• Aucun résultat trouvé

a) Attitudes par rapport aux étudiants de cégep et les étudiants HDAA

Les enseignants ont exprimé des points de vue variés par rapport aux étudiants de cégep. L’hétérogénéité de la clientèle collégiale est un thème central des entretiens et les enseignants l’ont exprimé en mettant en relief les grandes différences entre les étudiants réguliers et les clientèles émergentes. Le profil changeant et très diversifié de l’étudiant de cégep et la hausse des clientèles émergentes les poussent à s’adapter au contexte qui évolue et à différencier leur enseignement de plus en plus.

Deux visions différentes ressortent des entretiens. Il y a d’abord celle où les étudiants d’aujourd’hui sont perçus comme étant engagés, débrouillards, fonceurs, et ouverts sur le monde. Sept enseignants différents ont utilisé des qualificatifs positifs pour décrire les étudiants de cégep d’aujourd’hui. Voici quelques exemples de réponses positives à propos des étudiants de cégep. Cet enseignant les considère comme matures, engagés et toujours très occupés: « How I see them, very mature, very engaged, very impatient in the sense that they don't want to waste time on mundane things, they want quick gratification, so patience, let's put it this way very ambitious, professional, and they're very success-oriented, they juggle a lot of things » (P1), alors que cette enseignante remarque qu’ils font preuve de plus d’autonomie qu’avant : « (…) quand vient le temps de faire des exercices ou des projets, ils sont plus autonomes je trouve qu'il y a 10-12 ans » (P3). Une autre enseignante mentionne la motivation qu’elle perçoit chez ses étudiants, « (…) on a toujours des étudiants qui sont, en

67

sciences spécialement, on a des étudiants qui ont un bon background, qui sont motivés, qui veulent comprendre, qui veulent avoir de bonnes notes » (P7), alors qu’un autre enseignant les décrit ainsi : « Ces gars-là et ces filles-là ont réussi à développer des affinités assez grandes pour le travail d'équipe, puis généralement ils le font bien (…) Généralement aussi ils sont très doués puis habitués pour faire des présentations orales (…) Ils sont curieux, ils ont généralement des réflexes que d'autres générations n'avaient pas (…) sont ouverts sur le monde aussi (…) » (P10).

En contrepartie, ces mêmes étudiants sont aussi dépeints de manière plus négative par quatre autres enseignants. Par contre, onze enseignants au total ont exprimé au moins une opinion négative sur les étudiants de cégep; presque tous les participants voient donc des traits négatifs chez les étudiants, même s’ils leur reconnaissent aussi certaines qualités. Leurs impressions moins favorables des étudiants de cégep d’aujourd’hui se résument ainsi :

Not as strong as they were 10 years ago, weaker in a number of areas, in general culture (…) History and so on, weaker. And then there is a definitely more noticeable weakness in their ability to write in an objective formal way; they write now a lot more the way they text. (…) they're also more immature in the sense of dependent; they don't know anymore how to just take an essay question or an exam question and just attempt to answer it, they have a lot of questions that are based on security. (P5)

Largely I see them kind of unprepared for the work we're asking them to do (…) My feeling is that their preparation, on a lot of levels is not as thorough as I would hope it would be at this age, (…) they're very unfamiliar with major thinkers. Now again, they have other things that they're very adept with, so their technological awareness and expertise is impressive and that's also growing markedly. They seem to be somewhat immature in their inability to stop playing with their cell phones and that sort of stuff. (P8)

« (…) ils ont tendance à être beaucoup plus critiques qu'avant (...) S'ils ne comprennent pas quelque chose, leur premier réflexe, ça ne sera pas d'ouvrir leur livre, ça ne sera pas de regarder leurs notes, ça va être de m'envoyer un message » (P12).

Six enseignants ont exprimé une vision plus nuancée des étudiants dans leurs classes et ont exprimé des aspects positifs et négatifs par rapport à ceux-ci. Ces enseignants ont décrit les étudiants d’aujourd’hui en mentionnant entre autres l’amélioration de certaines

68

compétences et le fait que la plupart d’entre eux arrivent au cégep avec une motivation à réussir. Ils constatent par contre que d’autres types de connaissances se sont détériorés et que certains jeunes ont moins de respect pour les enseignants:

« (…) they're much more likely to be rude and demanding than they were 24 years ago (…) they're better at some things and they're not as good at others, so yes, what they understand and how they do things is different but it's in terms of quantity, it's just trading one thing for another » (P2).

Honnêtement je suis estomaqué de la qualité des étudiants en général, même s'il y a toujours des étudiants faibles, j'en reviens pas à chaque fois de comment on est chanceux, nos étudiants, la plupart ils sont bons, en classe je n'ai jamais de problèmes de discipline, très rarement, les jeunes sont polis, ils sont respectueux, ils jouent avec leur cellulaire, mais ça j'avoue que j'ai développé une certaine tolérance par rapport à ça. (…) j'ai une opinion extrêmement positive des étudiants, mais je trouve qu'il y en a beaucoup qui ne travaillent pas suffisamment, il y a un certain manque d'éthique de travail (…) (P6)

« Il y en a toujours, je dirais qu'il y en a toujours un 10-15% qui sont là mais qui ne savent pas encore pourquoi là, mais la majorité, ils sont hautement motivés » (P7)

Les étudiants sont donc décrits comme étant plus exigeants envers les enseignants, moins matures et moins motivés à apprendre qu’auparavant par sept enseignants de longue date, qui ont comparé les étudiants d’aujourd’hui à ceux d’il y a 10, 15, 20 ans. Ces derniers ont aussi mentionné sentir une certaine impatience chez les étudiants, qui veulent avoir toutes les réponses immédiatement, qui veulent savoir exactement ce qu’ils ont à faire pour passer le cours sans prendre de détours inutiles et qui acceptent plus difficilement les défis. De plus, ces enseignants ont noté une transformation des forces et des faiblesses des étudiants au fil des années, suite à la réforme scolaire au secondaire et l’évolution de la technologie. Cette transformation est positive lorsque les étudiants utilisent la technologie à bon escient, mais ce n’est pas toujours le cas. Une participante fait justement référence à l’abondance d’information disponible en lien avec la technologie et les impacts positifs et négatifs qu’elle remarque: « On the one hand they have the good fortune of having access at their fingertips to tons of information, but on the other hand they have a terrible time figuring out what's valid, what's reliable, what's credible. So I think it's harder for them because they get information overload » (P9). La capacité des étudiants à se concentrer longtemps sur une

69

tâche monotone comme la lecture d’un livre, « J'ai l'impression qu'il y en a beaucoup qui ont de la difficulté à se concentrer longtemps sur une tâche. Lire un livre, c'est le moindrement compliqué, mais il y en a pour qui c'est difficile » (P3) ainsi que leur niveau de connaissance de certains concepts dits « de base » en mathématiques, en science et en culture générale ont diminué selon ces enseignants. Par contre, une meilleure capacité à travailler en groupes (P2), la capacité de résoudre des problèmes complexes et la facilité à s’exprimer en public, comme dans le cas de présentations orales (P10) sont des points positifs qui sont ressortis.

Les enseignants de sciences ont dit avoir vu un changement suite à la réforme scolaire des années 2000. En effet, trois d’entre eux ont remarqué une diminution du niveau de connaissances en mathématiques et en sciences des étudiants qui arrivent au cégep (P2, P11, P12). Une enseignante explique les changements qu’elle a observés suite à la réforme ainsi :

Avec la réforme, je dirais que les premières quelques années ç’a été, on a vu des étudiants qui étaient moins apeurés par quelque chose qu'ils ne comprenaient pas, mais tellement moins apeurés que c'était comme normal de ne pas comprendre (…) Puis on est passé maintenant à « Je devrais tout comprendre tout de suite, puis, dis-moi quoi apprendre ». C'est ce qu'ils veulent. Mais ça la réforme devait l'enlever ça, puis là on est retourné à ça, puis je ne sais pas si c'est la réforme autant que la technologie qui a fait ça. (…) Avec la réforme on voyait vraiment une coupure au couteau là la différence. Il y avait du bon, il y avait du mauvais. Ils étaient beaucoup plus faibles académiquement, mais je leur donnais un problème complexe et ils n'avaient pas peur (…) ils avaient l'instinct d'ouvrir leurs livres puis d'ouvrir leurs notes. Mais là les étudiants je te dirais qu'académiquement qu'ils ne sont pas plus forts qu'ils étaient avant la réforme, mais ils n'ont pas l'instinct. Un problème complexe ça les dérange. (P12)

Trois enseignants ont dit avoir changé leurs façons de faire pour s’adapter au profil changeant de leurs classes. Deux d’entre eux voient ces changements comme positifs pour l’ensemble de la classe, puisqu’ils ont fait évoluer leurs pratiques pédagogiques afin de mieux répondre aux besoins de leurs étudiants. Par contre, ces adaptations ne sont pas toujours positives, comme le témoigne cet enseignant : « I think that my expectations on what they are coming in with are lower, so I just lower my expectations on what they're coming in knowing every year, but I don't think it's related to special needs » (P5). Dans ce cas, l’enseignant a ajusté ses attentes à la baisse pour rejoindre le niveau des étudiants puisqu’il a observé une diminution des connaissances qu’ont les étudiants en débutant la session.

70

La moitié des participants a spontanément mentionné le contexte particulier de St. Lawrence par rapport aux autres cégeps de Québec. Selon eux, St. Lawrence ne représente pas la majorité des cégeps de la province. Les enseignants expliquent ce contexte particulier comme suit :

Je ne serais pas capable de répondre pour les étudiants de cégep, j'ai l'impression qu'à St. Lawrence c'est nettement différent de ce que l'on a ailleurs, j'ai l'impression qu'on a à St. Lawrence des étudiants beaucoup plus focalisés sur le but à atteindre (…) on a moins d'étudiants qui viennent « faire leur temps, prendre leur temps ». Ici ils viennent faire leur temps mais ils viennent chercher ce qu'ils veulent. (P4)

Une autre participante explique la différence entre St. Lawrence et les autres cégeps: « C'est que St. Lawrence c'est un microcosme, c'est pas représentatif du tout... Ici à St. Lawrence on a toujours des étudiants, en sciences spécialement, on a des étudiants qui ont un bon background, qui sont motivés, qui veulent comprendre, qui veulent avoir des bonnes notes » (P6). Le fait que la moitié des enseignants ait mentionné la distinction qu’ils perçoivent entre St. Lawrence et les autres cégeps de la région mérite une réflexion sur le contexte de cet établissement à savoir s’il représente réellement l’ensemble des cégeps. Tel que discuté dans la revue de littérature, beaucoup d’élèves provenant d’écoles secondaires privées ou ayant suivi des programmes d’anglais intensif au secondaire poursuivent leurs études à St. Lawrence dans le but de devenir parfaitement bilingues. Ceux-ci représentent une clientèle plus favorisée que la moyenne. Par contre, l’hétérogénéité des classes est bien réelle et représente un grand défi pour les enseignants, qui gérer d’une part ces étudiants doués et motivés ainsi que les étudiants HDAA, qui éprouvent parfois de grandes difficultés scolaires.

Les enseignants ont une vision des étudiants de cégep d’aujourd’hui comme étant une clientèle hétérogène. Certains aspects communs sont tout de même ressortis; malgré qu’ils soient plus adeptes avec la technologie et qu’ils aient développé leurs aptitudes de travail d’équipe et de présentations orales, les étudiants de cégep sont moins performants globalement, moins autonomes qu’auparavant, et ont comme motivation principale d’obtenir de bonnes notes pour passer à autre chose.

71

Les enseignants ont très peu parlé des connaissances concrètes qu’ils ont des difficultés qu’éprouvent les étudiants HDAA. La discussion à propos des étudiants en difficulté était plutôt par rapport à leur perception de ceux-ci et la façon dont les difficultés de ces étudiants affectent leur façon d’enseigner. Leurs réponses démontraient des connaissances assez limitées sur les difficultés pouvant affecter l’apprentissage des étudiants; ils n’ont pas fait de descriptions approfondies ou techniques démontrant une connaissance avancée des conditions affectant l’apprentissage. Les enseignants ont aussi décrit de façon vague les diagnostics et les services d’aide qu'ont les étudiants HDAA. Par exemple, cette enseignante mentionne qu’il est difficile pour elle d’identifier les étudiants de sa classe ayant des troubles d’apprentissage ou d’adaptation, et sa mention très vague des adaptations démontre sa connaissance limitée de celles-ci :

(…) les étudiants qui ont des déficits d'attention, ils n’ont certainement pas des déficits d'attention avec hyperactivité, parce qu'on les reconnait pas, on ne peut absolument pas les détecter, ceux qui ont des troubles d'anxiété non plus on ne peut pas les détecter, on sait qu'ils ont des besoins particuliers parce qu'on reçoit la petite lettre de la technicienne en services adaptés et on leur donne plus de temps aux examens, en général ça fait pas de différence. (P7).

Dans la même veine, un enseignant a dit ne pas se sentir suffisamment outillé pour adéquatement adapter son enseignement aux besoins variés des étudiants HDAA dans sa classe en étant informé de leur diagnostic par les services adaptés. Il a mentionné qu’il préférerait que l’équipe des services adaptés ne l’informe pas du diagnostic de chaque étudiant, mais plutôt des mesures qu’il devrait prendre afin de bien répondre aux besoins de celui-ci:

I realized that we were having conversations about students that had diagnoses that we didn't understand, students that had lives that we didn't understand, but by giving us the information we were expected in some way to respond and I suggested that the administration simply tell us « This person has an excused absence for this, this person is allowed to use this » (P5).

Les diagnostics qui semblent les plus connus des enseignants sont le TDA(H) et l'anxiété, qui semble être un problème de plus en plus commun (où à tout du moins un problème que les enseignants remarquent davantage). Quatre enseignants ont spontanément mentionné les étudiants ayant un TDA(H) alors que cinq ont parlé d’anxiété lorsqu’ils discutaient de leurs expériences avec des étudiants ayant des besoins spécifiques.

72

L’augmentation du nombre de cas d’anxiété amène cette enseignante à mentionner que peu importe le diagnostic, les étudiants ont le droit d’obtenir l’aide dont ils ont besoin : « I think once you accept the students, you have an obligation or a duty to help them all whether they're diagnosed or not. So I think there are more of those types of students. I didn't see students with anxiety before, but now we see a lot more students with anxiety (…) » (P9).

Un aspect sur lequel s’entendent les enseignants interrogés est que les étudiants HDAA ne peuvent pas être considérés comme un groupe homogène, même si les adaptations qui leur sont offertes sont en majorité les mêmes, peu importe les différents diagnostics. Voici comment trois des enseignants voient cette diversité chez les étudiants HDAA :

« (…) très très variable, il y en a qui ont été beaucoup plus agréables que la moyenne, et il y en a qui ont été joyeusement plus désagréables que la moyenne!! C'est trop vaste, je ne peux pas faire une réponse. (...) Ils n'ont pas tous les mêmes besoins, mais ils n'ont surtout pas tous la même attitude » (P4)

« It's very hard to generalize about them, because their situations are often so different. (…) when you talk about somebody who seems like they're barely keeping their life on the tracks, versus somebody else who just needs the quiet and need to not be disturbed, it's hard to put them in the same group » (P8)

« (…) even within that group you can't generalize, because there's one with a concussion, one with mononucleosis, a couple who were supposedly hyperactive, some I didn't know the diagnosis (…) » (P9).

Deux enseignantes ont élaboré sur cette hétérogénéité en mentionnant qu’elles pouvaient distinguer deux types d’étudiants HDAA dans leurs classes, qui ont chacun des besoins différents: « I can think of two categories of special needs: there's the category of students that are highly driven and become very anxious when they're not doing well. And then there's the category of the student who has other issues (…) they need extra help! They seem to be different to me, I know we treat them all the same but to me they seem different » (P2), et: « (…) souvent ils sont plus désorganisés, ils ont besoin de plus de soutien, ils vont venir plus souvent au bureau. Ben, en fait il y a les 2 : ceux qui sont plus souvent au bureau,

73

qui vont venir chercher ce qu'ils ont besoin, et ceux qui ne font pas les démarches qui devraient les faire (…) donc il y a vraiment les deux cas je dirais, les deux extrêmes » (P3).

Cette importante hétérogénéité des étudiants HDAA ainsi que des étudiants en général est souvent ressortie comme un facteur qui rend difficile d'adapter son enseignement à chacun, comme le témoigne cet enseignant: « The really strong students are incredibly strong, and the really weak students are not even remotely in the same league, and it's very hard to accommodate that range from people that are frankly brilliant and then you have people that are barely capable of reading the books we're studying, let alone have deep insights » (P8). Les enseignants ont aussi dit que la plupart des étudiants HDAA étaient difficiles à identifier en classe puisque la majorité des diagnostics, tels qu’un déficit d’attention sans hyperactivité ou une dyslexie, ne sont pas visibles au premier regard : « Honnêtement, en classe je ne vois pas vraiment de différences, je ne pourrais pas vraiment savoir qui sont les étudiants avec des besoins spéciaux. (…) je peux pas dire que je pourrais les identifier comme ça, à priori, juste en observant leur comportement en classe. Il n’y a aucune caractéristique qui me vient en tête » (P6). Un autre enseignant mentionne également que la plupart d’entre eux ne veulent pas mettre leurs difficultés en évidence: « Le plus difficile c'est de convaincre beaucoup de ces individus-là de s'identifier, euh, mais généralement, écoute, j'ai généralement pas de gros problèmes avec eux ou elles, dans le sens qu'ils travaillent fort, dans le sens qu'il y en a quelques-uns qui ont besoin d'encouragement (…) » (P10). Par contre, un enseignant d’anglais a mentionné que les étudiants présentant des difficultés directement reliées à la matière qu’il enseigne étaient plus facilement identifiables vu la nature de leur diagnostic:

(…) it's very noticeable through all my classes, they have to read a thousand pages for this particular course, so if you have a language difficulty it starts showing up immediately, you have a 50-page assignment and then another 50- page assignment, and it becomes clear to me in 5 minutes, “You're not even remotely able to keep up” (…) So for this course a certain type of disability will