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Une tentative d'enseignement du travail algébrique, première approche : la dialectique notion-notation

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Une tentative d'enseignement du travail algébrique,

première approche : la dialectique notion-notation

Alain MercierUMR ADEF, Université de Provence, INRP, IUFM

d’Aix-Marseille

Le domaine de réalité et les questions de recherche

La régulation de l’activité des élèves par le milieu fait la matière de l’observation : mésogenèse et topogenèse

La première dimension à observer dans un enseignement est la mésogenèse : Schubauer-Leoni (2005) l’indique avec force. Mais de fait, la régulation du rapport des élèves à un milieu dans le cadre d’une relation adidactique n’est pratiquement jamais observée. Les professeurs ne trouvent pas, dans leur institution de référence qui est le système d’enseignement et de formation, les éléments épistémologiques qui leur permettraient de mettre en place un milieu capable de porter quelques unes des dialectiques d’une situation adidactique. Aussi, nos analyses de classes ordinaires ont dû se doter d’instruments bien plus fins pour décrire les moments que l’on ne saurait qualifier par l’adidacticité du rapport des élèves à un milieu : nos premières conjectures d’efficacité se sont affinées parallèlement, puisque les évaluations montraient des différences qui n’appartenaient pas à cette opposition et que la mise en place d’un milieu se fait presque toujours de la première manière, par réduction de l’incertitude des élèves, par réduction de l’espace des possibles proposés au déploiement de leur activité.

Nous sommes alors revenus sur l’analyse selon les deux voies complémentaires de description de l’activité didactique que sont l’action enseignante du professeur et l’action étudiante des élèves. Pour cela, il est devenu essentiel de comprendre comment se décide,

dans le rapport au milieu, le partage des responsabilité entre élèves et maître : la topogenèse. Nous allons observer à cet effet deux attitudes différentes du professeur, l’accompagnement et l’analyse du travail de l’élève, reprenant ainsi les termes que

Schubauer-Leoni (2005) introduit pour décrire le travail mésogénétique par la distance topogénétique qui s’y joue. Nous montrerons alors que ces attitudes réalisent, dans les moments d’enseignement ordinaire, la dévolution des situations et l’institutionnalisation en savoirs des connaissances produites : l’accompagnement et l’analyse réalisent les fonctions de dévolution d’un enjeu didactique et d’institutionnalisation du produit d’une activité didactique.

Nous montrerons aussi que ces attitudes sont parfois caractéristiques du style d’un professeur, ce qui en fait une disposition personnelle. Certains professeurs semblent privilégier « l’accompagnement » de l’action des élèves, en aidant à « parler des objets du milieu », ou en aidant à « agir sur le milieu », d’autres semblent privilégier

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« l’analyse » de l’action, en tentant de « faire prendre conscience des stagnations

produites par les contradictions de leur action ou des avancées accomplies par les élèves » (Schubauer-Leoni, 2004). Il semblerait que ces deux postures, normalement complémentaires, soient choisies préférentiellement par les professeurs selon la « bonne distance avec leurs élèves » qu’ils recherchent, consciemment ou non. Elles correspondent en effet à deux équilibres différents du partage topogénétique qui sont souvent qualifiés en référence à des théories non didactiques qui les opposent comme s’il s’agissait de choix techniques volontaires : « piagétien », « dévoluant », ou « constructiviste » contre « vygotskien », « institutionnalisant » ou plus récemment, « wittgensteinien ». Iselon nous, il s’agit plutôt de choix personnels anciens dans l’expérience des rapports aux savoirs des professeurs, rapports personnels qu’ils aménagent jusqu’à être en accord avec leurs élèves (Sensevy et alii, 2005).

Dans l’accompagnement, il s’agit pour le professeur d’aider les élèves à nommer et désigner les objets du milieu, et de les aider à agir sur ces objets : le professeur est donc obligé, s’il ne veut pas imposer son propre vocabulaire étranger à l’expérience des élèves ou leur dicter des comportements sans raisons d’être, de garder une « position topogénétique basse », au plus près de l’expérience des élèves. Son efficacité dans ce

moment tient donc à cette position, qui s’observe en particulier dans les pronoms qu’il utilise (par exemple nous et on, au lieu de vous et je). Un bon exemple d’un « accompagnement en proximité » est donné par l’épisode suivant : les élèves n’arrivent pas à réactiver l’expression « chiffre des unités » pour nommer « le chiffre de droite dans 85 », jusqu’à ce que l’un d’entre eux parle des « blocs », terme référant au travail entrepris dans la classe avec du matériel didactique, où les « blocs » représentent des unités, et les « barres » des dizaines. Le professeur reprend alors le terme « blocs », en s’appuyant sur celui-ci pour avancer dans la séance. Ce faisant, il évite d’imposer le terme « unité » et accepte le mot qui fait sens pour les élèves. Il est intéressant de constater que cette activité va peut-être rendre possible une analyse de l’action puisque, littéralement, le professeur et les élèves instituent dans la classe une signification nouvelle : les « blocs » sont ce que le chiffre de droite qualifie. Mais il faudra encore que le professeur s’assure que plus d’un élève se remémore ce qu’est un bloc et dans quel contexte il a été employé, faute de quoi on pourrait dire que c’est le groupe des élèves qui accompagne, s’il le peut, le développement de l’enseignement que réalise le professeur. Seulement, cette position relativement basse, sans laquelle l’accompagnement ne saurait produire ses effets, ne peut suffire à produire la position d’analyse de l’action. Il y faut aussi l’institution de pratiques efficaces et de significations, partagées et nouvelles, est un processus qui est présent dans une séance d’enseignement efficace. Or, il n’est pas sûr que les mouvements d’accompagnement produisent toujours des pratiques et des significations que les élèves partagent.

Dans l’analyse il s’agit pour le professeur, en temps réel, grâce à la fois à sa connaissance des objets de savoir enjeux de la séance et à sa connaissance des élèves (des modèles d’action qui les guident en tant qu’invariants opératoires), le professeur puisse identifier dans l’action de ceux-ci des éléments « pertinents » (susceptibles de

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faire avancer le temps didactique), ou des éléments « contradictoires » (susceptibles de bloquer l’avancée du temps didactique mais porteurs d’une nécessaire expansion du milieu). L’ efficacité du professeur dans ce moment tient donc à ce qu’il pourra, d’une

certaine manière, se mettre à distance du travail des élèves (en se donnant les moyens d’en prendre connaissance), puis leur faire éprouver d’une manière adéquate ce qui, dans leur travail, pose problème ou peut les faire avancer. Un exemple d’une telle prise de position (haute) du professeur se trouve lorsqu’à la réponse d’une élève qui caractérise une suite de nombres comme 82, 83, 84 par le fait qu’elle se termine par 2, 3, 4…, le professeur produit une suite correspondant à la définition de l’élève, et qui n’est pourtant pas une suite adéquate (12 43 54 65) : un contre-exemple. On perçoit ici un premier moment de l’analyse stricto sensu de l’action, dans lequel le professeur perçoit la fausseté de la définition de l’élève, un second moment dans lequel il utilise la stratégie du contre-exemple pour disqualifier la définition produite. On comprend comment la prise de position haute du professeur analysant l’action des élèves ne signifie pas pour autant que l’activité des élèves soit réduite à la portion congrue : le professeur ne qualifie pas immédiatement la réponse de l’élève, mais propose à la classe un moyen pour la réfuter. Seulement, la position est ici trop haute : la théorie dont relève le contre-exemple n’est pas disponible et il ne permet pas aux élèves de produire des réponses nouvelles. Installer une telle forme de vie (Wittgenstein, xxxx, p.xx) suppose l’institution de problèmes

partagés nouveaux. C’est un processus qui est présent dans une séance d’enseignement

efficace mais les mouvements d’analyse ne produisent pas toujours (ou même, souvent) des problèmes, nouveaux, dont les élèves peuvent s’emparer, que le professeur peut mettre à l’étude.

La difficile dialectique notion-notation

Avant de poursuivre, reformulons la structuration double que nous avons identifiée.

- Tantôt le professeur et les élèves jouent ensemble. Le professeur est

certes toujours professeur, mais leur action est fortement conjointe. D’une certaine manière, le professeur joue le jeu des élèves. Ce jeu d’accompagnement suppose que le professeur soit en mesure de comprendre comment le jeu peut évoluer en rapprochant la classe des savoirs (mathématiques) visés.

- Tantôt le professeur évalue l’action de l’élève, et tente de faire en sorte

d’influer sur celle-ci dans le sens de la construction de connaissances. Ce jeu d’analyse suppose que le professeur soit en mesure de comprendre les problèmes que les élèves se posent jusque dans leurs conséquences épistémologiques (mathématiques).

Chacun de ces deux états du système réalise une articulation des deux fonctions fondamentales de dévolution et d’institutionnalisation, qui ne sont pas relatives aux seules situations didactiques structurées par une série de situations adidactiques et aux milieux associés. Accompagnement et analyse ne sont pas des techniques d’enseignement mais des formes de la topogenèse qui dépendent des objets et des enjeux

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de l’activité didactique. Pourtant, notre description nous apparaît encore insuffisante pour rendre compte de l’enseignement observé parce qu’à ce stade, aucun effet observable sur le savoir disponible à plus d’un élève ne s’en déduit ; il faut chaque fois « juger sur pièces » et construire les points d’appui du jugement. Nous allons donc reprendre nos conjectures d’efficacité pour les remettre au travail.

Cette fois, nous interrogerons nos données avec une question plus forte :

« Comment, dans cette classe, l’action d’enseignement qui se développe dans les interactions didactiques observées prend-t-elle en charge le jeu dialectique entre l’institution de pratiques et de significations partagées nouvelles et l’institution de problèmes partagés nouveaux ? »

Dans notre progrès sur cette question, un élément d’observation a été pour nous déterminant. Il s’agit de la dernière partie de la séance d’octobre 2005 de la classe 13 : les élèves ont changé, le professeur est le même.

Synopsis et analyse a priori de la séance

La première étape est organisée autour d’un matériel qui est la bande numérique et d’un type de tâches : reconnaître et associer un « nom de nombre » à un nombre écrit en chiffres dans une bande numérique.

La deuxième étape est organisée autour d’un matériel qui est constitué par deux jeux de cartes (un avec des points selon la configuration des dés et un avec une configuration de bâtons) et d’un type de tâches : « écrire » un nombre de différentes manières (par une « écriture » en toutes lettres, par une carte-dé, par une carte-bâtons) puis, reconnaître un même nombre sous ces notations différentes.

La troisième étape consiste à bien écrire les chiffres (travail du graphisme de 7, 8 et 9), en

autonomie.

La quatrième étape utilise le matériel de la deuxième étape (les cartons avec les bâtons) et d’un type de tâches : décomposer un nombre supérieur à 5 et inférieur à 10 en le désignant par la composition de deux cartons sous la forme 5 + x.

La cinquième étape correspond à une extension du type de tâche précédent : imaginer, avec le même matériel, une décomposition semblable pour des nombres de la forme

5 - x.

La sixième étape propose un nouveau matériel constitué de cartons fléchés permettant de désigner des déplacements sur une bande numérique, pour traiter du type de tâche précédent.

Il faut noter que la classe est organisée en cours double (CP-CE1) et que le professeur va et vient d’un groupe à l’autre : il doit donc régulièrement laisser le groupe de CP

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travailler « en autonomie » et à tout moment il doit réserver une part de son attention à juger de l’état d’avancement de l’autre groupe. C’est une contrainte dont le poids est énorme. Cependant, le nombre même des étapes du travail proposé ici alerte l’observateur, et l’analyse a priori ascendante qui permet de retrouver les classes de problèmes et les champs mathématiques dont relèvent les types de tâches proposés ici l’inquiète : en effet, le jeu est proposé entre sept domaines différents d’activité, qui relèvent des trois dimensions d’un nombre entier : cardinal (mesure de la quantité des objets d’une collection) ordinal (codage d’une position dans un rangement, un espace ordonné) opératoire (codage de la transformation de la quantité ou codage du changement de position, par l’association d’un nombre et d’un signe) et mobilisent huit systèmes de codage :

- 1) et 2) codage par configurations (deux formes, l’une culturellement installée, l’autre nouvelle et rare) ouvrant sur une définition cardinale, - 3) bande numérique permettant des manipulations ordinales,

- 4) énonciation permettant des manipulations langagières et la constitution d’un répertoire de résultats,

- 5) écriture en chiffres ouvrant sur le système de la numération décimale de position,

- 6) décomposition additive à partir du code cardinal - 7) décomposition soustractive à partir du code cardinal

- 8) codage de transformations ouvrant sur des manipulations ordinales

Observation des étapes quatre à six

Le milieu matériel et symbolique des cartons avec des bâtons va être le point de départ de nouveaux types de tâche. Nous pouvons les décrire mais ils ne sont pas identifiés ainsi dans la classe, ni par les élèves ni peut-être par le professeur : « décomposer des nombres sous la forme 5+x ou 5-x, x étant compris entre 0 et 5. »

P. donne la consigne : « Alors moi je vais partir toujours de celui là + moi

je ne sais lire qu’un seul nombre c’est celui là le ‘quatre’/ le ‘cinq’ pardon/(P. exhibe le carton ‘V’) je ne connais que celui là et écoutez bien la consigne (…) Je voudrais sept sur mon tableau/ je voudrais voir ‘sept’ sur mon tableau qu’est ce vous pourriez rajouter pour avoir/ pour que j’aie sept/ faîtes le glisser devant vous le carton/ j’en veux ‘sept’ en utilisant le mien. »

P. répète la consigne : « J’ai ‘cinq’ et j’en voudrais sept/ lequel tu vas venir

me mettre à coté là pour que j’en aie sept en tout ? + et tu utilises le mien ++ on le pose devant soi et les autres sont en haut/ on le pose. »

Une élève vient au tableau et pose le carton ‘III’ à côté du carton ‘V’. Des élèves affirment que ce n’est pas ça et la technique du comptage permet de vérifier qu’on n’a pas sept mais huit (bâtons). L’élève dit alors qu’elle aurait dû mettre le carton ‘II’, elle le fait et vérifie par le comptage qu’elle obtient bien sept (bâtons).

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D’autres nombres sont proposés : « maintenant j’en veux ‘six’ on le met

juste devant on le fait glisser devant soit pour faire ‘six’ », ce que l’élève

qui vient au tableau fait correctement en amenant ‘I’. Et ensuite : « alors

attention + attention attention + j’en veux neuf maintenant j’en veux neuf + j’en veux neuf ». L’élève se trompe en mettant ‘III’ mais d’autres élèves le

reprennent et il corrige en prenant le carton ‘IV’. P. conclut alors par : « Voilà donc on a avancé de quatre pour aller jusqu’à neuf on est

d’accord »

Cette dernière phrase introduit le mot « avancer » pour indiquer ce que les élèves faisaient tandis que les mots utilisés auparavant sont : « rajouter » ou « glisser le

carton ». Mais cette activité est interrompue car la maîtresse doit aller travailler avec les

CE1 : les élèves de CP s’entraînent à écrire les chiffres « 7 », « 8 » et « 9 » après que la maîtresse leur a décrit les gestes à faire.

Les conditions du développement d’un jeu de langage

Le jeu entre ce que le système de notation permet de FAIRE (pour faire neuf, poser un carton à quatre points à côté du carton à cinq points, vérifier que c’est convenable en comptant les points puisqu’une collection comme celle-ci [

….…..

] ne peut s’évaluer d’un coup d’œil, par subitizing) et ce que ce système permet de PENSER et DIRE (on a

avancé de ‘quatre’ pour aller jusqu’à ‘neuf’, depuis cinq, évoquant ici par exemple, pour

certains élèves, la bande numérique et liant ainsi des propriétés cardinales et ordinales de neuf) se voit bien ici. On y trouverait « une forme de vie pour un jeu de langage » (Wittgenstein, xxxx, p. xx). Mais le professeur ne propose pas cela à l’étude collective, après la tâche d’écriture. Il ne poursuit pas, comme on aurait pu le penser, par un usage de la notation chiffrée des nombres, du type « 5 + 4 = 9 », et par l’enregistrement du résultat dans un répertoire permettant ultérieurement des raisonnements du type « Puisqu’on sait que 5 + 4 = 9 alors 35 + 4 = 39 ou 9 – 4 = 5, etc. » Cependant, après la visite de contrôle des CE1, P. va proposer une expansion du milieu, avec un nouveau problème. La reprise de l’activité se fait en effet avec des nombres inférieurs à 5 et c’est là un tout nouveau type de problèmes.

262 P. : Alors les CP on reprend / Fa Mo on reprend notre travail avec le

‘cinq’ là alors attention ++ j’ai ‘cinq’ toujours [montre le carton, au tableau] et maintenant + j’en voudrais deux ! Qu’est ce qu’il va falloir faire ?

263 Cl : Il va falloir enlever les cinq et prendre les deux.

264 P. : Alors il va falloir donc qu’est ce qu’elle me dit Cl <… ?> pour le

moment + Ma.

265 Ma : Il faut enlever les cinq et prendre les deux. 266 P. : Ah non attention j’en ai cinq au tableau\

267 Ma : Oui mais on enlève tous les cinq et après on remet les deux.

268 P. : Oui mais combien je vais en enlever moi alors c’est ça que je

voudrais savoir + montrez moi combien il faut que j’en enlève [commence

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doigt] + j’ai ‘cinq’ mais je voudrais qu’il m’en reste deux moi.

Cette reprise est en rupture par rapport au type de tâche précédent. « Décomposer un nombre sous la forme 5–x » ne se représente qu’avec une notation algébrique et ne peut se demander oralement sans la notion de différence. P. l’expérimente à son grand dam. Aucune pratique ne s’invente directement dans le cadre mis en place, surtout pas avec les cartons qui jouent sur l’ambiguïté d’une notation algébrique substituée par l’apposition des cartons et la réunion des collections d’objets qui y sont « représentées ». Un jeu serein avec les notations chiffrées aurait permis de noter ce que proposait l’élève Cl, suggestion reprise par Ma : « -5 + 2 » est la réponse ! On comprend que, au CP, le professeur ne souhaite pas s’engager sur cette voie.

On remarque alors comment P. fait appel aux notations instituées en nommant le carton ‘5’ et en notant le nombre par cinq objets dans une collection : il oriente ainsi les élèves vers la manipulation des cinq points ou bâtons eux-mêmes. P. dit ainsi : « J’en voudrais deux » et ce deux n’est pas ‘deux’ le carton mais deux bâtons. P. sur la flexibilité de la notation de cinq le nombre par ‘cinq’ le carton. Dans le cas précédent, les élèves devaient repérer le nombre qu’ils devaient ajouter, en glissant un carton ‘quatre’ à côté de celui qui représentait cinq, ‘cinq’. Dans ce nouveau type de tâches il ne s’agit pas d’ajouter quelque chose mais d’enlever quelque chose. Or cela ne pourrait se matérialiser en manipulation des cartons qu’en considérant cette fois que l’apposition note un retrait ([‘5’ ; ‘3’] noterait maintenant ‘2’, comme cela notait ‘8’ dans la tâche précédente !) Il y a là un obstacle de taille, pour les élèves et pour le professeur. Une solution intéressante aurait été d’utiliser la technique précédente, en la développant de cette manière : « ‘5’ = [‘2’ ; ‘3’] donc, pour faire ‘2’ à partir de ‘5’ il faut enlever ‘3’ »… Les élèves Cl ou Ma auraient-ils(elles) pu inventer cela et à quelles conditions ? Nous ne le savons pas, faute des observations expérimentales adéquates. Mais cela suppose un rapport culturel à ces objets qui manque évidemment à ce professeur comme à tout professeur des écoles aujourd’hui, parce qu’il relève d’une culture algébrique absolument étrangère à la formation.

Les élèves quant à eux produisent du langage qu’il faut observer de plus près : j’ai interprété, dans la transcription de « Il faut enlever les cinq et prendre les deux » (265) que cinq et deux nombraient des bâtons parce que l’élève dit « les cinq » et « les deux » ; mais il faut « enlever ‘les cinq’ » et « prendre ‘les deux’ » s’interprète comme manipulation des cartons. Il existe donc au moins un élève qui aurait pu engager le jeu de langage nécessaire à la vie du problème. On peut attester du fait que P. sent la difficulté : « Alors qu’est-ce qu’elle me dit Cl ? » ce qui engage l’élève à répéter. Mais voici comment P. se sort de la difficulté, en revenant aux nombres de bâtons dessinés et en renonçant aux cartons comme notations :

270 P. : Donc j’en avais ‘cinq’ et je veux qu’il m’en RESTE ‘deux’ +

combien il faut que j’en enlève d’après toi euh Ra ?

271 Ra : Deux.

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Un nouveau mot, « reste » est introduit ici : il permet de dire « combien il faut que j’en enlève », ce qui suppose une manipulation des bâtons et non des cartons. Car les mots ici importants sont « enlever » et « reste », mais pour pouvoir les prononcer il faut dire « j’en avais cinq » et non « j’ai le carton ‘5’ » qui est pourtant ce qui avait été construit dans la première partie de la séance. P. doit alors ruser avec son système de notations, mais il n’envisage pas de le faire au grand jour de l’institution. Comme si cela était évidemment hors de portée des élèves ; et c’est le cas si l’on observe le partage topogénétique dans la classe : P. n’avait pas fait dévolution d’un tel problème, la manière dont la tentative de Cl pour développer un jeu de langage adéquat le montre puisque P. ne l’accompagne pas dans cette voie. En quelque sorte, le professeur a ici repris d’un coup la position de l’analyse, mais ne conduit pas l’analyse nécessaire : il fait acte d’autorité et en appelle aux résultats d’une analyse toute faite, il parle une langue de bois qui appelle la réponse non instruite d’un autre élève.

C’est pour nous une découverte, produite par une question que nous avions posée à l’origine de la recherche : « Comment la dynamique des milieux permet-elle que s’engagent des positions d’élèves différenciées ? » Nous avons, aujourd’hui, des éléments de réponse sur le fonds desquels nous pourrons observer deux types de faits :

- comment divers élèves peuvent tenter de penser et d’agir avec les outils que sont les notations et les notions que le professeur met à leur disposition et parfois même avec ceux qu’il leur retire,

- comment le professeur reçoit ces pensées et ces actions pour construire des types de tâches, des techniques y afférentes et un discours commun, qui seront le savoir institué de la classe.

Le professeur dont nous observons l’enseignement éprouve manifestement quelques difficultés dans la réalisation de cette activité. Car justement, les techniques pédagogiquement expertes de ce professeur ne sont pas soutenues par des connaissances épistémologiques suffisantes, et la stratégie du contre exemple s’avère tout à fait inefficace. Nous le savions a priori pourrait-on dire parce que cette technique supposait la disponibilité d’un répertoire d’opérations sur la numération chiffrée et d’une notation des opérations que justement P. avait omis de commencer à mettre en place lorsque l’occasion en était offerte, pour traiter de l’augmentation de cinq à neuf en écrivant « 9=5+4 » qui engageait ensuite à écrire « 5=3+2 » pour l’interpréter « Il faut enlever 3 pour qu’il reste 2 ».

Ainsi, la production de savoirs est le travail collectif d’une institution où collaborent professeur et élèves. Dans le mouvement d’accompagnement, le professeur peut faire advenir des notations que, parfois, certains élèves auraient inventées (il se peut qu’ils l’aient fait) ; dans le mouvement d’analyse il peut introduire des notions que, parfois, certains élèves auraient anticipées (il se peut qu’ils l’aient fait). Ce travail suppose une activité de référence à partager dans une construction langagière.

Mais les jeux de langage qui produisent les significations nouvelles peuvent s’avérer impossibles, faute par exemple de la disponibilité d’un lexique adéquat et plus généralement faute d’une dialectique disponible entre une notation ou un système de notations et une notion ou un univers cognitif associés. Les jeux de langage attendus par

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la situation supposent des formes de vie intellectuelles particulières. La métaphore de Wittgenstein est proche d’une métaphore écologique, mais il s’agit ici de propriétés bien particulières du vivant : les pratiques d’un collectif de pensée (Fleck, 198X), cherchant à partager notions et notations pour la résolution d’une classe de problèmes.

Dans le cas observé, le professeur ne construit pas le mouvement entre notation et notion, il saute d’une situation à l’autre sans installer ni lien d’adéquation ni lien de contradiction. Il faudrait pourtant que le professeur gère la dialectique des notations et des notions, pour que les notations puissent être instituées et que les notions puissent devenir opératoires : car les objets d’enseignement que le professeur manie, dans une activité partagée avec les élèves, appartiennent à un univers culturel structuré par des jeux de langage et par les expériences (dans le monde de référence comme dans les théories qui le modélisent). Le professeur participe de cet univers culturel, mais son rapport à cet univers est déterminé en grande partie par le système d’enseignement (ouvrages à usage didactique pour le professeur et l’élève, textes régulateurs, organisations curriculaires). Dans le cours de l’enseignement, le professeur régule l’activité à partir des conditions sociales et matérielles (associées à des jeux de langage connus) qui appartiennent à l’univers culturel du système d’enseignement et qu’il ne peut installer s’il ne les a pas fréquentées en personne, explicitement.

Des phénomènes didactiques provoqués

Ce qui est décrit ici comme le problème de tout enseignement relatif à des savoirs techniques peut être référé aisément à la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1997), mais nous avons, en le formulant ainsi, accompli un progrès important parce que nous décrivons le problème du professeur en relation avec les trois systèmes de fonctions que l’activité didactique réalise : mésogenèse, topogenèse, chronogenèse (Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni, 2000). Nous situons ce problème dans une construction qui permet de comprendre le point de vue du professeur en décrivant les propriétés ergonomiques des objets par le moyen desquels il interagit avec les élèves et nous espérons que cette même construction permettra, symétriquement, de comprendre le point de vue différentiel des élèves, sa construction et son développement. Il nous faut donc aujourd’hui entreprendre l’analyse systématique de séances d’enseignement ; aller voir, dans de nombreux protocoles, ce qu’il en est. Nous pouvons aussi visiter de nouveau les protocoles anciens que nous avons travaillés longuement, afin de mettre à l’épreuve la nouveauté de notre discours actuel.

Il nous faudra enfin discuter de notre emploi des termes de notion et notation pour nommer un rapport assez proche semble-t-il de ce que Chevallard nomme ostensifs et

non-ostensifs, de ce que Brousseau nomme représentations pour l’action et savoirs, ou ce

que Duval nomme registres de représentation du concept et concepts. Chacun de ces chercheurs a mis en place des expressions non symétriques venues de sa théorie de la pratique mathématique et de ses choix philosophiques : notre choix, au plus proche du lexique des mathématiciens (Freudenthal, 1968), permet d’orienter l’attention sur les interactions du professeur et des élèves dans la dialectique du jeu des manipulations que

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les notations permettent, auxquelles elles engagent, et des jeux de langage qui construisent des notions, un jeu assurant le contrôle de l’autre et leur rapport constituant

les objets mathématiques dans leur espace à la fois symbolique et matériel. Cela permet de comprendre comment la chronogenèse est nourrie des objets nouveaux, qui adviennent ensemble ou alternativement selon les enseignements, par un progrès des notations et de leurs usages ou par l’introduction de notions jusqu’alors inouïes qui permettent des jeux de langage nouveaux et nourrissent le texte du savoir - ce qui peut se dire et se faire dans l’institution à propos du domaine de réalité dont l’institution traite.

Le couple notion-notation propose donc une description symétrique rendant compte de l’activité didactique et plus généralement, du travail mathématique institué. Nous allons en tester le potentiel sur une observation ancienne qui n'a pas donné lieu à publication faute des moyens de décrire

Une situation pour l'entrée dans le travail algébrique

Dans les ouvrages d'enseignement actuels pour le Collège, les questions linéaires sont identifiées par les techniques qui outillent leur résolution : on trouve ainsi des chapitres sur les problèmes de division, sur les calculs de proportionnalité ou sur les tableaux et le produit en croix, sur les équations du premier degré, etc. Mais il semble que jamais on ne réalise une reprise des techniques enseignées à un moment de la scolarité, envisagées comme objets des études ultérieures: de ce fait, le travail proposé aux élèves les cantonne dans les travaux d'exécution de procédures normées sans que jamais le travail technique sur ces procédures ne les fasse déboucher sur des questions technologiques - encore moins, sur des questions théoriques; de ce même fait, les diverses techniques enseignées ne sont jamais étudiées en rapport à leur domaine de validité, ce qui interdit l'identification des domaines de problèmes qu'elles outillent. On observe en quelque sorte la taylorisation de plusieurs strates successives de pratiques scolaires relatives au linéaire, dans des conditions telles, que cette taylorisation ne trouve jamais ses objets et demeure éternellement abstraite, scolaire. Nous avons étudié les rapports entre le cours et les systèmes d’exercices proposés par deux manuels du Collège, ce qui a montré une progression particulièrement rigide, puisque les techniques enseignées sur la proportionnalité à un niveau ne sont pas utilisées au niveau suivant comme les outils des études nouvelles qui y sont proposées. Ce phénomène semble provenir du fait que la progression dans ce champ de problèmes est organisée sur le mode de l'exploration des techniques du champ (elles sont donc relatives à un même concept) sans que l'enseignement démontre jamais aux élèves l'unité conceptuelle du champ, qui est pourtant le produit historique de son unification technique puisque c'est ainsi que les questions de la proportionnalité sont devenues partie du champ conceptuel de la multiplication et ont été intégrées dans les problèmes mathématiques dits « linéaires ». Notre hypothèse sur ce point a été affinée dans le cadre d'un suivi sur quatre ans de l'évolution des taux de réussite aux questions sur la proportionnalité et le linéaire, pour les milliers d'élèves observés par l'APMEP en 1990 (6e), 1991 (5e), 1992 (4e), 1993 (3e).

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Car la réussite aux questions qui font l'objet d'un enseignement progresse fortement, tandis que la réussite aux questions qui nécessitent des techniques utiles (non enseignées à ce niveau ou enseignées longtemps auparavant) progresse lentement, ce qui nous a permis, en observant la progression des résultats, de séparer les techniques enseignées des techniques seulement utiles et des techniques obsolètes.

Aussi, nous avons mis en place le prototype d’un outil qui a donné lieu à expérimentation : une « banque de problèmes linéaires » qui pourrait être utilisée de manière autonome par les élèves mais offre de fait les éléments d’un système d’aide à

l’étude relativement autonome de l'intervention du professeur, autour d'un « forum de

débat » entre élèves s’intéressant aux mêmes problèmes et d'un « cours » adapté aux différents niveaux possibles de l’étude d’un même problème.

Les problèmes sont proposés par groupes de quatre à six, de manière à ce que la consigne ne soit pas : « Il faut résoudre tel problème » mais bien : « On cherche une manière de résoudre ensemble tous ces problèmes. » Or les problèmes associés dans un même groupe jouent sur les variables didactiques identifiées dans la phase précédente de la recherche pour disqualifier les premières méthodes imaginées par les élèves et demander de ce fait l'invention de manières de faire nouvelles. La Banque a été produite comme « organisation de problèmes mathématiques correspondant à une situation adidactique pour la modélisation algébrique de problèmes linéaires venus de la vie quotidienne ». D'un tableau à l'autre, il est nécessaire de capitaliser les savoirs produits. Cela rend nécessaire le partage des savoirs entre élèves étudiant au même niveau. Car un processus autodidactique s'épuiserait vite. Nous avons donc fait l’hypothèse suivante : une telle

« Banque de problèmes » ne peut être utilisée longtemps par les élèves sans qu’un professeur n’en organise l’étude et nous avons justement observé la manière dont un professeur s’acquitte de cette tâche, quelle est l’aide et quelles sont les connaissances dont il va avoir besoin.

L'observation de terrain et son analyse

Une première réalisation, conduite dans une cinquième (Septième année, deuxième secondaire) n'a pas donné lieu à publications. Puis, deux fois quatre séances ont été observées dans les deux classes de Troisième (Neuvième année, quatrième secondaire) d'un même professeur. Les cahiers de travail des élèves ont été photocopiés. Yves Matheron (2000) a exploité une partie des transcriptions et de ces documents pour analyser le fonctionnement de la mémoire pratique des élèves. Son travail éclaire certaines décisions du professeur, il nous a permis d'identifier la nouveauté à laquelle ce professeur est confronté par l'introduction de notre « Banque de problèmes pour l'étude du linéaire, en Troisième » : certains élèves inventent des pratiques algébriques inouïes dans le monde scolaire ou tout au moins, des pratiques que l'écologie ordinaire des situations d'enseignement élimine sans même que le professeur ait pris conscience de leur existence.

Car la Banque, on va le voir, autorise certains élèves à inventer des techniques algébriques en s'emparant de manière productive des outils symboliques dont ils disposent comme de notations pertinentes pour traiter de leurs problèmes. Comment le

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professeur peut-il recevoir ces productions atypiques et cependant arriver aux techniques normalisées qu'il doit enseigner ? Comment présenter ces techniques à un public d'élèves qui dispose d'un éventail de manières bien plus large et, souvent, plus efficace ? L'introduction d'un dispositif qui permet aux élèves d'engager l'étude de manière autonome et efficace, devait transformer le métier de professeur, l'enseignant imaginant d'abord devoir renoncer à « faire son cours » (fournie par le chercheur en polycopié, comme la liste des problèmes à étudier), le geste fondateur de sa position. Pour autant, le professeur expérimenté que nous observions est parvenu à restreindre l'espace des stratégies inventées par les élèves et en fin de compte, il n'en est plus resté que les deux stratégies traditionnellement enseignées!

Description rapide du dispositif d'enseignement

Les conditions données par la théorie des situations didactiques :

La production de techniques de traitement de problèmes linéaires (comme d’autres genres de problèmes) par les élèves suppose qu’ils puissent s’engager dans une action dont le résultat leur appartient (c’est le cas ici, puisque la vérification du résultat suppose des opérations dont les conditions d'usage sont connues, additions et multiplications). Et qu’ils puissent éprouver par eux-mêmes (mais en relations avec leurs camarades d’étude) la pertinence et l’efficacité des stratégies d’action qu’ils imaginent. Le professeur intervient pour organiser la mise en débat des résultats, à des moments choisis de leur production : ce sont d'abord des résultats numériques puis, des manières de les obtenir enfin, des traitements d'écritures algébriques sous le contrôle de raisonnements en contexte.

L’organisation didactique des problèmes par tableaux, à l'image des jeux d'adresse sur ordinateur :

Les jeux de consoles informatiques répondent à la première partie des conditions de l’adidacticité, le joueur s'y oppose à un milieu dénué d'intentions mais organisé. Car (au moins dans les formes primitives de ces jeux) l’organisation des tableaux construit une progression, qui encourage l’étude en mettant en jeu la survie du joueur dans le jeu. Cependant, le jeu ne développe pas de dimension adidactique parce que les stratégies de réussite ne sont pas explicitement mises à l’étude dans des phases de travail formel.

Les propriétés nécessaires à une Banque de problèmes porteuse d'une visée didactique :

o La donnée simultanée de plusieurs problèmes permet au dispositif d’engager les élèves vers l’épreuve de leur stratégie de première invention.

o Le débat entre élèves est proposé à tout moment : chaque élève peut joindre immédiatement tout autre élève travaillant sur les mêmes problèmes.

.o Le professeur peut intervenir directement sur le travail d’un élève, lorsqu’il le juge utile.

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donc apprendre à partager l’introduction des objets de son enseignement.

Banque de problèmes mathématiques

pour la classe de Troisième, année scolaire 1999-2000

Auteurs: Alain Mercier, Maryvonne Merri, Roland Pouget (ENFA, 1997)

Avertissement

Les problèmes proposés ici relèvent tous d’une même « classe de problèmes », ce qui signifie qu’il existe une méthode générale de résolution de tous ces problèmes. Ils sont proposés à votre étude afin que, en cherchant une méthode pour en résoudre un, vous vous fassiez une idée des mathématiques qui sont au programme puis, en cherchant à les résoudre tous avec l’aide de vos camarades et sous la direction de votre professeur, vous puissiez découvrir par vous même une partie des mathématiques du programme de votre classe.

Ces problèmes sont choisis de telle manière que vous puissiez résoudre certains d’entre eux avant même de connaître une méthode mathématique valable pour tous : en effet, pour chacun d’eux, vous pouvez vérifier par vous même si votre réponse est juste. Ils sont organisés en « tableaux » où l’on a regroupé des problèmes de difficulté comparable.

La difficulté des problèmes augmente de tableau en tableau, à la mesure de votre expérience et de vos connaissances : vous pouvez donc tenter de les résoudre tous d’emblée ou, au contraire, vous pouvez attendre que le travail collectif fait en classe vous ait donné accès à des méthodes éprouvées et mathématiquement reconnues.

Vous emporterez chez vous ce cahier, pour chercher une solution aux problèmes que vous n’auriez pas résolu en classe ou pour étudier à loisir comment utiliser la méthode inventée par un autre élève ou par un autre groupe : vous pourrez ainsi vérifier si une méthode est valable pour tous les problèmes, si elle échoue dans certains cas ou si parfois son emploi est particulièrement malaisé.

Premier tableau Premier problème

A la clinique « la Sauvegarde », il n’y a que des chambres à un lit et des chambres à deux lits. Aujourd’hui la clinique est complète : vingt malades occupent tous les lits des 13 chambres.

Combien de chambres à un lit et de chambres à deux lits y a-t-il à la Sauvegarde ?

Deuxième problème

Un grand hôtel dispose de 50 chambres et peut recevoir 83 personnes. Il y a des chambres pour une personne et des chambres pour deux personnes.

De combien de chambres pour une personne et de combien de chambres pour deux personnes dispose cet hôtel ?

Troisième problème

Dans un refuge de montagne, il n’y a que des chambres à deux lits et des chambres à 4 lits. Aujourd’hui elle affiche complet, 30 randonneurs occupant tous les lits des 12 chambres du refuge.

Combien de chambres à 2 lits et combien de chambres à 4 lits y a-t-il dans le refuge ?

Quatrième problème

Dans une colonie de vacances il y a des dortoirs de 5 lits et des dortoirs de 7 lits. Il y a 79 dortoirs et 469 enfants dans la colonie, où il n’y a plus un lit libre.

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Dans cette colonie de vacances, combien y a-t-il de dortoirs à 5 lits et de dortoirs à 7 lits ?

Choisissez un problème, essayez de le résoudre sur cette page.

N’effacez pas vos essais, ils vous serviront par la suite. Si vous voulez changer de problème ou de méthode, tracez un trait de séparation avant de commencer

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Commentaire de cette première rencontre des problèmes de la banque

Pour définir vos réponses, vous avez progressivement appris à écrire des formules qui expriment les calculs correspondant à la situation, puis vous avez cherché comment réaliser ces égalités, qui vérifient la

solution que vous proposiez.

Ces formules expriment les relations entre les grandeurs dont parle l’énoncé du problème, et que l’on appelle des variables. L’ensemble des égalités qui doivent être vérifiées est un modèle de la situation que l’énoncé expose :

la solution d’un problème vérifie le modèle de la situation.

Deuxième tableau Premier problème

Dans mon porte-monnaie j’ai 56 €. J’ai vingt pièces, certaines sont à 1 € et d’autres à 5 €. Combien ai-je de pièces à 1 € et combien ai-je de pièces à 5 € ?

Deuxième problème

Dans ma tirelire je n’ai que des pièces à 2 € et des pièces à 5 €. Je viens de la casser : j’ai quatre vingt six pièces et j’ai économisé 232 €.

Combien de pièces de chaque sorte y avait-il dans ma tirelire ?

Choisissez un problème, essayez de le résoudre sur cette page.

C’est un brouillon. N’effacez pas vos essais, ils vous serviront par la suite. Si vous voulez changer de méthode, tracez un trait de séparation avant de commencer

.../...

Commentaire de cette deuxième rencontre des problèmes de la banque (à l'usage des élèves)

Pour chercher les valeurs des variables qui vérifient le modèle, on peut le traiter comme la réunion de deux

équations : pour disposer d’une technique générale de résolution de ces problèmes, il faut donc apprendre à

résoudre ensemble deux équations qui comprennent chacune deux inconnues. Voici, sur un exemple, ce

qu’il en est.

« Dans un refuge de montagne, il n’y a que des chambres à deux lits et des chambres à 4 lits. Aujourd’hui elle affiche complet, 30 randonneurs occupant tous les lits des 12 chambres du refuge.

Combien de chambres à 2 lits et combien de chambres à 4 lits y a-t-il dans le refuge ? »

La situation décrite peut se modéliser par un système de deux formules, qui correspondent au calcul du

nombre des chambres et à celui du nombre de randonneurs.

Soient x le nombre de chambres à deux lits et y le nombre de chambres à quatre lits, les formules sont F1 le nombre total des chambres est x+y

F2 le nombre des randonneurs est xu2+yu4, ou plus simplement 2x+4y.

Il devient alors possible de travailler à partir de ce modèle, sachant que

x + y=12 2x+4y=30

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etc.

Commentaire de la troisième rencontre des problèmes de la banque

Le modèle correspondant à ce type de problèmes comprend deux variables, et a priori vous ne saviez

pas résoudre des équations dans lesquelles ces deux variables seraient inconnues. Une manière de traiter la question consiste à fabriquer une équation qui ne comprenne qu’une des valeurs variables inconnues (qu’on nomme tout simplement « inconnues »). Cela permet de déterminer par le calcul une valeur de cette variable (une inconnue), telle que l’équation soit vérifiée...

Nous disposons à cet effet de deux techniques au moins (vous en avez sans doute imaginées d’autres), que voici démontrées sur un exemple :

1) La technique dite de substitution consiste à opérer un changement d’inconnue dans la première équation

en remplaçant une des inconnues par son expression, tirée de la seconde. On obtient ainsi une équation à une inconnue, que l’on sait résoudre. Par exemple,

E1 : x+y = 85,

E2 : x+3y=169, que l’on traduit en x=169-3y,

ce qui permet de transformer E1 en E3 : 169-3y+y=85, qu’il ne reste plus qu’à résoudre pour connaître y (y=42) ;

on peut revenir alors à E1 pour déterminer x, puisque y n’est plus inconnue : 169-3u42=43, (x=43). La solution est 43 pour l’inconnue x, et 42 pour y : on peut vérifier que c’est bien une solution du système1.

Etc.

Chacune des deux techniques enseignées a ses propres inconvénients et ses avantages, qu’il s’agit d’apprendre à connaître.

Commentaires à l’intention du professeur, concernant la classe de Troisième

L’idée initiale, dont la Banque est une réalisation partielle, est celle-ci :

les élèves peuvent développer par eux-mêmes des techniques de résolution de problèmes, à certaines

conditions, que la Banque satisfait en partie et que le professeur complète par sa manière d’enseigner.

Ces conditions peuvent être décrites rapidement de la manière suivante :

Le professeur organise la rencontre des élèves avec les situations que les problèmes de la Banque évoquent, en proposant différents moments de l’étude.

a) Pour chacun des niveaux de l’étude, le professeur organise, dans la classe, les conditions d’un débat qui permettra à chaque élève de passer progressivement de l’idée qu’il aura eue et de l’action qu’il aura mise en œuvre lors d’une phase de recherche personnelle à une manière de faire plus assurée.

b) Chaque élève aura éprouvé l’efficacité de sa manière, parce qu’il l’aura confrontée et, peut-être, partagée avec les autres élèves d’un groupe de travail. Il considérera ainsi la manière de faire qu’il se propose comme une stratégie d’action.

c) Le groupe des élèves accédera ainsi à une technique - une manière efficace qui sera devenue

traditionnelle et qui aura été validée lors d’une présentation à toute la classe et d’un débat entre les

groupes.

d) Chaque élève pourra alors éprouver personnellement la pertinence de cette technique, dans le traitement des problèmes sur lesquels lui et son groupe auront échoué dans un premier temps, juger de l’efficacité

1 Si l’on sait que le système n’a qu’une solution, on peut être sûr qu’on les connaît toutes en en connaissant une !

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que procure son usage, poser les problèmes que pose sa mise en œuvre dans des situations nouvelles.

La banque assure le professeur de la possibilité de cette manière d’enseigner, pour plusieurs raisons.

a) La banque ne propose pas un problème isolé, qui pourrait être résolu par un procédé ad hoc, mais une

classe de problèmes capable de mettre à l’épreuve les divers procédés que les élèves pourront inventer.

Cette classe de problèmes définit un contexte capable de fonder le savoir technique que ces procédés portent.

b) Cependant, dans le premier temps de l’étude, chacun des problèmes peut être résolu par un élève qui ne disposerait d’aucune technique, parce qu’il est possible d’en chercher une solution « au hasard », ou plutôt par tâtonnements ; cela permet rapidement aux élèves de produire des stratégies de tâtonnement, des manières d’organiser l’action qui font l’assise de l’intervention du professeur décrite plus haut : celui-ci organise l’étude des diverses stratégies et des discours justificatifs qui leur sont associés, dans les divers temps de débat.

c) La banque garantit que les élèves sont en état de débattre de la validité des stratégies qu’ils proposent, parce qu’ils savent valider leurs réponses à partir de la connaissance qu’ils en ont acquis par

tâtonnements2 : ils n’ont donc pas à attendre l’évaluation du professeur et peuvent progresser par eux-mêmes, pourvu que le professeur organise la confrontation des manières de faire en les traitant comme des stratégies d’action.

d) Enfin, grâce à l’organisation interne de la Banque, le professeur peut à tout moment relancer l’intérêt des élèves pour l’étude des techniques de résolution dont ils disposent, en proposant des problèmes semblables qui posent cependant des difficultés nouvelles. Ainsi, l’accès à la banque peut être libre, et ne pas être limité au temps de classe, l’organisation didactique de cet accès libre est un acte d’enseignement et à ce titre, il engage la responsabilité du professeur.

Les principes de fonctionnement étant donnés, l’organisation didactique peut être décrite plus précisément par les consignes initiales de chacun des moments didactiques indiqués

0) La présentation de l’objet même qu’est « la Banque » (dans notre cas, un cahier spécial), suppose que le professeur indique l’enjeu didactique de son usage (c’est un jeu pour apprendre) et en déduise la manière dont elle sera exploitée (en particulier, l’aller retour entre l’usage libre et l’étude en classe). 1) La consigne initiale est donc du type suivant : « Vous avez ici un ensemble de problèmes du même

type, vous devez trouver une manière de les résoudre tous ; pour cela, vous allez commencer par chercher, chacun pour soi, la solution d’un problème, celui que vous voudrez ; ensuite, vous travaillerez par groupes, pour comparer vos réponses. »

2) Les temps de l’étude sont alors introduits par des consignes spécifiques, qui énoncent les différentes manières d’organisation de l’étude que les différentes formes du savoir nécessitent : « Maintenant, vous travaillez par groupes pour comparer vos manières de faire et pour décider de la meilleure manière de

répondre que chacun a trouvée ; vous devez rédiger un transparent que l’un de vous présentera à toute

la classe ; nous discuterons ensuite des méthodes que vous aurez inventées. »

3) Ensuite, « Untel, peux-tu venir exposer la méthode retenue par ton groupe ? Quand tous les groupes auront exposé leur méthode, vous essaierez de dire si certaines méthodes vous paraissent meilleures et

pourquoi. »

4) « Chacun reprend pour soi les problèmes qu’il n’a pas encore résolus et tente de voir si il sait

maintenant utiliser une méthode qui marche pour tous les problèmes ; nous reprendrons ensuite le

travail par groupes pour étudier les difficultés que vous aurez rencontrées en utilisant une méthode. »

5) Etc. Ce dispositif peut être reproduit plusieurs fois, au fur et à mesure que l’étude des problèmes avance et que des questions nouvelles surgissent.

6) En outre, par exemple, au second tour du travail sur le deuxième tableau, il est possible de tenir le

2 En particulier, ils ont conduit des raisonnements du type « tant de chambres à deux lits et tant de

chambres à quatre lits font tant de chambres et tant de lits » et pour vérifeir aisément leurs propositions, faites d’abord au hasard, ils ont écrit des préformules du type 2*5+4*7=30.

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discours suivant : « Pour chercher les valeurs des variables qui vérifient les formules, on peut considérer

les équations associées : alors, pour disposer d’une technique algébrique générale de résolution de ces

problèmes, vous devez apprendre à résoudre ensemble deux équations qui comprennent chacune deux

inconnues. Il s’agit donc maintenant d’apprendre à faire systématiquement les transformations qui

aboutissent à la réponse. »

Il faut noter que le professeur est à tout moment libre de proposer à l’étude collective ou individuelle tel problème ou telle manière de traiter les problèmes et par là, d’indiquer la difficulté que les élèves sont invités à affronter : la banque propose la matière de l’étude, mais c’est le professeur qui en dispose.

Il est maintenant possible de décrire a priori le type de savoirs qui peut être progressivement produit par le fonctionnement didactique que permet l’usage d’une telle banque de problèmes, organisée pour aider les élèves à rencontrer une organisation mathématique : un type de problèmes qui fonde un savoir, et qui est exploré par une suite de situations.

Ainsi, au premier tableau, les élèves ont progressivement appris à écrire des formules qui expriment les calculs correspondant à la situation, puis ils ont cherché comment réaliser une égalité qui vérifie la solution. Les formules expriment les relations entre les grandeurs dont parle l’énoncé du problème, que l’on appelle des variables. L’ensemble des formules correspondant à un problème propose des égalités entre grandeurs ; ces égalités doivent être vérifiées par toute solution : c’est un modèle de la situation que l’énoncé expose. Les élèves ont progressivement compris que chacun des quatre problèmes du premier tableau relie chaque fois deux variables. Cela produit un phénomène nouveau : la solution d’un de ces problèmes vérifie deux formules à la fois.

Au deuxième tableau, armés des formules, les élèves peuvent reprendre chacun des

problèmes du premier tableau pour étudier à leur occasion le traitement qu'ils envisagent : les manières de chercher qu’ils ont inventées peuvent les aider à imaginer des raisonnements intéressants fondés sur l’observation de leurs formules. Ces raisonnements se formalisent en calculs. Et les élèves savent vérifier leurs calculs puisqu’ils connaissent les valeurs des variables qui sont les solutions du problème.

La méthode attendue pour le premier problème est un raisonnement sur la différence des deux équations, et la méthode attendue pour le deuxième problème est un changement de

variable ; mais les deux manières peuvent coexister en concurrence et faire l’objet d’une

étude conjointe lors des exposés du travail de groupe. Etc.

 

Les résultats d'observation

Les élèves de cinquième s’engagent résolument dans le travail de représentations peu mathématisées des problèmes. Ces représentations n’évoluent pas au delà de la régularité que donne la formule de vérification, elles demeurent donc dans le monde des techniques arithmétiques : la Banque ne produit pas de passages spontanés à l’algébrique. De ce fait,

(19)

ces élèves ne peuvent aller très loin dans l’exploration des tableaux de problèmes. Nous ne présenterons pas leur travail, il est cité ici dans le seul but de donner une des conditions de viabilité de l'expérience : la disponibilité culturelle de l'écriture algébrique. Les élèves dont la culture scolaire comporte des éléments d’algèbre (variable ou inconnue, formule ou équation) investissent résolument ces outils dans le travail demandé, comme l'expérience conduite en Troisième avant tout enseignement relatif aux systèmes d'équations va le montrer. Ils contrôlent les transformations qu’ils tentent par le résultat numérique, qu’ils connaissent ou qu’ils savent vérifier : ils travaillent donc dans l’espace des pratiques algébriques, et ils posent à leur professeur des questions relatives à la théorie de ce qu’ils font, lorsqu’ils se sont assurés de leur réussite. Mais les conditions de leur action les engagent à développer des stratégies qu'ils peuvent tester parce qu'ils savent comment vérifier leur réponse par un calcul simple. Et c'est bien le format de ce calcul que nous leur proposons de nommer « une formule » pour qu'ils puissent s'en emparer afin de travailler par tâtonnements, ce qui est la stratégie d'action de premier niveau dans le milieu d'une situation didactique (Brousseau, 1982). Notre hypothèse principale se trouve ainsi vérifiée.

Quelques phases de la production d'une notation et de l'usage des symboles algébriques

Les élèves travaillant par groupes de quatre (une configuration nouvelle pour eux) ont donc produit, au terme de la première séance de travail et pendant le temps entre les séances 1 et 2, des transparents exprimant leur réponse pour un ou plusieurs problèmes. La rédaction exprime donc aussi le travail personnel des élèves les plus responsables. Remarquons enfin qu'on ne s'intéresse pas ici au dispositif d'enseignement, mais seulement à ses effets visibles dans ce moyen d'observation que sont les productions écrites de groupes, destinées au travail collectif de la classe lors de la deuxième séance ; les groupes (le groupe 1, un absent et 3 élèves, a été réparti entre les autres) ont donc produit les textes suivants.

2) (cinq élèves) Tableau I

Premier problème : On sait qu'il y a 20 malades pour 13 chambres. Pour trouver le résultat, nous avons fait une soustraction. Nous avons soustrait le nombre de chambres au nombre de malades ce qui nous a donné le résultat suivant : 7 chambres de 2 lits. Donc il restait 6 chambres de 1 lit.

Deuxième problème : Pour trouver le résultat nous avons encore effectué une soustraction. Nous avons soustrait le nombre de personnes au nombre de chambres. Donc 83-50 est égal à 33. Alors il y a 33 chambres de 2 lits et 17 chambres à 1 lit.

Troisième problème : Pour avoir ce résultat-ci, nous avons calculé le PGCD des nombres. Ce qui nous a donné 3 chambres à 4 personnes et 9 chambres à 2 personnes.

Quatrième problème : On sait qu'il y a 79 dortoirs pour 469 enfants. Donc il y a : 42 chambres de 5. 37 chambres de 7. Vérification : 42u5=210

37u7=259 210+259=469 42+37=79

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1er problème. 20-13=7. Donc il y a 7 chambres de 2 lits. 13-7=6. Donc il y a 6 chambres de 1 lit. 2ème problème. 83-50=33. Donc il y a 33 chambres de 2 lits. 50-33=17. Donc il y a 17 chambres de 1 lit. 2ème problème. PGCD(83;50) 83-50=33

33-50=17 ---> 17 chambres à 2 lits.

33-17=16 ---> 16 chambres à 1 lit.

17-16=1

1er problème. PGCD(20;13) 20-13=7 ---> 7 chambres de 2 lits

13-7=6 ----> 6 chambres de 1 lit

7-6=1 4) (quatre élèves)

Soit : chambre avec le plus grand nombre de place : chambre A Le plus grand nombre de lit qu'il y a dans une chambre : A. Le plus petit nombre de lit qu'il y a dans une chambre: a. Nombre de chambre uA=x

x-Nb de chambre =y

y : (A-a)= Nb de chambre avec le plus de lit. Nombre de chambre ua=w

w-Nb de chambre =z

z : (A-a)= Nb de chambre avec le moins de lit.

5) (quatre élèves) identique à la première version du groupe 3 6) (cinq élèves)

Problème n°1. Il y a 13 chambres pleines et 20 malades. 13=5+8=7+6

5u2=10 +8=18 <---faux 7u2=14 +6=20

Il y a 7 chambres de 2 lits et 6 chambres d'un lit.

Problème n°2. Il y a 50 chambres et 83 personnes. Pour 80 personnes et toujours 50 chambres

30 chambres à 2 lits -> 30u2=60 +20 chambres à 1 lit --> 20u 

=

      

       

    u  

  

Problème n°3. Il y a 30 pers. 12 chambres dont: celles à 2 lits et celles à 4 lits.

4u ? ½   u  ½

     ¾ 

2u ? ¿   u  ¿

    

12 12 Donc il y a 3 chambres à 4 lits et 9 à 2 lits.

Les différences entre les groupes montrent d'abord qu'ils se sont attelés à des questions diverses et qu'ils ont suivi des voies parfois divergentes. Le travail collectif à venir indispensable, la banque de problèmes ne fonctionnera pas en mode auto-didactique pur. Mais la liste des problèmes abordés fournit à notre propos des éléments importants. Ainsi, le groupe 2 rédige soigneusement une narration de l'activité conduisant au résultat

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affiché. C'est que les calculs présentés (une soustraction) ne montrent pas naturellement une technique, comme d'ordinaire quand on pose une soustraction sans commentaire. Le fait est confirmé par l'intervention de la notion de PGCD au problème 3, pour lequel une soustraction immédiate ne donne pas une réponse acceptable. Nous n'interpréterons pas l'apparition de cette notion, sinon que son calcul figure au programme de la classe et suppose des soustractions successives. Mais l'apparition d'une vérification pour le quatrième problème est essentielle : d'abord, parce que le texte présenté montrait que les élèves avaient fait ces calculs dans chaque cas ; ensuite, parce qu'il signifie sans doute (la disparition de l'appel au PGCD le confirme) que le mode technique de la vérification (quelles opérations faire, entre quelles grandeurs, comment disposer les calculs effectués pour montrer que la réponse est juste) est devenu le point d'appui du travail des élèves, qui consiste maintenant et dorénavant à explorer par tâtonnements organisés le monde des réponses possibles. Ainsi, ces élèves pourront lire avec profit le Commentaire que nous avons prévu de leur distribuer en conclusion du travail du premier tableau de problèmes : nous le donnons ci-dessous.

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Commentaire de cette première rencontre des problèmes de la banque

Pour définir vos réponses, vous avez progressivement appris à écrire des formules qui expriment les calculs correspondant à la situation, puis vous avez cherché comment réaliser ces égalités, qui vérifient la

solution que vous proposiez.

Ces formules expriment les relations entre les grandeurs dont parle l’énoncé du problème, et que l’on appelle des variables. L’ensemble des égalités qui doivent être vérifiées est un modèle de la situation que l’énoncé expose :

la solution d’un problème vérifie le modèle de la situation.

Deuxième tableau Premier problème

Dans mon porte-monnaie j’ai 56 €. J’ai vingt pièces, certaines sont à 1 € et d’autres à 5 €. Combien ai-je de pièces à 1 € et combien ai-je de pièces à 5 € ?

Deuxième problème

Dans ma tirelire je n’ai que des pièces à 2 € et des pièces à 5 €. Je viens de la casser : j’ai quatre vingt six pièces et j’ai économisé 232 €.

Combien de pièces de chaque sorte y avait-il dans ma tirelire ?

Choisissez un problème, essayez de le résoudre sur cette page.

C’est un brouillon. N’effacez pas vos essais, ils vous serviront par la suite. Si vous voulez changer de méthode, tracez un trait de séparation avant de commencer

.../...

Le groupe 3 est plus manifestement en difficulté, il faudra sans doute une attention particulière du professeur pour que les élèves de ce groupe rattrapent, lors de la phase collective, le travail des autres.

Le groupe 4 a tenté de mobiliser un peu vite les outils algébriques. Ses difficultés montrent une dimension de la modélisation rarement prise en charge dans cet enseignement et ignorée des enseignements traditionnels de l'algèbre : contrairement à ce que l'on dit souvent pour engager les élèves dans les pratiques algébriques élémentaires (une pomme et une pomme font deux pommes donc ixe plus ixe fait deux ixes dit le professeur, en écrivant x+x=2x) les variables ne sont pas les objets considérés (les chambres et les lits) ni même leur grandeur (la quantité de chambres et celle des lits) mais la mesure de leur grandeur (le nombre des chambres et celui des lits). Les opérations que l'on fait alors sur les objets doivent être modélisées par des opérations sur la mesure de leur grandeur, ce qui ne va pas de soi et constitue un jeu de langage tout à fait particulier dont on observe ici le travail inachevé. C'est ainsi que nous ne savons pas interpréter immédiatement le sens opératoire des « : » qui ailleurs symboliseraient une division. Mais cette productivité ne devrait pas nous étonner, si nous revenons aux affiches précédentes où des flèches et des dispositions en colonnes portaient les sens nouveaux dont les élèves avaient éprouvé le besoin.

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problèmes. Cela donne au professeur une information importante, qui intéresse aussi l'observateur : il est probable que sans autre forme de procès, la plupart des élèves n'assumeraient pas pour leur compte personnel la complexité de ce qu'a produit le groupe 6 et qui tient peut-être au travail d'un seul de ses membres.

Le groupe 6 a semble-t-il parcouru déjà dans son entier le chemin sur lequel les autres s'engagent prudemment. La première ligne expose déjà une stratégie d'exploration de l'univers des possibles appuyée sur la décomposition du nombre des chambres en deux groupes. On remarque cependant que le signe = de la formule de vérification est utilisé selon le principe des écritures arithmétiques, ce qui est une faute ordinaire à l'entrée dans l'algébrique. La disposition du calcul en colonnes règle cela dès le second problème, une disposition qui fonctionne comme représentation des contraintes données et fait de la notation un modèle efficace pour la stratégie de tâtonnement, même s'il n'est pas calculable c'est-à-dire susceptible de manipulations réglées. Son évolution montre un essai de séparation du modèle (à gauche) et du travail de tâtonnement. Ainsi, le modèle devient progressivement autonome, relativement au problème bien sûr, mais aussi aux tâtonnement que sa forme organise (partie droite de l'affiche).

On considère donc ici les productions des élèves dans le parcours dont elles témoignent et non pas comme témoins d'un état de connaissance dont il faudrait évaluer les dimensions archaïques ou corriger les erreurs. Cette position nous vient de la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1997) et du rapport à l'erreur qu'elle permet en donnant pour condition de fonctionnement du rapport à un milieu le fait que les élèves puissent évaluer par eux-mêmes la réussite de leur action. Ici, le travail collectif conduira à l'élimination automatique des idées, des organisations de calcul, des raisonnements ne permettant pas d'attaquer les quatre problèmes, choisis pour leur ressemblance et pour leur capacité à disqualifier des tentatives techniques correspondant à des impasses. Brousseau (2005) montre d'ailleurs comment les élèves construisent alors ce qu'il nomme « des représentations » qui fondent les savoirs mathématiques visés. Nous avons préféré ici prendre comme point d'appui une notion plus largement diffusée en sciences humaines, celle de « jeu de langage » empruntée à Wittgenstein. Elle permet en effet de considérer ensemble le travail vers des notations efficaces et le travail langagier porteur des notions associées. Nous appelons efficace la notation d'un modèle dont la manipulation peut être réglée comme un calcul, et de même le travail langagier conduit à des formes rhétoriques normalisées porteuses de contenus de pensée collectivement partagés. L'évolution des affiches réalisées après la séance d'étude du deuxième tableau nous servira de milieu pour mettre à l'épreuve la pertinence de ce choix.

Des formes de vie pour les jeux de langage

Après le travail collectif, le professeur engage les élèves à s'attaquer de nouveau à l'ensemble complet des problèmes du premier tableau, ce qui prend une séance complète. Après une nouvelle mise en commun et lecture collective du commentaire relatif à ce

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tableau, il les engage à noter les variables dans leur expression du modèle, pour les problèmes du deuxième tableau. Ce dont on va voir les effets dans les affiches correspondantes.

a) METHODE : On fait une équation à deux inconnues. Soit a les pièces de 5 € et b les pièces à 1 €. On soustrait ---> ­5a+1b=56 ¯a+b=20 =4a=36 a=9

Soit 9 le nombre de pièces de 5 € DONC: 20-9=11. Soit 11 le nombre de pièces de 1 €. DEUXIEME PROBLEME MEME METHODE. Soit a le nb de pièces de € et b de 5 €. on soustrait ----> ­2a+5b=232

¯a+b=86

-2a-2b= 172

a+ 3b= 60 donc b= 20 Soit 20 les pièces de 5 €.

b)  ux½   uy¿ p 20 x + y=20 x + 5y=56 (x+5y)-(x+y)=4y =56-20 =36 4y=36 y=36/4=9 y=9 x+y=20 x+9=20 x=20-9 x=11 Il y a 9 pièces de 5 €. Il y a 11 pièces de 11 € d) 3eG groupe 3 ­x+y=20 ¯x+5y=56 x=20-y

x=56-5y donc 20-y=56-5y

-y=56-5y-20 -y+5y=56-20

(25)

4y=36

y=36/4=9

x=20-9 x=11 c) 2eme tableau. 1er problème.

­x+y=20 ¯x+5y=56 ­x+y=20 ¯y=-36 ­x+y=20 ¯y=-36:(-4)=9 ­y=9 ¯x=20-9=11 e) Groupe 6 ­x+y=20 ¯x+5y=56 x+5y=56 x+y+4y=56 20+4y=56 4y=56-20 4y=36 ...y=36/4 ...y=9 ...x=20-9 ...x=11

Ce qui se voit immédiatement, c'est le fait que le travail du modèle fonctionne comme un jeu de langage: la pratique algébrique (les premiers mathématiciens à l'avoir utilisée l'appelaient la langue algébrique et Descartes qui l'avait mise en forme l'avait pensée comme la vraie langue du travail géométrique, celle dont les anciens devaient disposer) est muette et ne nécessite pas de commentaires en langue naturelle. C'est un phénomène essentiel dans la compréhension que l'on peut avoir d'un fait observé dans Mercier (1992) : l'accompagnement du travail algébrique par un raisonnement explicite ne se justifie pas même pour ceux qui en apprennent le maniement. « On soustrait », disent laconiques les seuls élèves qui écrivent encore autre chose que les calculs. La soustraction est décidément l'opération pertinente! Mais que soustraire et comment ? Le jeu de langage algébrique se met en place, avec les difficultés que les professeurs connaissent mais les élèves trouvent des solutions originales et s'ils font des erreurs d'écriture ils les contrôlent en arrivant toujours à la réponse. Ainsi, les élèves du groupe

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