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Définitions et concepts

Impacts sociaux

Dans le cadre de ce mémoire, le concept central est celui d’impact social. La définition utilisée ici est celle donnée par Burge et Vanclay (1995) qui s’inspire de la définition utilisée dans un rapport publié en 1994 par l’Interorganizational Committee on Guidelines and Principles for Social Impact Assessment in the USA. Ainsi, un impact social est défini comme « (…) all social and cultural consequences to human populations of any public or private actions that alter the ways in which people live, work, play, relate to one another, organise to meet their needs, and generally cope as members of society » (Burge et Vanclay dans Vanclay 2002: 190).

Source: Slootweg, Vanclay et van Schooten 2001, dans Vanclay 2002.

Un impact social, comparativement au processus de changement social, est ce qui est vécu ou ressenti par l’individu, les groupes de la société civile, la communauté ou la société dans son ensemble.

Social impacts must be experienced or felt. To be true to the broad definition of SIA used (i.e. Vanclay’s, 2002 definition), the list of impacts must potentially be capable of addressing positive benefits, as well as negative ones. In addition, because social impacts (that is, all impacts on humans) cover a wide variety of issues, the list must be broad. Some impacts are experienced at the level of an individual, other impacts are experienced at the level of a family or household unit, and other impacts are experienced by social organisations, institutions, or a community or society as a whole. Some impacts are corporeal—that is, felt by the body as physical reality—other impacts are perceptual or emotional. Some macrolevel impacts are quite removed from individuals but nonetheless are important social impacts (Vanclay 2002: 201).

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Par exemple, le fait que la langue parlée dans le milieu de travail soit l’anglais n’est pas un impact social en soi, il s’agit plutôt d’un processus de changement social. Ce processus de changement social peut toutefois entraîner des impacts sociaux. Ainsi, si le fait de parler anglais sur le lieu de travail fait en sorte que la langue maternelle disparait au sein de la communauté, nous pouvons alors parler d’impact social au niveau culturel. Dans le même sens que l’exemple précédent, l’augmentation de population ou la présence d’étrangers ne sont pas des impacts sociaux. Toutefois, les impacts sociaux qui peuvent résulter de tels changements sociaux peuvent être un changement de perception de la part d’individus par rapport à la nature de la communauté, un changement de perception chez des individus concernant leur attachement personnel à la communauté, des changements dans le vivre-ensemble, etc (Vanclay 2002). Par exemple, il est à propos de revenir ici à l’exemple de Fermont où la mairesse illustre parfaitement le type d’impact sociaux pouvant résulter de la hausse subite de la population due à la pratique du FIFO. Elle rappelle que l’arrivée massive de travailleurs temporaires, qui accaparent, entre autres, les services de soins de santé, ont amené des tensions avec les résidents permanents. La communauté locale éprouvant des difficultés à s’adapter à cette nouvelle donne :

Avec la santé, c'est que ces gens-là [les travailleurs miniers], ils arrivent puis… Ils n'ont pas de rendez-vous à Québec, mais ils arrivent à Fermont puis ils prennent les places de la santé, ils voulaient passer avant tout le monde. Ces gens-là ont pris la place des citoyens dans les débuts. Ils ont vraiment accaparé la ville, ils sont arrivés et… 2 000 travailleurs en même temps, ça fait du monde (Québec, Assemblée nationale 2013).

Aussi, il importe de rappeler que les impacts sociaux varient dépendamment du lieu, de la communauté, du projet, des groupes au sein de ladite communauté, etc. Par exemple, comme nous l’avons vue précédemment, le contexte dans lequel se vit le FIFO n’est pas le même que l’on soit travailleur à la mine du Mont Wright à Fermont ou bien travailleur pour Raglan. À contextes différents, impacts différents. En d’autres mots, l’impact social d’un changement social dépend du contexte dans lequel survient ledit changement. De fait, « [s]ome sectors or groups in society are able to adapt quickly and make use of the opportunities that arise from the new situation. Others are less able to adapt (e.g. various vulnerable groups) and will bear most of the negative consequences of change » (Vanclay 2002 : 192). L’importance du contexte fait donc en sorte que les variables doivent être définies localement et porter sur des considérations locales. Une liste générique des impacts sociaux ne peut être adéquate à la prise en compte d’une situation particulière. Le chercheur se présentant avec une « checklist » échappe nécessairement certaines dimensions du cas étudié.

Toutefois, une liste d’impacts sociaux demeure un outil pertinent afin de concevoir la variété d’impacts sociaux possibles et d’en découvrir la portée. Étant donné les nombreuses problématiques qui peuvent être touchées par les impacts sociaux, une telle liste doit être en mesure de témoigner d’une telle diversité. Vanclay décline les impacts sociaux en sept catégories:

 impacts sur la santé et le bien-être social,  impacts sur la qualité du milieu de vie,

 impacts économiques et impacts sur le bien-être matériel,  impacts culturels,

 impacts sur la famille et la communauté,

 impacts institutionnels, légaux, politiques et sur l’équité,  impacts sur les relations de genre.

Pour chacune de ces catégories, une liste d’indicateurs non-exhaustive y est associée. Par exemple, en ce qui concerne les impacts sur la santé et le bien-être social, les indicateurs peuvent être liés à la santé mentale (stress, anxiété, angoisse, etc.) ou aux aspirations futures des membres de la communauté. Pour ce qui est des impacts sur la qualité du milieu de vie, les indicateurs potentiels peuvent concerner la perception des gens quant à leur sécurité personnelle ou encore leur perception quant à la qualité et à la disponibilité des logements.

Impacts sociaux cumulés

Il importe de rappeler que ce développement minier nordique s’effectue dans un territoire et au sein de communautés aux prises avec des changements culturels, économiques et environnementaux importants et qu’il participe à ces changements. Les impacts cumulés font évidemment partie du contexte particulier qu’est celui des communautés à l’étude dans ce mémoire. Ils contribuent à une mutation continuelle des communautés, une remise en question de leur mode de vie et de leur identité culturelle (Blanguy et Martin 2014). Dans un document publié par le Centre for Social Responsibility in Mining (CSRM), Franks, Brereton, Moran, Sarker et Cohen (2010) énoncent une description de ce que sont les impacts cumulés. Comme nous pouvons le constater, ces derniers dépassent le simple cadre de l’activité économique et ne sont pas assujettis au temps présent uniquement.

Cumulative impacts are the successive, incremental and combined impacts of one, or more, activities on society, the economy and the environment. Cumulative impacts result from the aggregation and interaction of impacts on a receptor and may be the product of past, present or future activities. Cumulative impacts can be both positive and negative and can vary in intensity as well as spatial and temporal extent. Cumulative impacts may interact such that they trigger or are associated with other impacts. They may aggregate linearly, exponentially or reach ‘tipping points’ after which major changes in environmental, social and economic systems may follow. (Franks et al. 2010: 10).

Par exemple, dans le cas qui nous intéresse, plusieurs répondants de Salluit et de Kangiqsujuaq avaient une expérience ou, du moins, des souvenirs liés au développement minier d’Asbestos Hill et à l’exploration minière du territoire. Il apparaît donc que les impacts sociaux de la mine ne sont pas isolés mais qu’ils sont à saisir dans un contexte plus global. Dans la section 4 portant sur les résultats de recherche, nous aborderons différents impacts révélant l’inquiétude et les craintes chez certains répondants face aux activités minières de

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Raglan. La crainte, la peur et le stress exprimé par certains face au développement minier résultent nécessairement d’expériences passées liées aux activités de développement minier telles que l’exploration du territoire et l’exploitation en tant que tel. Un extrait d’entrevue réalisé avec un répondant de Kangiqsujuaq démontre bien ce point :

One mine is enough. They’re two mining right there, right now. The mining is not in one place, the mining is everywhere. They have claims everywhere and they’re more prospectors who does prospecting like Porseco, Brooks, and other prospectors doing lot of drilling. When they find it, they sell it to the mines that there already. So, they're not making all over here, they're making all everywhere. Over the years, a lot of prospectors are coming here. They left garbage's, barrels, old tractors, batteries, propane tanks. They left lot of stuff. (…) A lot, not just around here… they're a lot close to Kangiqsujuaq already but so much more in Kangiqsuk, Salluit area… major clean up before anything. In some places, mines left some dangerous chemical. We cannot just go there and clean up our self because it's too dangerous. That's why I'm against mine, because I love hunting, I love nature, I love fishing, that's my life. I say no more (KA-15).

État de la question

Lorsque nous voulons nous pencher sur les impacts sociaux d’un projet minier, il importe de poser notre regard sur des projets de développement minier passés ou présents dont les impacts sociaux ont été analysés. Or, il apparaît que nous connaissons peu les impacts sociaux des projets miniers qui ont lieu sur le territoire du Nunavik. De fait, la littérature scientifique portant sur l’industrie minière permet difficilement de comprendre et de saisir la portée de tels impacts. S’il est abondamment question des impacts environnementaux et économiques de l’industrie minière dans l’Arctique canadien et au Nunavik (Duhaime et Godmaire 2002; Duhaime, Bernard et Caron 2011; Poirier et Brooke 2000), les impacts sociaux font figure de parents pauvres. De fait, rares sont les recherches qui traitent de manière exhaustive des impacts sociaux, abordant plutôt ces derniers en complément d’analyse. Ainsi, dans un article portant sur les minières en territoire autochtone, Duhaime et al. abordent brièvement les impacts sociaux du projet minier qui fait l’objet de la recherche : le projet minier Raglan. L’extrait cité ci-après présente certaines pistes de réflexion quant aux impacts sociaux que peuvent entraîner une forte augmentation des revenus via les redevances minières. Toutefois, il est ici davantage question d’une énumération que d’une analyse et ce passage survient tout juste avant la conclusion :

In 2008, Xstrata delivered a $32.5 million profit-sharing payment to Makivik Corporation. Unfortunately it appears that this ‘annual cash windfall’ has led to several social disturbances within the recipient communities: a stratification between the newly well-to-do and those left behind; an increase in social problems such as overspending, bootlegging, substance abuse, and family violence; socio-economic stratification between the villages favoured by the agreement with the mining corporation and the other villages in the region. Consequently, these other communities see the agreement as a sort of denial of sharing, which is considered a basic value of Inuit culture and identity (Duhaime, Bernard et Caron 2011: 120).

Il existe également une littérature grise portant sur les impacts sociaux des projets miniers. Par littérature grise, nous entendons tout document rendu public mais non publié. i.e. rapports, comptes-rendus, études, etc. Ainsi, il semble que les principales sources d’informations concernant les impacts sociaux sont les études

d’impact sur l’environnement (Environmental Impact assessment – EIA) (Broche et al. 2005) et les études de suivi. Il faut donc aller puiser dans la littérature grise pour trouver des traces de documents abordant spécifiquement les impacts sociaux du cas qui nous intéresse.

Ainsi, nous avons découvert qu’à la fin des années 1990, la Société Makivik a mené cinq études de suivi auprès de cinq communautés inuit situées à proximité du site minier Raglan, soit : Salluit, Kangiqsujuaq, Puvirnituq, Quaqtaq et Kangirsuk (Lanari et al. 1999-2000). Ces études, qui reposent sur un échantillon de dix personnes par communautés, identifient différents impacts sociaux positifs et négatifs. Il y est notamment mentionné que l’augmentation des opportunités d’emplois a été réelle pour les membres de la communauté et ce, particulièrement pour les jeunes. Les études dénotent aussi que certains impacts négatifs se sont fait sentir au niveau des familles, de la violence et de l’alcool. Cependant, il importe de mentionner que les études ont été menées seulement un an après l’ouverture de la mine, que l’échantillon n’est pas représentatif et qu’elles n’ont pas fait l’objet de mises à jour. Il est également intéressant de noter que ces études ne semblent trouver écho dans aucune publication scientifique. L’article de Duhaime, Bernard et Caron l’illustre bien : il n’en est fait aucune mention, alors que la mine Raglan est citée en exemple afin d’illustrer les impacts sociaux d’un projet minier.

Ainsi, la pertinence d’une telle recherche repose tant sur le volet social que scientifique. Il est étonnant de constater le peu d’études et de recherches portant sur les impacts sociaux de projets miniers passés ou présents ayant eu cours sur le territoire du Nunavik. Il importe donc de documenter, d’actualiser et d’analyser les impacts sociaux de tels projets miniers sur les communautés nordiques locales.

La présente recherche vise à contribuer à combler ces lacunes en étudiant les impacts sociaux du projet minier Raglan sur les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq. Le choix du site minier Raglan vient du fait qu’elle est présentement l’une des mines d’importances en activité au Nunavik (voir annexe IV). Aussi, nous pensons que le fait que ce projet minier soit en opération depuis 1998 nous permettra d’apprécier plus clairement les impacts sociaux de cette dernière. Dans le cadre de cette recherche, les communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq ont été choisies parce que ce sont ces dernières qui subissent principalement, de par leur proximité avec le site, les impacts de ce projet minier. Cette situation a fait en sorte que ces communautés ont signé, en 1995, une entente sur les impacts et bénéfices communément appelée Entente Raglan.

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