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Les connaissances et attitudes par rapport à la pédagogie différenciée et la diversité des étudiants chez des enseignants de cégep

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Academic year: 2021

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© Emilie Brushett, 2019

Les connaissances et attitudes par rapport à la

pédagogie différenciée et la diversité des étudiants chez

des enseignants de cégep

Mémoire

Emilie Brushett

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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ii RÉSUMÉ

La pédagogie différenciée est une façon de concevoir l’enseignement et l’apprentissage qui veut favoriser la réussite de tous les élèves, surtout ceux ayant des difficultés d’apprentissage et des besoins particuliers. Ce concept, qui a fait l’objet de plusieurs recherches, est une pratique encouragée par le gouvernement et les directions d’établissements. Par contre, sa mise en place tarde à devenir la norme dans la salle de classe, surtout en éducation supérieure. En parallèle, le nombre d’étudiants ayant des difficultés d’apprentissage ou des troubles mentaux qui requièrent les services adaptés a grandement augmenté dans les établissements d’éducation supérieure au Québec depuis les quinze dernières années. Leur arrivée massive chamboule les façons de faire des enseignants et des directions d’école, qui tentent de répondre aux besoins de ces étudiants par le biais des services adaptés. Or, il semble avoir un décalage entre les besoins diversifiés des étudiants et les pratiques pédagogiques des enseignants de CEGEP (collèges d'enseignement général et professionnel1). C’est pourquoi des enseignants d’un cégep de la Ville de Québec ont été interviewés afin d’explorer quelles connaissances et attitudes ils entretiennent face à la pédagogie différenciée et les étudiants en situation de handicap, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Un autre objectif de l’étude était de connaitre les pratiques pédagogiques qu’ils emploient afin de déterminer si celles-ci correspondent à la pédagogie différenciée. Les résultats de ces entretiens démontrent que les enseignants, bien qu’ils aient certaines connaissances des bonnes pratiques d’enseignement à mettre en place pour favoriser l’apprentissage de leurs étudiants, ont plusieurs lacunes dans leurs connaissances de la pédagogie différenciée et les différences chez leurs étudiants. De plus, ils entretiennent des croyances erronées qui font en sorte qu’ils ont des attitudes plutôt négatives envers la pédagogie différenciée et les étudiants en difficulté. Il appert donc que la pédagogie différenciée est loin d’être une pratique établie dans les classes de cégep.

1 Le terme cégep (plutôt que l’acronyme CEGEP) est utilisé dans ce document afin de faciliter une lecture

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iii ABSTRACT

Differentiated instruction is a learning and teaching philosophy which aims to maximise student learning for all, especially for students with disabilities. This concept has been the object of many studies and is encouraged by the Québec government and school authorities. However, its use in the classroom is still marginal, especially in higher education. Meanwhile, the student population with learning disabilities or mental disorders that require adapted services has been steadily rising in the last fifteen years in colleges and universities in Québec. This changing reality brings to light the diverse needs of these students, forcing school management and teachers to adapt their methods to promote the success of all students. Teachers from a CEGEP in Québec city were interviewed in order to find out what knowledge and attitudes these teachers have about differentiated instruction and students with disabilities. Another objective of the study was to find out which teaching strategies they use in class to determine if these correspond to differentiated instruction. The results from these interviews show that participants, although they have some knowledge of good teaching strategies to use in order to encourage student success, still manifest a lack of knowledge regarding differentiated instruction and the conditions that can affect their students’ learning. Furthermore, they hold many false beliefs that lead them to have mostly negative attitudes towards differentiated instruction and students with disabilities. This study supports the literature on the subject, which shows that there is still a long way to go before differentiated instruction becomes standard practice in CEGEP classrooms.

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iv TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... ii

ABSTRACT ... iii

LISTE DES FIGURES ... vi

LISTE DES TABLEAUX ... vii

LISTE DES ANNEXES ... viii

REMERCIEMENTS ... ix

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1: CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 : Les étudiants handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) . 3 1.1.1 : Définition ... 3

1.1.2 : Impacts des clientèles émergentes sur le contexte scolaire actuel ... 5

1.1.3 : Législation entourant les EHDAA en enseignement collégial ... 8

1.2 : Les enseignants de cégep... 9

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ... 12

2.1 : La pédagogie différenciée ... 12

2.1.1 : Émergence de la pédagogie différenciée ... 12

2.1.2 : Définition de la pédagogie différenciée ... 14

2.1.3 : Mise en contexte par rapport à la conception universelle de l’apprentissage ... 19

2.1.4 : Contexte au Québec par rapport à la pédagogie différenciée ... 21

2.2 : Attitudes des enseignants face à la pédagogie différenciée ... 23

CHAPITRE 3: REVUE DE LA LITTÉRATURE ... 26

3.1 : Recherche sur la pédagogie différenciée ... 27

3.2 : Les attitudes et perceptions des enseignants dans la recherche sur la pédagogie différenciée ... 30

CHAPITRE 4 : OBJECTIF DU PROJET ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 35

CHAPITRE 5 : MÉTHODOLOGIE... 36

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v 5.2 : Participants ... 37 5.3 : Collecte de données ... 38 5.4 : Analyse de données ... 40 CHAPITRE 6 : RÉSULTATS ... 43 6.1 : La pédagogie différenciée ... 43

a) Connaissances par rapport à la pédagogie différenciée ... 43

b) Attitudes par rapport à la pédagogie différenciée ... 45

c) Stratégies d’enseignement liées à la pédagogie différenciée utilisées par les enseignants ... 50

6.2 : Les moteurs / autres facteurs ... 66

a) Attitudes par rapport aux étudiants de cégep et les étudiants HDAA ... 66

b) Obstacles à la pédagogie différenciée ... 76

c) Perception de la matière enseignée... 81

d) Formation continue ... 84

CHAPITRE 7: DISCUSSION ... 86

7.1 : Limites de l’étude et perspectives de recherches futures ... 93

CONCLUSION ... 95

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 97

ANNEXE A : COURRIEL DE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS ... 109

ANNEXE B : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT DU PARTICIPANT(E) ... 110

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vi LISTE DES FIGURES

Figure 1: Évolution des clientèles « émergentes » et « traditionnelles » entre 2012 et 2017 (AQICESH, 2017)………p. 6

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vii LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Résultats d’articles scientifiques par rapport à l’objet de recherche……….p. 26

Tableau 2 : Profil des enseignants participants du projet………p. 38 Tableau 3: Thèmes et codes utilisés dans l’analyse des données………p. 42

Tableau 4: Stratégies d’enseignement liées à la pédagogie différenciée utilisées par les participants ……….p. 52

Tableau 5 : Fréquence des obstacles mentionnés par les participants……….p. 76

Tableau 6 : Réponses des participants sur la possibilité de différencier les contenus de leur matière enseignée………p. 81

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viii LISTE DES ANNEXES

Annexe A : Courriel de recrutement des participants………. p. 109

Annexe B : Formulaire de consentement du participant(e)……….p. 110

Annexe C : Questionnaire d’entretien………..p. 112

N.B. Les transcriptions complètes des entretiens ne sont pas en annexe vu leur longueur, mais elles peuvent être rendues disponibles sur demande.

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ix REMERCIEMENTS

Quel parcours ce fut pour moi de terminer ma maîtrise ! Quatre ans plus tard, me voici enfin à franchir la ligne d’arrivée.

Je remercie mon directeur de recherche, monsieur Philippe Tremblay, de m’avoir guidée tout au long de mon parcours. Nos rencontres ont toujours été enrichissantes et motivantes pour moi. Avec ses conseils et son encadrement, il m’a permis de prendre le plus gros défi de mon parcours académique et de le relever avec fierté.

À tous ceux de mon entourage qui m’ont encouragée à continuer lors des moments plus difficiles, merci infiniment. À l’équipe de gardiennage (Nanny, Stephanie, Marie-Pier, Josée, Mom, Dad) qui se sont relayés tout l’automne pour me permettre d’avoir quelques heures de silence pour compléter la rédaction de mon mémoire, je vous en dois une !

Maxime, sans toi je n’écrirais certainement pas ces mots à l’instant. Tu as toujours été la force patiente derrière moi, me fournissant un peu de motivation et de discipline lorsque j’en avais besoin. Simone, ton arrivée m’a donné le petit élan qu’il me fallait pour terminer. Maintenant, je pourrai pleinement profiter de tous les instants en famille.

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1 INTRODUCTION

La réalité de l’éducation au Québec a grandement changé au fil des ans. La réforme du système d’éducation a amené des changements importants au programme d’études et à la façon dont les enseignants doivent agir pour favoriser la réussite de leurs élèves (Prud'homme, Dolbec, & Guay, 2011). Les élèves et leurs besoins éducatifs ont aussi évolué. Une manifestation de cette évolution est le taux d’élèves en difficulté diagnostiqués dans les écoles au Québec, qui est en hausse depuis plusieurs années (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006). En effet, un rapport du Ministère de l’Éducation du Québec de 2014 rapporte que le nombre d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) diagnostiqués a augmenté de 50% en 10 ans, entre 2002 et 2012 (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014). L’augmentation marquée de cette clientèle apporte son lot de défis aux éducateurs. Le système scolaire québécois a donc évolué pour tenter de répondre aux besoins variés des élèves, entre autres avec la réforme scolaire et l’adoption d’une politique d’adaptation scolaire. Ce grand virage, entrepris au début des années 2000, avait pour but d’amener une proportion grandissante d’élèves du système scolaire à réussir (Ministère de l'Éducation du Québec, 1999). Par contre, des changements de cette envergure ne se font pas du jour au lendemain dans les écoles ; les commissions scolaires, les directions d’établissement et les enseignants doivent tous faire évoluer leurs pratiques. En effet, les élèves ayant des difficultés d’apprentissage et d’adaptation nécessitent certains ajustements dans les pratiques pédagogiques de leurs enseignants et requièrent davantage de ressources éducatives (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2007).

Devant ce contexte en changement, les professionnels du domaine de la pédagogie et des services adaptés se sont penchés sur les facteurs qui contribueraient à favoriser la réussite scolaire non seulement des élèves ayant des besoins particuliers, mais de tous les élèves. Suite à la mise en place de services adaptés pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage dans les écoles, un nombre croissant d’élèves poursuivent leur scolarisation au collégial et requièrent des adaptations. Les données du centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) illustrent cette situation en notant que « (…) le nombre total des étudiants en situation de handicap (ESH) en milieu collégial est passé de 1 303 en 2007-2008 à 7 587 en 2012-2013 » (Tremblay S. , 2015, p. 6). Ceci fait d’eux une clientèle émergente

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dans les cégeps au Québec et les universités du Québec et du Canada (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006; Human Resources and Skills Development Canada, 2013).

Une pratique pédagogique qui semble prometteuse pour pallier aux différences des élèves est la pédagogie différenciée. Celle-ci consiste à ajuster la planification pédagogique et l’enseignement de diverses façons afin de rejoindre le niveau de rendement, les intérêts ou le profil d’apprentissage de chaque élève. Ceci est fait dans le but de rendre l’apprentissage accessible, efficace et plus motivant pour les élèves de la classe. Les éléments pouvant être différenciés sont les contenus, les processus et les productions (Groupe de travail sur la différenciation pédagogique en Outaouais, 2005; Tomlinson, 2004). Certaines études démontrent que l’utilisation de stratégies d’enseignement variées et adaptées à chacun favorise l’apprentissage pour tous, et ainsi, permet de maximiser le rendement de tous les élèves (Bergeron, Rousseau, & Leclerc, 2011). Par contre, les recherches se penchant sur l’utilisation de pédagogie différenciée en enseignement supérieur se font rares, reflétant la nécessité d’étudier davantage ce concept auprès d’étudiants collégiaux.

Les enseignants de niveau collégial au Québec sont pour la plupart recrutés pour leur expertise dans la matière qu’ils enseignent plutôt que pour leur formation en pédagogie. Leurs connaissances sur la pédagogie peuvent donc être variables. Le nombre grandissant d’étudiants de leurs classes ayant des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation diagnostiquées expose un besoin pour eux d’adapter leurs pratiques pédagogiques afin de favoriser la réussite de leurs étudiants. Par contre, les pratiques de pédagogie différenciée ne font pas l’unanimité chez ces enseignants (Kraglund-Gauthier, Young, & Kell, 2014; Izzo, Murray, & Novak, 2008). L’objectif de ce projet est donc de décrire les connaissances et attitudes d’enseignants de cégep par rapport à la pédagogie différenciée et la diversité des étudiants afin d’obtenir un portrait de la situation actuelle dans le milieu collégial à Québec. De plus, les résultats de cette étude pourraient servir à mieux cibler les besoins de ces enseignants afin de déterminer les meilleurs moyens de les amener à comprendre et adhérer aux principes de la pédagogie différenciée. Ainsi, cette façon de faire pourrait être mise en application et bénéficier aux étudiants handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ainsi qu’à l’ensemble des étudiants.

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CHAPITRE 1: CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE

1.1 :LES ÉTUDIANTS HANDICAPÉS, EN DIFFICULTÉ D’ADAPTATION OU D’APPRENTISSAGE

(EHDAA)

Les élèves en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation ont joué un rôle central dans le développement de la pédagogie différenciée, qui a pour but d’améliorer l’apprentissage de tous les élèves de la classe, mais qui cible particulièrement les élèves ayant des difficultés pour favoriser leur réussite. C’est entre autres car ceux-ci ne réussissaient pas dans les classes traditionnelles que le monde de l’éducation s’est tourné vers les méthodes d’enseignement davantage adaptées à chacun. L’arrivée massive de ces élèves dans les classes régulières lors des mouvements d’intégration scolaire et par la suite de l’inclusion scolaire a aussi contribué à faire valoir leurs besoins auprès des chercheurs en pédagogie (Vienneau, 2002).

1.1.1 : Définition

Le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur se base sur la définition de la personne handicapée de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées

en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (2004) pour définir les étudiants

en situation de handicap (ESH). On entend ici par personne handicapée, « toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes » (Gouvernement du Québec, 2004). L’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) précise que le concept d’incapacité est vaste et inclut les incapacités de nature physique (audition, vision, parole, mobilité, etc.) et de nature non physique (liées à des problèmes de santé mentale, à une déficience intellectuelle, à un trouble du spectre de l’autisme, à des problèmes d’apprentissage ou de mémoire), qui peuvent être de gravité et de durée variables (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010, p. 8). Partant de cette définition générale du handicap, le Ministère l’applique aux élèves et aux étudiants ayant des besoins particuliers. Ceux-ci sont désignés comme étudiants en situation de handicap (ESH) en enseignement supérieur ou comme élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage

(EHDAA) au primaire et au secondaire. Ces apprenants ayant des besoins particuliers sont

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étudiants ayant soit une déficience visuelle, organique, auditive, neurologique ou physique. Ces étudiants sont présents depuis longtemps dans les écoles du Québec, et les moyens mis en place pour pallier à leurs déficiences impliquent en général des adaptations à l’environnement d’apprentissage, comme l’accès à un système MF (une aide de suppléance à l'audition sans-fil qui utilise les ondes en modulation de fréquences et un casque d’écoute) qui permet aux apprenants sourds d’entendre l’enseignant (Centre collégial de soutien à l'intégration de l'Est du Québec, 2015). Ces moyens touchent donc rarement l’approche pédagogique des enseignants. La deuxième catégorie est celle des « clientèles émergentes », qui inclut les étudiants ayant soit des difficultés d'apprentissage de l'ordre de la dyslexie, de la dysorthographie, de la dyscalculie, soit un trouble d'attention avec ou sans hyperactivité (TDA(H)) ou un trouble de santé mentale (TSM) (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010; Raymond, 2012). Ce groupe présente des diagnostics et des besoins grandement hétérogènes, ce qui rend difficile de généraliser une marche à suivre dans les services d’aide qui leur sont offerts. Cette clientèle est celle qui est en augmentation importante depuis une quinzaine d’années, et la nature de leurs difficultés nécessite souvent des adaptations à la pédagogie des enseignants afin de favoriser leur réussite.

Au primaire et au secondaire, les élèves ayant des besoins particuliers sont identifiés comme EHDAA par le Ministère, qui attribue un code pour certains diagnostics, comme les déficiences langagières, motrices, visuelles ou intellectuelles (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2007). Ce code sert à des fins de financement supplémentaire pour aider les écoles à fournir les services d’aide. Par contre, les établissements doivent fournir les services d’aide à tous les élèves en ayant besoin à l’aide d’un plan d’intervention qui énonce les mesures que l’école, les parents et l’élève doivent prendre afin de favoriser la réussite scolaire (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2007). Au collégial, ce financement supplémentaire est fourni pour les étudiants en situation de handicap ayant un diagnostic reconnu, des limitations significatives à la réussite scolaire causées par ce handicap ainsi qu’un plan d’intervention en place (Ministère de l'Éducation et de l'Enseignement Supérieur, 2018). Tous les étudiants peuvent faire une demande aux services adaptés de leur cégep afin de recevoir de l’aide; les mesures accordées varieront selon leurs besoins et leurs diagnostics (Centres Collégiaux de Soutien à l'Intégration, 2018).

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Le document ministériel L’organisation des services éducatifs aux élèves à risque et

aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) définit

l’élève en difficulté d’apprentissage au primaire ou au secondaire comme étant : (…) celui dont l’analyse de sa situation démontre que les mesures de remédiation mises en place, par l’enseignante ou l’enseignant ou par les autres intervenantes ou intervenants durant une période significative, n’ont pas permis à l’élève de progresser suffisamment dans ses apprentissages pour lui permettre d’atteindre les exigences minimales de réussite du cycle en langue d’enseignement ou en mathématique conformément au Programme de formation de l’école québécoise (p.24).

Cette définition précise comment ces difficultés entraînent un retard scolaire pour l’élève handicapé, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Même si la notion de cycles est réservée à l’éducation primaire et secondaire, cette définition peut s’appliquer au cégep, car il est vrai que les apprenants en difficulté, peu importe leur niveau scolaire, ont besoin davantage de ressources afin de satisfaire aux exigences du programme d’études.

1.1.2 : Impacts des clientèles émergentes sur le contexte scolaire actuel

Les élèves handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ayant un diagnostic et requérant des services adaptés sont en nombre croissant dans le système scolaire québécois, tant aux niveaux primaire et secondaire qu’en éducation supérieure. Cette augmentation importante d’étudiants en situation de handicap semble s’être accélérée en éducation supérieure surtout depuis une quinzaine d’années. En effet, le nombre d’étudiants en situation de handicap ou ayant des difficultés d’apprentissage faisant appel aux services adaptés a substantiellement augmenté entre 2000 et 2014, passant de 439 en 2000, à environ 5 000 en 2010, pour atteindre 12 000 en 2014 (Fédération des cégeps, 2017; Tessier, 2010). Cette hausse pourrait être attribuée à la mise en place de plus de services de soutien au primaire et au secondaire suite à la réforme scolaire des années 2000. L’accessibilité des services a pu contribuer à augmenter le nombre d’élèves en situation de handicap qui obtiennent leur diplôme d’études secondaires et poursuivent des études supérieures (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006). Un meilleur dépistage des différents troubles ainsi que des diagnostics plus rapides et précis contribuent également à l’évolution du nombre d’ESH déclarés dans les cégeps (Lavallée, 2013). En plus du nombre constamment en hausse des

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étudiants handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, une diversification des troubles et des besoins qu’ils présentent amène de nouveaux défis aux services adaptés des cégeps, qui ont pour but de favoriser la réussite de tous les étudiants présentant des besoins particuliers (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006; Raymond, 2012).

Ce sont justement les jeunes ayant des difficultés d’apprentissage ou un TDA(H) ainsi que ceux avec des troubles mentaux qui composent la catégorie d’étudiants ayant connu la hausse la plus marquée depuis le milieu des années 2000 dans les établissements d’enseignement collégial et les universités (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010). En effet, leur nombre est passé de 136 en 2000 à 1071 en 2008, une augmentation de 787% (Tessier, 2010). La figure 1 ci-dessous illustre la hausse importante des clientèles émergentes en comparaison avec la clientèle dite « traditionnelle » entre 2012 et 2017 dans les universités au Québec. Ces données, tirées du rapport 2016-2017 de l’association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap (AQICESH), démontrent clairement pourquoi des services adaptés pour ces étudiants sont nécessaires. Cette association œuvre au niveau universitaire, mais reflète la situation générale en éducation supérieure au Québec.

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L’arrivée massive de cette nouvelle clientèle, avec des diagnostics variés et des besoins croissants, amplifie la nécessité de réorganiser les services offerts dans l’environnement scolaire collégial. À cet égard, le gouvernement québécois a financé des projets pilotes en 2007 afin de développer un meilleur système de services adaptés à ces clientèles (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010). Un programme de financement pour les étudiants ayant un diagnostic et requérant des services adaptés a aussi été instauré en 2011 (Lavallée, 2013). Parallèlement à ces mesures gouvernementales apportant un soutien financier aux établissements, les Centres collégiaux de soutien à l’intégration (CCSI) constituent l’expertise en matière d’intégration des étudiants en situation de handicap depuis leur institution en 1982 (Raymond, 2012; Tremblay & Loiselle, 2016). Ceux-ci offrent un service-conseil aux cégeps, collaborent à l’organisation d’activités de formation pour ces établissements et fournissent des outils favorisant l’intégration des ESH aux études collégiales (Centres collégiaux de soutien à l'intégration, n.d.).

Les cégeps ont l’obligation d’offrir des services aux étudiants présentant un diagnostic susceptible d’affecter leur parcours scolaire qui en font la demande (Fédération des cégeps, 2017; Lavallée, 2013). Cette obligation concerne le cégep, qui doit fournir une structure appropriée afin d’être en mesure de répondre aux besoins des étudiants ayant des difficultés, mais elle a également un impact sur les enseignants. Ceux-ci doivent adapter leur enseignement et leurs pratiques afin de favoriser la réussite scolaire de tous et chacun, d’autant plus que l’on sait qu’une proportion appréciable des étudiants ayant des difficultés ne s’identifient pas comme tels et ne bénéficient donc pas des mesures d’aide offertes par les services adaptés de l’établissement (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006; Raymond, 2012). En effet, malgré la hausse du nombre d’ESH qui utilise les services adaptés de leur établissement d’enseignement collégial, il demeure qu’une grande proportion des jeunes ayant des difficultés d’apprentissage ou des troubles mentaux ne se manifeste pas auprès de leur service d’aide. Plusieurs facteurs contribuent à cette situation, notamment la crainte d’être « étiqueté » comme un étudiant ayant des besoins particuliers, le désir de réussir de façon autonome, et la peur d’être stigmatisé par les pairs ou les enseignants (Kraglund-Gauthier, Young, & Kell, 2014; Raymond, 2012). Ceci suppose que le nombre réel d’étudiants en situation de handicap qui bénéficierait des services d’aide pourrait être

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encore plus élevé que ce que démontrent les statistiques actuelles (Fichten, Jorgensen, Havel, & Barile, 2006).

1.1.3 : Législation entourant les EHDAA en enseignement collégial

Les cégeps ont certaines obligations légales face aux étudiants handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). De prime abord, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) reconnait le droit à l’égalité des étudiants HDAA. En conséquence, les établissements d’enseignement doivent « (…) travailler à lever les obstacles qui empêcheraient un étudiant d’avoir accès à la formation de son choix. (…) L’obligation imposée au collège consiste à prendre les moyens raisonnables afin de pallier le handicap de la personne handicapée » (Art. 12 de la Charte des droits et libertés de la personne, cité dans FAQ CCSI, s.d.). Ces moyens raisonnables peuvent prendre différentes formes et doivent permettre de respecter les connaissances et compétences à acquérir selon le Ministère de l’Éducation dans le cadre de la formation choisie, tout en donnant les mêmes chances de réussite à l’étudiant HDAA qu’à ses camarades de classe. Les cégeps doivent donc s’assurer de répondre aux besoins des étudiants HDAA, et ce, sans discrimination ni privilège. Toutefois, les étudiants doivent tout de même atteindre les mêmes exigences que les autres étudiants afin de réussir leurs parcours collégial (Centres Collégiaux de Soutien à l'Intégration, 2018). Les besoins éducatifs de ces étudiants dépassent ceux de leurs camarades de classe. L’enseignant doit donc, en plus de faire preuve de flexibilité dans son enseignement, avoir recours à des adaptations afin de permettre à ces étudiants de réussir malgré leurs difficultés. Ces adaptations doivent être propres aux besoins de chaque individu et doivent lui permettre d’atteindre son plein potentiel (Tremblay P. , 2012).

Les services d’aide que doivent fournir les cégeps incluent des adaptations offertes de façon plus large à tous les étudiants ayant un diagnostic affectant leur parcours scolaire ainsi que certaines adaptations plus spécifiques selon les besoins engendrés par le diagnostic de l’étudiant. Les adaptations incluent des services comme l’attribution de temps supplémentaire, l’accès à des locaux isolés pour les évaluations ainsi que l’accès au tutorat et à un soutien pédagogique individuel. Elles peuvent aussi prendre la forme d’utilisation d’appareils, de fonctions d’aide ou de médias substituts pour pallier à leur handicap, tels que

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l’accès à un ordinateur avec un logiciel de traitement de texte ou de révision-correction (Centre collégial de soutien à l'intégration de l'Est du Québec, 2015; Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010). Ces mesures représentent des adaptations faites pour aider les étudiants en difficulté; elles ne changent pas les objectifs du cours ni le contenu du curriculum (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2007). Lorsqu’il est question de modification, cela implique des changements au niveau du curriculum ou des objectifs du cours; celles-ci sont extrêmement rares, surtout en enseignement collégial, et sont seulement utilisées en dernier recours (Miller, 2002; Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2014). La flexibilité pédagogique, quant à elle, est sous la responsabilité de l’enseignant, qui l’applique le plus souvent possible dans sa pratique professionnelle en offrant un large éventail de façons de présenter la matière ainsi que de la travailler pour favoriser l’apprentissage de chaque étudiant (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2014).

La flexibilité pédagogique et l’adaptation de l’enseignement ou des évaluations sont des actions que les enseignants peuvent prendre afin de favoriser la réussite des étudiants en difficulté, mais également celle de chaque étudiant de la classe. Au-delà des interventions des enseignants, les établissements d’enseignement ont plusieurs obligations face aux étudiants HDAA qui fréquentent leur école. La mise en place de législation à leur égard exerce non seulement une pression sur les collèges, mais aussi sur les enseignants. Dans ce contexte, il est donc clair que les cégeps ont dû mettre sur pied des services adaptés répondant le mieux possible aux besoins des étudiants en situation de handicap et s’adapter à la réalité changeante avec l’arrivée importante des clientèles émergentes dans leurs établissements (Tremblay & Loiselle, 2016).

1.2 :LES ENSEIGNANTS DE CÉGEP

Les collèges d'enseignement général et professionnel, mieux connus sous leur acronyme CEGEP, ont été créés en 1967 par le gouvernement québécois. Ces établissements d’enseignement publics ont comme but de fournir une éducation supérieure aux jeunes Québécois, soit à des fins d’éducation préuniversitaire, soit comme formation technique en préparation au marché du travail (Fédération des cégeps, n.d.). Les enseignants qui y travaillent détiennent une formation en pédagogie très variable. Alors que certains d’entre

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eux détiennent une formation universitaire créditée en pédagogie, d’autres ont été recrutés comme experts dans la matière qu’ils enseignent et n’ont donc pas complété de formation pédagogique (Emploi cégep, n.d.).

Le cégep étant une entité scolaire unique à la province de Québec, les enseignants à ce niveau se distinguent de ceux de niveau primaire et secondaire ainsi que de ceux qui œuvrent à l’université. En effet, afin de devenir enseignant de cégep aujourd’hui, une formation universitaire en pédagogie n’est pas officiellement requise, même si le diplôme d’études supérieures spécialisé en enseignement au collégial (ou les autres formations universitaires équivalentes) est fortement suggéré par les cégeps (Emploi cégep, n.d.). Ces conditions font en sorte que la formation créditée en pédagogie des enseignants de cégep varie grandement et est parfois inexistante, ajoutant une difficulté supplémentaire à la mise en place de la pédagogie différenciée dans les établissements collégiaux de la province (Caron, 2005). Cette section met en lumière la formation des enseignants de cégep en comparaison avec celle des enseignants de niveau primaire et secondaire afin d’expliquer les défis inhérents à l’enseignement au collégial.

Tout d’abord, il importe de connaitre le contexte actuel des enseignants qui œuvrent au primaire et au secondaire. Au Québec, les futurs enseignants de primaire et de secondaire doivent réussir au moins un cours abordant la pédagogie différenciée afin d’obtenir leur diplôme universitaire. Les baccalauréats en enseignement préscolaire et primaire au Québec de même que ceux pour l’enseignement des différentes matières au secondaire comportent tous un cours qui aborde le concept de pédagogie différenciée, par exemple les universités McGill, Laval, Montréal, Sherbrooke, et l’université du Québec à Rimouski (McGill University, 2018; Université Laval, 2017; Université de Montréal, 2017; Université de Sherbrooke, 2017; Université du Québec à Rimouski, 2018)2. Bien que la nature exacte et l’étendue de l’information donnée sur la pédagogie différenciée puisse varier d’un cours à l’autre, les enseignants au primaire et au secondaire ont tous eu au moins une introduction au concept lors de leur formation universitaire.

2 Selon la description officielle du programme de chacune de ces universités, le baccalauréat comporte un cours

obligatoire ayant un des termes suivants dans son titre : « pédagogie différenciée », « différenciation », « adaptation scolaire » ou « inclusive schools »

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Actuellement, pour enseigner au niveau collégial, la formation officiellement requise est un baccalauréat dans la discipline enseignée. Cette norme est en vigueur dans tous les établissements collégiaux de la province en tant qu’exigence minimale, mais chaque cégep peut déterminer les exigences requises pour son établissement. La majorité des collèges requièrent plutôt une maîtrise ou un doctorat dans la matière d’enseignement (Emploi cégep, n.d.). Contrairement au niveau primaire et secondaire, le brevet d’enseignement n’est pas obligatoire afin d’enseigner au cégep, bien que la plupart des établissements priorisent les enseignants ayant une formation en pédagogie. Cette formation peut prendre la forme d’un programme court, comme le diplôme d’études supérieures spécialisées en enseignement collégial ou le certificat d’études supérieures en pédagogie collégiale, ou d’un programme long telle une maîtrise en enseignement collégial ou en didactique. Les enseignants de cégep ont donc une formation assez variable en ce qui a trait à la pédagogie; alors que certains ont complété une formation universitaire de deuxième cycle en pédagogie et ont donc de bonnes connaissances sur l’enseignement, d’autres ne détiennent aucune formation créditée en pédagogie outre des ateliers de formation continue offerts par leur milieu de travail.

Le contexte unique en enseignement collégial au Québec rend difficile de comparer les enseignants de différents niveaux scolaires et limite la littérature qui s’applique au contexte du cégep. Pour le présent projet, la littérature utilisée est celle traitant de l’enseignement en éducation supérieure, afin de correspondre le plus possible au contexte du cégep en ce qui a trait à l’âge moyen des étudiants et à la scolarité des enseignants.

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12 CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

2.1 :LA PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE

La pédagogie différenciée est le concept central de ce projet, on doit donc en connaitre l’origine et le définir de façon claire. L’autre concept qui sera défini est la conception universelle de l’apprentissage, puisqu’elle est une façon de mettre en pratique la pédagogie différenciée. Chaque principe a ses caractéristiques propres, mais ils visent tous deux une plus grande inclusion de tous les élèves dans la classe en réduisant les barrières à l’apprentissage et en rendant le curriculum et l’éducation accessibles à une variété d’apprenants, incluant les élèves en difficulté (Rao, Ok, & Bryant, 2014). Les deux concepts se rattachent également à une vision de l’enseignement et de l’apprentissage plus inclusive et équitable que la vision purement traditionnelle et transmissive (Tomlinson, 2004).

2.1.1 : Émergence de la pédagogie différenciée

Le souci d’adapter l’enseignement aux élèves est présent depuis fort longtemps, mais la pédagogie différenciée telle qu’elle est définie aujourd’hui a vu le jour beaucoup plus récemment. Legrand est nommé comme celui qui a contribué à la « réinvention » de la pédagogie différenciée durant la période où l’enseignement fut démocratisé en France, dans les années 1970 (Gillig, 1999; Prud'homme, Dolbec, Brodeur, Presseau, & Martineau, 2005). Avant cela, l’éducation est passée par plusieurs phases où l’hétérogénéité des élèves était largement ignorée, car le but de l’école était de produire des citoyens obéissants, formés pour occuper leur métier (Khan, 2010; Legrand, 1995).

À la fin du XVIIIe siècle, le rapport de Condorcet évoquait l’idée d’éduquer tous les Hommes afin que chacun ait la liberté de raisonner par lui-même. Son discours a amené une nouvelle façon de penser, soit qu’il est nécessaire de fournir la même base d’instruction à tous les enfants. Par contre, ce système aux filières étanches était extrêmement différenciateur car il fixait la classe sociale des enfants dès le début de leur scolarisation en fonction de leur origine sociale (Khan, 2010). Ce fonctionnement fut en place jusqu’au XXe siècle, où l’évolution des emplois vers l’intellectualisation et l’instauration de l’école

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obligatoire a forcé l’adaptation du système scolaire dans les pays développés afin d’offrir une formation de base plus unifiée (Legrand, 1995; Tremblay P. , 2012).

C’est aussi durant ce temps que plusieurs médecins, psychologues et didacticiens ont commencé à s’intéresser au développement de nouvelles pratiques de pédagogie afin de scolariser les enfants dits « débiles », « troublés », ou « retardés », qui avaient été jusque-là laissés pour compte dans le système d’éducation traditionnel. Ils appelèrent le fruit de leurs recherches la pédagogie des inadaptés (Gillig, 1999; Legrand, 1995). Ces travaux, d’abord nés de la nécessité de scolariser les enfants « débiles » dans le système éducatif élémentaire, ont mené à cette « pédagogie nouvelle », qui devait être valable pour tous avec l’utilisation de la pédagogie différenciée. Les travaux de plusieurs figures marquantes en éducation et en psychologie de l’enfant ont établi certains principes de cette pédagogie qui demeurent actuels, comme la reconnaissance du caractère unique de chaque élève, l’apprentissage actif et l’individualisation de l’apprentissage (Legrand, 1995).

Dans les années 1970, la démocratisation de l’enseignement en France et dans le monde développé a mis en lumière les importantes lacunes toujours présentes dans le système éducatif. Un désir grandissant d’intégrer les élèves en difficulté ainsi que l’unification du parcours scolaire ont mené à la résurgence de l’intérêt pour la pédagogie différenciée (Gillig, 1999; Legrand, 1995; Prud'homme, Dolbec, Brodeur, Presseau, & Martineau, 2005; Tremblay P. , 2012). Durant cette période, on parle d’intégration dans le vocabulaire pédagogique, c’est-à-dire « (…) l’incorporation d’un individu à un système normatif auquel il doit s’adapter sans le transformer; il s’agit d’un processus de normalisation » (Tremblay & Loiselle, 2016, p. 12). L’intégration réfère donc au placement physique en classe régulière des élèves HDAA avec des ajustements très minimes à l’enseignement. Le vocabulaire entourant la pédagogie a évolué depuis ce temps, en remplaçant l’intégration des élèves en difficulté par l’inclusion. Ce terme est davantage axé sur la participation à part entière des EHDAA dans la classe régulière et l’adaptation de celle-ci pour répondre aux besoins hétérogènes de tous. En effet, toujours selon Tremblay et Loiselle (2016), « (L’inclusion) renvoie davantage à une réciprocité entre l’individu et le système qui, à son contact, devient plus labile et se transforme au fil du temps » (p. 12).

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La pédagogie différenciée telle qu’on la connait aujourd’hui figure maintenant parmi les pratiques pédagogiques préconisées par les autorités du domaine. La pédagogie a donc évolué au fil du temps, passant d’une éducation indifférenciée et profondément différenciatrice à une éducation qui accorde de l’importance à la pédagogie différenciée, bien que celle-ci ne soit pas encore une pratique courante. Ce concept est désormais un incontournable en pédagogie, mais le flou conceptuel qui persiste demeure un obstacle à sa mise en pratique (Santangelo & Tomlinson, 2012).

2.1.2 : Définition de la pédagogie différenciée

La pédagogie différenciée a fait l’objet de plusieurs recherches scientifiques, articles et livres. L’abondance d’ouvrages traitant de ce concept met en lumière sa nature complexe, et les multiples façons de le définir selon les auteurs.

Prud’homme et al. (2005) résument clairement l’absence de consensus sur la nature de la pédagogie différenciée selon les écrits de divers auteurs: « (…) la différenciation est parfois et à la fois un outil, une attitude ou un effet‐maître, une approche, un système de croyances ou une philosophie, une stratégie d’adaptation du curriculum, une stratégie organisationnelle, un processus de changement de pratique ou un modèle de gestion de classe » (p.9). Ils poursuivent en déclarant qu’au-delà de la difficulté à définir de façon précise la pédagogie différenciée, sa nature polysémique fait en sorte que le concept peut avoir une signification bien différente si l’on demandait à plusieurs enseignants de le définir, entraînant inévitablement des difficultés à l’appliquer en classe (Prud'homme, Dolbec, Brodeur, Presseau, & Martineau, 2005).

Selon le Ministère de l’Éducation du Québec (2006), la pédagogie différenciée représente « (…) une manière de penser l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation, une philosophie qui guide l’ensemble des pratiques pédagogiques. C’est une façon d’exploiter les différences et d’en tirer avantage » (p. 27). La pédagogie différenciée n’est donc pas une simple pratique pédagogique ayant lieu en classe de temps en temps, c’est plutôt une façon de concevoir l’enseignement, qui inclut la planification, l’enseignement en classe, et

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l’évaluation. L’enseignant qui différencie doit adhérer aux valeurs d’équité, d’acceptation, et de dépassement de soi véhiculées par cette philosophie.

En effet, selon Przesmycki (2004), la pédagogie différenciée reconnait chaque élève comme une personne ayant ses propres représentations et se veut une pédagogie variée qui propose des conditions favorables à la réussite scolaire du maximum d’élèves possible. Sa vision de la pédagogie différenciée accorde une grande importance aux valeurs véhiculées par cette philosophie et repose sur quatre conditions essentielles à sa mise en œuvre : le travail d’équipe, la concertation, une gestion souple de l’emploi du temps et une communication efficace entre tous les acteurs (Przesmycki, 2004).

Jobin et Gauthier (2008), quant à eux, ont proposé une définition de la pédagogie différenciée à partir de diverses sources. Celle-ci est complexe et inclut les actions concrètes que l’enseignant doit poser pour pratiquer la pédagogie différenciée, mais elle évoque aussi l’importance d’adopter la philosophie qui la sous-tend. Selon eux, l’enseignant qui pratique la pédagogie différenciée « (…) a recours à une variété de stratégies d’enseignement, il reconnait les caractéristiques individuelles des élèves, il fait face à un groupe d’élèves aux besoins hétérogènes mais aux objectifs communs, il cherche à maximiser le talent de chacun et il adopte une philosophie particulière pour enseigner » (p. 35). Cette idée d’un groupe d’élèves qui sont tous différents, mais qui ont un but commun est centrale à la pédagogie différenciée et a été mise de l’avant par Perraudeau (1997), qui réitère l’importance de « (…) diversifier les supports et les modes d’apprentissage pour un groupe d’apprenants aux besoins hétérogènes mais aux objectifs communs » (p. 112).

L’hétérogénéité inhérente à chaque groupe d’élèves implique que « Toute situation didactique proposée ou imposée uniformément à un groupe d'élèves est inévitablement inadéquate pour une partie d'entre eux » (Perrenoud, 1995, p. 28). Les élèves sont à des niveaux de développement différents et ont chacun leurs capacités cognitives et leurs intérêts propres. D’adapter les situations didactiques à chaque individu favorise la compréhension de la tâche, l’implication, et donc un apprentissage qui permet de réaliser son potentiel. Dans cet esprit, Perrenoud (1995) dit que la pédagogie différenciée « (…) c’est organiser les

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interactions et les activités, de sorte que chaque élève soit constamment ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui » (p. 29). Cette notion recoupe l’idée mise de l’avant par Perraudeau et Jobin & Gauthier d’un groupe ayant des besoins diversifiés mais un but commun.

La pédagogie différenciée est donc une approche d’enseignement et d’apprentissage basée sur les meilleures pratiques, qui met l’élève au centre des préoccupations (Heacox, 2002). Cette auteure la décrit également comme étant un ensemble de stratégies qui aident à adresser et gérer la variété des besoins d’apprentissage dans la classe. Elle mise aussi sur l’importance de la variation, autant dans les façons d’enseigner que dans les activités réalisées afin que les élèves s’approprient la matière du cours. Cette définition de la pédagogie différenciée fait écho à celle de Khan (2010) : « La pédagogie différenciée est constituée de toutes les dispositions que peut mettre en place un enseignant en vue de tenir compte des différences entre ses élèves » (p. 5). Les moyens pour y parvenir sont grandement variés et touchent la planification, l’enseignement ainsi que l’évaluation (Heacox, 2002; Tomlinson, 2004).

Le fait de tenir compte des différences de chaque élève a pour but de maximiser le talent de chacun, afin d’amener chaque élève à développer son plein potentiel (Caron, 2005; Gillig, 1999; Tomlinson, 2004). Ainsi, l’enseignant fait « (…) le maximum pour que les apprenants progressent le plus possible chaque jour, chaque semaine, et pendant toute l'année, peu importe qu'ils soient en difficulté ou plus avancés, ou que leur culture et leurs expériences soient différentes » (Tomlinson, 2004, p. 3).

Les travaux de Tomlinson sur la pédagogie différenciée servent souvent de cadre théorique aux études sur le sujet, comme c’est le cas pour le présent projet. Le schéma suivant illustre les principaux aspects qui sous-tendent la pédagogie différenciée et définit les liens qui existent entre les éléments en faisant partie. On y voit les éléments que l’enseignant peut différencier, soit les contenus (ce que les élèves vont apprendre), les processus (les activités permettant de réaliser des apprentissages) et les productions (la façon dont les élèves démontrent ce qu’ils ont appris). Ceux-ci sont différenciés en fonction du niveau de

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rendement, des intérêts ou du profil d’apprentissage des élèves. Pour ce faire, il existe plusieurs stratégies que les enseignants peuvent mettre en œuvre, incluant l’utilisation de textes et de médias variés pour présenter la matière, le travail en sous-groupes, et la variété dans les productions des élèves sur un concept (Tomlinson, 2004).

Les différents profils d’apprentissage des élèves et des étudiants représentent un des aspects dont se soucient les enseignants lorsqu’ils visent à rendre leur enseignement accessible à tous. Plusieurs auteurs ont proposé différentes catégorisations par rapport aux façons dont les apprenants acquièrent, traitent et expriment la matière scolaire. Ces catégorisations peuvent être faites de diverses manières et ne font pas consensus dans le domaine de la recherche sur l’apprentissage, rendant difficile de définir de façon absolue les différents styles d’apprentissage (Sousa & Tomlinson, 2011). En résumé, la façon dont les élèves et les étudiants apprennent dépend de plusieurs facteurs, dont certains sont inhérent à chacun, alors que d’autres sont dus à des facteurs acquis (Gregory & Chapman, 2002; Sousa & Tomlinson, 2011). De façon générale, il est possible de distinguer les styles d’apprentissage suivants : l’apprenant auditif, l’apprenant visuel, l’apprenant tactile et l’apprenant kinesthésique. L’apprenant auditif préfère recevoir l’information de façon orale plutôt qu’écrite et assimile plus facilement le contenu lorsqu’il est discuté en classe. L’apprenant visuel acquiert l’information de façon optimale en lisant, en voyant des illustrations ou des exemples visuels des concepts présentés. L’apprenant tactile, quant à lui, acquiert l’information plus facilement lorsqu’il est engagé dans des tâches concrètes comme l’écriture ou le modeling d’apprentissages. L’apprenant kinesthésique intègre les apprentissages dans l’action, soit en prenant part à des tâches impliquant du mouvement et de l’action ayant un sens pour lui (Gregory & Chapman, 2002). Ces deux derniers types d’apprenants ont certaines similitudes et sont parfois regroupés. Il est par contre évident qu’une variété de façons de présenter la matière est bénéfique pour tous les types d’apprenants, puisque les profils d’apprentissage ne sont pas absolus; chaque apprenant est un amalgame unique de forces et de faiblesses dans sa façon d’assimiler l’information.

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Figure 2 : La pédagogie différenciée selon Tomlinson (2004)

Différencier n’est donc pas simplement synonyme de varier les techniques d’enseignement ni de seulement faire de l’enseignement individuel pour chaque élève. D'abord, bien que la variation dans les méthodes d’enseignement constitue certes un des éléments de cette pratique, elle n’est nullement suffisante à elle seule pour qu’un enseignant

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puisse dire qu’il différencie (Hume, 2009; Tomlinson, 2004). Celle-ci n’est qu’une des nombreuses stratégies que peut utiliser l’enseignant pour rejoindre efficacement ses élèves. Or, selon d’autres enseignants, différencier ne correspond qu’à individualiser leur enseignement pour chaque élève de la classe. En effet, tel que l’explique Perrenoud (1995), bien que la pédagogie différenciée inclut certaines caractéristiques d’individualisation, par exemple lorsque l’enseignant fournit des activités ou du travail différent à ses élèves, elle ne s’y limite pas et tient compte de plusieurs autres facteurs. Il ajoute que l’individualisation fait abstraction du groupe en entier, chose que la pédagogie différenciée prend en compte et utilise à bon escient, car l’enseignant ne peut partager son temps de façon équitable avec chaque individu. Il est évident, à la lumière des définitions ci-haut, que cette vision est réductrice et démontre un manque de connaissances par rapport au concept et à la philosophie derrière la pédagogie différenciée. Il est vrai que l’adaptation des processus, des productions et parfois même d’évaluations fait partie d’une pédagogie différenciée, mais ils ne constituent certainement pas l’essence de cette pratique (Heacox, 2002). Les croyances erronées et le flou conceptuel autour de la pédagogie différenciée font en sorte que les enseignants confondent parfois les termes lorsqu’ils parlent de pratiques pédagogiques.

L’abondance et la variété des définitions ci-haut ont tout de même des points communs à partir desquels on peut identifier la pédagogie différenciée. Les caractéristiques communes qui ressortent sont les suivantes : l’enseignant reconnait la nature unique et individuelle de chaque élève, il est donc face à une classe avec des individus hétérogènes qui ont des objectifs communs, et il utilise une variété de stratégies d’enseignement pour rejoindre chaque élève au niveau où il se situe. Pour ce faire, il est entendu que l’enseignant adhère à la philosophie qui accompagne les pratiques de pédagogie différenciée et qu’il croit en son bien-fondé.

2.1.3 : Mise en contexte par rapport à la conception universelle de l’apprentissage Un deuxième concept pertinent à ce projet est la conception universelle de l’apprentissage (CUA). Le but de la conception universelle de l’apprentissage est d’offrir plusieurs modes de représentation, d’engagement et d’expression aux élèves. Cette façon de concevoir la pédagogie permet aux enseignants de planifier l’instruction de façon proactive afin de tenir compte de la diversité des apprenants en partant, plutôt que d’appliquer des

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modifications à l’enseignement à postériori, une fois que des problèmes ont été identifiés (McGuire & Scott, 2006). Cette prémisse peut être utile dans la planification d’un cours lorsque l’enseignant connait moins ses élèves, car au-delà des particularités de chaque élève, il est certain que le groupe sera hétérogène et que les pratiques issues de la CUA seront bénéfiques aux étudiants.

La conception universelle de l’apprentissage comporte trois lignes directrices. Le premier principe propose d’offrir plusieurs moyens de représentation afin que les élèves puissent accéder à l’information de diverses façons et qu’ils développent leur débrouillardise, qu’ils soient bien informés et compétents. Cela peut se faire en offrant divers modes de présentation de l’information visuelle et auditive, ainsi qu’en ayant plusieurs supports pour illustrer les notions, dans le but de maximiser la compréhension des concepts enseignés. Le deuxième principe favorise plusieurs moyens pour les élèves d’agir et de s’exprimer par rapport aux apprentissages, incluant l’accès à plusieurs outils et technologies de soutien, dans le but qu’ils soient centrés sur des objectifs stratégiques et qu’ils aient tout pour les atteindre. Le dernier principe est axé sur plusieurs moyens d’engagement offerts aux élèves. Ces moyens d’engagement incluent d’offrir des choix aux étudiants pour augmenter leur autonomie et les intéresser aux défis, de favoriser la collaboration en classe et de leur permettre de s’autoréguler et d’avoir des réflexions sur leurs apprentissages. L’objectif est de les motiver et les engager dans le processus d’apprentissage (CAST, 2011). On peut constater que ces principes guident surtout la planification de l’enseignant, peu importe le type d’élèves qu’il a dans sa classe. La CUA favorise l’apprentissage des élèves de la classe en « ratissant large » dès la planification des objectifs à atteindre avec la classe.

Bien que la conception universelle de l’apprentissage ainsi que la pédagogie différenciée visent toutes deux une meilleure intégration de chaque élève d’une classe, les moyens utilisés pour y parvenir diffèrent. La conception universelle de l’apprentissage « (…) mise sur une planification rigoureuse à la suite de l’anticipation des besoins qui pourraient émerger en contexte de salle de classe ordinaire » (Bergeron, Rousseau, & Leclerc, 2011, p. 91). L’utilisation de la CUA favorise donc l’apprentissage de tous les élèves dans la classe en utilisant des stratégies diverses et flexibles qui rejoignent les besoins de chaque individu

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(Bergeron, Rousseau, & Leclerc, 2011). Puisque la conception universelle de l’apprentissage est surtout une « recette » concrète pour appliquer la pédagogie différenciée, on peut donc dire que la CUA est l’une des façons de pratiquer la pédagogie différenciée, qui est davantage une philosophie qu’une marche à suivre et englobe donc plusieurs aspects différents.

2.1.4 : Contexte au Québec par rapport à la pédagogie différenciée

De façon officielle, la pédagogie différenciée est encouragée par les autorités en éducation au Québec depuis un certain temps. En effet, le Ministère de l’Éducation, dans ses documents officiels comme le Programme de formation de l’école québécoise et la Politique

sur l’adaptation scolaire, nomme la pédagogie différenciée comme une pratique clé afin

d’amener les élèves vers la réussite scolaire. Ce souci d’adaptation des méthodes d’enseignement pour rejoindre tous les élèves a notamment été mis de l’avant lors de la réforme du système d’éducation québécois au début des années 2000, alors qu’on cherchait à intégrer les élèves handicapés, en difficulté d’adaptation et d’apprentissage (EHDAA) aux classes régulières (Cardin, Falardeau, & Bidjang, 2012). C’est juste avant, en 1999, que la Politique de l’adaptation scolaire a été publiée. Ce virage avait pour but de favoriser la scolarisation en classe régulière des élèves en difficulté, en plus de leur offrir des services adaptés à leurs besoins (Tremblay P. , 2015). Depuis ce temps, le Ministère de l’Éducation prône la pédagogie différenciée comme une pratique pour favoriser la réussite scolaire de tous les élèves.

Cet extrait du document L’organisation des services éducatifs aux élèves à risque et

aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) (2007)

décrit le rôle de l’enseignant qui doit relever le défi d’enseigner de façon efficace à des groupes toujours plus hétérogènes :

(…) l’enseignant est appelé à mettre en place une organisation pédagogique qui tient compte des acquis de ses élèves, de leurs différents styles cognitifs et de leurs champs d’intérêt, de façon à offrir à tous les conditions les plus favorables pour apprendre. Ainsi, l’enseignant pourra adapter ses stratégies didactiques, les modalités de travail entre élèves et la facture des situations d’apprentissage et d’évaluation pour tenir compte des différences individuelles, et ce, dans la mesure des possibilités d’une intervention dans un groupe-classe. (p. 8)

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La pédagogie différenciée est donc nommée comme solution à privilégier pour pallier aux grandes différences présentes chez les élèves. Par contre, cet extrait met l’accent sur la difficulté de s’adapter à tous et chacun dans le contexte d’un groupe-classe, c’est pourquoi il est spécifié que l’enseignant adapte son enseignement dans la mesure du possible. Malgré la mention de la pédagogie différenciée dans divers textes ministériels et l’encouragement à l’utiliser, il semble y avoir un manque de structure concrète pour faciliter sa pratique dans les écoles (Bergeron, Rousseau, & Leclerc, 2011; Tremblay P. , 2012). Tel que le mentionne Vienneau (2002) à propos de l’intégration scolaire,

(…) les enseignantes et les enseignants semblent avoir dépassé le stade initial du pourquoi et en être plutôt à réclamer des réponses de plus en plus concrètes et de plus en plus précises à la question du comment. Comment répondre aux besoins éducatifs particuliers de chaque élève de ma classe à l'intérieur d'une véritable communauté d'apprenantes et d'apprenants ? (p. 279)

De plus, certains se questionnent quant à la finalité de la pédagogie différenciée. Est-elle là afin que chaque élève puisse aller au maximum de son potentiel, ou bien existe-t-Est-elle pour que tous les élèves atteignent certains niveaux-socles d’éducation? Pour Gillig (1999), la pédagogie différenciée devrait permettre à chacun d’atteindre son potentiel, malgré que cette vision puisse accroître les inégalités entre les élèves très doués et les élèves en difficulté. Pour lui, la devise « à chacun selon ses aptitudes » est celle qui devrait guider la pratique de la pédagogie différenciée. Par contre, l’avis officiel du Ministère de l’Éducation du Québec est tout autre, car malgré la recommandation de différencier pour rejoindre les besoins de chaque élève, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) vise l’atteinte d’un certain niveau de compétences pour tous les élèves qui réussissent leur parcours scolaire. Il y est dit que les façons d’y parvenir peuvent varier en tenant compte des besoins des individus, mais le but ultime est que chaque élève atteigne un certain niveau de connaissances et de compétences à la fin de son éducation (Ministère de l'Éducation du Québec, 2001). Trouver le juste milieu entre le désir d’amener chaque élève à réaliser son plein potentiel tout en respectant le curriculum prescrit et les contraintes du groupe-classe se révèle être un défi de taille pour les enseignants (Cardin, Falardeau, & Bidjang, 2012). Une étude réalisée en Belgique en 2007 par Descampe, Robin, Tremblay et Rey auprès d’enseignants a révélé que les avis sont partagés à ce sujet. Pour certains enseignants, différencier sert à tous les élèves et leur permet d’aller au maximum de leur potentiel individuel, ce qui implique la possibilité

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d’accroître les écarts entre les plus forts et les plus faibles. Pour les autres enseignants, la pédagogie différenciée doit s’adresser prioritairement aux élèves plus faibles, afin de les aider à atteindre un niveau-socle de compétences, défini par le programme de formation.

2.2 :ATTITUDES DES ENSEIGNANTS FACE À LA PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE

Puisque ce sont les enseignants qui utilisent la pédagogie différenciée en classe, leurs croyances et les attitudes qu’ils entretiennent face à ce concept sont importantes afin de mieux comprendre raisons pour lesquelles les enseignants l’utilisent ou non en classe.

Le concept d’attitude peut être défini de façon générale comme suit: « Une attitude est un état de préparation mental et neural, organisé par l’expérience, exerçant une influence directive ou dynamique sur la réponse d’un individu aux objets et aux situations avec lesquelles elle est liée » (traduction libre) (Allport, 1935, p. 802). La théorie de l’action raisonnée et du comportement planifié d’Ajzen et Fishbein (1980) permet de préciser davantage cette définition. Selon cette théorie, l’attitude est la propension d’un individu à avoir un certain comportement face à une situation suite à son évaluation des conséquences de ladite action. L’attitude est influencée par l’état interne de l’individu, qui est constitué de l’ensemble de ses connaissances, ses croyances et ses représentations sociales sur la situation devant lui (Ajzen & Fishbein, 1980; Shapiro, 2000). Les croyances sont particulièrement importantes dans la formation d’attitudes face à un objet ou une situation, et celles-ci ont une composante personnelle ainsi qu’une composante normative. L’individu a donc une attitude s’alignant avec les croyances qu’il entretient envers l’objet de l’attitude, mais aussi selon l’influence de son environnement social face à cet objet ou cette situation (Ajzen & Fishbein, 1980). Les attitudes se construisent à partir de trois sphères de base; une sphère cognitive ou reliée aux croyances, une sphère émotionnelle ou affective, et une sphère comportementale (Shapiro, 2000). La sphère cognitive se traduit par les connaissances (qu’elles soient exactes ou non) qu’a une personne sur un objet ou une situation. La sphère affective est représentée par les sentiments, favorables ou défavorables, de cette personne à propos de l’objet ou de la situation. Les réactions positives ou négatives de l’individu qui transparaissent dans sa façon d'agir face à l’objet ou la situation forment la sphère comportementale.

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L’attitude serait également l’ancre des représentations sociales. En effet, le processus d’ancrage, tel que Doise le décrit, « (…) consiste en l’incorporation de l’étrange dans un réseau de catégories plus familières » (dans Jodelet, 1989, p. 224). Ce processus permet d’intégrer de nouveaux concepts à notre réalité, dans des termes connus. Il poursuit en affirmant « (…) qu’étudier l’ancrage des attitudes dans les rapports sociaux qui les génèrent revient à les étudier comme des représentations sociales » (Jodelet, 1989, p. 224). L’attitude d’un individu par rapport à une situation aurait donc une influence sur son comportement dans ce contexte, mais plusieurs autres facteurs ont également un impact sur son comportement.

Les représentations sociales sont issues de la psychologie sociale du début du XXe siècle. Ce concept a été ravivé par Moscovici au début des années 1960 (Doise & Palmonari, 1986; Jodelet, 1989; Moscovici, 2005). Les représentations sont créées par l’esprit humain afin de donner un sens à la réalité qui l’entoure. Comme nous vivons en société, celles-ci deviennent sociales puisqu’elles sont construites et partagées avec autrui. Jodelet explique : « (…) (les représentations sociales) nous guident dans la façon de définir et nommer ensemble les différents aspects de notre réalité de tous les jours, dans la façon de les interpréter, statuer sur eux, et, le cas échéant, prendre une position à leur égard et la défendre » (Jodelet, 1989, p. 47). Au fil de ces interactions sociales, les représentations sociales deviennent une forme de connaissance élaborée et partagée socialement, qui conduit à la construction d’une réalité commune à un groupe de personnes (Jodelet, 1989). Elles agissent donc en tant que systèmes d’interprétation qui régissent notre relation au monde et aux autres, en orientant et en organisant les conduites et les communications sociales (Doise & Palmonari, 1986; Jodelet, 1989). On peut donc dire que les représentations sociales aident à former la composante normative qui sous-tend l’attitude d’un individu. Ces deux éléments s’influencent mutuellement; les représentations sociales d’une personne affectent son attitude, qui est basée sur des connaissances et des croyances, qui sont bâties de façon individuelle et collective.

Comme les enseignants de cégep forment un groupe ayant plusieurs repères communs, il est probable qu’ils aient des représentations sociales partagées découlant de certaines

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attitudes communes par rapport à la pédagogie différenciée. C’est à travers les représentations sociales (qui sont de nature collective) que les gens ont des sentiments ou des jugements favorables ou défavorables face à certaines personnes, groupes sociaux ou situations; ces positions sont les attitudes (qui elles sont individuelles) (Moscovici, 2005). En conséquence, l’attitude et les représentations sociales qu’ont les enseignants sont tous deux des facteurs qui influencent leurs actions dans leur pratique professionnelle. Cette recherche étudie les attitudes de douze individus plutôt que les représentations sociales des enseignants de cégep en général, puisqu’il est impossible de déterminer si les attitudes des participants reflètent celles du reste des membres de cette profession au Québec.

Figure

Figure 2 : La pédagogie différenciée selon Tomlinson (2004)
Tableau 1 : Résultats d’articles scientifiques par rapport à l’objet de recherche
Tableau 2 : Profil des enseignants participants du projet
Tableau 3 : Thèmes et codes utilisés dans l’analyse des données
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