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Les impacts sociaux de la mine Raglan auprès des communautés inuit de Salluit de Kangiqsujuaq

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Academic year: 2021

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Les impacts sociaux de la mine Raglan auprès des

communautés inuit de Salluit et de Kangiqsujuaq

Mémoire

Jonathan Blais

Maîtrise en science politique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Ce mémoire vise à documenter et analyser les impacts sociaux de la mine Raglan, en opération depuis 1998, sur les communautés inuit de Salluit et de Kangiqsujuaq afin de mieux saisir les conséquences de tels projets sur les populations inuit du Nunavik.

L’ouverture et la mise en opération de projets miniers de cet ampleur n’est certes pas sans conséquences pour les populations locales particulièrement en contexte nordique. De fait, les redevances minières versées aux communautés, le système de fly-in, fly-out bien souvent mis en place, les emplois créés ou même l’utilisation du territoire qui diffère de par la présence d’un complexe minier apporte son lot de changement. Cependant, nous en savons peu sur les impacts sociaux des projets miniers réalisés au Nunavik. En étudiant et en comparant les impacts sociaux de Raglan sur les communautés de Salluit et Kangiqsujuaq, cette recherche vise à combler ces lacunes et apporter un nouvel éclairage sur l'impact de l'exploitation minière au Nunavik.

MOTS CLÉS : Impacts sociaux, exploitation minière, Nunavik, Salluit, Kangiqsujuaq, Inuit, mine Raglan, Entente Raglan, ententes sur les répercussions et avantages (ERA).

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Abstract

This research is an attempt to document and analyze the social impacts of the Raglan Mine on the communities of Salluit and Kangiqsujuaq in order to further understand the consequences of such projects on the inuit populations of Nunavik.

Nunavik is facing an unprecedented mining boom. Extractive companies are attracted by its considerable mineral resources. Following the promotion of mining development by the Quebec Government, the level of exploration and exploitation is unprecedented North of the 49th parallel. However, the large-scale development of the mining industry is not without consequences for the Inuit people of Nunavik that will be the first to feel the impacts of these mining projects.

However, we know little about the social impacts of mining projects taking place in Nunavik. By studying and comparing the social impacts of Raglan on the communities of Salluit and Kangiqsujuaq, this research aims to help bridge these gaps and bring on new light to the impact of mining development in Nunavik.

KEYWORDS: social impacts, mining development, Nunavik, Salluit, Kangiqsujuaq, Inuit, Raglan mine, Raglan Agreement, Impacts and benefits agreements (IBA).

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Liste des acronymes et des abréviations ... xv

Remerciements ... xix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Le contexte minier arctique canadien ... 5

Caractéristiques du développement minier arctique canadien ... 5

L’Inuit Nunangat et le développement minier arctique canadien ... 6

D’hier à aujourd’hui ... 7

Le contexte minier du Nunavik ... 7

Exploration et exploitation minières dans la région de la Ceinture du Cap Smith ... 9

La mine Raglan ... 10

Les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq ... 13

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 19

Définitions et concepts ... 19

Impacts sociaux ... 19

Impacts sociaux cumulés ... 21

État de la question ... 22

Chapitre 3 : Méthodologie ... 25

Affiliation et financement ... 25

Objectif de recherche ... 25

La stratégie de vérification ... 26

Recherche en contexte autochtone ... 28

Participation et consentement ... 31

Collecte de données ... 32

Recherche documentaire ... 32

Préparation et premiers contacts ... 33

Expérience de terrain ... 34

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Diffusion des résultats de recherche ... 39

Chapitre 4 : Résultats de recherche ... 41

Données sociodémographiques ... 41

Classification des données qualitatives ... 45

Codage ... 46

Grandes familles d’impacts sociaux ... 47

Classification selon la communauté d’appartenance ... 58

Relation entre changements sociaux et impacts sociaux ... 64

Processus de changements économiques ... 64

Processus de changements socio-culturels ... 81

Processus de changements émancipatoires et d’autonomisations ... 84

Processus de changements géographiques ... 85

Conclusion ... 97

Retour sur la structure du mémoire ... 97

Les impacts sociaux liés à l’exploitation minière ... 98

Limites de la recherche ... 99

Un bilan partagé ... 100

Bibliographie ... 101

Annexe I : Les quatre régions de l'Inuit Nunangat ... 111

Annexe II : Exploitation minière dans l'Arctique canadien ... 113

Annexe III : Les provinces géologiques du Québec ... 115

Annexe IV : Activités minières et zones géologiques au Nunavik - 2012 ... 117

Annexe V : Localisation de potentiels sites d’explorations minières abandonnés au Nunavik ... 119

Annexe VI : Activités minières au Nunavik - 2012 ... 121

Annexe VII : Légende des abréviations utilisées dans l’annexe VI ... 125

Annexe VIII : Carte de la Ceinture du Cap Smith – 2005 ... 127

Annexe IX : Emplacement de la mine Raglan et des villages nordiques de Salluit et de Kangiqsujuaq ... 129

Annexe X : Nombre d’employés inuit travaillant à la Mine Raglan depuis 1998 ... 131

Annexe XI : Détails sur les employés inuit travaillant à la Mine Raglan depuis 2010 ... 133

Annexe XII : Dossier envoyé aux communautés en vue du terrain de recherche ... 135

Annexe XIII : Réponse des communautés ... 139

Annexe XIV : Autorisation du CÉRUL ... 140

Annexe XV : Formulaire de consentement ... 142

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Exemple de résultats pour la commande Fréquence de codages dans QDA Miner ... 38

Tableau 2 : Exemple de résultats pour la commande Codage par variable dans QDA Miner ... 39

Tableau 3 : Identité des répondants (N = 46) ... 41

Tableau 4 : Genre des répondants (N = 46) ... 42

Tableau 5 : Âge des répondants (N = 46) ... 42

Tableau 6 : Les répondants ont-ils travaillé à la mine Raglan? (N = 46) ... 43

Tableau 7 : Les répondants connaissent-ils quelqu’un travaillant ou ayant travaillé à la mine Raglan? (N = 46) ... 43

Tableau 8 : Occupation des répondants (N = 46) ... 44

Tableau 9 : La pratique d’activités traditionnelles chez les répondants (N = 46) ... 45

Tableau 10 : Différences au niveau des occurrences ... 49

Tableau 11 : Impacts économiques et sur le bien-être matériel ... 51

Tableau 12 : Impacts sur la santé et le bien-être social ... 53

Tableau 13 : Impacts culturels ... 54

Tableau 14 : Impacts sur la qualité du milieu de vie ... 55

Tableau 15 : Impacts sur la famille et la communauté ... 56

Tableau 16 : Impacts sur les institutions, politique et équité ... 57

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Liste des figures

Figure 1 : Integrated framework for environmental and social assessment ... 19 Figure 2 : Fréquence de codage des grandes familles d'impacts sociaux ... 48 Figure 3 : Perception générale des impacts sociaux ... 50

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Liste des acronymes et des abréviations

AAC : Arctic Athabaskan Council

AADNC : Affaires autochtones et développement du Nord Canada (anciennement MAINC) AIA : Aleut International Association

AMSA : Arctic Marine Shipping Assessment

APNQL : Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labradot ARK : Administration Régionale Kativik

ARPAN : Association russe des populations autochtones du Nord ASFN : Association des sociétés foncières du Nunavik

CAI : Certificat d’autorisation initiale CEN : Centre d’Études Nordiques

CÉRUL : Comités d'éthique de la recherche avec des êtres humains de l'Université Laval CNDEIN : Comité national sur le développement économique de l’Inuit Nunangat CQEK : Commission de la qualité de l’environnement Kativik

CSI : Centre de santé Inuulitsivik

CSRM : Centre for Social Responsibility in Mining CSTU : Centre de Santé Tulattavik de l’Ungava

DGEMRE : Direction générale de l’évaluation, de la mesure du rendement et de l’examen EIE : Étude d’impact sur l’environnement

ERA : Ententes sur les répercussions et les avantages

ERAI : Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit GCI : Gwich’in Council International

ICC : Inuit Circumpolaire Council

Medevac : Évacuation médicale d’urgence

MRN : Ministère des Ressources naturelles et de la Faune Nunaturlik : Corporation foncière de Kangiqsujuaq

NRI : Nunavut Research Institute

OMHK : Office Municipal d’Habitation Kativik

PFSN : Programme de formation scientifique dans le Nord Qaqqalik : Corporation foncière de Salluit

RNCan : Ressources naturelles Canada

RRSSS : Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik SC : Saami Council

SPUMU : Services Préhospitaliers d'Urgence et Mesures d'Urgence Raglan : Glencore Canada Corporation, filiale de Glencore Xstrata plc VTT: Véhicule Tout Terrain

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La nordicité est d'abord une quête de l'ité du

Nord, à savoir un questionnement de sens,

d'état, d'identité, d'objet et de sujet de la zone

froide de l'hémisphère boréal. Rien ne

devrait échapper à ce regard étendu, côté

espace et côté thématique. Comme la

philosophie, le néologisme de sens répond

aux exigences de l'amplitude du regard et de

l'approfondissement sémantique. Le mot

porte le caractère d'être au Nord et d'être

intéressé à tout le Nord et au tout du Nord.

On s'attend que les nordistes mettent dans

leurs pensées et activités le plus de nordicité

possible.

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Remerciements

C’est au terme de mon parcours de maîtrise que je me rends compte comment la recherche, à mon sens, ne peut être menée en vase clos, qu’elle est toujours liée à des gens, à des personnes rencontrées en cours de route et que si le diplôme obtenu à la fin de cette marche est décerné à une seule personne, il n’en demeure pas moins qu’il a la valeur et le poids de toutes ces rencontres faites lors des dernières années. Bien des personnes mériteraient ici des remerciements, voici quelques-unes d’entre elles.

Tout d’abord, je tiens à remercier mon directeur de recherche Thierry Rodon pour la passion avec laquelle il s’engage pour les communautés nordiques. Une passion qu’il sait transmettre et qui invite au dépassement. Sa grande connaissance du nord et des communautés inuit fût inspirante à bien des égards. Tout au long de ma maîtrise, il m’a assuré d’un soutien indéfectible et a su me guider dans ce processus de recherche. Il m’a ouvert les portes du Nunavik et j’ai ainsi pu aller à la rencontre de ses habitants et de ces contrées étonnantes et belles à regarder. Également, il m’importe de rappeler que la recherche nordique signifie de grands investissements financiers et que le soutien économique de M. Rodon a été de première importance afin de mener à bien ce projet de recherche. Finalement, il a fait preuve d’une grande patience alors que la naissance de mes enfants a modifié considérablement le rythme de ce projet de maîtrise.

J’adresse des remerciements spéciaux à Christopher Fletcher qui a accepté de co-diriger ma recherche. J’ai beaucoup apprécié ses conseils pratiques en vue de faciliter mes rencontres avec les Inuit. Il m’a constamment assuré de son support et m’a toujours inspiré une grande confiance.

Je tiens aussi à remercier sincèrement mon collègue Francis Lévesque de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord. Sa connaissance du monde inuit m’a toujours fasciné et les discussions sur les enjeux liés au Nord ont été fort stimulantes. Finalement, je lui suis d’une grande reconnaissance pour l’aide précieuse et l’assistance qu’il m’a généreusement fournies dans le processus de rédaction.

Évidemment, j’adresse des remerciements tout spéciaux aux communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq qui m’ont accueilli pour mon terrain de recherche. Au sein de ces deux communautés, j’ai pu bénéficier de l’appui des Conseils municipaux et des corporations foncières Qaqqalik et Nunaturlik. Les personnes qui m’ont aidé sur le terrain occupent une place particulière dans ces remerciements. Ainsi en est-il des co-chercheures inuit Louisa Pauyungie et Élaisa Uqittuq qui m’ont accompagné dans les foyers et fait découvrir leurs communautés respectives. Leur générosité, leur disponibilité et leur intérêt pour cette recherche furent remarquables. Aussi, la présence et l’accompagnement de Myrianne Besset et d’André Clavet lors de mon passage à Salluit furent précieux, tout comme ce fût le cas dans la communauté de Kangiqsujuaq avec Mary A. Pillurtuut et Pierre

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Philie. La grande participation des gens de Salluit et de Kangiqsujuaq à ma recherche est également à souligner.

Je me dois également de rappeler le soutien que m’ont fourni la Société Makivik ainsi que le Centre d’Études Nordiques (CEN). Ils ont facilité grandement mes démarches lorsque fût arrivé le moment de mon terrain de recherche.

Je remercie aussi Céline Dorval de la Mine Raglan pour l’aide qu’elle m’a apportée à différents moments lors de l’écriture de ce mémoire.

Il m’importe de remercier Lise Fortin du Centre Interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA) pour son aide précieuse dans tout ce qui est de l’ordre des papiers et dossiers administratifs qui vont nécessairement de pair avec un terrain de recherche en milieu nordique. Aussi, je ne saurais passer sous silence l’apport de mes collègues du CIÉRA qui ont su me donner des conseils judicieux et qui ont été un milieu de discussions et de fraternité fort important dans une telle démarche.

Également, je remercie Charles Blattberg, Brian McDonough ainsi qu’Éliana Del Carmen Sotomayor pour leur soutien et l’aide qu’ils m’ont apportée au début de ce parcours. J’adresse aussi des remerciements envers Yves Stoesel s.j. et René Champagne s.j. pour leur apport minutieux à la réalisation de ce mémoire.

Finalement, je tiens à remercier mon épouse Marilyne Roy pour son appui, sa collaboration et ses encouragements tout au long de ce projet de maîtrise.

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Introduction

Le Nord du Québec fait face à un boom minier sans précédent. De l’or au nickel en passant par les diamants, le fer et le platine, le territoire du Nunavik1 attire les sociétés extractives de par ses ressources minérales considérables. Jumelé à la promotion, par le gouvernement québécois, du développement minier, le niveau d’activités d’exploration et d’exploitation est sans précédent au nord du 49e parallèle (Lanari 2010 : 3). D’importants joueurs tels que les minières Anglo-American, Jilin Jien Nickel Industry Co. ainsi que le géant mondial Glencore Xstrata plc investissent des sommes considérables dans leurs projets d’exploration ou d’exploitation. Toutefois, le développement à grande échelle de l’industrie minière n’est pas sans conséquences sur les populations inuit2 du Nunavik qui seront les premières à subir les impacts de ces projets miniers.

Les enjeux liés au développement du Nord canadien et aux populations nordiques sont d'une grande actualité, surtout depuis l’annonce du Plan Nord par Québec en mai 2011. Bien qu’il y ait eu depuis lors des changements au niveau du gouvernement québécois, le développement du nord de la province est toujours à l’agenda. Le 14 juillet 2014, le gouvernement libéral de Philipe Couillard annonçait qu’il accordait une aide de 6,5 millions de dollars pour l’implantation d’une éolienne à la mine Raglan, réaffirmant par le fait même sa volonté de poursuivre dans la lignée du Plan Nord (De Noncourt 2014). Le gouvernement québécois vise à permettre des investissements massifs de capitaux dans le développement des ressources non renouvelables du Nord québécois, plus particulièrement dans le développement minier. Ce développement minier va assurément entraîner son lot de changements sociaux sur le territoire du Nunavik, dont la population totalise environ 11 000 résidents permanents, dont près de 90% sont des Inuit (Québec RRSSS 2011). Par exemple, le gouvernement du Québec prévoit la mise en place de dix nouvelles mines au Nunavik ayant comme conséquence la création de plus de 4 000 emplois (Québec MRN 2011 : 15). D’ores et déjà, nous savons que les grands projets d’extraction nécessitent une main-d’œuvre spécialisée qui est généralement importée du sud (Ajunnginiq Centre et Buell 2006 : 10-11). Ainsi, quels seront les impacts sociaux de l’arrivée massive de cette main d’œuvre au Nunavik? Les communautés d’accueil sauront-elles s’adapter à cette nouvelle donne ? Également, les impacts sociaux des retombées économiques soulèvent de nombreuses questions concernant le bien-être des individus et celui des collectivités. Quels seront les impacts des redevances versées par les minières aux communautés inuit?

1 Signifie « endroit où l’on vit ».

2 Les conjugaisons inuit sont ici utilisées. En inuktitut, il y a trois nombre, le singulier, le duel et le pluriel. Inuuk est le duel

(deux individus) de Inuk (singulier) et Inuit en est le pluriel. Quand il est adjectif, le terme Inuit est écrit avec une minuscule mais demeure invariable, par exemple : les femmes inuit. (Lévesque 2008).

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Comme nous pouvons le constater par ces quelques exemples, les impacts sociaux d’un tel développement économique peuvent être bien réels pour les communautés inuit du Nunavik et il importe donc de leur porter une attention particulière lorsqu’on parle du développement des ressources minières du Nord.

Ce mémoire vise à documenter et à analyser les impacts sociaux, négatifs et positifs, de la mine Raglan tels qu’ils sont perçus par les habitants des communautés de Salluit et Kangiqsujuaq. Il est primordial de comprendre et de décrire les impacts perçus par les résidents de ces deux communautés si on veut, comme c’est l’objectif de ce mémoire, accroître les connaissances sur les conséquences de tels projets pour les populations inuit du Nunavik. En effet, ce sont les impacts sociaux perçus qui influencent les individus et déterminent les décisions qu’ils prennent au quotidien. Par exemple, si les habitants perçoivent que le poisson est contaminé, ils n’en mangeront pas, même si des études ne parviennent pas à prouver la contamination. Ce mémoire s’en tiendra donc à l’analyse des perceptions.

Le premier chapitre de ce mémoire dresse une esquisse du contexte dans lequel se situe ce projet de recherche. Le développement minier nordique implique nécessairement un territoire mais également des populations. Nous nous attarderons donc à décrire le territoire inuit du Nunavik, le développement minier qui s’y opère, en particulier le projet minier Raglan, et finalement, nous nous pencherons sur les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq.

Par la suite, nous poserons le cadre théorique qui nous permettra principalement de décrire les bases conceptuelles qui vont nous accompagner tout au long de l’analyse des entrevues réalisées à l’automne 2012. Pour ce faire, nous nous appuierons sur certains documents phares tels que les travaux de Frank Vanclay, professeur à l’Université Groningue dans les Pays-Bas, ainsi que de Daniel Franks, professeur à l’Université Queensland en Australie et directeur du Centre for Social Responsibility in Mining (CSRM). Monsieur Vanclay a notamment mené des travaux de recherche portant sur la conceptualisation des impacts sociaux. Il sera également question de la recherche-action menée en 1999 par Robert Lanari, Simon Smith et Paul Okituk qui portait précisément sur les impacts sociaux liés à la mine Raglan pour les communautés inuit de Qaqtaq, Kangiqsuk, Puvirnituq, Kangiqsujuaq et Salluit. Il va sans dire que de tels ouvrages acquièrent ici une place de choix.

Le troisième chapitre présente en détails la méthodologie qui a encadré la réalisation de ce mémoire. Nous préciserons en quoi l’approche qualitative est pertinente pour ce projet. Dans un premier temps, nous passerons en revue les objectifs poursuivis par cette recherche et la stratégie de vérification adoptée qui est celle de l’entrevue semi-dirigée. Par la suite, il sera question de la recherche en contexte autochtone et des exigences éthiques qui y sont rattachées. La troisième partie de ce chapitre portera sur la collecte de données, i.e. la recherche documentaire que suppose ce mémoire, la préparation du terrain de recherche pour

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finalement en arriver aux expériences du terrain de recherche. Les dernières sections porteront sur le processus d’analyse thématique utilisé dans cette recherche, la rédaction et la diffusion des résultats.

Le quatrième chapitre de ce mémoire est incontestablement le plus volumineux du fait qu’il présente les résultats de recherche et nous permet donc d’énoncer les impacts sociaux de la mine Raglan tels que perçus par les résidents des communautés étudiées. Ce chapitre est subdivisé en trois parties qui nous permettent de saisir les données recueillies dans les entrevues menées et d’énoncer quelques pistes de réflexions sur les impacts sociaux qui apparaissent dans la présentation de ces résultats. La première partie fait état des données sociodémographiques et dresse donc le portrait de l’échantillon qui est composé d’un corpus de 46 entrevues. La deuxième partie procède à un effort de classification qui se déploie sur deux axes. Dans un premier temps, nous portons notre regard sur les grandes familles d’impacts pour procéder, par la suite, à une analyse comparée des impacts selon la communauté d’appartenance des répondants. La dernière grande partie qui compose ce dernier chapitre traite des changements sociaux associés aux impacts sociaux soulevés par les répondants. Il sera notamment question des relations qui lient les changements sociaux aux impacts sociaux.

La conclusion rappelle les résultats les plus probants de cette recherche et souligne l’importance à accorder aux contextes dans lesquels se vivent les impacts sociaux. À moins de changements majeurs au niveau du marché mondial, il apparaît clairement que les minières seront un acteur majeur dans le développement du Nunavik dans les prochaines années, voire les prochaines décennies. Ainsi, nous énoncerons quelques pistes de recherches pouvant contribuer à la réflexion visant à réduire les impacts négatifs tout en améliorant les aspects positifs du développement minier au Nunavik.

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Chapitre 1 : Le contexte minier arctique canadien

Dans le cadre d’une étude comme la nôtre, il importe de bien préciser quel est le contexte dans lequel s’inscrit le cas que nous allons analyser. Pour ce faire, il nous faut porter une réelle attention aux dynamiques propres à l’exploitation minière canadienne en situation nordique. Cela signifie qu’il faut nous pencher, dans un premier temps, sur les caractéristiques de cette exploitation minière pour ensuite porter notre regard sur ce territoire et ses habitants. Cela nous mènera à préciser davantage notre contexte en touchant particulièrement l’exploitation minière au Nunavik via la mine Raglan et les deux communautés à l’étude, soit les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq.

Caractéristiques du développement minier arctique canadien

Dans le rapport Arctic Human Development Report (Duhaime 2004 : 71), Duhaime utilise les concepts de resource frontier regions et de mature regions afin de caractériser le développement économique des régions minières de l’Arctique. Les régions dites « matures » sont caractérisées par une économie diversifiée où l’industrie minière est pleinement intégrée dans l’économie nationale. Dans ces régions, le minerai est transformé dans le pays producteur et les retombées économiques profitent aussi bien aux économies centrales que régionales. La Scandinavie est un exemple de Mature Region (Haley et al. 2011 : 3).

Les resource frontier regions répondent à d’autres caractéristiques bien précises. Il s’agit de régions où « the economic benefits of mining are largely exported, and the control of resources is dictated from afar » (Duhaime 2004). Le Nord canadien est une Ressource Frontier Region du fait, entre autres, qu’il correspond aux deux principales caractéristiques énoncées par Duhaime. Ainsi, le modèle de développement économique nordique qui est mis de l’avant au Canada est basé sur l’exportation des ressources naturelles et les principales compagnies minières en activités au pays ont leurs sièges sociaux à l’étranger. Au Québec seulement, plusieurs sociétés minières présentes au Nunavik sont détenues par des intérêts étrangers: la minière Anglo-American est britannique, la minière Canadian Royalties est détenue par Jilin Jien Nickel qui est chinois. Pour sa part, Glencore Xstrata plc est en partie tenue par des intérêts suisses. Toutefois, dans ces Ressource Frontier Regions, la mise en place d’ententes sur les répercussions et les avantages (ERA), telle que l’Entente Raglan, permet d’assurer une partie des retombées économiques pour la région et ainsi atténuer les impacts négatifs (Duhaime 2004 : 71).

Bien que non obligatoires sur la majeure partie du territoire canadien, les compagnies minières désirant explorer et exploiter les ressources minières au Canada en arrivent souvent à conclure de telles ententes, favorisant ainsi l’acceptation sociale de ces projets. Souvent conclues entre les compagnies et des représentants d’organisations autochtones et parfois, avec des représentants gouvernementaux, les ERA

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spécifient sous quelles conditions économiques, sociales et environnementales un projet de développement sera accepté. Parfois, elles spécifient également les mécanismes permettant de faire les suivis et les contrôles nécessaires aux respects de ces conditions (Wilkinson 2001). Elles comportent souvent des « clauses sur l’emploi et la formation, des débouchés garantis au moyen de contrats réservés et de coentreprises, des considérations sociales et culturelles, des dispositions en matière de financement et d’autres dispositions » (Canada 2013b : xi). Les ERA visent donc à réduire les risques environnementaux, à établir les responsabilités et les bénéfices des parties ainsi qu’à favoriser la coopération de part et d’autre dans un projet de développement (Benoit 2004 : 56).

L’Inuit Nunangat et le développement minier arctique canadien

Le Canada compte quatre territoires inuit qui ensemble forment l’Inuit Nunangat (qui signifie « patrie inuit »). S’étendant du Labrador aux Territoires du Nord-Ouest, l’Inuit Nunangat est un vaste territoire qui couvre « un tiers de la masse continentale canadienne » (Canada 2010). Il est composé de la région des Inuvialuit3 dans les Territoires du Nord-Ouest, du territoire du Nunavut4, du Nunavik dans le nord du Québec et du Nunatsiavut5 qui se trouve dans le nord du Labrador (voir annexe I). Près de 80% des Inuit canadien résident dans l’Inuit Nunangat (Freeman 2010).

Lorsqu’on parle du développement minier dans l’Arctique canadien, on constate rapidement que la majeure partie de ce développement se déroule à l’intérieur de ce vaste territoire (voir annexe II). Il importe toutefois de rappeler que cette relation ne date pas d’hier puisque ce territoire arctique a rapidement été en contact avec le monde minier si bien qu’à travers les différentes négociations territoriales menées au cours des dernières décennies, la question des droits miniers a souvent été un enjeu important de ces accords.

Le Secrétariat des relations avec les Inuit, qui opère à l’intérieur du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada (AADNC), rappelle, dans une évaluation faite en 2011, ce qui ressort de ces négociations au niveau minier. Ainsi,

[e]n vertu de leurs accords respectifs relatifs aux revendications territoriales, les Inuit ont reçu des titres sur certaines portions de territoire : au Nunavut (le territoire le plus grand et le plus peuplé), les Nunavummiut (les résidents ou Inuit du Nunavut) possèdent les titres juridiques sur 352 191 kilomètres carrés de terres, dont 37 000 kilomètres carrés comprennent des droits miniers; au Nunavik, les Nunavimmiut (les Inuit du Nord québécois) exercent des droits sur une superficie de plus de 64 000 kilomètres carrés; au Nunatsiavut, les Inuit du Labrador possèdent les titres juridiques sur 72 520 kilomètres carrés à l’intérieur de la région visée par le règlement et possèdent des droits miniers sur une superficie de 15 800 kilomètres carrés; et dans la région désignée des Inuvialuit (les Inuit des Territoires du Nord-Ouest), ces derniers ont le contrôle juridique d’une superficie de 91 000 kilomètres carrés de terres, dont 13 100 kilomètres carrés comprennent des droits miniers (Canada 2011 : 10).

3 Signifie « les vrais êtres humains ». 4 Signifie « notre terre ».

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Il est intéressant de noter qu’au Nunavut, tel que stipulé à l’article 26.2.1 du chapitre 26 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (Canada, Ministre de la Justice 1993), aucun projet de mise en valeur important ne peut débuter tant qu’une ERAI (Ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuit) n’a pas été conclue. Cette obligation est propre au Nunavut et est en vigueur depuis la signature de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut en 1993.

D’hier à aujourd’hui

Dès le milieu du 20e siècle, tout l’Inuit Nunangat faisait déjà l’objet d’une exploration minière intensive (Boutet 2010; Keeling et al. 2009; Sandlos et al. 2012). Par exemple, de 1957 à 1962, une mine extrait du cuivre et du nickel à Rankin Inlet et près de 100 Inuit y travaillent dont 80 à temps plein (McPherson 2003: 7-12). Dans le nord de l’île de Baffin, la mine Nanisivik est en exploitation de 1976 à 2002. Entre 1982 et 2002, la mine Polaris opère sur l’île Cornwallis, près de Resolute (Rodon et al. 2013).

Encore aujourd’hui, plusieurs projets d’exploration et d’exploitation minières ont cours sur l’ensemble de ce territoire. En 2013, le ministère des Ressources naturelles du Canada dénombrait 22 projets miniers faisant l’objet d’ententes entre des sociétés d’exploration et d’exploitation minières et des collectivités autochtones dans l’Inuit Nunangat (Canada 2013a). Ainsi, dans la région des Inuvialuit, le projet d’exploration Darnley Bay est en cours depuis 2010. Au Nunavut, la mine d’or de Meadowbank, de la compagnie Agnico-Eagles mines, était la seule en opération depuis 2010. Elle sera bientôt suivie de la mine de Mary River du fait que l’Association Inuit Qikiqtani et la compagnie Baffinland Iron Mines Corporation ont conclu une Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit (ERAI) en septembre 2013. En ce qui a trait au territoire du Nunatsiavut, seule la mine de Voisey’s Bay est en opération depuis 2005. Pour sa part, le Nunavik n’est pas en reste dans ce développement minier et nous allons nous y attarder davantage dans les sections suivantes.

Le contexte minier du Nunavik

Le Nunavik est un territoire riche en matières minérales du fait qu’il est traversé par deux des trois plus grandes provinces géologiques du Québec à savoir la partie nord de la Province du Supérieur ainsi que par la Province de Churchill (voir annexe III). Cette dernière est entièrement située au nord du Nunavik et est principalement composée des zones géologiques que sont les orogènes de l’Ungava (ceinture du Cap Smith ou fosse de l’Ungava), du Nouveau-Québec (fosse du Labrador) et des Torngat ainsi que la zone noyau (Province de Rae) (voir annexe IV). L’arc de Narsajuaq et l’antiforme de Kovik complètent les zones géologiques que nous retrouvons dans la province de Churchill. Cette richesse minérale fait en sorte que le Nunavik a une longue expérience de l’industrie minière caractérisée par une période d’exploration intensive à

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partir des années cinquante. Cette période laissera toutefois derrière elle de nombreuses cicatrices sur le territoire (voir annexe V) (Duhaime et al. 2005).6

Sur l’ensemble du Nunavik, mais particulièrement dans la Province de Churchill, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRN) dénombre, dans son rapport sur les activités minières de 2012, 27 compagnies minières, 22 projets d’exploitation et deux mines en production (voir annexes VI et VII). De l’argent, l’or et le cuivre en passant par le fer, le nickel et le zinc, près de vingt types de métaux sont alors au cœur des projets miniers. Comme nous pouvons le constater, le potentiel minier du Nunavik est important. En 2010, l’ARK et Makivik7 soulignent, dans le Plan Nunavik, qu’« [a]ujourd’hui, il y a dans la région du Nunavik (…) plus de 60 000 claims miniers, ce qui représente environ 30% de tous les claims jalonnés dans l’ensemble de la province du Québec » (Administration Régionale Kativik et Makivik 2010 : 243). Selon un répondant rencontré à Kuujjuaq8et impliqué dans les dossiers miniers du Nunavik, « [d]'ici les cinquante prochaines années, il y a six, peut-être sept mines qui vont voir le jour » (KU-03)9. Pour plusieurs de ces projets, il s’agit d’exploitations minières à grand déploiement. Ainsi en est-il du projet minier Hopes Advance Bay Project (numéro 204 dans les annexes VI et VII). Situé à proximité du village nordique d’Aupaluk, dans la fosse du Labrador, ce projet minier de la compagnie minière Oceanic Iron Ore Corp. en est un d’importance. De fait, si le projet Hopes Advance Bay Project se concrétise, il « devrait générer entre 10 et 20 millions de tonnes de concentré de fer par année sur une période s’étendant jusqu’à 48 ans » (Golder associés 2012 : 13). Il y a également le projet du Lac Otelnuk (numéro 204 dans les annexes VI et VII) de la compagnie Adriana Resources et de son partenaire WISCO International Resources Development & Investment qui est particulièrement impressionnant. Ce projet, situé dans la fosse du Labrador entre Schefferville et Kuujjuaq, est considéré comme ayant le potentiel de devenir la plus grosse mine de l’histoire du Canada. Ainsi, « (…) Adriana estime le potentiel à plus de 15 milliards de tonnes. Selon les plans d'Adriana, Otelnuk pourrait produire 50 millions de tonnes par année (…) pendant 75 à 100 ans » (Fontaine 2011). Récemment, de nouveaux projets se sont ajoutés à cette liste dont le projet de mine de fer DSO de la compagnie New Millenium Iron qui a reçu du gouvernement du Québec son certificat d’autorisation préliminaire en février 2013 (Radio-Canada 2013). Le projet DSO, qui contient plusieurs sites d'extraction à la fois au Nunavik et au

6Ainsi, « (…) à l’hiver 2012, le passif environnemental lié aux sites orphelins des exploitations minières (pour l’ensemble

du Québec) a été évalué à 1,2 milliard de dollars ; en 2008, il a été estimé à 264 millions. Ce montant a été révisé et augmenté chaque année, notamment selon l’évolution de l’inventaire des sites orphelins et des estimations liées aux coûts de réhabilitation. Mentionnons qu’au cours des dernières années, le gouvernement a investi environ 15 millions de dollars annuellement pour restaurer les sites contaminés » (Québec Commissaire au développement durable 2013).

7 Signifie « s’élever ». 8 Signifie « la grande rivière ».

9 Afin de préserver l’anonymat des informateurs, un code qui identifie l’origine des informateurs a été attribué aux

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Labrador, nécessitait des autorisations de la part de Québec ainsi que des organisations inuit du Nunavik telles que l’Administration Régionale Kativik (ARK) (CP110).

Dans le cadre de cette recherche, nous nous concentrerons particulièrement sur le projet minier Raglan (numéro 208 dans l’annexe VI) se trouvant dans la Ceinture du Cap Smith, au nord du Nunavik. La Ceinture du Cap Smith a vu se développer, au cours des dernières décennies, une importante activité minière. Dans la section suivante, nous aborderons spécifiquement cette zone minière.

Exploration et exploitation minières dans la région de la Ceinture du Cap Smith

La Ceinture du Cap Smith parcourt le nord du Nunavik d’est en ouest, du village nordique d’Akulivik sur la côte de la Baie d’Hudson au village nordique de Kangiqsujuaq situé près du Détroit d’Hudson, sur la côte de la Baie d’Ungava. Au centre de cette formation rocheuse particulièrement riche en minerais se trouve la faille Bergeron qui sépare les domaines sud et nord. C’est particulièrement dans le domaine sud de la Ceinture du Cap Smith que se sont concentrées l’exploration et l’exploitation minières depuis le début des années 50 (Pomerleau 2000 : 9). La première mine à atteindre la phase d’exploitation dans la région du Cap Smith est la mine d’amiante à ciel ouvert Asbestos Hill sur le site de Purtuniq en 1972. Située à proximité des villages de Salluit et de Kangiqsujuaq, cette mine a été en exploitation jusqu’en 1983. Sa fermeture est due à la chute des prix de l’amiante sur les marchés internationaux (Benoit 2004 : 37). Lors des entrevues, plusieurs répondants ont fait mention de cette période qui fût marquante pour plus d’un.

Aujourd’hui encore, la ceinture du Cap Smith continue de susciter un vif intérêt auprès de compagnies d’exploration à la recherche de nickel, de cuivre et d’EGP11 (Québec 2012 : 37). Le Bulletin d’information

minière publié par le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec (MRN) en novembre 2005 permet de voir clairement que le domaine sud regroupe l’ensemble des compagnies minières ayant des activités d’exploration ou d’exploitation dans cette partie du Nunavik (voir annexe VIII). Dans ce rapport de 2012, le MRN comptait six compagnies minières œuvrant dans la Ceinture du Cap Smith (voir annexe VI et VII) : la compagnie Corvus Gold avec le projet minier Gerfaut, la compagnie Exploration Khalkos avec le projet minier Nanuq, la compagnie Xstrata Canada Corporation - Xstrata Nickel Canada Division avec le projet Mine Raglan ainsi que les compagnies Canadian Royalties, Jien Canada Mining et Goldbrook Ventures avec le projet Nunavik Nickel. Depuis la publication de ce rapport, certains de ces projets miniers ont changé de main. Ainsi en est-il des projets de la mine Raglan et de Nunavik Nickel. Le projet minier Raglan est maintenant la

10Dans le cas des renseignements recueillis dans le cadre de communications personnelles, nous utiliserons le code CP

pour désigner ces personnes.

11 Les éléments du groupe du platine (EGP) sont constitués de 6 éléments (Ru, Rh, Os, Ir, Pt et Pd) aux propriétés

physico-chimiques particulières, leur permettant d’être utilisés dans de nombreux domaines. Leurs raretés et leurs inaltérabilités en font des métaux précieux comme l’or. C’est pour cela que de nombreux pays cherchent et exploitent les gîtes d’EGP (Université Laval 2013).

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propriété de la compagnie Glencore Xstrata plc. Pour sa part, le projet minier Nunavik Nickel est désormais la propriété de la compagnie chinoise Jilin Jien Nickel Industry suite à l’acquisition de la compagnie Canadian Royalties Inc. à travers sa filiale canadienne, Jien Canada Mining Ltd. (Philie 2013 : 127) et à l’acquisition de Goldbrook Ventures en 2012.

De ces projets, deux sont présentement en exploitation soit le projet Nunavik Nickel et le projet Raglan de la compagnie Glencore Xstrata plc. La prochaine partie présente de manière plus détaillée le complexe minier Raglan.

La mine Raglan

Situé à proximité de l’ancien site minier d’Asbestos Hill, le complexe minier Raglan est une importante installation minière de la compagnie Glencore Canada Corporation qui est une filière de Glencore Xstrata plc. Jusqu’à ce jour, les rachats et les fusions ont fait en sorte que la mine Raglan a changé de propriétaire à maintes reprises. Ainsi, c’est sous la bannière de la compagnie minière canadienne Falconbridge qu’elle commence ses activités d’extraction en 1997. Par la suite, en 2006, la multinationale suisse Xstrata plc, spécialisée dans l’extraction minière, se porte acquéreuse de Falconbridge. Xstrata plc intègre alors toutes les activités de Falconbridge dans ses propres opérations minières internationales présentent dans 20 pays (Vallières dans Québec 2012). Finalement, en mai 2013, la fusion de Xstrata plc avec son plus important actionnaire, la firme suisse de négoce et de courtage de matières premières Glencore, représente le dernier chapitre à ce jour et fait en sorte que Mine Raglan est alors incorporée dans le secteur minier de la nouvelle compagnie qu’est Glencore Xstrata plc. En 2013, cette compagnie compte près de 150 sites miniers à travers l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie, l’Amérique du Sud et l’Afrique. Avec cette fusion, Glencore Xstrata plc devient un important acteur au niveau de la scène internationale en ce qui a trait à l’extraction du nickel, s’élevant au quatrième rang mondial des producteurs de nickel avec une production annuelle de plus de 106 000 tonnes de minerais de nickel (Glencore Xstrata plc 2013).

Sise au nord de la rivière Puvirnituq, à près de 100 km de la Baie Déception, Mine Raglan débute ses opérations en 1997 suite à la signature de l’Entente Raglan en février 1995 et l’obtention du certificat d’autorisation initial (CAI) décerné par le gouvernement du Québec en mai de la même année (Québec 1995). L’Entente Raglan a été signée entre la Société Minière Raglan du Québec Lté. (filiale de Falconbridge) et les villages nordiques de Salluit, de Kangiqsujuaq, leurs corporations foncières respectives ainsi que Makivik. Les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq sont signataires de l’Entente Raglan du fait qu’elles sont établies à proximité du site minier (voir annexe IX). L’Entente Raglan est définie comme une Entente sur les répercussions et avantages (ERA). Elle prévoit, entre autres, que 4,5% des profits de la mine sont destinés aux communautés de Salluit (45 %) et Kangiqsujuaq (30 %) ainsi qu’à la région du Nunavik (25 %)

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(Administration régionale Kativik 2007 : 23). Rédigée conformément aux dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), l’Entente Raglan fût la première entente de ce type à être signée avec des communautés autochtones locales dans le cadre d’un projet minier canadien (Glencore Xstrata plc 2013). Elle fût également la première à être révisée et approuvée sous le programme d’évaluation environnementale du Québec. Ce programme, géré par le ministère de l’Environnement, vise à éclairer les décideurs quant à l’autorisation de certains projets pouvant perturber l’environnement de façon significative et susciter des préoccupations chez le public (Benoit 2004 : 41).

S’étendant d’est en ouest sur près de 70 kilomètres, en plein cœur de la faille Bergeron, Raglan est un complexe minier composé des mines souterraines de Katinniq (« là où les trois rivières se rencontrent »), Mine 2, Mine 3 et Kikialik (« là où il y a du nickel »). La mine Qakimajurq, qui signifie « riche », est une cinquième mine dont l’exploitation est prévue pour 2015 (Glencore Xstrata plc 2013). Ainsi, la « propriété Raglan comprend 973 concessions minières, qui ensemble occupent plus de 15 295 hectares, quatre permis d’exploration qui couvrent plus de 31 105 hectares et quatre baux miniers qui sont répartis sur 401 hectares » (Glencore Xstrata plc 2013). Mine Raglan se concentre particulièrement sur la recherche et l’extraction du nickel (Ni), du cuivre (Cu), du cobalt (Co) et des éléments du groupe du platine (EGP) (Québec 2012). En 2012, Mine Raglan produisait pour 28 613 tonnes de nickel dans le concentré, 7 132 tonnes de cuivre dans le concentré et 602 tonnes de cobalt dans le concentré. En ce qui a trait à la production du nickel, la capacité du concentrateur est de 3 800 tonnes par jour. Il est prévu que la production annuelle qui s’élève à près de 30 000 tonnes de nickel dans le concentré doit passer à 40 000 tonnes d’ici 2016 (Glencore Xstrata plc 2013). Une fois extrait, le concentré de nickel est alors transporté jusqu’au port de mer de Baie Déception d’où il est chargé sur le MV Arctic, un brise-glace vraquier12 ayant son port d’attache à Ottawa (groupe Verrault 2013). Le minerai est alors acheminé jusqu’au port de Québec afin d’y prendre le train jusqu’en Ontario. Après avoir été transformé en matte13 dans une fonderie de la compagnie à Sudbury, il est de retour à Québec d’où il est finalement expédié vers l’affinerie Nikkelverk, en Norvège, dans la ville côtière de Kristiansand, où le nickel brut est transformé en métaux et vendu sur le marché mondial (Glencore Xstrata plc 2013).

En ce qui a trait à son personnel, la mine Raglan emploie un grand nombre de travailleurs. Pour l’année 2012-2013, ils étaient 854 employés, dont 152 Inuit (voir annexe X). Sur les travailleurs inuit vivant au Nunavik, 55

12 Considérés comme de véritables « chevaux de trait » des mers, les navires-vraquiers transportent des marchandises

solides en vrac telles que des granulats, des céréales, du charbon, etc. Avec ses 28 000 tonnes T.P.L. (tonnage de port en lourd) le MV Arctic est considéré comme étant « (…) le plus grand brise-glace vraquier au monde » (groupe Verrault 2013). Le MV Arctic est caractérisé comme étant un OBO (ore-bulk-oil), c'est-à-dire qu'il peut transporter du fret liquide et solide en vrac (Bourdonnais et Dorais 2013). Œuvrant dans le haut arctique canadien pour les mines Polaris et Nanisivik jusqu’à leur fermeture en 2002, il dessert désormais la mine de Vosey’s Bay au Labrador en plus de celle de Raglan au Nunavik.

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provenaient des villages situés sur la côte de la Baie d’Hudson tandis que 56 étaient originaires des villages de la côte de la Baie d’Ungava. Ainsi, sur ces 152 travailleurs inuit, ils étaient 42 à venir de l’extérieur du Nunavik (voir annexe XI).

Finalement, il importe de rappeler que la compagnie minière a fait le choix de favoriser le système de rotation fly-in fly-out (FIFO) plutôt que de créer une ville minière. Ainsi, un grand complexe résidentiel a été érigé sur le site minier afin d’y héberger les employés qui y travaillent pour une durée variant entre deux et quatre semaines. Cette période de travail intensif est suivie d’un congé de quatorze jours permettant aux travailleurs de retourner soit dans le sud du Québec, soit au Nunavik (Vallière 2012). Il est intéressant de se rappeler que le FIFO tel que vécu par les communautés inuit locales liées à Raglan diffère de l’expérience vécue dans une ville située à proximité d’un site minier. La ville de Fermont est toute indiquée pour illustrer cet aspect puisque les travailleurs de la mine résident, le temps de leur chiffre de travail, au sein même de la ville. Comme le rappelle Jimmy Morneau, directeur de l’urbanisme de Fermont, le FIFO peut résulter en impacts majeurs pour une municipalité :

Le « fly-in/fly-out », ça a des impacts budgétaires et sociaux très importants au niveau d’une ville. C'est que ces gens-là utilisent les services des citoyens, tous les services, qu'on parle de postes d'essence… On a manqué d'essence à Fermont je ne sais pas… je ne peux même pas compter les fois. Les entrepreneurs, les sous-traitants, les travailleurs ont utilisé les services des gymnases, piscines, bibliothèques, santé. Au niveau de la santé, on vivait des moments où est-ce que ça prenait sept mois pour avoir un rendez-vous pour nos enfants, avoir un rendez-vous de nettoyage chez le dentiste. C'est des choses comme ça. Les budgets du centre de santé n'y faisaient pas face, à cette nouvelle clientèle-là. Au niveau municipal non plus, l'administration était débordée. Les recommandations qu'on avait à faire au niveau des élus étaient limitées à ce qu'on pouvait faire et non par rapport à nos budgets, par rapport aux accommodements qu'on essayait de faire avec les minières (Québec, Assemblée nationale 2013).

La situation vécue à Raglan diffère donc considérablement de ce type d’expérience puisque le site minier n’est relié à aucunes communautés locales par voies terrestres, n’étant relié que par voie aérienne ou maritime. Ainsi, les travailleurs inuit et non-inuit, lors de leurs semaines de travail, ne résident pas dans les communautés inuit mais bien dans le camp minier installé à même le site minier évitant ainsi aux communautés locales certains impacts sociaux liés au boom démographique. Aussi, lorsqu’arrive le temps de retourner dans le « sud » pour les quelques semaines de vacances, les travailleurs non-inuit ne transitent pas dans les villages inuit mais prennent des vols directs en partance pour Québec ou Montréal.

Ces caractéristiques propres au fonctionnement de la mine Raglan, en ce qui concerne le FIFO, font en sorte que les travailleurs non-inuit ont très peu de contacts avec les communautés inuit du Nunavik et, par conséquent, ont peu la chance d’être en contact avec la culture inuit et le Nunavik sinon via la présence d’employés inuit ou par des ateliers culturels donnés à la mine. Les impacts sociaux associés au FIFO, bien que différents de ceux vécus dans une ville minière, ont été nommés par plus d’un répondant et ils seront traités en détails dans le quatrième chapitre portant sur l’analyse des résultats d’entrevues.

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Les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq

Dans leur étude de 1999, Robert Lanari, Simon Smith et Paul Okituk avaient analysé les impacts sociaux de la mine Raglan auprès de cinq communautés du Nunavik soit celles de Salluit, Kangiqsujuaq, Puvirnituq, Quaqtaq et Kangirsuk. Étant donné que l’ensemble des communautés inuit du Nunavik sont touchées de près ou de loin par la présence de la mine Raglan, il aurait été pertinent de suivre les traces de Lanari, Smith et Okituk. Cependant, en raison des coûts de déplacements en territoire nordique et des limites de temps qu’imposait la réalisation de ce mémoire, il n’était pas possible de visiter l’ensemble de ces communautés. Aux fins de ce mémoire, nous avons donc choisi de privilégier les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq en raison du fait que ce sont ces dernières qui ont signé l’Entente Raglan en 1995.

Les villages de Salluit et de Kangiqsujuaq se trouvent au nord du Nunavik, au-delà du 61e parallèle et installés aux abords du détroit d’Hudson. Nous dresserons ici le portrait de ces deux villages en abordant quelques points communs ainsi que certaines caractéristiques qui leur sont propres. Le portait de ces villages nordiques ne saurait se faire sans souligner des éléments se rapportant au territoire considérant qu’à maintes reprises, lors des entrevues, les différents répondants ont souligné leur lien au territoire et à sa faune.

En premier lieu, il importe de se rappeler que ces deux villages nordiques ont des particularités communes à l’ensemble des quatorze communautés qui composent le Nunavik. Ainsi, l’une de celles-ci concerne l’administration locale de Salluit et de Kangiqsujuaq qui est assurée par un conseil municipal. Ces conseils municipaux font partie de l’Administration Régional Kativik (ARK) qui elle, est reconnue comme étant la Conférence des élus pour la région Kativik. À ce titre, l’ARK « (…) est l’interlocuteur privilégié du gouvernement du Québec et elle est considérée comme étant le principal contributeur aux projets de développement régional » (Administration Régional Kativik 2014).

Également, les différents villages du Nunavik partagent une autre particularité qui réside dans le fait qu’« [a]ucun lien routier ne lie les communautés entre elles, ni la région au sud du Québec » (Administration Régional Kativik 2014). Il va sans dire que le transport aérien et maritime devient un service essentiel à l’année. Nous reviendrons plus tard sur un impact social bien concret lié à cette nécessité du transport de marchandises pour les communautés. À l’échelle locale, les Inuit dépendent donc des motoneiges, des VTT et des embarcations à moteur pour pratiquer leurs activités de chasse, de pêche et de piégeage de subsistance (Administration Régional Kativik 2014).

Finalement, la mer est un élément central dans la vie des Sallumiut14 et des Kangiqsujuamiut15 et ce, à plusieurs égards. Comme le rapporte le Conseil de l’Arctique16 dans un rapport portant sur la navigation dans

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les eaux arctiques, « [t]he sea is very important to the way of life and culture. Inuit do not distinguish the water from the land in terms of their hunting and culture. All of the communities in the Canadian Arctic are coastal or situated on major waterways. Whether traveling in a boat or over the ice, the water provides a means of transportation, a connection between communities and a source of food » (Arctic Council 2009: 113).

Salluit

Situé au nord du Nunavik, bien au-delà du 61ième parallèle, se trouve le village de Salluit17. Après Ivujivik, Salluit constitue le village le plus septentrional du Québec. Un extrait d’entrevue réalisée par l’Institut Culturel Avataq en 1992 nous donnes à lire le témoignage de M. Taamusi Qumaq18, qui relate, entre autre, l’origine du nom de ce village: « [v]oici l’histoire de cette communauté telle qu’on me l’a racontée. Avant que quiconque ne vive à Salluit, certains chasseurs affirmaient que le gibier y était abondant. Or, quand d’autres partirent y chasser, ils n’y trouvèrent rien. Le mot Salluit renvoie à cette contradiction » (Institut Culturel Avataq 2014). Des fouilles archéologiques effectuées en 1958 dans l’île Qikirtaq, située à l’embouchure du fjord de Salluit, révèlent que le peuple de Dorset occupait la région de 800 avant J.-C. à 1000 de notre ère environ. L’emplacement de Salluit était un lieu de campement pour les chasseurs inuit à cette époque (Paquet : 45). Les trois sites où les fouilles ont eu lieu ont été nommés Keataina, Toonoo et Tyara. Sur ce dernier, un masque miniature de Sugluk a été trouvé et daterait de 400 avant J.-C.

C’est au début du siècle qu’on commence à voir se dessiner la structure d’un village à Salluit. En 1910, un traiteur indépendant, Solomon R. Ford vient en effet s’y établir et attire une partie de la population qui, semble-t-il, avait déjà commencé, quelques années auparavant, à se regrouper à Déception, à une cinquantaine de kilomètres à l’est. (Paquet : 45)

En 1925, un premier poste de traite s’ouvre à l’emplacement même du village actuel de Salluit. La compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) fera également son apparition dans la région peu de temps après, s’établissant sur l’autre rive du fjord de Salluit, avant de déménager ses installations à la baie de Déception. Le commerce de la fourrure prendra fin vers 1936 avec la chute du prix des pelleteries.

15Signifie « résidents de Kangiqsujuaq ».

16 Le Conseil de l’Arctique a été créé à Ottawa en 1996 par la Déclaration d’Ottawa. Il s'agit d'une instance

intergouvernementale de haut niveau, qui fonctionne par consensus pour promouvoir les aspects environnementaux, économiques et sociaux du développement durable dans la région de l’Arctique. Le Conseil de l’Arctique réunit les huit États de l’Arctique : le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Fédération de Russie, la Suède et les États-Unis. Un aspect unique du Conseil de l’Arctique vient de la présence de six organisations internationales de peuples autochtones à titre de participants permanents : L’Aleut International Association (AIA), l’Arctic Athabaskan Council (AAC), le Conseil Circumpolaire inuit (ICC), le Gwich’in Council International (GCI), l’Association russe des populations autochtones du Nord (ARPAN) et le Saami Council (SC) (Canada, Affaires étrangères, commerces et développement 2013).

17 Signifie « les gens minces ».

18 « Chasseur, pêcheur, trappeur et homme politique, Taamusi Qumaq (1914-1993) est considéré comme l’un des

grands penseurs des Inuit du Nunavik. Bien qu’unilingue en inuktitut, ce « personnage exceptionnel » (…) a consacré sa vie à consigner, à l’écrit, la vie des siens ainsi que leur langue – et il s’est à ce titre mérité la reconnaissance de plusieurs institutions, dont celle de l’Assemblée nationale du Québec » (Qumaq et Dorais 2010).

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À partir de 1930, le village de Salluit voit s’installer une mission catholique qui sera en activités jusqu’en 1950. Quelques années plus tard, en 1955, ce sera au tour de l’Église anglicane d’ouvrir une mission dans le village. Par la suite, différents services publics seront offerts et cela aura pour effet d’amener les Inuit de la région à s’installer près du village. Salluit est reconnue comme municipalité en 1979 (NV Salluit 2015).

Niché au creux du fjord de Salluit, à près d’une dizaine de kilomètres du détroit d’Hudson, ce village inuit est considéré comme étant le village départageant ceux de la côte de la Baie d’Hudson19 et ceux de la côte de la Baie d’Ungava. Il se trouve à environ 120 kilomètres à l'est d'Ivujivik et à quelques 600 km au nord-est de Kuujjuaq (Centre de santé Inuulitsivik 2014). Sa population s’élève à 1 335 personnes, dont 1250 Inuit, 30 anglophones et 55 francophones (Statistiques Canada 2011).

Son territoire, constitué de terres de catégorie I20, s’étend de part et d’autre du passage Sugluk ou Saglouk (fjord de Salluit) afin d’atteindre une superficie totale de 625,7 kilomètres2. La communauté de Kangiqsujuaq, via sa corporation foncière Qaqqalik, possède également des droits et responsabilités établis sur 7 013 kilomètres2 de terres de catégorie II dont elle a le contrôle (ASFN 2014). Ce territoire est traversé par un réseau hydrographique qui compte d’importants cours d’eau dont les rivières Foucault et Gatin qui se rejoignent dans le fjord de Salluit qui lui, se jette directement dans le détroit d’Hudson. L’embouchure de ce fjord a pour nom le Cap du Long Sault. Il y a également les lacs François Malherbe et Watts qui débouchent dans la grande rivière Déception qui elle, se jette dans la Baie Déception et rejoint ainsi le détroit d’Hudson. Cette Baie est un autre élément hydrographique essentiel lorsque l’on parle du territoire occupé par les Sallumiut. De fait, Salluit est situé à proximité de la Baie Déception. L’un des répondants de Kangiqsujuaq soulignait d’ailleurs que le territoire de Baie Déception est considéré comme le territoire de chasse21 des Sallumiut « [q]uand on va à des réunions avec les gens de Salluit, quand ça touche la Baie Déception, on les laisse dire ce qu'ils ont à dire (…) parce qu'on considère que c'est de leur côté. Puis, c'est leur territoire de chasse donc, c'est eux qui sont affectés et non nous » (KA-19). Comme nous le verrons plus loin, Baie Déception est toujours considérée comme un lieu privilégié pour la chasse ainsi que pour le trappage, faisant échos aux propos tenus par Qumaq en 1992. Il est judicieux de revenir ici à ce témoignage qui exprime bien l’importance des aspects maritimes et terrestres pour les Sallumiut :

19 Incluant Salluit, la côte de la Baie d’Hudson compte les villages d’Ivujivik, Akulivik, Puvirnituq, Inukjuak, Umiujaq et

Kuujjuarapik.

20 La superficie du territoire et les droits qui s'y rattachent sont encadrés par le régime des terres issu de la Convention de

la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) (Centre de santé Inuulitsivik 2014).

21 Lorsqu’on parle de chasse, il importe de garder en tête que cela ne concerne pas seulement les activités terrestres en

lien avec la chasse aux caribous ou le trappage. Plusieurs répondants parlent de la chasse en évoquant la pêche aux phoques, aux morses ou aux mammifères marins tels que la baleine. Ainsi, les territoires de chasses ne représentent pas seulement les terres immergées mais également les zones d’eau ou de glace telles que les rivières, les lacs ainsi que les baies.

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La marée monte très haut et apporte des fruits de mer, des moules, des palourdes et des algues. Les Sallumiut connaissent à fond les choses de la mer; ils apprennent le mouvement des courants et des marées en observant la lune. Par exemple à la pleine lune, quand la lune apparaît de plus en plus tard, les courants marins sont nombreux. Les chasseurs de la région sont aussi bien familiers avec les dangers que présentent les courants, les montagnes et les vents. Il y a parfois des avalanches ; à certains endroits, on ne saurait utiliser un fusil sans faire tomber les énormes pans de neige accrochés aux flancs montagneux. Nombre d’Inuit ont perdu la vie dans des avalanches (Institut Culturel Avataq 2014).

Bien que datant d’un peu plus de vingt ans, ce témoignage comporte des éléments qui demeurent actuels. Ainsi, tant le côté maritime que terrestre est toujours bien présent dans le quotidien des Sallumiut.

Kangiqsujuaq

En ce qui concerne le village de Kangiqsujuaq, dont le nom signifie « la grande baie », il est également situé aux abords du détroit d’Hudson, sur la rive sud-est de la Baie de Wakeham. Avec les villages de Quaqtaq, Kangiqsuk, Aupaluk, Tasiujaq, Kuujjuaq et Kangiqsualujjuaq, il fait partie des villages de la côte de la Baie d’Ungava.

Comme pour le village de Salluit, différents groupes inuit se sont succédés dans l’occupation du territoire avant l’arrivée des premiers européens.

Dans les îles Qikirtaaluk et Qajartalik situées à près de 15 kilomètres (sud-est) du village sont localisés des pétroglyphes vieux de 1200 ans datant de la période du peuple de Dorset ainsi que des vestiges d’habitations semi-souterraines construites il y a 800 ans par les Inuits de la période de Thulé. Les premiers européens explorant la région, à la fin du XIXe siècle furent des scientifiques canadiens. En 1884 à bord du vapeur Neptune arriva une expédition canadienne dans le but d’établir une route commerciale vers l’Europe en passant par le détroit d’Hudson (Paquet : 41).

Les explorateurs canadiens construisent alors une tour d’observation météorologiques et d’observation du mouvement des glaces à la baie de Stupart (connue sous le nom inuit d'Aniuvarjuaq). Cette tour deviendra un lieu de troc entre les Inuit des alentours et les observateurs canadiens (NV Kangiqsujuaq 2015).

En 1910, la société française de fourrure Révillon Frères établi un poste de traite à Kangiqsujuaq. La Compagnie de la Baie d’Hudson préfère, quant à elle, le site de Stupart Bay pour l’établissement de son poste, en 1914 et aménage une ferme expérimentale d’élevage du renard en 1928 (Paquet : 41). Par la suite, Révillon Frères ferme les portes de son poste en 1936 et, la même année, une mission catholique s’établie dans le village. Au cours des années suivantes, de nombreux prêtres oblats viennent à la mission. L’un d’entre eux, le père Jules Dion O.M.I., fût à Kangiqsujuaq de 1964 à 2013. La première école ouvre en 1960, suivie du poste de soins infirmiers en 1961. C’est en 1970 que les Kangiqsujuamiut ouvrent le magasin de la coopérative (NV Kangiqsujuaq 2015).

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En 2011, la population de ce village s’élevait à 695 personnes et était composée en grande majorité d’Inuit. De fait, selon le recensement de 2011, la population de Kangiqsujuaq était composée de 655 Inuit, 15 anglophones et 25 francophones (Statistiques Canada 2011).

Dans les dernières années, Kangiqsujuaq a su se démarquer au niveau de l’industrie du tourisme en mettant à profit son territoire dont notamment le cratère des Pingualuit22. Ce dernier, qui s’est formé suite à la chute d’une météorite23, est le point focal du Parc national des Pingualuit. Le cratère forme un lac parfaitement circulaire et ses environs sont également l’aire de mise bas du troupeau de caribous de la rivière aux feuilles (Paquet : 29). Avec la création de ce parc national des Pingualuit en 2004, Kangiqsujuaq a construit un hôtel afin d’accueillir les visiteurs mais également un Centre d’interprétation du parc des Pingualuit qui lui, est situé en plein cœur du village (Loisel 2009). Des initiatives telles que Aventures Kangiqsujuaq ont par la suite été mises en place afin de bénéficier encore davantage de l’attrait de ce Parc national.

Le territoire de Kangiqsujuaq s’étend sur 606,7 kilomètres carrés de terres de catégorie I et la communauté, via sa corporation foncière Nunaturlik, contrôle 5 181,9 kilomètres2 de terres de catégorie II sur lesquelles elle a des droits et des responsabilités (ASFN 2014). Comme le rappelle Qumaq en 1992, « Kangirsujuaq est entouré de bons territoires pour la chasse aux mammifères marins et terrestres. Les Inuit peuvent y chasser à loisir les animaux de leur choix. Certains des jeunes Kangirsujuaqmiut24 préfèrent nettement chasser le phoque ; ils font plaisir aux aînés en leur rapportant du gibier, notamment du phoque » (Institut Culturel Avataq 2014). Le territoire de Kangiqsujuaq est reconnu, encore aujourd’hui, pour abriter nombres de rivières riches en poissons (Aventures Kangiqsujuaq 2014). Le réseau hydrographique de Kangiqsujuaq comporte notamment la rivière de Wakeham qui se jette dans la Baie de Wakeham qui elle, débouche sur le Cap la Boule dans le détroit d’Hudson. Il est également important de rappeler la présence du lac des Pingualuit situé à proximité de Kangiqsujuaq et dont il a été fait mention précédemment. Le parc national des Pingualuit, qui est voisin de la mine Raglan, n’a pas que des vertus au niveau touristique. Pour certains, cette aire protégée que représente le parc national constitue même une barrière à l’expansion des compagnies minières. Ainsi, « [e]n préservant le cratère, en créant un parc, on préserve également ce territoire-là contre tout développement minier parce que dans un parc national, on ne peut pas faire de développement hydroélectrique, minier, forestier et ainsi de suite » (KA-19).

22 Pingualuit est la forme plurielle de Pingualuk qui signifie « bouton éruptif »; la forme plurielle s’explique par la présence

de nombreuses petites collines ressemblant à des boutons éruptifs tout autour du cratère.

23 Michel Bouchard, géologue de l’Université de Montréal, estime que l’énergie libérée au moment de l’impact équivalait à

8 500 fois la bombe lâchée sur Hiroshima (Philie 2010).

24L’écriture de l’inuktitut connait des transformations constantes qui font en sorte que le mot pour désigner les résidents

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Figure

Figure 1 : Integrated framework for environmental and social assessment
Tableau 1 : Exemple de résultats pour la commande Fréquence de codages dans QDA Miner
Tableau 3 : Identité des répondants (N = 46)
Tableau 4 : Genre des répondants (N = 46)
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