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Personnalité, symptômes anxio-dépressifs et distorsions cognitives : comparaison de joueurs de poker et de joueurs d'appareils de loterie vidéo

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Academic year: 2021

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Personnalité, symptômes anxio-dépressifs et

distorsions cognitives: comparaison de joueurs de

poker et de joueurs d'appareils de loterie vidéo

Thèse

David Lévesque

Doctorat en psychologie – Recherche et intervention – Orientation

clinique

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Personnalité, symptômes anxio-dépressifs et

distorsions cognitives: comparaison de joueurs de

poker et de joueurs d'appareils de loterie vidéo

Thèse

David Lévesque

Sous la direction de :

Isabelle Giroux, directrice de recherche

Serge Sévigny, codirecteur de recherche

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iii Résumé

Actuellement, aucune théorie psychologique unique et aucun modèle multifactoriel n’arrive à expliquer les facteurs causaux responsables du développement du jeu pathologique. Les progrès dans ce domaine sont entravés, entre autres, par des conceptualisations de la problématique qui ne font pas consensus dans la communauté scientifique. Blaszczynski et Nower (2002) font partie des pionniers à soutenir que les joueurs de jeu de hasard et d’argent (JHA) forment un groupe hétérogène et à avoir étudié les sous-groupes de joueurs pathologiques. Leurs recherches ainsi que celles de leurs successeurs ont démontré que l’hypothèse répandue, selon laquelle les joueurs pathologiques forment une population homogène, serait fausse et que les traitements dérivés de ces modèles ne peuvent pas s’appliquer uniformément à chaque joueur sans considérer, entre autres, le type de JHA, le genre, l’histoire développementale et la neurobiologie. La présente thèse, qui se décline en deux études, s’inscrit dans cet esprit. S’inspirant du Modèle de voies associatives du jeu problématique (Blaszczynski et Nower, 2002), mais également de la théorie de l’interaction psychostructurelle (« psycho-structural interaction ») de Griffiths (1993), la présente thèse vise à développer une meilleure compréhension du rôle du type de JHA dans la conceptualisation des comportements de jeu en comparant des joueurs d’appareils de loterie vidéo (ALV) et des joueurs de poker. Plus précisément, la première étude vise à (1) comparer les joueurs de poker et les joueurs d’ALV sur le plan de la gravité du problème de jeu et de caractéristiques psychologiques liées aux comportements de jeu, c’est-à-dire le narcissisme, la recherche de sensations, les symptômes dépressifs, les symptômes anxieux et les distorsions cognitives, (2) tester empiriquement l’effet médiateur des distorsions cognitives entre les caractéristiques psychologiques et la gravité du problème de jeu, et (3) tester un modèle prédictif de la gravité du problème de jeu et vérifier l’invariance de ce modèle selon le type de jeu. Les résultats indiquent que, comparativement aux joueurs d’ALV, les joueurs de poker de l’échantillon présentent des niveaux significativement supérieurs de narcissisme et de recherche de sensations, mais significativement inférieurs de dépression et de gravité du problème de jeu. Les analyses de médiation (bootstrap) révèlent que les distorsions cognitives sont médiatrices de l’effet du narcissisme sur la gravité du problème de jeu pour les deux groupes. Pour les joueurs d’ALV uniquement, les distorsions cognitives jouent le rôle de médiateur entre le score de dépression et celui de la gravité du

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problème de jeu. L’analyse multigroupe met en évidence une non-invariance dans la configuration du modèle prédictif du problème de jeu entre les deux groupes. En somme, le profil des joueurs de poker diffèrent de celui des joueurs d’ALV, ce qui suggère l’hypothèse d’une étiologie et d’un tableau clinique distinctifs. La seconde étude a pour objectif d’évaluer la validité « transjeux » d’une mesure autorapportée des distorsions cognitives, le Gambling Related Cognitions Scale (GRCS; Raylu et Oei, 2004, version française : Grall-Bronnec et al., 2012), en comparant les réponses aux items des joueurs de poker aux joueurs d’ALV. Près de la moitié des items au GRCS présentent un fonctionnement différentiel d’importance moyenne à grande dépendamment de la méthode utilisée. Les cinq items présentant un fonctionnement différentiel plus important favorisent l’endossement des joueurs de poker (comparativement aux joueurs d’ALV), indépendamment de leur score total, et gravitent autour des thèmes suivants : l’habileté, les connaissances, les apprentissages et les probabilités. Cet artéfact de la mesure a pour conséquence de majorer le score total des joueurs de poker, suggérant un plus haut niveau de distorsions cognitives, et un effet inverse pour les joueurs d’ALV. La discussion relève les implications cliniques et théoriques de ces résultats.

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v Abstract

Currently, there exists no psychological theory or multifactorial model that adequately explains the causal factors that contribute to the development of gambling disorder. Progress in this domain is hindered by the fact that there is no scientific consensus about the conceptualization of this disorder. Blaszczynski and Nower (2002) were among the first to state that gamblers are a heterogenous group and to study subgroups of pathological gamblers. Their work and that of their successors has shown that the popular hypothesis according to which pathological gamblers are a homogenous group is false, and that treatments derived from these models cannot be uniformly applied to all gamblers without consideration for certain crucial aspects, such as type of gambling game, gender, developmental history and neurobiology. Comprised of two studies, the current thesis aims to further the knowledge in this vein of work. Inspired by the Pathways model of pathological gambling (Blaszczynski, & Nower, 2002), and by the psycho-structural interaction theory (Griffiths, 1993), this thesis aims to develop a better understanding of the influence of the structural characteristics of gambling games on gambling behaviours by comparing individuals who gamble on video lottery terminals (VLT) or at poker. More specifically, the first study aims (1) to compare poker gamblers and VLT gamblers with respect to the severity of the gambling problem and psychological characteristics related to gambling behaviours, such as narcissism, sensation-seeking, depressive or anxiety symptoms, and cognitive distortions, (2) to test a predictive model of gambling problem severity and verify its invariance with respect to the type of gambling game, and (3) to test a mediating effect of cognitive distortions between psychological characteristics and gambling problem severity. The results indicate that in comparison to VLT gamblers, poker players present significantly higher levels of narcissism and sensation-seeking, and significantly lower levels of depression and gambling problem severity. Bootstrap analyses reveal that cognitive distortions have a mediating effect on gambling problem severity for both groups of gamblers. In addition, the level of depression in VLT players significantly predicts gambling problem severity both directly and indirectly via the mediating effect of cognitive distortions. Multigroup invariance analyses reveal a non-invariance in the configuration of the predictive model of the gambling problem between the two groups. These profiles could be linked to the player's interest for a specific type of gambling game, but also to problem gambling. The

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second study aims to assess the reliability of a French adaptation of a self-report measure of cognitive distortions, the Gambling Related Cognitions Scale (GRCS; Raylu, & Oei, 2004, French version: Grall-Bronnec et al., 2012), by comparing the answers of poker players to those of VLT players. Depending on the method used, nearly half of the GRCS items were flagged as showing differential item functioning (DIF) with a medium to large effect. The five items with most significant DIF were more positively endorsed by poker players as compared to VLT gamblers, independent of their total score. These items were related to skill, knowledge, learning and probabilities. This artefact in the instrument consequently increases the total score of poker players, thus suggesting a higher level of cognitive distortions in this group, and has the reverse effect with VLT players. Clinical and theoretical implications derived from these findings are discussed.

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vii Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Liste des abréviations ... xi

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xvi

Chapitre 1 : Introduction générale ... 1

Facteurs et marqueurs de risque au jeu pathologique ... 4

Caractéristiques structurelles ... 4

Caractéristiques situationnelles ... 6

Caractéristiques individuelles ... 7

Étiologie du jeu pathologique ... 8

Théories psychologiques uniques ... 8

Les modèles multifactoriels ... 9

Profil du joueur selon le type de JHA d’intérêt ... 12

Le jeu de poker et les ALV ... 14

Limites des recherches actuelles ... 15

Objectifs de la présente thèse ... 16

Chapitre 2 : Narcissisme, recherche de sensations, dépression, anxiété et distorsions cognitives : comparaison des joueurs de poker et des joueurs d’appareils de loterie vidéo ... 18

Résumé ... 19

Introduction ... 20

Narcissisme, recherche de sensations, dépression, anxiété et comportements de jeu .... 22

Les distorsions cognitives : un mécanisme cognitif sous-jacent influençant le processus décisionnel en contexte de jeu ... 25

La présente étude ... 26

Méthodologie ... 28

Devis de recherche et participants... 28

Instruments de mesure ... 29 Procédure ... 32 Analyses statistiques ... 33 Résultats ... 36 Discussion ... 39 Références ... 46

Chapitre 3 : Fonctionnement différentiel des items du Gambling related cognitions scale (GRCS) entre des joueurs de poker et des joueurs d’appareils de loterie vidéo . 61 Résumé ... 62

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viii Méthodologie ... 68 Protocole de recherche ... 68 Participants ... 68 Instrument de mesure ... 69 Procédure ... 70 Analyses statistiques ... 70 Résultats ... 73 Discussion ... 76 Références ... 81

Chapitre 4 : Discussion générale et conclusion ... 90

Enjeux à venir en psychopathologie des JHA et recommandations ... 97

Limites des études ... 99

Bibliographie ... 101

Annexe A : Formulaire de consentement soumis aux joueurs ... 113

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ix Liste des tableaux

Chapitre 2

Tableau 1. Moyennes, proportions et analyses comparatives des caractéristiques sociodémographiques en fonction du type de jeu ...53 Tableau 2. Corrélations bivariées entre les variables sociodémographiques et les variables dépendantes principales pour les joueurs de poker et les joueurs d’ALV ...55 Tableau 3. Moyennes des items, écarts-types et résultats aux analyses comparatives sur les variables principales ...56 Tableau 4. Analyse bootstrap des coefficients standardisés totaux, des effets directs et indirects en fonction du type de jeu ...57 Tableau 5. Statistiques d’ajustement des modèles testés aux données et résultats aux tests d'invariance ...58 Chapitre 3

Tableau 1. Alphas de Cronbach, corrélations item-total et résultats de l’analyse en composantes principales sur le GRCS ...84 Tableau 2. Moyennes des items, écarts-types et résultats aux analyses comparatives sur les items ...85 Tableau 3. Analyses du fonctionnement différentiel des items du GRCS entre les joueurs de poker et les joueurs d’ALV ...87

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x Liste des figures

Chapitre 2

Figure 1. Modèle théorique proposé liant les traits de personnalité et les perturbations de l’humeur aux distorsions cognitives et au problème de jeu ...59 Figure 2. Résumé des résultats du modèle acheminatoire sans contrainte (modèle A). Les coefficients standardisés sont présentés ...60 Chapitre 3

Figure 1. Illustration du FDI des items 5, 9 et 15 pour les joueurs de poker et les joueurs d’ALV...89 Chapitre 4

Figure 1. Moyenne aux items du PGSI en fonction des quartiles de moyenne aux items au BDI-II pour les deux groupes à l’étude ...92

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xi Liste des abréviations

ALV : Appareil(s) de loterie vidéo ANOVA : Analyse de la variance

BAI : Questionnaire Beck Anxiety Inventory

BDI-II : Questionnaire Beck Depression Inventory-II

CÉRUL : Comité d'éthique de la recherche avec des êtres humains de l'Université Laval CFI : L’indice de qualité prédictive Comparative fit index

CCI : Courbe caractéristique de l’item

DSM : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux FDI : Fonctionnement différentiel de l’item

GFI : L’indice de qualité prédictive Goodness of fit index GRCS : Questionnaire Gambling-Related Cognition Scale IC : Intervalle de confiance

JHA : Jeu(x) de hasard et d’argent

MLR : L’estimateur du maximum de vraisemblance robuste à la non-normalité Maximum Likelihood Robust

NFI : L’indice de qualité prédictive Normed fit index NPI : Questionnaire Narcissistic Personality Inventory PGSI : Questionnaire Problem Gambling Severity Index

RMSEA : L’indices de qualité prédictive Root Mean Square Error of Approximation SSS-V : Questionnaire Sensation Seeking Scale-Form V

TESTGRAF : Logiciel d’analyse non paramétrique des données (Ramsay, 2000) TLI : L’indice de qualité prédictive Tucker Lewis Index

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Remerciements

Difficile de croire que j’aie enfin complété cette thèse, marquant la fin de mon plus grand défi à ce jour. Encore hier, j’avais l’impression que je n’arriverais pas au bout. C’est par toute la gamme des émotions que j’ai traversé ces neuf années d’études universitaires. En effet, ce parcours, si stimulant et enrichissant soit-il, m’a aussi fait vivre mes pires périodes d’angoisse (vais-je devenir psychologue?; est-ce que je serai accepté au doctorat?; est-ce que je finirai ce doctorat?). Néanmoins, avec du recul aujourd’hui, je crois qu’il s’agit d’une expérience extraordinaire dans laquelle ma curiosité, cette soif de savoir, de connaître, d’observer, de comprendre, a été satisfaite. Ce doctorat s’est également avéré un défi relationnel et émotionnel impliquant la confrontation de mes idées à des pairs, et ce, pour le meilleur et pour le pire. Aujourd’hui j’en ressors – enfin – avec un résultat final qui me rend fier et une histoire qui constituera un souvenir inoubliable.

Ce parcours n’aurait pas pu se faire sans l’aide, le soutien, l’encouragement et la bienveillance de plusieurs personnes m’entourant et dont je tiens à remercier sincèrement. Tout d’abord, j’aimerais remercier mes superviseurs de recherche, Isabelle et Serge. Merci pour la confiance que vous m’avez accordée dès les débuts de mes études doctorales. Pendant les six années de collaboration, j’ai eu la chance de profiter de vos savoirs, de vos multiples opportunités (congrès, expériences en cliniques et en recherche), mais également de vos encouragements et de votre soutien tout au long de ce processus. Certes, ça n’a pas toujours été facile; ma soif d’autonomie et mon petit caractère n’auront jamais été autant mis à l’épreuve! À cet égard, je souhaite donc vous remercier pour votre patience et votre intérêt constant.

Un merci tout spécial à Annie et Christian qui m’ont outillé et encouragé tout au long du processus. Vous avez été des acteurs extrêmement importants dans mon cheminement. Sans vous, ma thèse ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Vous avez été là tout au long pour m’encourager et me remettre sur pied dans les moments plus difficiles. Vous êtes des personnes extrêmement généreuses. Merci beaucoup!

J’aimerais également remercier les membres de mon comité de thèse : Catherine Bégin et Stéphane Sabourin. Vos précieux conseils tout au long du processus ont éclairé ma

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trajectoire en recherche. Je tiens à souligner l’exactitude et la pertinence de vos recommandations; j’ai la certitude que vous avez enrichi mon travail et que vous m’avez également évité bien des ennuis. Un gros merci à Bei Fang, sans qui je serais encore coincé dans mes analyses de thèse. Tu m’as fait apprécier cet univers si complexe et abstrait que représentent pour moi les équations structurelles. J’admire ta rigueur, ta patience et tes compétences en pédagogie. Cette phase de la thèse représente, sans doute, l’un des moments les plus difficiles de mon cheminement, mais qui fut ô combien stimulant en ta compagnie. Un gros merci à Alexandre Hamel pour ton aide dans la phase de collecte de données; elle a été grandement appréciée.

J’aimerais également prendre le temps de remercier mes proches que j’affectionne beaucoup. Tout d’abord, j’aimerais remercier mes parents, Yvon et Carole. Merci de m’avoir accompagné tout au long de cette aventure et d’avoir toujours cru en moi. Bien que mon parcours vous ait paru parfois nébuleux – et pour moi aussi d’ailleurs – j’ai toujours senti la confiance que vous m’accordiez, elle était bien là, palpable et rassurante, malgré les obstacles sur ma route. Merci pour tout ce que vous m’avez généreusement donné tout au long de mes études. J’aimerais aussi remercier ma sœur, Marilie. Merci pour ton soutien tout au long de mes études. La prochaine fois que tu me demanderas quand êtes-ce que j’aurai fini mes études, et bien, je pourrai enfin te répondre : bien maintenant, j’ai terminé! Si j’ai réussi ce doctorat, c’est en grande partie grâce à vous trois. Merci! Je vous aime fort!

Andrée-Anne, ma brune, mon amour! On s’est connu au début du doctorat… tu es devenue mon amie, puis mon amoureuse. Tu m’as accompagné dans ce processus pour le meilleur et pour le pire. Tu as sagement écouté toutes mes histoires de doctorat, même celles qui se répètent encore et encore. Comment as-tu pu m’endurer tout le long de ce doctorat? Ma brune, je t’aime et je t’admire! Je suis tellement chanceux de t’avoir dans ma vie. Tout est plus simple avec toi à mes côtés. Tu es charmante, belle, intelligente, cultivée et appréciée de tous. Je suis le gars chanceux qui peut être à tes côtés. Merci d’être ce que tu es! Je t’aime ma brune!

Merci à tous les membres et amis du CQEPTJ, en particulier, Doum, Bianca, Catherine, Max, Jo, Dan, Mel, Andréanne, Émilie, Faustine, P-Y, Priscilla et Cathy. Merci pour tout. J’ai adoré travailler en équipe avec vous. Nous avons développé une «

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In-cro-xiv

yable! » amitié qui a rendu notre dur labeur beaucoup plus plaisant. Merci à chacun d’entre vous pour votre soutien, votre compréhension et votre amitié. Je suis content d’avoir pu évoluer dans un lab avec autant de vie que le CQEPTJ.

Un merci tout spécial à ma psychogang, Ariane, Marie-Anne, Audrey, Meggy et Caro! Vous vous rappelez des pénibles discussions au sujet de notre avenir que nous avions tous assis aux tables au DKN? Et bien voilà, c’est une affaire classée pour nous tous! Les filles, vous avez été mes frères d’armes. Ce long combat nous aura fait vivre ensemble toute la gamme des émotions. Il en a résulté une amitié extrêmement précieuse à mes yeux! Je garderai plusieurs beaux souvenirs de notre parcours : les chalets, les psycolloques, les soirées sushis-occupation double, les soirées endiablées sur les dancefloor de Québec, nos partys de Noël, et j’en passe… Mais nous voilà face à un plus gros défi encore : la vie d’adulte, avec tout ce qu’elle implique! Notre psychogang sera prête à y faire face, j’en suis certain et j’ai déjà hâte!

Un gros merci également à mes amis de Rivière-du-Loup, Joanie O., Keven, Sabrina, Luc, Catherine, Isabelle, Pascal, Joanie C., pour m’avoir soutenu tout au long de ce projet. Merci pour toutes ces soirées qui m’ont permis de sortir la tête de mes études. Vous êtes des amis de longue date que j’aimerais voir plus souvent. Merci aussi à plusieurs autres amis qui m’ont accompagné pendant mes études, Mylène Ross-Plourde, Vickie Plourde, Alexandra P- Lambert, Vanessa Keegan, Sophie Dubé, Marie-Ève Thibodeau, Mireille Ouellet, Simon Fréchet, Stéphanie Bérubé, Raphaële Bouillon, Nadine Ouellet, Simon Gauvin, Annie Ouellet, Martin Mellaerts, Bernard Lebel, Jonathan Bourgault, Denis Lapointe, Bruno Roy.

Parallèlement à mon parcours en recherche, mes études doctorales ont contribué à mon cheminement en tant que clinicien. Merci à Éric Morrissette, Anick Brisson, Marie-Laure Brassard Lapointe, Lucie Richer et Sandra Guimond. Vous avez été d’excellents modèles de clinicien. Vos enseignements auront grandement contribué à ma carrière de clinicien.

Merci au Centre en réadaptation en dépendance de Montréal – Institut universitaire (CRDM-IU) et aux Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FRQ-SC) qui ont appuyé financièrement les travaux de recherche de cette thèse.

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Enfin, j’aimerais remercier les participants qui ont pris le temps de répondre à mes questionnaires. Vous avez contribué à l’avancement des connaissances dans le domaine des dépendances. Un gros merci pour votre temps et votre intérêt.

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xvi Avant-propos

Le présent ouvrage constitue une thèse par articles en quatre chapitres : une introduction générale de thèse (chapitre 1), deux articles scientifiques (chapitres 2 et 3) et une discussion générale (chapitre 4). Les articles scientifiques sont présentés dans leur version originale, mais seront traduits en anglais et soumis pour publication dans la prochaine année.

Tous les travaux, c’est-à-dire l’élaboration du projet, le recrutement des participants, la saisie des données, les analyses statistiques, l’interprétation des résultats et la rédaction des chapitres de la thèse ont été réalisés sous la supervision d’Isabelle Giroux, Ph.D, et de Serge Sévigny, Ph.D., directeurs de recherche et professeurs à l’Université Laval avec la collaboration de Christian Jacques, professionnel de recherche au Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu (CQEPTJ). Mentionnons la collaboration de Stéphane Sabourin, Ph.D., et de Catherine Bégin, Ph.D., membres du comité de thèse et professeurs à l’Université Laval. Enfin, les analyses statistiques propres au premier article scientifique ont été réalisées avec la collaboration de Bei Feng, statisticienne.

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Chapitre 1 : Introduction générale

La pratique des jeux de hasard et d'argent (JHA) est courante dans la population. Dans une enquête réalisée en 2012 avec un échantillon aléatoire de 8 842 participants, près de 66,6 % des adultes du Québec ont révélé avoir parié ou dépensé de l’argent à un JHA au cours des 12 mois précédant l’enquête (Kairouz et Nadeau, 2014). Pour être considéré comme un JHA, le jeu doit impliquer (1) la mise d’argent ou d’un objet de valeur, (2) que cette mise soit irréversible et (3) que l’issue du jeu repose, en totalité ou en partie, sur le hasard (Ladouceur, Sylvain, Boutin, & Doucet, 2000). Parmi les activités les plus pratiquées au Québec, on retrouve la loterie (60,6 %), les machines à sous (9,7 %), le poker (4,7 %) et les appareils de loterie vidéo (ALV; 4,1 %). Selon cette même étude, la médiane des dépenses annuelles aux JHA est de 40 $, pour l'ensemble des Québécois et de 150 $ pour les joueurs courants (ceux qui ont joué dans les 12 mois précédant l’enquête) (Kairouz et Nadeau, 2014).

Bien que pour la majorité des joueurs le jeu demeure une activité sans conséquence, pour certains, leur comportement de jeu peut devenir problématique (Ladouceur et al., 2000). Le jeu abusif et incontrôlé engendre d’importantes répercussions sociales et financières sur les joueurs eux-mêmes, leur famille et la société en général (Ladouceur et al., 2000). Au Canada, le rapport du Canadian Consortium for Gambling Research (Williams, Rehm, & Stevens, 2011), qui recense 492 études portant sur les impacts socioéconomiques du jeu, met en lumière un impact financier sur les joueurs, mais également des impacts socio-économiques non négligeables, en termes de faillites, divorces et suicides.

Les auteurs dans le domaine de la psychopathologie des JHA n’utilisent pas tous la même terminologie pour identifier les problèmes de jeu. Plusieurs termes sont utilisés, entre autres, « jeu problématique », « jeu excessif », « jeu pathologique », et « jeu compulsif ». L’expression « jeu problématique » décrit le degré de gravité du jeu (Walker et Dickerson, 1996). Ce terme permettrait, selon Walker et Dickerson (1996), d’éviter les connotations médicales et péjoratives que comporte le terme « jeu pathologique ». Toutefois, il est imprécis parce qu’il suppose que cette problématique représente les conséquences du jeu plutôt que la cause (Walker et Dickerson, 1996). Le jeu dit « pathologique », pour sa part, réfère au diagnostic ou à la psychopathologie propre au jeu.

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En 1980, l’Association américaine de psychiatrie (APA) reconnaissait officiellement le jeu pathologique comme un trouble mental (APA, 1980). Jusqu’à l’arrivée de la cinquième et la plus récente édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM; APA, 2013), le trouble était alors classé dans la catégorie des « troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs » (APA, 2000). Puis, cette problématique, renommée « jeu d’argent pathologique (trouble lié au jeu d'argent) » (« gambling disorder »), est maintenant classée et conceptualisée comme une dépendance (APA, 2013). En effet, cette problématique a été déplacée dans la section des « troubles reliés à une substance et troubles addictifs » en raison de son importante comorbidité avec les autres toxicomanies et de ses similitudes avec celles-ci sur le plan biologique, génétique et thérapeutique (Hasin et al., 2013). Selon la version française du DSM-5, le jeu d’argent pathologique est défini comme une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu d'argent conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative au cours d’une période de 12 mois (APA, 2013). Selon cette même référence, le joueur aux prises avec un jeu d’argent pathologique doit répondre à au moins quatre des critères suivants :

1) Besoin de jouer avec des sommes d'argent croissantes pour atteindre l'état d'excitation désiré;

2) Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d'arrêt de la pratique du jeu;

3) Efforts répétés, mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu;

4) Préoccupation par le jeu (p.ex., préoccupation par la remémoration d'expériences de jeu passées ou par la prévision de tentatives prochaines, ou par les moyens de se procurer de l'argent pour jouer);

5) Joue souvent lors des sentiments de souffrance/mal-être (p.ex., sentiments d'impuissance, de culpabilité, d'anxiété, de dépression);

6) Après avoir perdu de l'argent au jeu, retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes (pour « se refaire »);

7) Ment pour dissimuler l'ampleur réelle de ses habitudes de jeu;

8) Met en danger ou a perdu une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d'étude ou de carrière à cause du jeu;

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9) Compte sur les autres pour obtenir de l'argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu.

Enfin, la pratique du jeu d'argent ne doit pas être mieux expliquée par un épisode maniaque. La cinquième version du DSM intègre une échelle de gravité du jeu pathologique qui est fonction du nombre de critères validés (léger : 4-5 critères; modéré : 6-7 critères; sévère : 8-9 critères).

À l’échelle internationale, le jeu pathologique touche entre 0,2 % et 5,3 % des adultes (Hodgins, Stea, & Grant, 2011). Ce taux de prévalence varie en fonction des méthodes et des instruments de mesure utilisés, de même que de la fenêtre temporelle évaluée (au cours de la dernière année, au cours de la vie), de la disponibilité et de l’accessibilité du jeu dans la région où l’étude est réalisée (Hodgins et al., 2011). Au Québec, au moment d’écrire ces lignes, la plus récente étude évaluant le taux de prévalence au jeu problématique est celle réalisée par Kairouz et Nadeau (2014). Réalisée auprès d’un échantillon aléatoire (N= 12 008) représentatif de la population québécoise de 18 ans et plus, l'étude indique que 33,4 % des adultes sont des non-joueurs, 61,8 % sont des joueurs sans problème, 2,9 % sont des joueurs à faible risque de développer un problème de jeu, 1,4 % sont considérés à risque modéré, et enfin, 0,4 %1 sont des joueurs pathologiques probables, au sens de l’Indice canadien de jeu excessif (ICJE; Ferris et Wynne, 2001).

En ce qui concerne la conception de la problématique, le paradigme adopté par le DSM-5 est la pathologie et implique une approche dichotomique du phénomène (présence ou absence de la maladie). En effet, pour être considéré comme ayant la psychopathologie, l’individu doit présenter au minimum quatre critères. Bien que ce paradigme soit utile à la communication clinique entre professionnels (APA, 2013), les choix quant aux critères nosologiques divisant le normal du pathologique sont difficiles à cerner. À l’opposé, un second paradigme conceptualise plutôt ce trouble par le biais d’une approche dimensionnelle, c’est-à-dire en fonction d’un même continuum. Celui-ci stipule que les problèmes causés par le jeu varieraient sur un continuum croissant de gravité, allant de non pathologiques (récréatifs) à problématique/pathologique, selon

1 Les auteurs spécifient que le résultat doit être interprété avec prudence puisqu’il implique un coefficient de

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leur persistance et la récurrence de ceux-ci (INSERM; Institut national de la santé et de la recherche médicale, 2008). Ceux qui adhèrent à cette approche suggèrent que les joueurs pathologiques présentent les mêmes manifestations (p.ex., désir de jouer, pensées liées au jeu) que les autres joueurs à l’exception des montants d’argent dépensés et du temps passé à jouer (Blaszczynski et McConaghy, 1989; Walker, 1992). Certains instruments de mesure du dépistage des problèmes de jeu, notamment le South Oaks Gambling Screen (SOGS; Lesieur et Blume, 1987) et le Canadian Problem Gambling Index (CPGI; Ferris et Wynne, 2001) puisent leurs racines dans cette approche. En somme, il y aurait deux paradigmes du jeu pathologique : dans le premier cas, la différence entre les joueurs sans problème et pathologiques serait qualitative (« de nature »), dans l’autre, quantitative (« degré ») (Valleur et Bucher, 2006). Les chercheurs de l’étude de l’INSERM ont observé que les recherches sont plus souvent fondées sur une sorte d’approche hybride, c’est-à-dire avec « une logique de continuité entre le normal et le pathologique, mais en même temps souvent sur un modèle implicite de discontinuité, avec l’idée d’une différence de vulnérabilité, sinon de nature, entre les joueurs pathologiques et les normaux » (INSERM, 2008, p. 68).

Facteurs et marqueurs de risque au jeu d’argent pathologique

A priori, il n’existe pas de théorie globale expliquant la transition des comportements de jeu (p.ex., de non-joueur à joueur pathologique). À cet égard, les chercheurs s’accordent cependant sur l’établissement d’une contribution spécifique de déterminants concomitants (Shaffer, 1997). Les facteurs de risque (et marqueurs) au jeu pathologique peuvent être regroupés selon trois grands types de facteurs : des facteurs liés à aux caractéristiques structurelles des JHA, aux caractéristiques situationnelles (environnement), et aux caractéristiques individuelles.

Caractéristiques structurelles. Il existe aujourd’hui un large éventail de JHA (p.ex., poker, machines à sous, paris sportifs). Les divers types de JHA varient conceptuellement en raison de leurs diverses caractéristiques inhérentes. Au même titre que l’héroïne a des propriétés addictogènes spécifiques, le JHA aurait des caractéristiques inhérentes, appelées caractéristiques structurelles, pouvant faire varier l’intensité de la dépendance (Abbott, 2007; Griffiths, 1993, 1999; Griffiths & Parke, 2003; Leino et al., 2015; Parke & Griffiths, 2007). Certains JHA présentent de plus hauts risques de dépendance (p.ex., les machines à sous, les ALV et le poker) que d’autres (p.ex., le bingo et les loteries) (Kairouz et Nadeau, 2014; Moragas et al., 2015; Petry,

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2003). La variation des taux de prévalence au jeu problématique selon le type de JHA (p.ex., ALV = 16,4 % c. Bingo = 5,8%; Kairouz et Nadeau, 2014), voire la potentialité addictive, pourrait être tributaire, entre autres, des caractéristiques structurelles qui le caractérisent (Griffiths, 2003). Plusieurs caractéristiques structurelles pourraient être impliquées dans l’émergence et l’entretien de conduites de jeu à risque et pathologique (Parke et Griffiths, 2007). Leino et collaborateurs (2015) ont étudié les liens entre les caractéristiques structurelles et le comportement de jeu d’une population de joueurs d’ALV en ligne (Multix terminal). La force de cette étude réside dans la grandeur de l’échantillon à l’étude (N = 31,109; population entière de Multix) et dans l’enregistrement automatique des comportements de jeu (sans l’intrusion des chercheurs). Les résultats illustrent que le nombre de mises (variable dépendante) est positivement associé au taux de retour, à la fréquence de coups gagnants par rapport au nombre de coups joués (« hit frequency ») et négativement associé à la grosseur de la cagnotte gagnée et à la variété d’options de mises disponibles. Les auteurs soulèvent qu’informer et sensibiliser les joueurs sur l’effet des caractéristiques structurelles des JHA sur leurs comportements de jeu et modifier celles-ci (p.ex., imposer un nombre de mises maximum aux joueurs) pourraient contribuer positivement aux comportements de jeu responsables.

Parke et Griffiths (2007) ont décrit, par le biais de leur revue narrative de la littérature scientifique, plusieurs autres caractéristiques structurelles qui pourraient être impliquées dans l’émergence et l’entretien d’une conduite de jeu à risque et pathologique. Chacune de ces caractéristiques structurelles est décrite en détail dans l’article de Bouju, Grall-Bronnec, Landreat-Guillou et Venisse (2011) qui résument les travaux de Parke et Griffiths. On retrouve entre autres :

1) Le mode de paiement (virtuel c. réel);

2) La dimension ludique (la plus ou moins grande proximité immédiate du joueur avec le jeu, familiarité, convivialité);

3) La temporalité de la séquence de jeu (délai entre la mise et le gain éventuel); 4) Le niveau de récompense (montant des gains possibles et la probabilité de

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5) La place des messages éducationnels et autres actions de prévention (messages de prévention inscrits dans la réalité même du JHA, messages de prévention/sensibilisation);

6) L’ambiance de jeu (à mi-chemin entre les facteurs situationnels et structurels, tout ce qui définit en pratique l’environnement sensoriel du jeu);

7) Le support/plateforme de jeu (en ligne, jeux traditionnels ou jeux électroniques); 8) La part respective du hasard et de la stratégie dans certains jeux (certains JHA,

comme le poker, impliquent une part de hasard et d’habileté).

Caractéristiques situationnelles. Il s’agit des caractéristiques environnementales propres au contexte de jeu. La revue de littérature de Bouju et collaborateurs (2011) recense deux caractéristiques situationnelles qui pourraient être impliquées dans l’émergence et l’entretien d’une conduite de jeu à risque et pathologique : (1) l’impact de l’offre et la disponibilité des jeux (p.ex., proximité d’un casino, ouverture d’un salon de jeu) et (2) le poids des facteurs socio-économiques (p.ex., support social réduit, bas niveau de ressources). Griffiths et Parke (2003) ajoutent que les caractéristiques situationnelles incluraient également les composantes internes du JHA (p.ex., les lumières et l’ambiance). En effet, certaines caractéristiques peuvent se retrouver conceptuellement à mi-chemin entre les facteurs structurels et situationnels, notamment celles portant sur l’environnement sensoriel du jeu (Griffiths et Parke, 2003). Les caractéristiques situationnelles peuvent aider à clarifier pourquoi certains types de JHA sont plus attirants pour certains joueurs (Griffiths et Parke, 2003). Par exemple, le son constant d’une machine à sous favoriserait l’impression du joueur d’être dans un environnement stimulant, amusant et excitant (Griffiths et Parke, 2003). Dans ce contexte, ce joueur pourrait avoir l’illusion que les gains au jeu sont plus communs que les pertes. Griffiths et Parke (2003) avancent que les caractéristiques situationnelles pourraient influencer les comportements de jeu, et ce, indépendamment de la constitution biologique et psychologique du joueur. Les auteurs précisent trois avantages liés à l’identification et l’étude des caractéristiques situationnelles. Cela permet :

1) d'examiner, pour un même joueur, comment les différentes caractéristiques situationnelles peuvent générer différents niveaux d’investissement dans le jeu;

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2) de comprendre les motivations et ce qui influence la "psyché" du joueur en relation avec le JHA;

3) éduquer les joueurs problématiques au sujet des risques que constituent certaines caractéristiques situationnelles.

Les auteurs concluent que l’industrie du jeu pourrait être tentée d’utiliser ces caractéristiques pour rendre leurs JHA plus attrayants pour le joueur. Le succès de l’industrie du jeu consisterait donc à trouver le parfait accord entre les caractéristiques situationnelles et les caractéristiques/intérêts des joueurs dans le but de les faire jouer davantage (Griffiths et Parke, 2003). Notons que l’essai de Griffiths et Parke trouve ses limites dans le faible soutien empirique des concepts d’intérêt. Néanmoins, ils font la démonstration de la pertinence d’étudier les caractéristiques situationnelles.

Caractéristiques individuelles. Ce sont des vulnérabilités individuelles liées au jeu pathologique. Parmi les caractéristiques individuelles favorisant les comportements de jeu problématique ou les conduites de jeu plus précoces et sévères, il est entre autres possible de retrouver : des caractéristiques sociodémographiques, par exemple le fait d’être un jeune homme et d’avoir un faible statut socioéconomique (Gill, Dal Grande, & Taylor, 2006; Kairouz et Nadeau, 2014); des antécédents familiaux et personnels, par exemple, avoir gagné un montant d’argent significatif en début de jeu ou avoir vu un proche gagner (Welte, Barnes, Wieczorek, & Tidwell, 2004), la présence d’un jeu pathologique chez un membre de la famille (Barnes, Welte, Hoffman, & Dintcheff, 2005), les antécédents de dépendance à des substances psychoactives ayant précédé les conduites de jeu problématique (Blaszczynski, 2000) et la maltraitance dans l’enfance (Petry et al., 2005); des comorbidités psychiatriques, entre autres, la présence d’un trouble de personnalité (Pelletier, Ladouceur, & Rhéaume, 2008), l’anxiété et la dépression (Dussault, Brendgen, Vitaro, Wanner, & Tremblay, 2011; Gill et al., 2006), et le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (Hollander, Sood, Pallanti, Baldini-Rossi, & Baker, 2005); des distorsions cognitives, par exemple l’illusion de contrôle, c’est-à-dire l’illusion de pouvoir contrôler le déroulement ou l’issue du jeu malgré la part de hasard inhérente au jeu (Langer, 1975); des stratégies d'adaptation inadéquates, par exemple la suppression et la réactivité aux stresseurs (Taber, McCormick, & Ramirez, 1987); les facteurs biologiques, tels que des déséquilibres

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biochimiques dans les récepteurs dopaminergiques D1 (da Silva Lobo et al., 2007; Comings et al., 2001), D2 et D4, de même que dans les circuits sérotoninergiques et noradrénergiques (Comings et al., 2001). Pour plus de détails sur les caractéristiques individuelles liées au jeu pathologique, le lecteur est invité à consulter la recension critique de la littérature réalisée par Johansson, Grant, Kim, Odlaug et Götestam (2009).

En somme, les facteurs/marqueurs de risque au jeu pathologique sont nombreux et peuvent se regrouper en trois grands facteurs (structurels, situationnels et individuels). Johansson et ses collaborateurs (2009) concluent leur recension de la littérature en affirmant qu’à la lumière de leur examen critique, le domaine des facteurs de risque au jeu pathologique est encore un domaine peu connu. C’est le cas, à la fois pour les facteurs de risque documentés (p.ex., leur force et leur importance), mais également pour leurs mécanismes d'action (Johansson et al., 2009). Notons que ces variables ont généralement été étudiées de manière isolée. Toutefois, il semble qu’ils ne « fonctionnent » pas de manière indépendante l’un de l’autre et que le jeu pathologique serait le résultat d’une interaction complexe de ces différents facteurs (Blaszczynski et Nower, 2002; Sharpe, 2002).

Étiologie du jeu d’argent pathologique

Pour mieux comprendre l’avènement et le maintien du jeu pathologique, des auteurs ont repris les facteurs/marqueurs de risque ci-haut et ont élaborés des modèles étiologiques. Les premiers modèles étiologiques privilégiaient un nombre restreint de facteurs de risque pour expliquer la problématique (Lesieur et Rosenthal, 1991). Puis, des modèles multifactoriels/intégratifs ont vu le jour dans la littérature scientifique à la fin des années 1980 en réponse à la multiplicité des variables environnementales, familiales et psychologiques identifiées (Rickwood, Blaszczynski, Delfabbro, Dowling, & Heading, 2010).

Théories psychologiques uniques. Le modèle médical, le modèle cognitif-comportemental et le modèle psychodynamique sont trois exemples des premières théories étiologiques. Le premier modèle conceptualise le jeu pathologique comme le fruit d’une maladie se traitant uniquement par l’abstinence (Rosenthal, 1987). Ce modèle vise, entre autres, à identifier les anomalies cérébrales, par le biais d’études neurobiologiques, distinguant les joueurs pathologiques des joueurs sans problème (Ferris, Wynne, & Single, 1999). Celui-ci ne tient

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toutefois pas compte des personnes qui connaissent des problèmes occasionnels sans pour autant devenir des joueurs pathologiques. Le deuxième modèle (cognitif-comportemental) place les distorsions cognitives au cœur de sa théorie pour expliquer le jeu pathologique. Le modèle de Sharpe et Tarrier (1993), par exemple, postule que les comportements de jeu sont acquis par le conditionnement classique et le conditionnement opérant (combinaison de récompenses financières et de l’excitation physiologique). Le joueur en vient à développer des pensées erronées qui jouent un rôle dans le maintien du comportement de jeu en amenant entre autres celui-ci à croire qu’il contrôle en quelque sorte le déroulement et l’issue du jeu (gains c. pertes). Ce modèle n’explique toutefois pas pourquoi certains joueurs, comparativement à d’autres, sont plus susceptibles de développer des distorsions cognitives et ultimement un problème de jeu. Finalement, le modèle psychodynamique propose plutôt que le jeu pathologique ait une origine strictement psychologique. Le jeu constitue, selon cette théorie, une stratégie de résolution des conflits psychiques inconscients. Le joueur joue donc, en quelque sorte, pour soulager une détresse psychologique (échappatoire). Rosenthal (1986) émet l’hypothèse selon laquelle les joueurs pathologiques seraient, pour la majorité, narcissiques et qu’ils joueraient pour combattre un sentiment d’infériorité par l’entretien de fantaisies grandioses. Le jeu aurait alors pour fonction de faire sentir le joueur important, respecté et puissant (Rosenthal, 1986). Toutefois, certains auteurs diront que ce modèle est strictement théorique puisque plusieurs des concepts utilisés ne sont ni mesurables ni observables (p.ex., l’inconscient, les fantaisies et la psyché) en plus d’être fondé que sur l’observation de cas cliniques uniques (Ferris et al., 1999).

Les modèles multifactoriels. Les modèles étiologiques intégratifs apparus après 1980 impliquent des variables multifactorielles de nature biopsychosociale. Parmi ces modèles, il est possible de retrouver les théories générales sur la dépendance de Jacobs (1986) et de Brown (1997). Ces modèles généraux, dans lesquels il est possible d’inclure le jeu pathologique, avancent que la personne dépendante tentera de trouver une sorte d’équilibre dans son niveau d’excitation par le biais de son objet de dépendance. Deux facteurs de maintien feraient varier le niveau d’excitation : (1) les traits de personnalité et (2) les prédisposions psychologiques à avoir une faible estime de soi et confiance en soi, de même qu’à avoir des émotions négatives. La dépendance constitue à la fois une source d’excitation et une échappatoire aux émotions négatives.

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Quelques années plus tard, deux modèles intégratifs spécifiques aux JHA, se fondant sur les résultats de recherche, ont été proposés. Sharpe (2002) propose un modèle diathèse-stress impliquant des vulnérabilités biologiques/génétiques et environnementales pour expliquer le jeu problématique. Plus précisément, l’auteure suggère que la vulnérabilité génétique soit liée à un changement biologique des neurotransmetteurs (la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine). Selon ce modèle, l'histoire développementale à la petite enfance constitue une prédisposition au développement futur d'un jeu problématique. La difficulté à résoudre des problèmes, l'impulsivité et l'attitude positive de la famille à l'égard des JHA sont des exemples d’éléments propres à l'histoire. Sharpe souligne que les distorsions cognitives peuvent entretenir des attentes chez les joueurs (illusion de contrôle, erreurs de logique, etc.). Les premiers gains et les quasi-gains deviennent associés par conditionnement à l’excitation physiologique. Enfin, plus le comportement de jeu devient fréquent, plus le conditionnement et les distorsions cognitives deviennent enracinés, ce qui favorise la perte de contrôle au long court.

Blaszczynski et Nower (2002) publient, eux aussi, un modèle intégratif : le Modèle de voies associatives du jeu problématique (« Pathways Model of Problem and Pathological Gambling »). La contribution majeure de ce modèle repose sur le postulat selon lequel les joueurs pathologiques ne forment pas un groupe homogène. Selon les auteurs, les joueurs pourraient être séparés en sous-groupes selon leurs motivations sous-jacentes et les avantages tirés du jeu. Le modèle vise à expliquer, sur la base de résultats de recherches antérieures, le développement et le maintien des problèmes de jeu. Selon ce modèle, le jeu pathologique serait le résultat d’un éventail de facteurs écologiques, biologiques et psychologiques, incluant la personnalité ainsi que des composantes développementales et cognitives, qui interagissent selon des processus complexes. Il énonce trois trajectoires (« pathways ») qui culminent vers le jeu pathologique : (1) les joueurs conditionnés, (2) les joueurs émotionnellement vulnérables, et (3) les joueurs antisociaux impulsifs. Le dénominateur commun aux trois groupes est le conditionnement classique et opérant menant à une participation accrue et au développement des habitudes de jeu. À travers les séances de jeu, tous les joueurs problématiques développeraient de fausses croyances sur le plan des compétences personnelles et des probabilités de gagner. Cette mécanique cognitive maintiendrait les comportements de jeu. Bien que ce modèle présente des similarités avec celui de Sharpe (2002) (p.ex., l’importance des variables environnementales, de l’excitation physiologique et des distorsions cognitives), il se distingue par la présence de sous-groupes distinctifs :

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1) Les joueurs conditionnés (trajectoire 1) : les joueurs de ce sous-groupe expérimentent un conditionnement opérant lorsqu’ils gagnent aux JHA. Un processus cognitif, impliquant des distorsions cognitives, vient maintenir le comportement de jeu. Ces joueurs n’ont pas de vulnérabilité prémorbide et présentent une plus faible gravité des problèmes de jeu;

2) Les joueurs émotionnellement vulnérables (trajectoire 2) : cette seconde trajectoire contient tous les éléments de la trajectoire 1, surajouté à la présence de symptômes de dépression et/ou d’anxiété prémorbides, d’habiletés limitées de résolution de problème ainsi que des expériences familiales et des événements de vie négatifs. Les joueurs de ce sous-groupe sont émotionnellement vulnérables et utilisent le jeu pour se soulager d’états affectifs aversifs, se procurer de l’excitation ou fuir les problèmes ou les émotions négatives;

3) Les joueurs antisociaux impulsifs (trajectoire 3) : ce dernier sous-groupe décrit des individus qui possèdent les mêmes vulnérabilités prémobides que les joueurs des trajectoires 1 et 2, auxquelles se surajoutent de l’impulsivité, du narcissisme et des traits antisociaux. Ces joueurs présenteraient au final des comportements plus problématiques que les autres sous-groupes qui affecteront le niveau général de leur fonctionnement psychosocial. Ce groupe serait moins enclin à cherche de l’aide pour leur problème de jeu. De plus, la réponse au traitement psychologique serait moins bonne. Ces joueurs manifestent également une grande propension à rechercher des activités leur procurant des renforcements et des sensations, de même qu’une difficulté à tolérer une gratification différée.

Certaines études ont apporté un soutien empirique au modèle de voies associatives du jeu problématique (par exemple, Ledgerwood et Petry, 2006; Stewart, Zack, Collins, Klein, & Fragopoulos, 2008). Sans pouvoir parler de validation de l’ensemble du modèle, ces études viennent soutenir la validité des trois sous-groupes du modèle.

En somme, aucune théorie psychologique unique et aucun modèle multifactoriel n’arrive à expliquer l’ensemble des facteurs causaux responsables du développement du jeu pathologique. En effet, bien que plusieurs facteurs de risque associés au jeu pathologique soient identifiés, les connaissances actuelles ne nous permettent pas de déterminer l'importance relative de chacun de

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ces facteurs, pas plus qu'elles ne permettent d'établir de lien causal entre ces facteurs de risque et la présence d’un jeu pathologique (Winter & Anderson, 2000). En fait, tous ces facteurs semblent être présents, à différents degrés, chez une même personne (Blaszczynski et Nower, 2002; Sharpe, 2002).

Peu importe le paradigme adopté pour conceptualiser le jeu pathologique, les résultats de recherche pointent vers des différences (hétérogénéité) entre les populations de joueurs (Gonzalez-Ibanez, Jimenez, & Aymami, 1999; Rugle et Melamed, 1993). Ce constat n’est pas sans conséquence sur l’avancement des connaissances. En effet, plusieurs résultats divergents et contradictoires sont observables, ce qui entraîne une difficulté à tracer un portrait clair de la réalité du jeu pathologique. Pour ces raisons, différencier les types de joueurs de JHA et l’usage de typologies paraît s’imposer. La présente thèse s’inscrit donc dans une continuité des travaux du modèle de Blaszczynski et Nower (2002).

Profil du joueur selon le type de JHA d’intérêt

Les conceptualisations actuelles du jeu pathologique accordent relativement peu d’importance au type de JHA. En effet, les modèles actuels offrent peu d’information sur le rôle de cette variable. Par exemple, le modèle de voies associatives du jeu problématique (Blaszczynski et Nower, 2002) propose trois trajectoires du jeu pathologique sans y intégrer le type de JHA d’intérêt des joueurs. Toutefois, selon les auteurs, le profil des joueurs influencerait leurs préférences en matière de choix de JHA (Blaszczynski et Nower, 2002). Par exemple, les femmes de la catégorie de joueurs émotionnellement vulnérables seraient plus attirées par les machines à sous, comparativement aux hommes qui préfèreraient les JHA sur table ou les paris sportifs qui génèreraient plus de sensations (excitation). Sharpe (2002) corrobore et ajoute que le niveau d’excitation généré est fonction du type de JHA et qu’il semble y avoir un processus cognitif d’impliqué. L’auteure illustre à l’aide d’un exemple fondé sur des données probantes que l’excitation physiologique (sensations) serait associée positivement aux courses de chevaux et aux paris au casino, particulièrement lors de gains ou lorsque le gain était proche (quasi-gain; « near miss »). À l’opposé, les machines à sous pourraient être associées à moins d'excitation, le jeu pourrait davantage avoir une fonction d’échappatoire de telle sorte que l'excitation (stress) est vécue comme moins aversive. Selon Sharpe et Tarrier (1993), l’excitation et les cognitions

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n’auraient pas des rôles indépendants (contributions indépendantes) dans le jeu pathologique; la réalité semble plutôt démontrer une interaction entre les deux variables qui est modérée par le type de JHA. Ainsi, il ne serait pas surprenant que certains joueurs choisissent un JHA en fonction du niveau de stimulation qu’il offre.

La notion d’habileté propre à certains JHA (p.ex., paris sportifs, le poker) constitue une caractéristique structurelle pouvant susciter un intérêt pour certains joueurs. Des auteurs conceptualisent la notion d’habileté en deux volets : 1- les capacités en mathématique (p.ex., calcul des probabilités, analyse du risque) et 2- la capacité à faire usage de la psychologie (p.ex., élaborer des hypothèses sur la stratégie en fonction des états d'âme des adversaires, contrôle de soi, utilisation du bluff) (Croson, Fishman, & Pope, 2008; Siler, 2010). La revue de littérature narrative de Barrault et Varescon (2012) soulève l’hypothèse que la présence, l’intensité et l’impact des distorsions cognitives pourraient différer entre les joueurs de JHA impliquant de l’habileté et les joueurs de JHA de hasard pur. En effet, contrairement aux autres types de JHA, les distorsions cognitives ne semblent pas différencier les joueurs à problème des autres joueurs sans problème. La thèse de Brochu (2015) soulève que joueurs de poker présentent des perceptions différentes des autres joueurs de JHA. Ces joueurs semblent concevoir leur JHA comme très profitable, voire même être une profession envisageable selon certains. Pour eux, la notion d’habileté est bien réelle et elle favorise la poursuite du jeu. L’auteure soulève l’idée que les joueurs de poker, entre autres, pourraient présenter un profil psychologique différent des autres joueurs, notamment par l’entretien de perceptions et de cognitions différentes.

Bonnaire, Bungener et Varescon (2009) ont identifié des profils distincts de joueurs pathologiques qui sont fonctions de la présence ou non de d’habileté dans le JHA joué. Dans leur étude, Bonnaire et son équipe ont séparé les joueurs pathologiques recrutés en quatre groupes : 1- paris sur les courses de chevaux (n= 42 hommes), 2- machines à sous (n= 12 hommes et 15 femmes), 3- jeux disponibles dans les cafés européens (p.ex., loteries instantanées; n=57 hommes) et 4- jeux traditionnels (p.ex., roulette; 15 hommes). Le premier groupe affiche des niveaux significativement plus élevés de recherche de sensations et d’alexithymie comparativement aux autres groupes. Le deuxième et le troisième groupe présenteraient un score significativement plus élevé de symptômes dépressifs et plus faible de recherche de sensations. Les auteurs concluent leur article en soulevant l’hypothèse que les JHA « passifs » (c.-à-d., les jeux de hasard pur sans

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aucune possibilité de maîtriser sur l’issue du jeu) pourraient attirer les individus s’apparentant aux joueurs « émotionnellement vulnérables » de la typologie de Blaszczynski et Nower (2002), tandis que les JHA « actifs » (c.-à-d., les jeux impliquant de l’habileté dans lesquels les joueurs peuvent avoir une certaine influence sur l’issue du jeu) pourraient plutôt intéresser les individus s’apparentant davantage aux joueurs « antisociaux impulsifs ». Cette étude illustre la pertinence d’étudier le lien entre le profil du joueurs et type de JHA d’intérêt. Ces études permettent, entre autres, de mieux saisir les motivations sous-jacentes liées au jeu.

Griffiths (1999) soulève l’hypothèse qu’un individu pourrait être plus attiré par un type de JHA et se trouver ainsi plus à risque de développer un problème de jeu. Plus précisément, celui-ci postule que l’interaction psychostructurelle (« psycho-structural interaction ») entre les caractéristiques propres à un JHA et les caractéristiques psychologiques du joueur pourrait constituer un terrain fertile au développement d’un problème de jeu. Selon lui, puisque les caractéristiques structurelles et situationnelles varient d’un JHA à l’autre, ceux-ci attireront des joueurs différents sur le plan des caractéristiques individuelles. Toujours selon l’auteur, cette orientation d’analyse ouvre la porte à l’élaboration de théories explicatives des comportements de jeu qui prennent en considération des contextes spécifiques, ce qui diffère des explications généralistes comme celle de la « personnalité addictive » (Griffiths, 1999).

Le jeu de poker et les ALV

La présente thèse, entre autres choses, apporte un appui empirique à l’hypothèse d’une interaction psychostructurelle en comparant les mêmes caractéristiques individuelles auprès des joueurs de deux types de JHA : le jeu de poker et les ALV. Ces deux JHA impliquent des caractéristiques structurelles différentes et pourraient ainsi attirer des joueurs présentant des profils psychologiques différents. Plus précisément, le poker est un jeu de cartes, qui se pratique à plusieurs joueurs et qui implique une part d’habileté pouvant influencer le déroulement et l’issue du jeu. Il prend la forme d’une compétition entre les joueurs dont le gagnant remporte la mise. Il intègre donc des aspects de compétitivité et d’interaction sociale. Près de 7,9 % des adeptes du poker présentent des comportements de jeu à risque modéré ou pathologique probable (Kairouz et Nadeau, 2014) au sens du CPGI (Ferris et Wynne, 2001). À l’opposé, l’ALV est un jeu sur terminal (aussi appelé vidéo poker) dans lequel seul le hasard détermine l’issue du jeu; l’aspect de

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compétition y est absent et les joueurs s’y adonnent généralement seuls. Contrairement au poker, ce JHA se joue contre la « banque » (l’exploitant), c’est-à-dire le représentant du distributeur de JHA. Près de 16,4 % des joueurs d’ALV québécois présentent un jeu à risque modéré ou excessif (Kairouz et Nadeau, 2014). Notons que le taux de prévalence du jeu à risque modéré ou excessif pour la population québécoise, tout type de JHA confondu, est de 2,7 % (Kairouz et Nadeau, 2014). Il s’agit de deux JHA dont les caractéristiques des joueurs n’ont jamais été comparées. En effet, ces deux JHA ont généralement été étudiés indépendamment ou à l’intérieur d’un groupe de JHA, c’est-à-dire de façon indifférenciée. L’étude de ces deux groupes de joueurs est importante, particulièrement puisqu’ils présentent des taux élevés de prévalence au problème de jeu, en plus de constituer des JHA populaires au Québec. Une meilleure connaissance des similarités et des distinctions entre ces deux sous-groupes informera les meilleures façons d’intervenir.

Limites des recherches actuelles

La revue de littérature illustre que sur le plan de la conceptualisation, il n’existe pas de consensus en matière de problèmes de jeu. Les conceptualisations actuelles ont généralement peu traité du rôle du type de JHA d’intérêt. De plus, les typologies existantes se concentrent surtout sur la classification des joueurs pathologiques, nonobstant le type de JHA joué. En effet, il existe encore peu d’information sur les caractéristiques individuelles des joueurs sans problème (ou à faible risque) à un type de JHA spécifique, ce qui limite l’information disponible sur ce qui est impliqué dans leur choix de ce JHA. La nature et l’intensité des distorsions cognitives pourraient également varier en fonction du type de JHA (p.ex., JHA impliquant de l’habileté c. JHA de hasard pur). Par conséquent, certaines mesures autorapportées des distorsions cognitives destinées à tous les joueurs de JHA (tout type de JHA confondu) pourraient, entre autres, s’avérer insuffisamment sensibles et spécifiques.

Plusieurs questions demeurent toujours sans réponse en ce qui concerne l’étude des sous-groupes de joueurs (poker et ALV). Les joueurs réguliers diffèrent-ils quant à leurs caractéristiques individuelles selon le type de JHA auquel ils s’adonnent? Les distorsions cognitives constituent-elles une variable médiatrice entre la gravité du problème de jeu et les caractéristiques individuconstituent-elles du joueur? Puisque la nature et l’intensité des distorsions cognitives semblent différer selon le type

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de JHA, est-ce que les mesures autorapportées pour évaluer celles-ci sont vraiment adaptées à tous les types de joueurs?

Il est important de mieux connaître le rôle du type de JHA dans la conceptualisation du jeu problématique. Ceci permettrait de mieux saisir les similarités et les différences entre les joueurs, et d’en extraire des informations essentielles pour mettre en place des interventions préventives qui tiennent réellement compte du portrait des joueurs. En raison de la présence de caractéristiques structurelles/situationnelles différentes d’un jeu à l’autre, les caractéristiques individuelles des joueurs de poker pourraient varier de celles trouvées chez les joueurs d’ALV. De plus, parmi ces caractéristiques, certaines pourraient être liées, pour l’un ou l’autre des groupes (ou les deux), au jeu problématique et constituer des marqueurs de risque. Enfin, compte tenu des distinctions potentielles entre ces deux groupes quant à la nature des distorsions cognitives, il est possible que certaines mesures standardisées (s’adressant à tous les types de joueur) soient moins bien adaptées (p.ex., faible validité « transjeux »).

Objectifs de la présente thèse

Cette recherche vise à développer une meilleure compréhension du rôle du type de JHA dans la conceptualisation des comportements de jeu en comparant des joueurs de poker à des joueurs d’ALV. Leur personnalité, leur humeur, leurs distorsions cognitives et la gravité du problème de jeu sont les variables d’intérêt au cœur de cette thèse. La thèse se décline en deux études. La première poursuit trois objectifs: (1) comparer les joueurs de poker et les joueurs d’ALV sur le plan de la gravité du problème de jeu et des caractéristiques psychologiques liées aux comportements de jeu, c’est-à-dire le narcissisme, la recherche de sensations, les symptômes dépressifs, les symptômes anxieux et les distorsions cognitives, (2) tester empiriquement l’effet médiateur des distorsions cognitives entre les caractéristiques individuelles et la gravité du problème de jeu, et (3) tester un modèle prédictif de la gravité du problème de jeu et vérifier l’invariance de ce modèle selon le type de jeu. La seconde étude a pour objectif d’évaluer la validité d’un questionnaire portant sur les distorsions cognitives, soit le Gambling Related Cognitions Scale (GRCS; Raylu et Oei, 2004, version française : Grall-Bronnec et al., 2012), en comparant les réponses aux items des joueurs de poker à celles des joueurs d’ALV. Le type de jeu peut ici

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avoir une influence sur les réponses aux items ainsi que sur les interprétations des scores obtenus par les joueurs des différents types de jeu.

Alors que la première étude s'intéresse aux similarités et aux différences entre les caractéristiques individuelles des deux groupes de joueurs, la seconde étude vérifie les similarités et différences lors de l’évaluation des pensées erronées par l’entremise d’une mesure autorapportée. En d’autres mots, la seconde étude évalue la probabilité et les conséquences d’endosser différemment les items d’une même mesure selon le groupe d’appartenance.

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Chapitre 2 : Narcissisme, recherche de sensations, dépression, anxiété et distorsions cognitives : comparaison des joueurs de poker et des joueurs d’appareils de loterie vidéo

David Lévesque, B.A.1, Serge Sévigny, Ph.D.1, Christian Jacques, M.Ps.1, Isabelle Giroux, Ph.D.1

1Université Laval, Québec, Canada

Note : Cette étude est financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQ-SC) et le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) dans le cadre du programme Action concertée. Le doctorant a été soutenu financièrement par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQ-SC) et le Centre de réadaptation en dépendance de Montréal – Institut universitaire (CRDM-IU).

Adresse de correspondance :

David Lévesque, École de psychologie, 2325 rue des Bibliothèques, PAV-FAS, Université Laval, Québec (Qc), Canada, G1V 0A6.

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19 Résumé

Selon la théorie de l’interaction psychostructurelle, l'interaction entre les caractéristiques structurelles d'un jeu de hasard et d’argent (JHA) et les caractéristiques du joueur pourraient favoriser le développement de problèmes de jeu. Cette étude vise à comparer des joueurs d’appareils de loterie vidéo (ALV) et des joueurs de poker sur la gravité du problème de jeu et sur cinq caractéristiques psychologiques, soit le narcissisme, la recherche de sensations, la dépression, l'anxiété et les distorsions cognitives. De plus, elle vise à vérifier l’effet médiateur des distorsions cognitives entre les aspects liés à la personnalité/l'humeur et la gravité du problème de jeu. L'échantillon est composé de 191 joueurs de poker et 81 joueurs d'ALV volontaires. Les résultats montrent que, comparativement aux joueurs d’ALV, les joueurs de poker présentent des niveaux significativement supérieurs de narcissisme et de recherche de sensations, mais significativement inférieurs de dépression et de gravité du problème de jeu. Les analyses de médiation (bootstrap) révèlent que les distorsions cognitives sont médiatrices de l’effet du narcissisme sur la gravité du problème de jeu pour les deux groupes. Par ailleurs, pour les joueurs d’ALV uniquement, le score de dépression prédit significativement la gravité du problème de jeu directement, mais également indirectement par l’effet médiateur des distorsions cognitives. L’analyse d'invariance multigroupe met en évidence une non-invariance dans la configuration du modèle prédictif du problème de jeu entre les deux groupes. Les joueurs d’ALV pourraient davantage jouer pour fuir les émotions négatives et les joueurs de poker pour l’excitation et l’augmentation de leur estime de soi. Une confiance en soi exagérée pourrait se traduire en illusion d’expertise ou de contrôle chez les joueurs et constituer un terrain propice au développement d’un problème de jeu. Cette étude appuie la pertinence d'élaboration de théories explicatives des comportements de jeu qui prennent en compte des contextes de jeu spécifiques.

Mots-clés: Problème de jeu; interaction psychostructurelle; poker; appareils de loterie vidéo; narcissisme; recherche de sensations; dépression; anxiété; distorsions cognitives.

Figure

Tableau 2. Corrélations bivariées entre les variables sociodémographiques et les variables dépendantes principales  pour les joueurs de poker (n = 191; au-dessus de la diagonale) et les joueurs d’ALV (n =81; en-dessous de la  diagonale)
Figure 1. Modèle théorique proposé liant les traits de personnalité et les perturbations de l’humeur  aux distorsions cognitives et au problème de jeu
Figure 2.  Résumé  des  résultats  du  modèle  acheminatoire  sans  contrainte  (modèle  A)
Figure 1.  Illustration  du  FDI 7   des  items  5,  9  et  15  pour  les  joueurs  de  poker  (1)  et  les  joueurs  d’ALV (2)
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