572 m/s n° 6-7, vol. 27, juin-juillet 2011 DOI : 10.1051/medsci/2011276003
NOUVELLE
Interaction entre Escherichia
coli et plaques de Peyer
dans la maladie de Crohn
Le rôle des long polar fimbriae
Benoit Chassaing, Arlette Darfeuille-MichaudPathogénie bactérienne intestinale, JE2526 Université d’Auvergne, USC-INRA 2018, CBRV,
Facultés de médecine-pharmacie, 28, place Henri Dunant, BP 38, 63001 Clermont-Ferrand, France. benoit.chassaing@u-clermont1.fr arlette.darfeuille-michaud@u-clermont1.fr
Implication de bactéries invasives dans la maladie de Crohn
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui affecte environ 1 personne sur 1 000 dans les pays occidentaux, soit environ 2 millions de personnes dans le monde, et qui est caractérisée par un état d’hy-peractivité du système immunitaire intestinal. Des études cliniques et épi-démiologiques ont permis d’impliquer des facteurs environnementaux, géné-tiques et infectieux dans la survenue de cette maladie. En ce qui concerne les facteurs infectieux, il a été montré que la muqueuse iléale de patients atteints de la maladie de Crohn est anorma-lement colonisée par des souches de Escherichia coli appartenant à un groupe de bactéries pathogènes dénommées
adherent-invasive E. coli (AIEC), capa-bles d’adhérer et d’envahir les cellules de la muqueuse intestinale et également de se multiplier dans les cellules épithé-liales et les macrophages de l’hôte. La prévalence de souches AIEC au niveau iléal est de 36,4 % chez les patients atteints de MC contre seulement 6,2 % chez les sujets indemnes de pathologie inflammatoire intestinale [1]. La forte colonisation de la muqueuse iléale par des bactéries AIEC est en relation avec une expression anormale de molécules CEACAM6 (carcinoembryonic antigen-related cell adhesion molecule 6) chez les patients [2, 3]. L’expression accrue de CEACAM6, récepteur impliqué dans l’adhésion des AIEC, serait consécutive à la stimulation des cellules épithé-liales intestinales par des cytokines
pro-inflammatoires mais également à l’infection par ces bactéries qui sont ainsi capables de promouvoir leur propre colonisation.
Cellules M des plaques de Peyer Les plaques de Peyer sont des acteurs majeurs du tissu lymphoïde asso-cié à la muqueuse intestinale (MALT, mucosa associated lymphoid tissue). Il s’agit d’agrégats de follicules lym-phoïdes principalement retrouvés dans l’iléon et le côlon. Les plaques de Peyer sont impliquées dans l’échantillonnage d’antigènes présents dans la lumière intestinale et dans leur présentation au système immunitaire sous-jacent
[4]. Cette fonction est rendue possible par la présence, au niveau de l’épithé-lium recouvrant les plaques de Peyer,
de cellules spécialisées appe-lées cellules M (Figure 1). Les cellules M ont un fort pouvoir de transcytose, ce qui permet aux antigènes présents dans la lumière intestinale de traverser la barrière épithéliale. La pré-sentation antigénique aboutit
Figure 1. Organisation schématique des plaques de Peyer associées à la paroi intestinale. L’échantillonnage
antigénique réalisé par les cellules M permet la présentation antigénique au système immunitaire sous-jacent (macrophages et cellules dendri-tiques) pour la mise en place d’une réponse immunitaire adaptative met-tant en jeu les lymphocytes T et B.
Cellule dendritique Plaques de Peyer Follicule lymphoïde Mucus Cellule épithéliale Cellule M Lamina propria Macrophages Réponse immunitaire adaptative
Activation des lymphocytes T et lymphocytes B
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NOUVELLES
MAGAZINE
573 celui des animaux sauvages [9]. Nous avons montré qu’une telle augmenta-tion du nombre de cellules M permet à un plus grand nombre de bactéries AIEC exprimant les LPF d’interagir avec les plaques de Peyer d’animaux invalidés pour le gène nod2. ‡
The interaction of Crohn’s disease-associated Escherichia coli to Peyer’s patches of the intestinal mucosa involves long polar fimbriae REMERCIEMENTS
Nous remercions pour leur soutien l’Associa-tion François Aupetit dédiée à l’amélioral’Associa-tion des connaissances sur les maladies inflam-matoires chroniques intestinales (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique), l’Institut national de la recherche agronomique et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
CONFLIT D’INTÉRÊTS
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’in-térêts concernant les données publiées dans cet article.
RÉFÉRENCES
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PLoS One 2007; 2 : e523.
teux exprimés à la surface des bactéries et susceptibles de permettre l’adhé-sion des bactéries à des cellules hôtes. De manière intéressante, l’inactivation de l’opéron lpf par mutagenèse dirigée conduit à une diminution drastique du pouvoir d’interaction de la souche AIEC LF82 avec des plaques de Peyer murines ou humaines. L’analyse à l’échelle cel-lulaire de l’interaction entre bactéries AIEC et plaques de Peyer a montré que les LPF permettent l’adhésion des bac-téries aux cellules M présentes au niveau de l’épithélium recouvrant les plaques de Peyer (Figure 2).
Une interaction augmentée entre bactéries AIEC et plaques de Peyer pourrait exister chez les patients pré-sentant des mutations du gène NOD2 (nucleotide-binding oligomerization domain containing 2). Ce gène, pre-mier gène de susceptibilité mis en évidence chez les patients atteints de maladie de Crohn [8], code pour le récepteur intracytoplasmique NOD2 capable d’initier une réponse innée des cellules hôtes en réponse à une stimulation par le muramyl dipeptide bactérien. Une étude antérieure utili-sant un modèle murin invalidé pour le récepteur Nod2 avait montré que les plaques de Peyer de ces animaux pré-sentaient à leur surface un nombre de cellules M trois fois plus important que à l’activation de lymphocytes T et B et à
la mise en place d’une réponse immuni-taire adaptative.
Plusieurs études cliniques ont montré que les plaques de Peyer jouent un rôle important dans l’initiation de la mala-die de Crohn. En effet, les observations cliniques suggèrent que les sites initiaux de l’inflammation chez les patients apparaissent au niveau des follicules lymphoïdes, avec des lésions aphtoïdes1
très précoces au niveau de l’épithélium recouvrant les plaques de Peyer [5, 6].
Implication des long polar fimbriae dans le ciblage des plaques de Peyer par les bactéries AIEC
Sur la base des données bibliographi-ques, une étude européenne collabo-rative a été menée afin de détermi-ner si les bactéries AIEC associées à la maladie de Crohn pourraient être à l’origine des lésions précoces au niveau des plaques de Peyer chez les patients atteints de maladie de Crohn [7]. L’ana-lyse de la séquence du génome de la souche AIEC de référence LF82 a permis de mettre en évidence la présence d’un groupe de gènes composant l’opéron lpf, codant les long polar fimbriae (LPF). Les LPF sont des appendices
filamen-1 Un ulcère aphtoïde est constitué d’une petite érosion sur-plombant des follicules lymphoïdes hypertrophiés.
B A
Figure 2. Interaction des bactéries AIEC avec une plaque de Peyer. A. Visualisation d’une plaque
de Peyer murine après coloration à l’hématoxyline-éosine. B. Visualisation des bactéries AIEC (en
rouge) par hybridation à l’aide d’une sonde fluorescente. Les noyaux des cellules sont colorés en bleu par le Hoechst.
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