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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Mon corps un phénotype ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

MON CORPS... UN PHÉNOTYPE ?

Christiane NIVET

Université Paris 7, Société des Amis de Gregor Mendel

MOTS-CLÉS : CORPS HUMAIN – GÉNOTYPE – PHÉNOTYPE – AVATAR

RÉSUMÉ : Après avoir rappelé comment divers processus génétiques et environnementaux interagissent pour déterminer le génotype et le phénotype de l’être humain, nous discuterons de l’importance relative, pour les généticiens, des individus par rapport à l’information génétique dont ils sont porteurs.

ABSTRACT : We recall how genetic and environmental processes determine the genotype and the phenotype of human beings, then a genetic definition for all living beings is provided.

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1. INTRODUCTION

Au milieu du 19e siècle, un jeune homme extrêmement brillant, moine par pauvreté, du nom de Gregor J. Mendel, ne fut pas autorisé par son évêque, parce qu’il jugeait cela inconvenant, à étudier la reproduction des animaux. Ayant déjà l'intuition d'un processus commun à tous les êtres vivants, Mendel décida d'étudier néanmoins et en secret, la descendance des végétaux. Publiant le résultat de ses croisements en un article d'une cinquantaine de pages, il fonde ainsi une nouvelle science, la génétique, qui cherche à décrire les processus qui assurent la transmission à leur descendance, des caractères d'un couple d'individus de sexe différent. Mendel a montré que ce ne sont pas les caractères qui sont transmis de génération en génération, mais des facteurs que nous appelons aujourd'hui gènes. Le caractère, ou encore le phénotype - ce qui apparaît - résulte de l'expression de ces facteurs dans un milieu donné : considérer le corps humain comme un "phénotype" revient à dire qu'il est, dans les conditions présentes de son existence, l'expression des gènes portés dans l'ADN de ses cellules, c'est-à-dire de son génotype. Mais si l’histoire de notre phénotype englobe le stade adulte, elle ne se limite pas à lui. C’est pourquoi, dans un premier temps nous allons rappeler comment les processus génétiques et environnementaux conditionnent les différents stades de développement du corps humain. Nous évoquerons ensuite les moyens par lesquels ces processus assurent la communauté de tous les êtres humains tout en permettant l’originalité de chacun d’eux. Nous discuterons ensuite de l’importance des individus par rapport au message héréditaire dont ils sont porteurs.

2. LES ÉTAPES DE LA VIE HUMAINE

Les êtres humains sont des individus diploïdes à reproduction sexuée biparentale : cette terminologie ordinairement réservée à la description des animaux ou des végétaux s'applique aussi aux êtres humains. Rappelons brièvement les différentes étapes de la vie d'un être humain (cycle de vie) pour y retrouver les processus génétiques qui les déterminent. Dans notre espèce, il existe deux sexes génétiques qui sont portés par des individus différents. Le corps des individus se compose de deux types cellulaires : les cellules qui constituent le soma - le corps - sont diploïdes, elles contiennent chacune, pour chaque gène, deux exemplaires (allèles) portés par des chromosomes qui proviennent l’un du parent féminin, l'autre du parent masculin. Ainsi, chez l’Homme, on trouve 23

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l'autre constituant, le germen, qui est une lignée cellulaire diploïde, unique, limitée aux organes reproducteurs masculins ou féminins ; le germen est le lieu exclusif de la formation des cellules sexuelles par un processus de division cellulaire appelé méiose au terme duquel spermatozoïdes et ovules n'ont plus qu'un jeu de chaque chromosome, ils sont haploïdes. Ces gamètes localisés dans les glandes sexuelles (testicules et ovaires) participeront à la biparentalité qui va produire la génération suivante. Mais, pour que cette biparentalité existe, il faut au préalable que les futurs partenaires s'identifient, se rencontrent, copulent de façon satisfaisante, c'est-à-dire, du point de vue qui nous intéresse, qu'il y ait fécondation. Dans l'espèce humaine, la fécondation a lieu dans l'appareil génital de la femme. Pour le généticien, l'important n'est pas l'acte sexuel, mais, si elle a lieu, la fusion d'un spermatozoïde avec un ovule, avec production d'un œuf où est reconstituée la formule diploïde. Dès lors, le nouvel individu possède toute l'information génétique pour gérer son propre développement et la transmettre ultérieurement par moitié à sa descendance. Dans cet individu diploïde, chaque caractère peut résulter de l’expression combinée des gènes allèles, mais le plus souvent les caractères sont l'expression de plusieurs gènes. C'est l'assemblage de formes particulières alléliques constituant le génotype qui va donner à l’individu en développement son caractère unique. À partir de la fécondation, toutes les étapes du développement sont strictement contrôlées par le génome. Dans l'utérus maternel, l'œuf se divise activement et produit un très grand nombre de cellules. Ensuite des complexes de gènes dirigent de façon stricte la mise en place d'un plan corporel selon un axe antéro-postérieur et une symétrie bilatérale ainsi que la mise en place des organes composés des différents tissus cellulaires spécialisés. À la naissance, l’activité génétique organisatrice se modifie pour ne plus assurer que la croissance, l’entretien et les fonctions spécialisées de l’individu. Le modelage de l’être humain en devenir sera modulé par l’éducation familiale et sociale qui facilitent l'acquisition de la maîtrise du corps, l'apprentissage des sens, la marche, la parole etc. Après la naissance, l’environnement joue un rôle très important sur la maturation du système nerveux : lors de l'acquisition des fonctions sensorielles, l'établissement des connexions nerveuses est stabilisé par l'apprentissage.

3. NOUS SOMMES TOUS SEMBLABLES ET TOUS DIFFÉRENTS

Quels sont les processus génétiques qui participent à la conservation ou à la modification des caractères transmis ? (Rossignol et al, 2000)

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3.1 Processus génétiques qui assurent la conservation des caractères héréditaires

La structure en double hélice de l'ADN et sa réplication semi-conservative assurent en grande partie la conservation en quantité et en qualité du matériel génétique lors des divisions cellulaires. La conservation de la diploïdie dans toutes les cellules somatiques de l'individu est assurée par la mitose. D'autre part, dans les deux sexes, la méiose, produit des gamètes dont chacun reçoit un exemplaire de chaque chromosomes. Au cours de ce processus, il y a conservation de la qualité des gènes portés par ces chromosomes.

3.2 Processus génétiques qui introduisent une variation des caractères héréditaires

Les différences phénotypiques, d'un individus à l'autre, peuvent résulter soit de la modification directe des gènes par mutation, c'est-à-dire par production d'un nouvel allèle, soit par le réassortiment d' allèles préexistants. La variabilité génétique respecte l'intégrité de la collection de gènes qui détermine les caractéristiques de l'espèce. Toute modification qui ampute le génome est le plus souvent létale et n'est donc pas observable dans une descendance.

1 - Les différences génétiques qui peuvent résulter de l'introduction de nouveauté par modification de l'ADN peuvent être causées par des erreurs de réplication de l'ADN malgré les systèmes de réparation ou de l'action d' agents mutagènes de nature physique ou chimique. En fait ces modifications s'adressent à l'ADN total : si elles modifient une zone codante où sont localisés les gènes, elles produiront une modification de l'un d'eux qui s'accompagnera ou non d'une modification phénotypique. Mais si une modification touche une zone non codante, elle s'ajoutera aux modifications qui se sont accumulées dans ces zones au cours du temps, constituant ainsi un registre qui est utilisé actuellement pour établir les divergences entre groupes humains. Ce registre constitue donc une sorte de mémoire qui fait de chaque individu quelqu'un qui n'a jamais existé et qui n'existera plus jamais.

2 - L'effet de la mutation diffère aussi selon qu'elle touche le soma ou le germen : sur le soma, les modifications peuvent contribuer à écourter la vie des cellules, ce que leur grand nombre compense. Cependant, la cellule somatique mutée peut devenir capable d’échapper aux limitations de sa multiplication et si elle devient capable de migrer dans d’autres tissus, elle est alors le premier maillon du développement d'un cancer. Si les modifications se produisent au cours de la gamétogenèse, les conséquences sont très différentes, car ces modifications ne se manifesteront que dans la descendance et toucheront alors toutes les cellules de l'individu.

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phénotypique, la première est due à des échanges entre chromosomes homologues ; le second type de recombinaison se produit lors de la répartition aléatoire des chromosomes d'origine paternelle et d'origine maternelle dans les cellules filles. Si bien que les gamètes, tout en recevant obligatoirement un exemplaire de chaque gène, héritent sans prévision possible d'un nouvel assortiment génétique. Par conséquent, au moment de la fécondation, l'œuf diploïde est composé d'une mosaïque de chromosomes (eux-mêmes mosaïques) provenant des quatre grands-parents. Le nouvel individu diploïde en développement ne sera pas génétiquement identique à ses parents, encore moins à ses grands parents.

4. IMPACT DE L’ENVIRONNEMENT SUR L’EXPRESSION PHÉNOTYPIQUE

La réalisation de l'ensemble des caractères phénotypiques du nouvel individu résulte de l'expression de son génotype dans un milieu donné. L'influence de l'environnement sur le nouvel individu s'exerce dès la nidation dans l'utérus de la mère qui héberge le développement de l'oeuf jusqu'à la naissance. Les conditions de vie de la mère jouent donc un rôle dans le développement. Mais l'influence de l'environnement ne se manifeste pas seulement au niveau de l'individu, l'expression phénotypique de l'information génétique est modulée, dès le niveau moléculaire, par l'environnement génétique qui fait, par exemple, que l'expression d'un gène délétère est variable chez différents membres d'une famille. Il y a aussi un effet environnemental au niveau cellulaire : l'expression génétique varie en fonction du tissu différencié considéré ( l'ADN d'un érythrocyte ne s'exprime pas comme celui d'une cellule musculaire). L'activité cellulaire peut aussi être modulée en fonction de la communication entre cellules d’un même organe. L'individu lui-même, par l’assemblage particulier des formes alléliques qu'il porte, présentera une expression globale de son génotype. Loin d'être indépendants, ces facteurs environnementaux sont au contraire emboîtés les uns dans les autres. Ainsi, quand une nouvelle modification apparaît dans la molécule d’ADN, elle peut ensuite modifier le chromosome, la cellule, ou l’individu qui la portent, et, à plus long terme, elle peut avoir des répercussions sur le succès de la population, voire de l’espèce. Mais auparavant cette information nouvelle aura été sélectionnée à chaque niveau par l'environnement. En conséquence une information contre-sélectionnée au niveau cellulaire ne sera jamais transmise par un individu. Le fonctionnement de l’ensemble est rendu encore plus complexe du fait que chaque niveau d'organisation constitue l’environnement de l’ensemble des niveaux précédents.

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5. PHÉNOTYPES, GÉNOTYPES ET ENVIRONNEMENT SONT EN PERPÉTUELLE ÉVOLUTION

En fait, si l'environnement module le phénotype des individus, ceux-ci ont aussi un effet en retour sur l'environnement par leurs activités. Si on se place non plus à l’échelle d’une vie humaine mais de la vie de l’espèce, on voit que malgré les mécanismes génétiques conservateurs dont nous avons parlé ci-dessus, le génome est, en permanence, soumis à des remaniements divers, imprévisibles dans le temps et qui se produisent au hasard sur l'ADN. Certains d'entre eux sont capables de modifier le phénotype des individus. Par ailleurs, les conditions de vie sur terre fluctuent à cause des changements météorologiques, climatiques, des bombardements cosmiques etc. Les activités humaines sont aussi cause de modification par exemple par les pollutions diverses qui accompagnent leur déroulement.

Il existe donc des interactions permanentes et nécessaires entre le milieu et les êtres vivants : trop stable, l'ADN ne pourrait pas répondre aux modifications de l'environnement qui sont inéluctables et inversement, il n'y aurait pas possibilité de sélection évolutive, si les conditions extérieures ne changeaient pas : l'accumulation de mutations aboutirait à la dégénérescence du matériel génétique. Le maintien des êtres vivants, quelles que soient les conditions extérieures, se combine à une recherche permanente d'optimisation qui se traduit par le fait que les fonctions essentielles sont assurées par plusieurs systèmes indépendants , ce qui s’accompagne d'une complexification des organismes vivants. Celle-ci se réalise non par accumulation d'une multitude de composants spécialisés mais au contraire par réutilisation des mêmes composants dans des chaînes de processus différents.

6. QUELLE INITIATIVE POUR L’INDIVIDU ?

Si les processus génétiques se déroulent automatiquement à l'insu de l'individu, celui-ci semble disposer, en revanche, d'une certaine initiative dans la recherche du partenaire de sexe opposé avec lequel il réalisera par la fécondation la création d'un nouvel individu qui assurera leur descendance. On peut remarquer que ceci ne va pas sans contraintes pour que cette descendance soit viable, (c'est-à-dire pour éviter l'occurrence d'avoir deux allèles défavorables pour le même gène) ce partenaire ne doit être recherché ni dans la famille, ni au sein d'un groupe trop restreint, ce qui

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suppose une certaine prise en compte de la part des individus.

En dehors des considérations liées à la transmission du patrimoine génétique, l'individu a la possibilité de développer (ou non) les potentialités inscrites dans son génotype en recherchant le milieu favorable à cette expression. Pendant son existence, il est capable d'intervenir sur son devenir par les apprentissages qu’il peut acquérir par lui-même, ou à l’aide des membres de sa famille et de ses professeurs. Il est libre de se déplacer géographiquement ou socialement. Mais il peut aussi choisir de ne pas se reproduire et de ne transmettre que les artefacts qu'il aura produits durant sa vie. S’ils sont conservés, ceux-ci feront partie de l’environnement des générations suivantes, ils pourront ainsi éventuellement influencer leur devenir.

7. IMPORTANCE RELATIVE DES INDIVIDUS, DE L’ESPÈCE ET DES ÊTRES VIVANTS EN GÉNÉRAL

D' un point de vue génétique, les événements de la vie personnelle des individus ne comptent pas par eux-mêmes, le plaisir sexuel, le choix du partenaire ou la capacité d'élevage et d'éducation des petits n'ont d'intérêt que par la réussite de la transmission de leurs gènes tandis que disparaîtront les gènes des individus qui se refusent à procréer. La génétique évolutive mendélo-darwinienne a porté beaucoup d'intérêt aux individus. Mais la génétique est une science qui évolue comme son sujet d'étude, elle considère les individus comme des transmetteurs d'information (Dawkins, 1976). Le gène se dématérialise pour devenir un concept abstrait : c'est une information qui circule dans les êtres vivants. Quant à l'espèce humaine, l'individu n'y a que peu d' importance en lui-même, il n'est qu'un cas de variation dans l'expression du génome de l'espèce et à cet égard, il ne se distingue pas des autres individus, animaux ou végétaux, en compagnie desquels il obéit aux mêmes lois génétiques. On pourrait même aller jusqu'à dire que la différence entre espèces, familles ou règnes ne présente qu'un interêt mineur devant la recherche de pérennité d'une information vitale à l'essai dans les diverses circonstances historiques de la vie terrestre. C'est pourquoi, d’un point de vue génétique, on peut adopter le concept d'avatar (Gouyon et al, 1997), tiré de la notion d'incarnation des dieux de la religion hindoue. Quelle que soit leur espèce, les individus sont des avatars qui interagissent avec l'environnement, en tirent des ressources et en sont également affectés. Mais l'avatar est aussi et d'abord produit par une information pour assurer sa propre transmission : en fait, les êtres vivants ne sont que des véhicules que l'information génétique utilise pour se pérenniser.

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BIBLIOGRAPHIE

DAWKINS R. (1976). The selfish gene. Oxford University Press.

GOUYON P.-H., HENRY J.-P., ARNOULD J. (1997). Les avatars du gène. Paris : Belin. LITTLE P. (2002). Genetic destinies. Oxford University Press.

ROSSIGNOL J.-L., BERGER J., DEUTSCH, FELLOUS M., LAMOUR-ISNARD C, OZIER-KALOGEROPOULOUS O., PICARD M., DE VIENNE D. (2000). Génétique. Paris : Dunod.

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