scassa, Canadian trademark law, 2e éd, Lexis Nexis, 2015 à la p 57.

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L’objet de la protection est donc un signe, c’est-à-dire une « information qui s’adresse aux sens permettant la reconnaissance de quelque chose »41. Le message doit être concret et ne peut rester au stade d’une simple idée42. Lorsque l’élément ne peut être perçu par les sens du corps humain, il ne peut faire l’objet d’une marque. Ainsi, une marque ne peut porter sur toutes les formes imaginables d’un boitier collecteur transparent d’aspirateur43.

Ce signe est distinctif puisque « la marque n’est pas protégée en soi, à titre d’objet, mais plutôt comme indicateur de la provenance afin de distinguer les biens (ou les services) d’une personne de ceux des autres »44. Dans l’affaire Centrafarm de 197445, la CJCE a reconnu à la marque cette fonction distinctive. Elle a ensuite précisé sa fonction en lui reconnaissant une fonction de garantie d’origine. Dans l’arrêt Terrapin c/ Terranova de 1976, la CJCE a alors estimé que « La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance »46.

Les droits français et canadien ont donc une conception similaire de ce que représente une marque. Mais ils partagent également la même position s’agissant des signes susceptibles de constituer cette marque.

B. La reconnaissance unanime des signes visuels en tant que marque

Le droit des marques, que ce soit au niveau international, français ou canadien, est un droit profondément visuel. En effet, les marques sont classiquement constituées

41 Sylvianne Durrande et Julien Canlorbe, « Différents signes susceptibles de constituer une marque » (2019)

Fasc. 7100 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles, n° 4.

42 Joanna Schmidt-Szalewski et Jean-Luc Pierre, Droit de la propriété industrielle, 4e éd, coll. Manuel, Paris,

Litec, 2007 à la p 199.

43 Dyson Ltd c Registrar of trade Marks, 2007 CJCE

44 Elizabeth F Judge et Daniel Gervais, Intellectual property: the law in Canada, 2e éd, Toronto, Carswell,

2011 à la p 182.

45 Centrafarm BV and Others c Winthorp BV, 1974 CJCE.

(22)

d’éléments qui sont perceptibles par la vue. Ceci s’explique par le fait que les signes faisant appel à la vue sont les sources d’identification les plus simples à déposer et enregistrer.

La France et le Canada, membres de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après OMC), font partie de l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’Accord ADPIC)47 de 1994. Pour chacun des principaux secteurs de la propriété intellectuelle qu'il vise, cet accord établit les normes minimales de protection devant être prévues par chaque Membre48. Dans la section relative aux marques de fabrique ou de commerce, la marque est définie à l’article 15(1) comme suit :

Tout signe, ou toute combinaison de signes, propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises sera propre à constituer une marque de fabrique ou de commerce. De tels signes, en particulier les mots, y compris les noms de personne, les lettres, les chiffres, les éléments figuratifs et les combinaisons de couleurs, ainsi que toute combinaison de ces signes, seront susceptibles d'être enregistrés comme marques de fabrique ou de commerce. Dans les cas où des signes ne sont pas en soi propres à distinguer les produits ou services pertinents, les Membres pourront subordonner l'enregistrabilité au caractère distinctif acquis par l'usage. Les Membres pourront exiger, comme condition de l'enregistrement, que les signes soient perceptibles visuellement.49

La définition donne plusieurs exemples de signes susceptibles d’être enregistrés. Il ne s’agit que de signes traditionnels relevant du domaine visuel, comme mots, les lettres ou les éléments figuratifs. En outre, l’article offre la possibilité aux Etats membres de faire de la marque perceptible visuellement une condition préalable à la protection. Les membres peuvent ainsi limiter leur champ des marques enregistrables aux signes exclusivement visuels.

47 OMC, Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur

les ADPIC), 15 avril 1994.

48 « Accord sur les ADPIC: Aperçu », en ligne :

OMC <https://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/intel2_f.htm> (consulté le 6 mai 2019).

(23)

La France adhère également au Traité sur le droit des marques de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après OMPI)50 de 1994, contrairement au Canada. Ce texte a pour objectif d’uniformiser et de rationaliser les procédures nationales et régionales d’enregistrement des marques51. Au sein de la section relative aux marques auxquelles le traité est applicable, l’article 2 dispose que :

a) Le présent traité est applicable aux marques consistant en des signes visibles […].

b) Le présent traité n’est pas applicable aux marques hologrammes et aux marques ne consistant pas en des signes visibles, en particulier aux marques sonores et aux marques olfactives .52

Ainsi, le traité précise expressément d’une part qu’il ne s’applique aux seuls signes visibles et d’autre part qu’il exclut les signes non visibles. Selon Denis Croze, « It was particularly important to look at registration formalities concerning NTTMs at the time of adoption of the TLT. Notably, discussions at the SCT showed that relative unfamiliarity with these signs led some IP offices to introduce formality requirements that were more complex than necessary »53.

Les droits des marques français et canadien se sont ainsi fondés sur l’aspect visuel du signe. Ces régimes reconnaissent indéniablement deux types de marques classiques, constituées d’éléments faisant appel à la vue : les marques de forme nominale (aussi appelées marques verbales) et les marques de forme figurative. Les marques verbales peuvent être constituées d’un mot du langage courant, d’un assemblage de mots, d’un terme inventé, d’un mot issu d’une langue étrangère, d’un nom patronymique, de lettres, de chiffres ou de slogans par exemple. Quant aux marques figuratives, il peut s’agir notamment de dessins, de symboles, d’emblèmes, de logos, d’étiquettes, d’emballages ou de cachets.

50 OMPI, Traité sur le droit des marques, 26 octobre 1994.

51 « Résumé du Traité sur le droit des marques (TLT) 1994 », en ligne : OMPI

<https://www.wipo.int/treaties/fr/ip/tlt/summary_tlt.html>.

52 Traité sur le droit des marques, art. 2.

53 Denis Croze, « Marking a Large Universe Visually Perceptible: The Development of Non-Traditional

Trademarks in WIPO Treaties » dans The protection of non-traditionnal trademarks: critical perspectives (2019) Oxford, à la p 15.

(24)

L’ancienne Loi sur les marques de commerce canadienne ne précisait pas quels types de signes pouvaient faire l’objet d’un droit de marque. Elle ne donnait pas de définition de la « marque » en tant que telle et ne restreignait pas explicitement le champ des marques de commerce aux signes perceptibles visuellement. Cependant, pour les professeurs Daniel Gervais et Elisabeth F. Judge, « Marks traditionally have been visual signals, such as signs and logos or even packaging »54. Mais l’ancien article 12(1)b) relatif à la marque de commerce enregistrable faisait notamment référence aux formes graphiques ou écrites55.

Par ailleurs, les juges canadiens ont considéré, au regard des dispositions contenues dans l’ancienne Loi sur les marques de commerce, que la marque de commerce ne pouvait être constituée que de signes visuels56. En effet, dans l’affaire Playboy57 de 1987, la Cour fédérale canadienne a exclu l’enregistrement d’un son à titre de marque, considérant que celle-ci devait avoir un aspect visuel. La Commission des oppositions avait pourtant estimé que les marques pouvaient être perçues par tous les sens du corps humain, déclarant que « In this regard, I am of the view that the word « mark » is such general term that it could potentially included within its scope mot any indication which can be perceived by the senses »58. Mais selon le juge Pinard, « A “mark” must be something that can be represented visually » 59.

Le droit des marques français reconnaît également pleinement les marques nominales et figuratives. En effet, le second alinéa de l’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle offre une liste exemplative des signes pouvant constituer une marque :

Peuvent notamment constituer un tel signe :

54 Judge et Gervais, supra note 44 à la p 332. 55 LMC, ancien art. 12(1)b).

56 Playboy Enterprises Inc c Germain, [1987] 16 CPR (3e) 517 (CF) au para 522. Voir aussi : Cullman

Vertures Inc. c. Quo Vadis Internation Ltd., (2000) A.C.F. n°1763, 9 C.P.R (4th) 330 (C.F. 1re inst.) ; Philip Morris Products S.A. c. Marlboro Canada Ltd., (2010) CF 1099, 90 C.P.R. (4th) 1, par. 237, [2010] A.C.F.

; Alex c. World Wrestling Federation Entertainment Inc., (2008) C.O.M.C. no 111, 68 C.P.R. (4th) 244.

57 Playboy Enterprises Inc c Germain, supra note 56. 58 Ibid., au para 9.

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a) Les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles ; […]

c) Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.60

Le droit de l’Union européenne partage lui aussi cette conception classique du droit des marques reposant sur la protection des signes visuels. Ainsi, l’article 2 de la Directive européenne 2008/95/CE61 et l’article 4 du Règlement sur la marque communautaire 207/2009/CE62, qui ont trait aux signes susceptibles de constituer une marques, mentionnent « les mots, […], les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement ».

Le droit des marques tel que prévu par les législateurs français et canadien n’intègre pas véritablement la possibilité d’enregistrer les marques faisant appel à d’autres sens que la vue. En effet, la première condition d’accès à la protection par le droit de marques français témoigne de cette tradition visuelle. Ainsi, en France, pour être protégé au titre du droit des marques, le signe doit pouvoir être représenté graphiquement (II).

60 CPI, art. L. 711-1 al 2. 61 Directive 2008/95/CE.

(26)

II.

L’exigence de représentation graphique en droit des marques

français

En droit français, le signe doit remplir la condition préalable de représentation graphique pour être protégé sur le fondement du droit des marques (A). Cette exigence empêche alors en pratique l’enregistrement de certains types de marques (B). Seule la marque sonore a réussi à outrepasser les difficultés que pose cette condition (C).

A. Une condition préalable à la protection par le droit des marques

Outre les exigences de distinctivité et de licéité, le droit de l’Union européenne, et par voie de conséquence le droit français, ont tous les deux érigé une condition de fond d’obtention de la marque : la représentation graphique. Ainsi, seuls les signes susceptibles de faire l’objet d’une représentation graphique peuvent être valablement déposés et enregistrés à titre de marque. Cela signifie que le déposant, lorsqu’il souhaite déposer une marque auprès d’un office de propriété intellectuelle, doit nécessairement produire une représentation de son signe sous un mode graphique. A défaut de remplir ce critère, le déposant ne pourra acquérir un titre de propriété industrielle puisqu’il verra sa marque refusée à l’enregistrement ou annulée.

Cette exigence de représentation est une création du législateur européen. En effet, l’article 2 de la Directive européenne 89/104/CEE du 21 décembre 198863 disposait déjà que :

Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

Cette disposition, définissant les types de signes pouvant constituer des marques, ne fait mention que de marques susceptibles d’être perçues visuellement. Cette formulation a

(27)

également été reprise au sein de l’article 2 de la Directive européenne 2008/95/CE64 et l’article 4 du Règlement 207/2009 sur la marque communautaire65.

En droit français, ce critère n’existait pas dans la loi du 31 décembre 196466. Elle est apparue avec la loi du 4 janvier 199167 transposant la Directive européenne de 1988. Cette exigence est depuis expressément posée à l’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle qui définit la marque comme « un signe susceptible de représentation graphique »68. Ainsi, l’Institut de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (ci-après EUIPO) et l’Institut national de la propriété intellectuelle (ci-(ci-après INPI) refusent l’enregistrement des marques qui ne peuvent prendre une forme graphique, excluant quelconque protection sur le fondement du droit des marques.

La représentation graphique du signe est une condition qu’il est nécessaire de satisfaire car l’acquisition du droit sur une marque repose sur son dépôt. Elle vise à assurer le bon fonctionnement du système d’enregistrement qui permet l’obtention du titre de marque. L’intérêt de cette exigence est de déterminer de façon exacte l’objet de la protection et donc la portée du droit exclusif conféré au titulaire, ce qui en fait une garantie de sécurité juridique.

Cette condition a une fonction d’information pour les tiers puisqu’ « il s’agit de permettre aux tiers (et aux institutions d’enregistrement chargées d’apprécier la validité du signe) d’identifier clairement et immédiatement quel est le signe choisi par tel opérateur pour identifier l’origine de ses productions et de ses services »69. La Commission européenne a également considéré que « les signes […] sont aptes, en principe, à être enregistrés en tant que marques, à condition [….] qu’ils soient susceptibles d’une

64 Directive 2008/95/CE. 65 Règlement (CE) n°207/2009.

66 Loi n°64-1360 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service, 31 décembre 1964. 67 Loi n°91-7 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service.

68 CPI, art. L. 711-1.

69 Jacques Raynard, Emmanuel Py et Pascale Tréfigny, Droit de la propriété industrielle, Paris, LexisNexis,

(28)

représentation graphique […] qui permet aux tiers de comprendre aisément quelle est la marque objet de la protection »70.

En étant représentée graphiquement, la marque va pouvoir être inscrite dans le registre répertoriant les marques enregistrées ce qui la rendra opposable aux tiers. Les concurrents pourront identifier et prendre connaissance du signe déjà enregistré afin de ne pas le reproduire et de ne pas se risquer à une poursuite de la part du titulaire. Mais cette exigence permet également aux agents des offices d’enregistrement de connaitre les signes avec précision et certitude. Elle les aide à mener à bien la procédure d’enregistrement, notamment pour publier la marque, gérer le registre public des marques ou pour examiner les futures demandes d’enregistrement71.

B. Un critère faisant obstacle à l’enregistrement des marques atypiques

L’exigence de représentation graphique ne soulève aucune difficulté lorsqu’il s’agit de déposer des signes visuels puisqu’elle a pour vocation de reproduire visuellement le signe. Ce critère peut certainement être rempli par les marques verbales (composées le plus souvent de lettres) et figuratives (constituées la plupart du temps par des dessins) puisque celles-ci pourront facilement être représentées à l’aide de « figures, lignes, caractères »72. Si l’on peut aisément concevoir le fait qu’un signe classique visuel puisse être représenté sous une forme graphique, il semble plus difficile de reproduire graphiquement des signes non visuels tel qu’une odeur, un goût ou une texture afin de les rendre visibles.

Aucun texte juridique français ou européen n’empêche l’enregistrement des marques non traditionnelles. Cependant, les législateurs européen puis français ont établi un barrière à l’enregistrement des marques atypiques avec l’adoption de cette condition de représentation graphique. Ainsi, cette condition exclut les marques non traditionnelles du paysage des droits des marques français et européen. Les signes olfactifs, gustatifs ou

70 Shield Mark BV c Joost Kist h.o.d.n Memex, 2003 CJCE au para 33.

71 Jérôme Passa, Droit de la propriété industrielle, 2e éd, coll. Droit de la propriété industrielle, T. 1, Paris,

LGDJ, 2009 à la p 85.

(29)

tactiles ne peuvent alors consistuer des marques, faute de représentation graphique acceptable.

En 2002, la CJCE a rendu une décision portant sur la représentation graphique d’un signe olfactif dans le célèbre arrêt Sieckmann73. La cour a été saisie de deux questions préjudicielles concernant l’interprétation de l’article 2 de la première Directive 89/104/CEE74. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un recours formé par M. Sieckmann contre le refus du Deutsches Patent and Marknamt (Office allemand des brevets et des marques) d’enregistrer une marque olfactive pour divers services des classes 35 (publicité, gestion d’affaires commerciales, administration commerciale et travaux de bureau), 41 (éducation et loisirs) et 42 (restauration, logement temporaire, soins médicaux, d’hygiène et de beauté, services vétérinaires et agricoles, services juridiques, services scientifiques et technologiques) de l’Arrangement de Nice du 15 juin 195775. L’article 2 de la directive dispose que « peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique […] »76. En vertu de l’article 8 de la Loi allemande sur la protection des marques et autres distinctifs de 1994, sont refusées à l’enregistrement les marques « qui ne peuvent faire l’objet d’une représentation graphique ».

La protection demandée portait sur la marque olfactive déposée pour la substance Methylcinnamat (méthylester d’acide de cannelle). Pour appuyer sa demande, le déposant a fourni la formule chimique « C6H5-CH = CHCOOCH3 »77. Mais il a également déposé un récipient contenant un échantillon olfactif du signe et indiqué que l’odeur est habituellement décrite comme « balsamique fruitée avec une légère note de cannelle »78.

La CJCE a estimé que « l’article 2 de la directive doit être interprété en ce sens que peut constituer une marque un signe qui n’est pas en lui-même susceptible d’être perçu

73 Sieckmann, supra note 18. 74 Directive 89/104/CEE, art. 2.

75 Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de

l’enregistrement des marques, 28 septembre 1979.

76 Directive 89/104/CEE, art. 2. 77 Sieckmann, point 11. 78 Sieckmann, point 13.

(30)

visuellement, à condition qu’il puisse faire l’objet d’une représentation graphique »79. Toutefois, la cour a considéré que « s’agissant d’un signe olfactif, les exigences de la représentation graphique ne sont pas remplies par une formule chimique, par une description au moyen de mots écrits, par le dépôt d’un échantillon d’une odeur ou par la combinaison de ces éléments. Par conséquent, la CJCE rejette le dépôt de la marque olfactive au motif que sa représentation graphique est incomplète.

L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (ci-après OHMI, devenu l’EUIPO80)81 puis le Tribunal de première instance des communautés européennes (ci-après TPICE, ancienne appellation de l’actuel Tribunal de l’Union européenne) ont tenu compte de la position de la CJCE à l’occasion de l’affaire Eden c. OHMI relative à l’enregistrement d’une marque olfactive pour des produits cosmétiques82. Le tribunal a rejeté l’enregistrement de la marque communautaire, malgré la description verbale « odeur de fraise mûre » et l’image de la fraise en question contenue dans la description.

En France, l’Institut national de propriété intellectuelle (INPI), la cour d’appel de Paris et l’OHMI en 2003 ont également suivi la décision de la CJCE83. La seule mention « arôme artificiel de fraise » visant des produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ne peut satisfaire l’exigence de représentation graphique. Ce refus d’enregistrement s’est fondé sur l’arrêt Sieckmann, démontrant l’influence du droit de l’Union européenne sur l’interprétation de l’exigence de représentation graphique.

En théorie, l’exigence de représentation graphique du signe ne devrait pas exclure les signes non visibles de l’enregistrement. Cependant, cette condition a pour vocation de mettre à disposition la représentation visuelle du signe. Or, en pratique, il est extrêmement complexe, voire impossible, de représenter visuellement un signe qui n’est pas visible. De ce fait,

79 Sieckmann, point 55.

80 L’OHMI a pris le nom d’EUIPO le 23 mars 2016 avec l’entrée en vigueur du Règlement (UE) 2015/2424. 81 France Parfum, 2004 OHMI, 2e ch rec. au para 21.

82 Eden c OHMI, [2005] III PIBD 2006 87 (TPICE).

83 Eli Lilly, 2003 CA Paris, 4e ch, III PIBD 2004 ; note J. LARRIEU et V. ASTIC, « Du lèche-vitrines au

(31)

Si l'obligation de représentation graphique ne posait aucun problème de compréhension tant qu'on se contentait de déposer des marques verbales ou graphiques, directement perceptibles par la vue, qui sont aisément reproduites sur un support papier, cette exigence a suscité des problèmes délicats d'interprétation pour les marques non visuelles (sonores, olfactives, voire gustatives).84

C’est pourquoi les signes non visibles ne parviennent pas à satisfaire le critère de représentation graphique et qu’ils sont la plupart du temps refusés lors de leur enregistrement. Toutefois, il existe un signe non visible qui parvient à remplir cette condition de représentation graphique : la marque sonore.

C. L’acceptation de l’enregistrement du signe sonore à titre de marque

Inexistante dans la Loi du 31 décembre 196485, la protection de la marque sonore a été consacrée par la Loi du 4 janvier 199186. Outre les signes verbaux et figuratifs, l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle fait également mention des signes sonores. Ainsi, « peuvent notamment constituer des signes : […] b) les signes sonores, tels que : sons, phrases musicales » 87. De prime abord, le fait que les signes sonores apparaissent aux côtés des signes visuels peut paraître surprenant. La marque sonore est l’unique marque non traditionnelle ayant réussi à franchir les barrières de la condition de représentation graphique. Mais comment les signes sonores peuvent-ils faire l’objet d’une représentation graphique afin de constituer une marque ?

La description d’un son par des mots ne suffit pas à répondre à cette exigence car elle n’est pas assez précise pour décrire la marque. La possibilité d’utiliser des spectrogrammes pour retranscrire les sons a alors été envisagée. Pour se faire, « un appareil enregistre le bruit pour le représenter par un graphique composé de deux courbes oscillant. Chaque amplitude correspond à un élément de la sonorité analysée. La seule lecture du

84 Robert Kovar, Jacques Larrieu et Yann Basire, « Marque » [2019] 5 Répertoire de droit européen au para

59.

85 Loi n°64-1360 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service. 86 Loi n°91-7 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service. 87 CPI, art. L. 711.

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spectrogramme avec ses valeurs en abscisse et en ordonnée permettra de retrouver fidèlement le signe originel »88.

Cependant, seul un technicien peut comprendre le spectrogramme, non intelligible pour le public. Or, la CJCE a exigé que la représentation du signe puisse être comprise par les tiers.

Dans l’affaire Shield Mark du 27 novembre 200389, la CJCE a statué sur la question de l’enregistrement de signes sonores à titre de marques sonores. En l’espèce, la société Shield Mark était titulaire de plusieurs marques enregistrées auprès du Bureau Benelux des marques portant sur divers produits et services des classes 9 (logiciels), 16 (revues, journaux, etc., 35 (publicité, gestion commerciale, etc.), 41 (éducation et loisirs) et 42 (services juridiques) de l’Arrangement de Nice. Parmi ces marques, plusieurs consistaient dans une portée musicale portant sur les neufs premières notes de la composition musicale « Für Elise » de Beethoven90. D’autres résidaient dans un succession de notes de musique « mi, ré dièse, mi, si, ré, do, la »91. Certaines consistaient dans la dénomination « Kukelekuuu » (onomatopée suggérant, en néerlandais, le chant du coq)92 ou dans « le chant d’un coq »93.

L’entreprise Shield Mark utilisait ces marques pour des messages publicitaires passant à la radio, pour des présentoirs faisant entendre l’indicatif chaque fois qu’un bulletin était retiré ou pour des disquettes contenant un logiciel qui faisait entendre le chant d’un coq au moment du démarrage94. Toutefois, M. Kist a décidé d’utiliser une mélodie constituée des neuf premières notes de « Für Elise » pour vendre un programme informatique qui démarrait en faisant entendre le chant du coq. La société Shield Mark a

88 Valérie Astic et Jaques Larrieu, « Des rugissements aux odeurs  : l’évolution des marques commerciales »

[1998] D 389 à la p 392.

89 Shield Mark, supra note 11. 90 Shield Mark, points 15 et 16. 91 Ibid, point 17.

92 Ibid, point 18. 93 Ibid, point 19. 94 Ibid, point 20.

(33)

alors introduit un recours en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale contre M. Kist.

La demande de Shield Mark, fondée sur le droit des marques, est rejetée au motif que l’enregistrement de sons en tant que marques est refusé. A l’instar de l’arrêt Sieckmann95, deux questions préjudicielles au sujet de l’interprétation de l’article 2 de la première Directive 89/104/CEE96 ont été posées à la CJCE. La cour considère alors que « L’article 2 de la directive doit être interprété en ce sens que les signes sonores doivent pouvoir être considérés comme des marques dès lors qu’ils sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et qu’ils sont susceptibles d’une représentation graphique »97.

Cependant, la cour rejette les formes de représentations graphiques présentées par l’entreprise Shield Mark. En effet, les descriptions recourant au langage écrit telles que « les neufs premières notes de “ Für Elise ” » ou « le chant du coq », les onomatopées « Kukelekuuuuu » ainsi que les suites de notes de musique ne constituent pas une représentation graphique98. En revanche, la cour admet que la condition de représentation graphique est satisfaite « Lorsque le signe est représenté au moyen d’une portée divisée en mesures et sur laquelle figurent, notamment, une clé, des notes de musique et des silences dont la forme indique la valeur relative et, le cas échéant, des altérations »99.

Dans le même sens, l’OHMI a enregistré le 12 octobre 2005 la marque sonore « I’m lovin’it »100 de la société McDonald’s, déposée à l’aide d’une portée musicale101, pour des services de distribution de nourriture et de boissons (classe 43 de l’Arrangement de Nice). Il en va de même pour la marque sonore « Yahoo »102 déposée par l’entreprise Yahoo! et

95 Sieckmann, supra note 18. 96 Directive 89/104/CEE.

97 Sieckmann, supra note 18, point 41.

98 Sieckmann, supra note 18, points 59, 60 et 61. 99 Sieckmann, supra note 18, point 64.

100 EUIPO, marque n° 003551907, en ligne : https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/003661907

(consulté le 21 mai 2019).

101 Annexe n°1.

102 EUIPO, marque n°001772086, en ligne : https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/001772086

(34)

enregistrée depuis le 19 décembre 2001103 pour de la publicité, des télécommunications et des services scientifiques et technologiques104.

En somme, le son retranscrit visuellement à l’aide d’une portée musicale répond à la condition de représentation graphique et peut faire l’objet d’un enregistrement en tant que marque sonore. On peut voir ici une ouverture vers la représentation visuelle des signes non perceptibles visuellement qui pourrait s’appliquer à tous les types de marques non traditionnelles. Jérôme Passa souligne qu’

On peut cependant rétorquer qu’une portée n’est pas nécessairement beaucoup plus accessible au public qu’une formule chimique, dont la Cour a dit dans l’arrêt Sieckmann qu’elle n’est pas intelligible pour le public. Doit-on voir là le signe d’une volonté de la Cour d’assouplir le raisonnement tenu dans l’arrêt Sieckmann ?

La marque sonore reste cependant l’unique marque non traditionnelle reconnue de façon expresse par les lois, les jurisprudences et les offices de la propriété intellectuelle européens et français. Malgré cette consécration, la difficulté pour trouver des moyens de représenter graphiquement les marques non traditionnelles perdure. Le même problème se pose en droit des marques de commerce canadien, puisque celui-ci exige l’ « emploi » du signe pour obtenir une protection (III).

103 Annexe n°2.

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