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Les pratiques de réception comme marques de capital symbolique : le cas du mass-streaming chez les fans de musique populaire coréenne

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Academic year: 2021

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Les pratiques de réception comme marques de capital

symbolique : Le cas du mass-streaming chez les fans

de musique populaire coréenne

Mémoire

Charlotte Bonneau-Crépin

Maîtrise en musique - avec mémoire

Maître en musique (M. Mus.)

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Les pratiques de réception comme marques de

capital symbolique :

Le cas du mass-streaming chez les fans de musique populaire

coréenne

Mémoire

Charlotte Bonneau-Crépin

Sous la direction de :

Serge Lacasse, directeur de recherche

Sophie Stévance, co-directrice de recherche

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Résumé

Les transformations engendrées par l’avènement des réseaux sociaux et des plateformes d’écoute musicale numériques ont vu naître de nouvelles pratiques de réception musicale. Ce mémoire de maîtrise porte sur l’une d’entre elles, exclusive aux admirateurs de musique populaire coréenne. Plus précisément, il traite d’une activité inédite du nom de

mass-streaming, populaire au sein de la communauté d’admirateurs de K-pop (Korean Pop). Cette

pratique consiste en l’utilisation de méthodes visant à faire augmenter le plus rapidement possible le nombre de lectures associées à une chanson sur les plateformes d’écoute musicale numériques. L’objectif de ce mémoire est de déterminer la mesure dans laquelle le

mass-streaming influe sur l’industrie musicale et les admirateurs qui s’y adonnent. Plusieurs

modèles théoriques sont employés afin de formuler une réponse à ce questionnement, notamment ceux des mondes de l’art (Becker 1984), de capital symbolique (Bourdieu 1994) et de capital sous-culturel (Thornton 2013). En guise d’étude de cas, c’est le boyband coréen Beyond The Scene (BTS) et sa communauté de fans qui sont observés. La collecte d’informations a été effectuée en deux phases. La première, qui s’est déroulée entièrement sur Twitter, a consisté en la création d’une collection de tweets sur le sujet du mass-streaming rédigés par des admirateurs. La seconde a été la tenue d’entrevues individuelles semi-dirigées avec des professionnels de l’industrie musicale. Afin de présenter un portrait complet du

mass-streaming, une description du contexte historique menant à son avènement est

effectuée, de même que la présentation des méthodes employées par les admirateurs ainsi que les causes de l’existence du mass-streaming. Finalement, les différents impacts de la pratique sont envisagés en tant que différents types de capital symbolique (économique, social, culturel, sous-culturel) afin de représenter le plus fidèlement possible les répercussions de cette activité sur les différents partis qui y sont impliqués.

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Abstract

The transformations brought upon by the rise of social networks and music streaming platforms have caused the birth of new ways to consume music. This thesis is about one of them, exclusive to fans of Korean popular music. More precisely, it is about a novel activity called mass-streaming, popular amongst the K-pop (Korean Pop) fan community. This practice consists in the use of specific methods that are geared towards the quickest rise possible in streams associated to a particular song on streaming platforms. The aim of this thesis is to determine the measure in which mass-streaming has an influence on the music industry and the fan community. Different conceptual models are applied in order to formulate an answer to that question, namely those of Monde des Arts (Becker 1984), symbolic capital (Bourdieu 1994) and subcultrual capital (Thornthon 2013). As a case study, it is Korean boyband Beyond The Scene (BTS) and its fan community that are studied. Data collection took place in two distinct phases. The first, which took place entirely on microblogging site Twitter, consisted in the creation of a collection of tweets about mass-streaming. The second was made up of a series of semi-directed interviews with music industry professionals. In order to present a complete picture of what mass-streaming is, a description of the historic context and causes that lead to its emergence is made, as well as the presentation of the methods used by fans. Finally, the different impacts of the studied practice are considered as different types of symbolic capital (economic, social, cultural, sub-cultural) in order to represent as precisely as possible the potential repercussions of this new practice on all parties involved in its functioning.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures, tableaux, illustration ... vi

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

0.1 Problématique ... 2

0.1.1 La K-pop ... 2

0.1.2 Les fans de K-pop ... 3

0.1.3 Le streaming ... 5

0.1.4 Objectifs ... 5

0.2 Cadre théorique ... 7

0.2.1 Les sous-cultures ... 7

0.2.2 Local, translocal, virtuel... 8

0.2.3 L’espace social en tant que monde ... 9

0.2.4 La production de capital symbolique ... 9

0.3 Méthode ... 10

0.3.1 Choix du corpus ... 10

0.3.2 Collecte de données ... 11

Chapitre 1 : La K-pop et ses admirateurs ... 14

1.1 La musique populaire sud-coréenne (K-pop)... 14

1.1.1 Origines historiques ... 14

1.1.2 Modèle de recrutement, de formation et de mise en marché des ensembles musicaux .... 16

1.1.3 Prise en popularité à l’international ... 18

1.1.4 Éléments musicaux représentatifs ... 19

1.2 Beyond The Scene (BTS) ... 20

1.2.1 Biographie ... 20

1.2.3 Succès populaire ... 21

1.2.4 Qualités artistiques ... 22

1.2.5 Charité et message ... 22

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1.3 Les admirateurs de musique populaire coréenne ... 23

1.3.1 Les fans de K-pop : caractéristiques générales ... 24

1.3.2 Adorable MC Representative of Youth: La communauté étudiée ... 27

1.3.3 Le système de pratiques ... 29

Sommaire ... 33

Chapitre 2 : Le mass-streaming ... 34

2.1 Le réseau de collaboration ... 34

2.1.1 Aspects translocaux du réseau de collaboration ... 36

2.2 Objectifs de la communauté d’admirateurs ... 37

2.3 Méthodes employées par les admirateurs ... 40

2.3.1 Objet musical ... 40

2.3.2 Apprentissage ... 41

2.3.3 Aspects techniques ... 44

2.4 Causes de l’élaboration du mass-streaming ... 47

2.4.1 Émissions musicales ... 47

2.4.2 Relation avec l’artiste... 48

2.5 La place du mass-streaming dans les autres communautés d’admirateurs ... 52

Sommaire ... 54

Chapitre 3 : Les impacts du mass-streaming ... 55

3.1 Rappels sur les éléments théoriques employés ... 55

3.1.1 Le champ bourdieusien ... 55

3.1.2 Le capital symbolique selon Bourdieu ... 56

3.1.3 Rappel au sujet de la méthode... 56

3.2 Impacts du mass-streaming ... 57

3.2.1 Les impacts du mass-streaming sur l’industrie musicale... 57

3.2.2 Les impacts du mass-streaming sur la communauté d’admirateurs ... 66

Sommaire ... 72

Conclusion ... 73

Références ... 76

Annexe A : Questionnaire ... 81

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Liste des figures, tableaux, illustration

Figure 1: Réseau de collaboration ... 35 Figure 2: Objectifs visés par les admirateurs pour la parution de l’album Map of the Soul :

Persona, le 12 avril 2019. ... 38 Figure 3: Exemple d’infographie dédié à l’apprentissage des méthodes employées afin de faire du streaming ... 43 Figure 4: Capture d’écran tirée du vidéo publié par Kraizzee1, dans lequel on voit deux vidéoclips de Beyond The Scene jouer silencieusement. ... 64 Figure 5: Tableau de calculs de visionnements projetés préparé par BambiinaBTS ... 65

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Remerciements

Je tiens à remercier Serge Lacasse et Sophie Stévance pour leurs précieux conseils et leur immense soutien tout au long de ma démarche. Vos encouragements et les opportunités que vous m’avez offerts au cours des dernières années m’ont permis de m’épanouir d’une manière que je n’aurais jamais cru possible.

Je souhaite aussi remercier ma famille et mes proches, et tout spécialement mes collègues Jacqueline et Jérémi pour leur accompagnement et leur amitié. Un merci tout spécial à Aurélien pour sa patience et son écoute tout au long du processus de rédaction.

Merci au Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada (CRSH) pour l’octroi d’une bourse d’études qui a joué un rôle majeur dans la réalisation de ma maîtrise, et également à l’Observatoire interdisciplinaire de recherche et de création en musique – Université Laval (OICRM-Ulaval) et au décanat de la Faculté de Musique pour l’octroi de nombreuses bourses de déplacement qui m’ont permis de diffuser les résultats de ma recherche dans le cadre de divers colloques.

I also wish to thank everyone that took part in the interviews for providing very valuable insight.

Lastly, I would like to thank ARMY and BTS, without whom this project would have never taken place.

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Introduction

L’avènement des médias numériques, depuis le début du 21e siècle, a apporté des

changements importants concernant les façons dont la culture est consommée. Les réseaux sociaux sont l’un des éléments les plus représentatifs de ces changements, et ont permis la diffusion de médias qui n’auraient autrefois pas été accessibles à tous. Ce processus donne lieu à une offre culturelle renouvelée en raison de l’abondance de contenus en provenance de partout sur la planète. En effet, nous ne sommes plus limités aux biens disponibles localement et avons beaucoup plus de pouvoir quant aux choix que nous faisons en tant que consommateurs. Parmi les régions du globe les plus avantagées par cette convergence globale, l’Asie occupe une place considérable (Jenkins 2007). Pensons par exemple aux bandes dessinées japonaises, connues sous le nom de manga, ainsi que leurs adaptations télévisuelles (anime). Leur diffusion sur le petit écran en Occident vers la fin du 20e siècle,

suivie par leur circulation sur le web, a contribué à la montée en popularité de ces médias de notre côté du globe. Cela donne aujourd’hui lieu à de nombreuses conventions d’amateurs de ce genre télévisuel, qui, par exemple, se déguisent comme leurs personnages favoris (cosplay) ou se procurent des produits issus de la culture nipponne. Bien que le Japon constitue l’un des meilleurs exemples d’un export fructueux de biens médiatiques à l’international, d’autres pays d’Asie se démarquent également. La Corée du Sud, notamment, s’illustre par ses produits culturels uniques tels les K-dramas (séries télévisées à l’eau de rose) ainsi que sa musique, mieux connue sous le nom de K-pop. Ce genre musical de plus en plus populaire, qui se développe dans son pays d’origine depuis les années 1990, fait sa véritable entrée sur la scène occidentale en 2012 avec le succès viral de « Gangnam Style », interprétée par le chanteur Psy. Plus récemment, le boyband Beyond The Scene (BTS)1,

originaire de Corée du Sud, fait des vagues dans l’industrie musicale américaine en remportant de nombreux prix populaires. Il se classe également quatre fois à la tête du palmarès Billboard Album 200, qui dénombre les albums les plus populaires aux États-Unis. Un tel succès n’aurait évidemment pas été possible sans les outils numériques mis à la disposition des acteurs de l’industrie de la musique coréenne, que ce soit sur le plan de la

1 L’acronyme du nom de ce groupe (BTS) est dérivé du coréen BangTan Sonyeondan (방탄소년단), qui

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diffusion du contenu que celui de sa promotion. Non seulement l’offre culturelle est-elle renouvelée, mais nos façons de consommer les médias changent elles aussi. Les fans de K-pop non coréens, par exemple, ont développé de nouveaux modes de consommation grâce aux outils mis à leur disposition par les réseaux sociaux et les plateformes d’écoute musicale en ligne. La présente recherche porte sur le système de pratiques mis en place par les admirateurs de K-pop actifs sur le site de microblogging Twitter. Ces communautés d’individus ont développé de nouveaux moyens de consommer les contenus musicaux et extramusicaux diffusés par les artistes qu’ils admirent. Plus spécifiquement, ce projet s’intéresse à l’un d’entre eux, soit ce que les fans appellent le mass-streaming. Cette pratique consiste en l’utilisation de méthodes qui visent l’augmentation la plus rapide possible du nombre de lectures associées à un fichier multimédia. L’objectif principal sera précisément de décrire cette pratique inédite en la situant dans son contexte, et de traiter de l’impact d’un tel mode de consommation sur les fans eux-mêmes ainsi que sur l’industrie musicale.

0.1 Problématique

0.1.1 La K-pop

La musique populaire sud-coréenne constitue un sujet florissant. Le nombre de monographies et de travaux d’envergure qui portent sur ce sujet augmente d’année en année. Dans Korean

Pop Music: Riding the Wave, Howard (2006) présente un compte-rendu historique de la

formation de ce genre musical tel qu’il existait au début des années 2000. L’évolution très rapide de la K-pop au cours des dernières années rend malheureusement cette description obsolète en ce qui concerne l’état actuel de l’industrie. Le thème le plus récurrent, lorsqu’il est question de ce genre musical, est sans contredit la popularité grandissante qu’elle acquière à l’international. Kuwahara (2014) et Choi et Maliagnkay (2015) traitent de ce thème particulier dans deux ouvrages qui l’explorent en abordant divers sujets spécifiques et en élaborant leurs propres approches théoriques. Les monographies de Lie (2015), Fuhr (2016) et Jin et Lee (2019) sont les plus complètes et les plus à jour, et abordent, elles aussi, le phénomène de la K-pop en observant sa prise en popularité du point de vue mondial. Toutefois, ces ouvrages laissent souvent de côté une description détaillée des admirateurs de ce genre musical en s’intéressant plutôt aux éléments musicaux et sociologiques qui le

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composent. Le projet proposé se penchera plus spécifiquement sur le rôle des admirateurs en contexte numérique.

0.1.2 Les fans de K-pop

Les fans de K-pop occupent une place de plus en plus importante dans la littérature qui porte sur le sujet de la musique populaire coréenne. Ces écrits peuvent être séparés en trois catégories plus ou moins exclusives : 1) ceux relatifs à la localité des pratiques, 2) ceux qui portent sur les fans problématiques et 3) ceux qui s’intéressent aux fans de K-pop et leurs pratiques sur le web. Bien que ce domaine de recherche soit en pleine croissance, il n’en demeure pas moins que les travaux de qualité sur le sujet se trouvent en quantité limitée et sont souvent très récents.

Otmazgin et Lyan (2013) ont publié les premiers travaux consacrés aux fans de K-pop à l’international. Leur description des admirateurs de K-pop en Israël et en Palestine, en ligne ainsi qu’en personne, constitue un défrichage initial de ce domaine d’étude. Marinescu et Balica (2013) se penchent, quant à elles, sur les fans de K-pop roumaines et tentent de déterminer les facteurs qui portent des individus à devenir amateurs de ce genre musical en particulier, dont l’hybridité de ce genre musical et le rapprochement fait par les fans entre la K-pop et la culture coréenne en général. Les fans sud-américains sont ceux qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’observations. Madrid-Morales et Lovric (2015) décrivent d’une façon générale les fans issus de cette région ainsi que de l’Espagne, s’intéressant donc plus généralement aux individus hispanophones. Pour sa part, Choi (2015) met de l’avant le concept d’engagement culturel, c’est-à-dire le fait d’intégrer des biens culturels étrangers à sa propre vie, pour décrire les pratiques de ces individus. Il recense les raisons possibles de la montée en popularité de ce genre musical en Amérique latine, dont fait partie l’imédiateté numérique. Il s’agit d’un concept qui décrit la facilitation du partage des biens par des canaux numériques. Une autre approche est celle de Han (2017), qui interprète la circulation de la musique coréenne en Amérique du Sud comme étant issue de l’existence d’une communauté de fans transculturelle. D’autres régions du monde, comme le Canada (Yoon 2017 & 2018), l’Océanie (Epstein 2016), le Québec (Varutti 2017), l’Afrique (Ghebru 2018), ainsi que l’Indonésie (Sutton 2018) ont fait l’objet d’études de cas. Tous ces écrits, même s’ils constituent les premiers pas dans ce champ d’études, ne présentent pas un niveau de détail

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très approfondi et suffisant pour permettre une compréhension à la fois large (sociologique) et précise (musicologique) du phénomène. La littérature anglophone sur les fans de K-pop coréen n’existe, elle aussi, qu’en petite quantité. Kim (2015) laisse sous-entendre que les pratiques des fans coréens, plus précisément celles liées aux levées de fond, n’existent que pour adoucir l’image souvent négative associée aux admirateurs coréens par la presse locale. Le cas des fans de K-pop aux États-Unis, qui représente pourtant un marché très prometteur pour cette industrie, n’a jamais été traité de manière systématique. Il s’agit toutefois d’un pays très prisé par plusieurs entreprises coréennes, d’où le succès grandissant de plusieurs artistes K-pop.

Les fans dits sasaeng ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche (Williams et Ho 2014; Williams 2016; Iwicka 2015). Ces admirateurs, littéralement « obsédés » par leurs artistes favoris, constituent un sujet de fascination pour plusieurs en ce qu’ils adoptent à quelques occasions des comportements violents. Nonobstant l’aspect parfois sensationnaliste lorsqu’il est question de sujets aussi spectaculaires, c’est principalement la façon dont ces individus perçoivent leur propre identité de fan qui a été explorée.

Pour ce qui est de la présence des admirateurs de K-pop en ligne, quelques travaux sont à dénombrer. Jung (2014), en guise d’étude de cas, traite de la circulation de produits culturels coréens d’une façon transnationale à l’aide des réseaux sociaux. Il en résulte la proposition d’un modèle de « distribution sociale » grâce aux réseaux sociaux ainsi qu’aux fans de musique populaire coréenne. Noh (2015) s’intéresse aux activités de ces individus sur YouTube et examine la manière dont les fans de musique populaire coréenne contribuent à la diffusion de ce genre musical à travers leurs activités. Plus précisément, l’auteur traite de la récupération et de la création de contenu par les fans ainsi que de leur partage à travers différentes plateformes de réseautage social. Il s’agit d’un sujet repris à quelques occasions par d’autres (Oh 2017 a & b; Oh et Lee 2013). De plus, le thème du langage en est un qui fascine de plus en plus les chercheurs. Par exemple, Crow (2019) propose une étude sur le langage utilisé par les fans de K-pop sur le web et Cruz, Seo et Binay (2019) explorent les pratiques de traduction des admirateurs, effectuée le plus souvent du coréen à l’anglais. Bland (2019) propose une approche innovatrice sur le phénomène et avance que l’intelligence émotionelle des admirateurs de musique populaire coréenne pourrait être utilisée comme

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outil de marketing par les acteurs de l’industrie musicale. Dans ces cas, ces travaux ne se penchent pas sur les causes de ces pratiques; ils ne font que décrire ce que les fans font sur les plateformes numériques.

0.1.3 Le streaming

Les travaux sur le streaming, soit une « technique de diffusion de fichiers audio ou vidéo par laquelle ceux-ci sont transmis en un flux continu de données sur un réseau » (Office québécois de la langue française 2017), sont de plus en plus nombreux. La montée du

streaming audio sur des plateformes en ligne comme Spotify, Apple Music et Google Play

Music met de l’avant ce mode d’écoute musicale. Les écrits qui portent sur ce sujet sont d’ailleurs de plus en plus nombreux et couvrent un terrain qui s’élargit constamment. Les ouvrages de Spikler (2018), Hagen (2015) et Johansson et al (2017) rendent compte d’une façon relativement complète des manières dont l’écoute musicale en ligne s’intègre dans la vie quotidienne. Toutefois, l’arrivée encore récente de ce mode de consommation musicale n’a pas permis aux chercheurs qui s’y intéressent de traiter de phénomènes de petite échelle. Ils en sont encore à définir ce qui constitue un usage normal des plateformes d’écoute musicale en ligne. Le mass-streaming, qui constitue l’objet principal de la présente recherche, n’a donc jamais été étudié de manière approfondie. Seuls quelques articles de vulgarisation destinés aux fans, ainsi que des fils de discussion sur des forums rédigés par les admirateurs eux-mêmes, en font état. En observant les réseaux sociaux sur lesquels les fans participants sont actifs, il est pourtant possible de voir que l’existence de cette pratique est indéniable et qu’elle constitue pour certains une part importante de leur expérience de fans de musique populaire coréenne.

0.1.4 Objectifs

Ainsi, les activités des fans de K-pop partout dans le monde ont été le sujet de plusieurs travaux qui permettent de dresser un portrait relativement complet de ce qui représente leur identité à l’échelle locale. Toutefois, à notre connaissance, les fans de K-pop américains n’ont pas fait l’objet d’études en profondeures, alors qu’il s’agit d’un marché de plus en plus visé par plusieurs agences de divertissement coréennes2. Quant aux réseaux sociaux, seuls

2 Why is K-pop's popularity exploding in the United States? grammy.com,

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quelques écrits récents, de petite envergure, constituent les savoirs scientifiques sur le sujet. Les pratiques des fans de K-pop dans l’espace numérique présentent toutefois une complexité beaucoup plus riche que ne laisse paraître l’étendue des connaissances sur ce sujet. De plus, la façon dont les fans de musique populaire coréenne réagissent au contenu produit par leurs artistes favoris n’a jamais été étudiée. Les travaux qui portent sur le streaming laissent également de côté les activités de plus petites envergures tel le mass-streaming. Cette nouvelle pratique de réception, rendue possible grâce au contexte de convergence médiatique dans lequel nous nous trouvons, a jusqu’à présent été complètement ignorée par la communauté scientifique. Ce choix, probablement dû à un manque de connaissance en profondeur de la part des chercheurs qui pourraient potentiellement s’y intéresser, crée un manque important dans la littérature sur le sujet. Du point de vue des acteurs de l’industrie musicale, il est primordial d’être au fait des innovations en matière de consommation des biens culturels afin de prendre des décisions d’affaires éclairées. Le manque d’information sur le sujet crée par contre un vide important lorsqu’il est question de la thématique des fans de musique populaire coréenne. Ce projet aura donc comme objectif principal de combler ce manque en décrivant le mass-streaming, ses causes ainsi que ses impacts. Il se penchera précisément sur la manière dont le mass-streaming contribue à influencer, d’une part, les

fans, et, d’autre part, l’industrie musicale. Quelles sont les causes derrière l’existence de cette

pratique ? Quelles sont les implications qui sous-tendent la réalisation de cette activité ? En guise d’étude de cas, et afin de délimiter la présente recherche, nous étudierons un artiste en particulier, soit le groupe coréen Beyond The Scene ainsi que ses fans, actifs sur la plateforme de microblogging Twitter. Les objectifs de ce projet seront de : 1) décrire le contexte sous-jacent à l’avènement du mass-streaming; 2) décrire la pratique du mass-streaming; et 3) traiter des multiples impacts de cette activité sur les fans qui s’y adonnent ainsi que sur l’industrie musicale.

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0.2 Cadre théorique

En vue d’atteindre nos objectifs, plusieurs outils théoriques seront mobilisés afin d’éclairer différentes sections du projet.

0.2.1 Les sous-cultures

Ce projet s’intéresse aux pratiques d’une communauté d’admirateurs et cette dernière est abordée comme une « sous-culture ». En accord avec Gelder (2005), une sous-culture est définie comme un « groupe d’individus qui sont, d’une certaine façon, représentés comme étant non normatifs et/ou marginaux à travers leurs intérêts et pratiques particulières et ce qu’ils sont, qui ils sont et où ils le font » (p.5). Comme on le constatera, le groupe de fans étudié correspond à ces critères et se distingue de la plus large communauté d’admirateurs de K-pop actifs sur le web. Quelques remarques sont toutefois nécessaires afin de préciser le contexte dans lequel les individus étudiés sont considérés comme faisant partie d’une sous-culture. Ce concept a été utilisé par plusieurs au fil du temps afin de faire référence à des cas très différents.

Les premiers chercheurs à s’intéresser aux sous-cultures le font dans le contexte de l’après-guerre britannique et étudient principalement des groupes de jeunes issus de la classe ouvrière dans les années 1960 et 1970. Ces sous-cultures « spectaculaires » (punks, mods, teddy boys, etc.) sont le plus souvent envisagées par les chercheurs du Centre For Contemporary Cultural Studies3 sous l’angle de la résistance et de la déviance. Ces travaux fondateurs, bien qu’à

l’origine de plusieurs textes encore cités aujourd’hui, ont fait l’objet de moult critiques au fil du temps. Les modèles élaborés par ces premiers chercheurs se doivent d’être adaptés à chaque étude, puisque le contexte socioculturel a grandement évolué depuis cette époque. Ces travaux se situent, en effet, dans un milieu très particulier et ne peuvent en aucun cas représenter la multiplicité d’autres sous-cultures existantes à l’époque ou aujourd’hui. Par exemple, le numérique et les réseaux sociaux ont créé un nouvel espace, qui permet à n’importe qui de prendre part à des communautés tout en restant chez soi et tout en ne prenant pas une identité visuelle « spectaculaire », c’est-à-dire qui pourrait faire référence à l’apparence tappe à l’œil des punks ou des goths. Nous verrons toutefois qu’à travers leurs

3 Le Center for Contemporary Cultural Studies (CCCS) était un groupe de chercheur base à Birminghan, en

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pratiques, les participants à la sous-culture résistent, d’une certaine façon, aux normes en place au sein de l’industrie musicale. Ils dévient également des pratiques normales auxquelles s’adonnent d’autres fans de musique populaire coréenne. Malgré ces lacunes, nous nous référerons à la définition générale de Gelder afin de conceptualiser la communauté de fans étudiée et leurs pratiques.

0.2.2 Local, translocal, virtuel

Bennet et Pearson (2004), lors de leur étude des scènes musicales, en mettent de l’avant trois types : locales, translocales et virtuelles. Les scènes musicales, selon ces auteurs, sont des ensembles de producteurs, musiciens et fans qui partagent des goûts musicaux similaires et qui se distinguent consciemment des autres. Bien qu’il s’agisse d’un concept qui se rapproche visiblement de celui de culture, il est important de bien distinguer les deux. Une sous-culture implique une certaine déviance par rapport aux normes de la société hégémonique et la présence d’agissements régis par des standards sous-culturels clairs (Thornton et Gelder 1997). Les individus qui prennent part à une scène musicale, eux, bénéficient d’une plus grande latitude dans la négociation de leur identité (Bennett 2000). Toutefois, en faisant abstraction des différences entre les deux concepts, les conceptualisations de la localisation d’une communauté conviennent également bien aux sous-cultures. Ici, nous considérerons la sous-culture étudiée comme étant principalement translocale, ce qui signifie qu’elle est composée de plusieurs communautés locales qui communiquent régulièrement entre elles et échangent des informations et des objets. Il pourrait être tentant de la voir comme étant de type virtuel, puisque la plus grande partie des activités des fans se situent sur diverses plateformes numériques. Toutefois, nous constatons qu’ici, les réseaux sociaux ainsi que les services d’écoute musicale en ligne font office d’outils utilisés par les individus concernés afin de communiquer et de remplir leurs objectifs, qui sont généralement axés sur un endroit précis, tels les États-Unis ou la Corée du Sud. Ils sont employés afin d’avoir une répercussion sur le local, ce qui met de côté l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une scène virtuelle, ou l’attention serait mise sur des pratiques destinées à avoir un impact direct sur l’espace numérique.

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0.2.3 L’espace social en tant que monde

Les pratiques décrites dans le cadre de ce projet seront envisagées comme s’insérant dans un réseau de collaboration qui implique plusieurs acteurs issus de milieux différents. Ce modèle s’apparente à celui des mondes de l’art élaboré par Becker (1984). Il s’agit de « l’ensemble des individus et des organisations dont l’activité est nécessaire pour produire les événements et les objets qui sont caractéristiques de ce monde » (Becker 1983 p. 404). Bien que ce modèle soit le plus souvent employé afin de décrire des pratiques artistiques, nous l’utiliserons afin de décrire les différents acteurs impliqués dans ce « monde des fans » ainsi que leurs rôles spécifiques au sein de la sous-culture dont ils font partie. Le fait de considérer l’espace social qu’occupent les fans en tant que « monde » comme l’entend Becker permettra également d’illustrer l’existence de conventions et de réseaux de collaboration entre les différents acteurs actifs au sein de la communauté. Nous ferons usage de ce modèle lors de la description des pratiques des fans et des acteurs actifs au sein du milieu étudié, ce qui correspond à l’un des objectifs principaux du projet.

0.2.4 La production de capital symbolique

Afin de de discuter des impacts de la pratique du mass-streaming, ce qui constitue le troisième objectif, nous choisissons d’adopter un autre modèle théorique. En effet, même si le concept de « monde » permet de traiter du résultat occasionné par les activités étudiées, il nous limite lorsque vient le temps de traiter en détail des types d’impacts générés à travers le

mass-streaming. Nous envisagerons donc également ce phénomène comme un champ de

production symbolique (Bourdieu 1971) afin de discuter des quatre types de capitaux symboliques produits à l’occasion des activités pratiquées par les fans. Le premier, le capital

économique, est représenté par toute somme monétaire ou bien matériel qui appartient à un

acteur actif au sein du champ. Le capital social, quant à lui, représente « la somme cumulée des ressources potentielles ou réelles liées à la possession d’un réseau de relations mutuelles de connaissances ou de reconnaissances » (Bourdieu 1980 p.2). Le troisième type, le capital

culturel, se manifeste de diverses manières. Il peut se présenter de façon matérielle, soit sous

la forme de livres, d’œuvres d’art, etc., mais peut également exister en tant que qualifications académiques ou encore en tant que ce qu’on appelle la possession de « culture générale » (Bourdieu 1986). Thornton (1995) approfondit et adapte le concept de capital culturel, qui est, selon elle, principalement reconnu au sein de la culture hégémonique, et met de l’avant

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ce qu’elle appelle le capital sous-culturel. Comme l’indique son nom, il s’apparente au capital culturel, mais s’en distingue puisqu’il est détenu par des membres d’une sous-culture et est représenté par l’utilisation appropriée des normes en place au sein d’une sous-culture. Ainsi, nous observerons, à l’aide de ce modèle, les différents impacts de la pratique du

mass-streaming en tant que capital symbolique, qui se décline en capitaux économique, social,

culturel et sous-culturel.

Nous nous demandons, à la lumière de ces précisions sur les outils théoriques qui seront utilisés afin d’encadrer nos analyses, dans quelle mesure le mass-streaming contribue-t-il à la production de capital symbolique au sein, d’une part, de la sous-culture auxquels les admirateurs participent et d’autre part de l’industrie musicale?

0.3 Méthode

Plusieurs étapes mèneront à une ébauche de réponse à ce questionnement. Premièrement, le contexte sociohistorique qui a mené à la formation du mass-streaming sera présenté. Deuxièmement, une description détaillée de la sous-culture en question et de ses différents acteurs sera effectuée selon la vision des mondes de l’art de Howard Becker. Finalement, les impacts de cette pratique seront présentés sous la forme de différents types de capitaux symboliques, que ce soit lorsqu’il est question de l’industrie musicale ou des fans eux-mêmes.

0.3.1 Choix du corpus

Afin de présenter une analyse cohérente du phénomène étudié, un artiste K-pop en particulier a été sélectionné. Il s’agit du groupe Beyond The Scene et de sa communauté de fans, qui se nomment les « ARMYs ». Beyond The Scene, mieux connu sous l’acronyme BTS, est un boyband coréen composé de 7 individus, dont la première parution musicale date de juin 2013. Les membres du septet sont aujourd’hui parmi les artistes coréens les plus connus à l’international et s’illustrent particulièrement sur la scène musicale américaine. À ce jour, quatre de leurs albums se sont inscrits à la première position du Billboard 2004 et ils sont

récipiendaires de multiples prix du public aux Billboard Music Awards, People’s Choice Awards et American Music Awards. Leur communauté d’admirateurs est reconnue pour sa

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dévotion, son intensité et son nombre de membres de plus en plus grand. La prééminence de ce groupe ainsi la taille de leur communauté de fans constituent donc deux facteurs importants dans le cadre de leur sélection. Il est important de mentionner que l’auteure de ces lignes est elle-même fan de ce groupe. Sa connaissance préliminaire de l’artiste et de la communauté d’admirateurs dont elle fait partie a constitué un élément important dans le choix de Beyond The Scene comme artiste central à ce projet de recherche. Bien que des efforts seront effectués afin de ne pas faire transparaître ce biais à travers les résultats de la recherche, il est évident que la position de l’auteure constitue un élément primordial de la méthode employée dans le cadre de ce projet. Cette position particulière au sein de la communauté étudiée s’apparente à celle employée par Hodkinson (2002). Il se considère comme un initié critique5 au sein de la sous-culture gothique anglaise et utilise sa position de

participant et de chercheur afin de continuellement « prendre du recul mental afin d’observer, comparer, contraster, questionner ainsi que de vivre » (Hodkinson 2002 p. 12, traduction libre) les expériences relatives à son appartenance à cette sous-culture. Plusieurs des activités de collectes de données effectuées dans le cadre de ce projet ont été rendues possibles par l’adoption de cette posture qui se situe entre la pratique, l’observation et la critique.

0.3.2 Collecte de données

La collecte de données, qui a suivi l’obtention d’un certificat d’éthique6, s’est effectuée en

deux phases. La première a consisté en la création d’une collection de 750 tweets, réalisée à l’aide du site de microblogging Twitter et de l’application Tweetdeck. La seconde a été la tenue d’une série d’entrevues avec des professionnels de l’industrie musicale américaine.

0.3.2.1 Première phase

C’est Twitter, site de microblogging, qui a été choisi comme espace principal pour la collecte de données, car il s’agit du principal lieu de convergence des membres de la communauté d’admirateurs. La particularité de ce réseau social est qu’il permet à ses utilisateurs de partager de courts messages d’une longueur maximale de 180 caractères. L’application Tweetdeck, qui permet de combiner plusieurs fils d’information simultanément, a été utilisée

5 Traduction libre du terme critical insider, originellement employé par Hodkinson (2002).

6 Ce projet a été examiné en conformité avec les Modalités de gestion de l’éthique de la recherche sur des

êtres humains de l’Université Laval par le comité plurifacultaire d’éthique de la recherche (numéro

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afin d’assembler la collection de tweets un à un, de février à août 2018. Trois fils différents ont été utilisés. Le premier était composé de comptes sélectionnés spécialement en raison de la nature de leurs activités. Les deux autres étaient des fils de recherche en continu qui affichaient tous les tweets qui comportaient la combinaison des mots « BTS » avec « streaming » et « BTS » avec « stream ». Les microbillets les plus pertinent ont par la suite été sélectionnés individuellement et ajoutés à une collection, qui à la fin de sa composition en comportait 750. La plupart des tweets choisis sont rédigés en anglais, principale langue d’échange au sein de la communauté étudiée, et également car notre compréhension du coréen ne me permet pas de saisir les subilités de cette langue. Il est important de préciser que ces données ont été choisies et représentent, d’une certaine façon, la vision de l’auteure en ce qui concerne certains aspects des pratiques étudiées. Des efforts ont été déployés afin de faire en sorte que la collection de tweets représente le plus fidèlement possible les faits de façon objective, mais nous considérons toutefois que notre connaissance approfondie de cette sous-culture a contribué à opérer une sélection éclairée.

La méthode d’analyse employée se situe à mi-chemin entre l’analyse documentaire et l’analyse de contenu. Les mots et expressions clés propres à chaque tweet ont été extraits et ordonnés alphabétiquement afin de créer un index alphabétique (Muchielli 2006). Cette opération a permis de faire ressortir le « langage naturel » employé par les fans, et d’ainsi créer un portrait de leurs préoccupations en tant que participants à la sous-culture étudiée. Tous les éléments indexés ont par la suite été classés dans différents thèmes, catégories et sous-catégories à partir de leurs propres significations. Ces éléments n’étaient donc pas préétablis et ont été déterminés au moment même de la catégorisation. Au final, sept thèmes principaux ont été dégagés. Il s’agit de ceux qui attraient aux différents acteurs mentionnés, au système de pratiques auquel les fans prennent part, aux méthodes que les fans emploient, à leurs objectifs, à l’impact de leurs pratiques, à la relation entre les fans et l’artiste et finalement à la translocalité des pratiques7. Chacun de ces thèmes a été employé afin de

structurer et déterminer le contenu présenté.

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0.3.2.2 Seconde phase

Afin d’appuyer les informations colligées auprès des fans, une série d’entrevues a été réalisée avec des professionnels de l’industrie musicale basés en Amérique du Nord. Les six participants occupent tous des postes différents au sein de la même entreprise, ce qui nous a donné l’occasion d’avoir accès à une multitude de perspectives différentes sur le phénomène. À la demande des participants, le nom de leur employeur, de même que les appellations de leurs postes et des départements dans lesquels ils travaillaient au moment des entretiens ne seront pas révélés. Ces entrevues semi-dirigées, d’une durée approximative de vingt minutes chacune, auront comme fonction de supporter et compléter les informations tirées des micro-messages sélectionnés, qui contiennent parfois des informations incomplètes ou peu approfondies. Les questions posées lors des entrevues portaient sur Beyond The Scene et ses

fans, leurs pratiques en général ainsi que le mass-streaming et ses impacts. Le questionnaire

utilisé lors des entrevues se trouve en annexe à ce mémoire. Les informations collectées au moment de ces entrevues ont eu comme fonction d’appuyer certains des éléments présents au sein du discours des fans afin d’en approfondir leur compréhension, et ont principalement contribué au chapitre 3 du mémoire.

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Chapitre 1 : La K-pop et ses admirateurs

L’objectif principal de ce chapitre est de situer le mass-streaming dans son contexte sociohistorique en traitant en détail de la K-pop et de ses admirateurs. Cette section du mémoire sera divisée en deux. Dans la première partie, nous présenterons les origines de la musique populaire sud-coréenne, et ce en deux temps : ses racines coréennes et les éléments qu’elle tire d’autres genres musicaux. La prise en popularité à l’international de ce genre sera également présentée afin de faire état des moments les plus marquants de son histoire. Par la suite, il sera question de ses principales caractéristiques des points de vue musicaux et visuels. Pour conclure cette première section du chapitre, une présentation biographique de l’artiste étudié dans le cadre de cette recherche, Beyond The Scene, sera effectuée afin de mettre en contexte le cas spécifique que nous observerons par la suite. La seconde partie présentera les admirateurs de K-pop. Il sera question de la communauté de fans au sens général, en faisant état du portrait des pratiques respectives aux fans en Corée du Sud ainsi qu’à l’international. Finalement, le groupe d’admirateurs étudié dans le cadre de cette recherche sera introduit. Une attention particulière sera portée à la dynamique de ce regroupement, actif sur la plateforme de microblogging Twitter, ainsi qu’à leur système de pratiques.

1.1 La musique populaire sud-coréenne (K-pop)

1.1.1 Origines historiques

La musique populaire coréenne est née d’une multitude de métissages musicaux survenus au cours du XXe siècle. Bien qu’elle descende d’une riche histoire musicale qui remonte à

plusieurs siècles, nous choisissons d’entamer notre compte-rendu à la fin du XIXe, lors de

l’arrivée des premiers missionnaires chrétiens sur la péninsule coréenne. Ils furent responsables de l’introduction de chants, connus sous le nom de chang’ga, qui étaient en réalité des cantiques sur lesquels on avait apposé des paroles coréennes (Fuhr 2016 p.39). Ces morceaux furent repris par les Japonais qui, lors de la période coloniale coréenne (1910-1945), y introduisirent leurs systèmes de gammes. Cela donna naissance au t’ûrot’û, genre musical encore très populaire aujourd’hui. La fin de la Seconde Guerre mondiale, et par conséquent la fin de la colonisation japonaise en Corée, donna lieu à l’introduction d’une nouvelle culture musicale dans ce pays : celle en provenance des États-Unis(Lie 2015 p.41).

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D’abord introduite dans les camps militaires répandus à travers la Corée du Sud, la musique populaire et le jazz, dont les troupes américaines étaient particulièrement friandes, devinrent rapidement des éléments à part entière de la culture musicale sud-coréenne. La division de la péninsule en deux pays distincts, qui mena éventuellement à la Guerre de Corée (1950-1953), renforça la popularité des musiques en provenance de l’Amérique dans le sud capitaliste. Cette région ne fut pas épargnée par la prise en popularité des Beatles dans les années 1960. En fait, le quatuor anglais fut une telle inspiration pour les musiciens coréens qu’il fut à l’origine de l’apparition d'un nouveau genre appelé group sound. Des ensembles semblables aux Beatles devinrent populaires à travers tout le pays, appuyés par l’arrivée massive de la télévision et de la radio dans les foyers coréens(Kim 2012 p.54). La musique populaire coréenne, jusqu’à la fin des années 1960, peut donc être divisée en trois principaux rameaux : Le t’ûrot’û, le jazz ainsi que le group sound, trois genres qui tirent leurs origines de l’extérieur de ce pays.

La scène musicale locale fut changée d’une manière permanente en 1992 lors de l’avènement du trio hip-hop Seo Taiji & Boys. Cette formation tire ses origines de plusieurs endroits. Une prise de contact avec le hip-hop fut possible grâce à la diffusion massive de culture populaire occidentale à la télévision et la radio. La jeunesse coréenne, désenchantée par le climat austère dans laquelle elle avait été élevée, avait besoin d’un exutoire qui représentait leurs préoccupations. Seo Taiji & Boys se présentèrent comme une concrétisation de leurs idéaux. Leur musique consistait en une rencontre entre le hip-hop et le heavy métal, sur laquelle ils effectuaient des chorégraphies généralement assez élaborées8. Le trio réussit à gagner le cœur

du public et devint l’un des artistes musicaux les plus populaires de l’histoire musicale sud-coréenne jusqu’à la rupture du groupe en 1995. Seo Taiji & Boys sont vus comme les pionniers de ce qui est aujourd’hui connu sous le nom du genre auquel nous nous intéressons : La K-pop.

8 La première performance de ce groupe eut lieu en 1992 dans le cadre d’un concours musical télévisé.

Disponible au lien suivant, elle commence au minutage 1:21 https://www.youtube.com/watch?v=QjGacuy0eTU

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1.1.2 Modèle de recrutement, de formation et de mise en marché des ensembles musicaux La séparation de Seo Taiji & Boys crée un vide important sur la scène musicale coréenne. La popularité de ce groupe met toutefois de l’avant un nouveau public : les adolescents. Lee Sooman, homme d’affaires coréen, y voit une occasion de mettre sur pied une affaire lucrative et fonde SM Entertainment, qui fait à la fois office de maison de disques et d’agence d’artistes. Le premier groupe formé par Sooman, H.O.T, connaît dès ses débuts en 1995 un succès immense. Afin de mettre sur pied cet ensemble composé de cinq membres, Sooman s’inspire de la méthode employée par l’homme d’affaire Lou Perlman afin de créer les Backstreet Boys et N*SYNC.

Recrutés au moyen d’auditions, les membres de ces deux boybands dont la popularité fut sans précédent en Amérique du Nord et en Europe dans les années 1990 avaient suivi, pendant plusieurs mois avant leurs débuts officiels, un programme de formation destiné à perfectionner leurs compétences en chant, danse et autres9. Les jeunes hommes membres de

ces deux groupes, sélectionnés non seulement en fonction de leurs talents artistiques, mais également pour leur charisme, furent par la suite propulsés dans la sphère publique et devinrent particulièrement populaires auprès des adolescentes.

Lee Sooman reprend la totalité de ce système et y fait quelques modifications. Il recrute les membres de H.O.T au moyen d’auditions, les forme à la danse, au chant, au jeu scénique et aux langues étrangères. Il se charge également d’héberger le groupe, s’assure de leur subsistance, et attribue à tous les membres un rôle particulier au sein de la formation en fonction de leurs forces individuelles. Certains sont chargés du chant, alors que d’autres se spécialisent dans la danse et également en rap. Un responsable de la communication entre l’agence et le groupe est nommé. La formation de ce premier groupe de style boyband en Corée du Sud met en place la norme qui est encore employée aujourd’hui au sein de cette industrie. Aujourd’hui, les jeunes artistes pris en charge par les agences peuvent parfois passer des années en tant que trainees avant de faire leurs débuts officiels au sein de groupes. Ce système, souvent comparé à celui qu’emploierait une usine, a été critiqué à maintes

9 Seabrook, John, « We Live in a Pop Culture World that Lou Pearlman Created », repéré au

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reprises comme en étant un qui engendre de l’exploitation10. Conformément aux normes

contractuelles de l’industrie, il est courant que les membres d’un groupe ne reçoivent aucun salaire avant d’avoir entièrement remboursé, à travers leurs activités professionnelles, le montant dépensé afin de les former et de les mettre sur le marché. Les idols, nom donné aux membres des groupes de style boyband et girlgroup qui émergent de ce système de formation, vivent souvent dans de mauvaises conditions de vie et doivent traverser plusieurs années de pauvreté et de travail acharné afin de pouvoir éventuellement recevoir un salaire considérable.

Afin de rembourser cette dette astronomique, les groupes font en général paraître deux ou trois albums par année. Dû à cette obligation de produire rapidement une grande quantité de matériel musical, les formats les plus communs en Corée du Sud sont les albums simples et les EP, qui comptent normalement moins de sept plages musicales. Une autre raison derrière ce rythme de production aussi rapide est la saturation dont fait preuve le marché. Une caractéristique notable des parutions musicales coréennes est la manufacture systématique d’albums physiques aux apparences uniques, ce qui transforme les parutions en objets de collection. L’édition de multiple version de l’emballage d’un même album est également chose commune. L’emploi de cette technique permet d’augmenter la quantité d’unités vendues, et contribue à rembourser les dettes que détiennent les artistes envers leurs agences. Afin de ne pas perdre l’attention du public, un groupe se doit de rester sous les projecteurs le plus longtemps possible, et ce particulièrement s’il vient tout juste d’effectuer ses débuts. Les périodes qui suivent la parution d’albums sont souvent très chargées pour les idol groups. Ils participent quotidiennement aux émissions musicales diffusées 6 jours par semaine sur les chaînes télévisées coréennes. Ces productions ont comme fonction de présenter la musique des groupes qui effectuent un comeback, nom communément donné aux nouvelles parutions. Ces performances en direct sont accompagnées de chorégraphies élaborées, de costumes flamboyants et de conception scénographique sur mesure pour chacune des chansons promues par les groupes.

10 Kim, Jihyun, « The Other Side of K-pop and Korean Music: Labor Abuse », repéré au

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L’agence formée par Lee Sooman, SM Entertainment, est encore active aujourd’hui. Elle est l’une des entreprises musicales sud-coréennes qui jouissent du plus de succès. D’autres compagnies dignes de mention sont YG Entertainment, JYP Entertainment ainsi que Bighit Entertainment. Mis à part la dernière, toutes ces entreprises ont été fondées dans les années 1990 et comptent aujourd’hui un grand nombre d’artistes au succès important en Corée du Sud et également à l’international. Il existe aussi une multitude d’autres agences de plus petites envergures qui sont responsables d’une quantité moins importante de groupes. 1.1.3 Prise en popularité à l’international

Dès les débuts de la K-pop dans les années 1990, l’industrie coréenne y voit un potentiel important pour son export à l’international. Ces efforts mènent à une prise en popularité en deux temps, soit en Asie, dans le début des années 2000 et par la suite en Occident vers la fin de cette décennie. La SM Entertainment est également pionnière dans le champ de l’export de ce genre musical. Le premier groupe mis sur pied par l’agence, H.O.T, connaît un succès important en Chine dès l’an 2000(Fuhr 2016 p.11). Il y vend plus de 400 000 albums en moins d’un an. Le premier export couronné de véritable succès est attribué à la chanteuse BoA, recrutée par SM Entertainment au début des années 2000, qui reçoit une formation spécifiquement axée sur le marché musical japonais. Pendant les deux années qui précèdent la sortie de son premier album en l’an 2000, elle suit des cours de japonais et d’anglais afin de pouvoir s’intégrer aisément à cette scène. Les premières années de sa carrière sont couronnées d’un succès important. Ses débuts américains, en 2008, sont toutefois mal reçus. Les admirateurs sont déçus du changement d’apparence de la chanteuse, qui se transforme radicalement afin de se conformer aux normes esthétiques de l’industrie culturelle américaine. Un groupe de la JYP Entertainment, les Wonder Girls, est en mesure de se démarquer dans ce marché très compétitif et y fait preuve d’un succès plus important. Par exemple, en 2009, les membres de ce girlgroup participent à la tournée américaine du groupe The Jonas Brothers11. L’une de leurs chansons, « Nobody » (2007), se classe à la 76e position

du palmarès américain Billboard Hot10012, ce qui marque l’inscription d’un record pour un

11 Liu, Marian, « Asian Superstars Wonder Girls Open for Jonas Brothers », repéré au

https://www.seattletimes.com/entertainment/asian-superstars-wonder-girls-open-for-jonas-brothers/

12 Herman, Tamar, « Looking Back On Wonder Girls' 'Nobody,' A Decade Later », repéré au

https://www.billboard.com/articles/columns/k-town/8476481/wonder-girls-nobody-10-year-anniversary-k-pop-hot-100-chart

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artiste coréen qui ne sera pas égalé jusqu’à la sortie de l’iconique « Gangnam Style » par le chanteur Psy en 2012. Cette chanson, qui a sans doute marqué l’imaginaire populaire d’une façon indélébile, se diffuse d’une façon virale sur la toile dès sa sortie en juillet 2012. Son vidéoclip devient le premier de l’histoire de YouTube à atteindre le milliard de visionnements. « Gangnam Style » inscrit de nouveaux records pour une chanson par un artiste coréen qui ne seront pas égalés pendant plusieurs années. À partir de 2017, c’est Beyond The Scene qui se démarque sur la scène internationale, et ce particulièrement aux États-Unis. Puisqu’il s’agit du groupe sur lequel porte cette recherche, sa biographie détaillée sera présentée dans une section ultérieure.

1.1.4 Éléments musicaux représentatifs

La musique K-pop s’apparente en plusieurs points à la pop « top 40 » américaine, mais comporte quelques caractéristiques distinctives qui en font un genre à part entière. La première est la prédominance du coréen dans les paroles des chansons. Bien qu’une certaine quantité d’anglais soit insérée lors des accroches et des refrains(Fuhr 2016 p.63), la langue nationale a priorité. L’anglais est utilisé afin de rejoindre une audience non coréenne, qui n’aurait sans l’emploi de cette technique aucun moyen de comprendre les thèmes qu’abordent les chansons. Les sujets abordés par les artistes K-pop s’apparentent souvent à ceux employés dans la musique populaire occidentale. Il est rare que des thématiques taboues, telles le sexe ou la violence, soient abordées, et ce afin de pouvoir rejoindre un public aussi large que possible. Une autre des caractéristiques musicales définissantes de ce genre est l’usage de rap, qui fut introduit par Seo Taiji & Boys. Comme mentionné précédemment, certains membres des groupes se voient attribués le rôle de rappeur et performent, dans chacune des chansons, des sections dans ce style vocal. L’omniprésence de chorégraphies lors de performances en direct crée l’émergence de nouvelles structures formelles, dont celle que Fuhr (2016) nomme la hook form. Elle se distingue par la présentation de l’accroche dès le début d’une chanson ainsi que sa répétition lors de chaque refrain. L’adoption d’une telle forme permet de mettre en valeur la chorégraphie, qui est la même lors de chaque itération de l’accroche. Cela engendre la création d’une accroche visuelle, ce qui constitue un élément important dans le contexte d’un genre qui repose fortement sur la performance en direct et le visuel. Chaque sortie d’album est accompagnée de la parution d’un vidéoclip pour la chanson qui sera promue à la télévision, qui porte le nom de title track. Dans le domaine de la musique

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populaire coréenne, le vidéoclip constitue une production d’envergure, qui présente souvent des visuels attrayants et colorés et évoque rarement des lieux bien précis. Cette création audiovisuelle joue un rôle très important dans la diffusion de ce genre musical. Il s’agit souvent du premier contact qu’aurait quelqu’un avec cet univers musical. Il est donc important d’y présenter la meilleure image des artistes possible. La présence de non-lieux (Fuhr 2016 p.113), soit de plateaux de tournage qui n’évoquent aucun endroit précis, constitue également un facteur d’importance puisqu’il permet à l’auditeur, peu importe sa provenance, de se reconnaître dans le contenu avec lequel il est en contact. Tout comme l’usage de rap et d’anglais, il s’agit d’une stratégie employée afin de rendre la K-pop attrayante pour tous.

1.2 Beyond The Scene (BTS)

L’artiste choisi comme étude de cas dans le cadre de cette recherche, Beyond The Scene, jouit d’une popularité sans précédent à l’international comme dans son pays d’origine. Voici sa biographie ainsi que quelques éléments importants relatifs à sa popularité.

1.2.1 Biographie

Beyond The Scene, mieux connu sous son acronyme BTS, est un septuor composé de 7 membres de nationalité coréenne. Leur début musical officiel, effectué en juin 2013, reçoit initialement une réaction mitigée en Corée du Sud, mais éveille l’enthousiasme des fans internationaux. Leur agence, BigHit Entertainment, mise sur une image obscure lors du lancement de leur premier groupe masculin, et ce malgré le peu de moyens financiers dont la compagnie dispose. Le premier album simple de l’ensemble, 2 Cool 4 Skool (2013) présente des sonorités fortement inspirées de la culture musicale hip-hop américaine, style qu’ils embrassent pour les deux premières années de leur carrière. Le rap y joue un rôle central et met largement en valeur les trois membres qui sont responsables de cet aspect. La musique de BTS est, dès les débuts du groupe, reconnue pour être accompagnée de chorégraphies particulièrement difficiles. Plusieurs de ses membres ont d’ailleurs été retenus avant les débuts de l’ensemble pour leurs qualités de danseurs. Leur second album, un EP qui s’intitule

O ! RUL8, 2 ? paraît en aout 2013. À ce moment, leur musique aborde principalement les

difficultés rencontrées par la jeunesse, telles les pressions engendrées par un système scolaire strict. La formation musicale bénéficie d’un succès grandissant, mais toujours tiède, en 2014.

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Cette année-là, ils font paraître deux nouveaux albums, Skool Luv Affair et Dark & Wild. La parution de The Most Beautiful Moments In Life Pt.1, en avril 2015, qui affiche un virage vers un son à l’aspect electronic dance music et pop, propulse le groupe à des niveaux de popularité qu’ils n’ont jamais encore atteints, et ce particulièrement à l’international, où leur communauté d’admirateurs grandit à une vitesse rapide. La parution de The Most Beautiful

Moments In Life Pt.2 cimente leur succès sur la scène mondiale. Il faudra attendre en 2016

pour que BTS gagne le cœur du public coréen avec deux albums qui enregistrent des chiffres de ventes encore jamais vu pour le septuor, soit The Most Beautiful Moments In Life : Young

Forever en avril et Wings en octobre. Cet album est précommandé plus de 500 000 fois à

l’international et se classe à la 26e position du palmarès Billboard 200 grâce aux 16 000

albums vendus aux États-Unis dans la première semaine, en faisant à ce moment l’album K-pop le plus vendu dans ce pays. La prise en K-popularité rapide de Beyond The Scene se poursuit en 2017 avec la sortie de You Never Walk Alone et Love Yourself : Her, qui se classe en 7e position du Billboard 200. Ce record est toutefois rapidement surpassé en mai 2018 lors

du lancement de Love Yourself : Tear, qui devient le premier album coréen à atteindre la première position du Billboard 200. BTS répète cet exploit à deux reprises avec Love

Yourself : Answer et Map Of The Soul: Persona, parus respectivement en aout 2018 et avril

2019. Ce dernier est précommandé plus de 3 millions de fois13. Il se classe à la tête des

palmarès des ventes d’albums dans 7 pays14 et dans le top 10 dans 26 pays. Leur plus récent

album, Map of the Soul : 7, fracasse de nouveau les records de vente pour un album coréen. 1.2.3 Succès populaire

Il va sans dire que Beyond The Scene a atteint un niveau de succès inégalé dans l’histoire de la musique en Corée du Sud. Le groupe est récipiendaire de nombreux prix au Billboard Music Awards, American Music Awards et People’s Choice Awards. Le plus notable est celui reçu aux Billboard Music Awards 2019, ou le groupe est nommé Top Group/Duo. Ils sont également invités à l’édition 2019 et 2020 des Grammy Awards, où ils sont nominés dans une catégorie et présentent un des prix lors de la cérémonie télévisée. Leur tournée

13 Rapir, Jessica, « BTS Reveals Collaboration With Ed Sheeran + 'Map Of The Soul: Persona' Surpasses 3

Million Pre-Order », repéré au http://en.koreaportal.com/articles/46831/20190412/bts-reveals-collaboration-with-ed-sheeran-map-of-the-soul-persona-surpasses-3-million-pre-order.htm

14 Park, Jin-hai, « BTS Tops US, UK Music Charts », repéré au

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mondiale Love Yourself : Speak Yourself est couronnée d’un succès monstre. En effet, tous les concerts, qui ont lieu dans des stades aux capacités d’un minimum de 55 00015

admirateurs, affichent complet seulement quelques heures après la mise en vente des billets. Plusieurs éléments peuvent expliquer la raison derrière leur niveau de popularité, dont les qualités artistiques dont les membres du groupe font preuve, leur message et travail caritatif ainsi qu’une stratégie élaborée sur les réseaux sociaux.

1.2.4 Qualités artistiques

Les membres de Beyond The Scene se démarquent des normes en place au sein de l’industrie musicale sud-coréenne et sont fortement impliqués dans le processus de composition et de réalisation de leurs albums, et ce depuis leurs débuts musicaux en 2013. Plusieurs des membres du groupe avaient d’ailleurs été recrutés au sein du groupe en raison de leurs qualités de compositeurs et de musiciens, chose qui était à l’époque peu commune. Malgré la prise en popularité du groupe, ils restent impliqués dans le processus de création musicale. Par exemple, Kim Namjoon, leader du groupe responsable du rap, est auteur de la majorité des paroles de Map Of The Soul : Persona (2019) et Map of the Soul : 7 (2020). Cet aspect artistique est une partie de la raison qui explique la popularité du groupe, puisque les idols qui écrivent leur propre matériel musical sont plutôt rares.

1.2.5 Charité et message

Depuis 2017, Beyond The Scene travaille en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies afin d’amasser des fonds pour UNICEF. En date du 30 avril 2019, ils avaient amassé plus de 2 400 000 dollars américains pour leur campagne Love Myself16 à travers, entre

autres, la vente de marchandise promotionnelle et d’albums17. De plus, les membres de

Beyond The Scene ont fait des dons personnels de plus de 400 000 dollars américains à la campagne. Leur travail caritatif a mené l’ensemble musical à s’adresser à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2018. La thématique principale de la musique du

15 Barrionuevo, Alexei, « BTS Launches Love Yourself: Speak Yourself Stadium Tour in Los Angeles With

Power and Light », repéré au https://www.billboard.com/articles/columns/k-town/8510082/bts-love-yourself-speak-yourself-stadium-tour-opening-night-recap

16 Plus d’informations sur la campagne sont disponibles à cette adresse :

https://www.love-myself.org/eng/home/

17 3% des revenus de la vente des albums physiques de la série Love Yourself sont allés à la campagne Love

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groupe, qui repose depuis 2017 sur l’acceptation de soi-même, a grandement inspiré leur communauté d’admirateurs à participer à la campagne Love Myself et à mettre sur pied des campagnes de dons pour diverses causes.

1.2.6 Stratégie sur les réseaux sociaux

Sans dire que la totalité du succès de Beyond The Scene est due à l’emploi d’une stratégie très efficace sur les réseaux sociaux, elle constitue l’un des facteurs qui a mené à la création d’un lien fort entre le groupe et sa communauté de fans. Les sept membres du groupe n’utilisent qu’un seul compte Twitter où ils publient régulièrement du contenu et s’adressent à leurs admirateurs. Ils ne disposent d’aucun autre compte personnel public sur quelconque réseau social que ce soit. L’existence de cette unique ligne de communication entre le groupe et ses fans a créé une large représentation de leur communauté de fans sur Twitter. Le compte personnel des membres du groupe reçoit en moyenne 422 000 retweets et 1 200 000 mentions « j’aime » par publication18. Par exemple, seulement dans la semaine du 27 avril au 3 mai

2019, leur nom d’utilisateur a été mentionné 55 millions de fois19. À titre de comparaison, le

nombre moyen de mentions hebdomadaires que reçoivent les utilisateurs qui ont le même nombre d’abonnés est de 11 200. Leur agence est également responsable de comptes officiels, dont la seule fonction est la promotion de leurs activités professionnelles, et ce sur toutes les principales plateformes de réseautage social.

1.3 Les admirateurs de musique populaire coréenne

Les admirateurs de musique populaire coréenne caractérisent ce genre au même titre que le processus de recrutement, formation et mise sur le marché d’artistes en place au sein de cette industrie. Nous présenterons quelques caractéristiques générales des fans de K-pop. Par la suite, il sera question de la communauté d’admirateurs étudiée, soit les fans du boyband Beyond The Scene.

18 « BTS », repéré au https://www.nextbigsound.com/profile/662226 19 « BTS », repéré au https://www.nextbigsound.com/profile/662226

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1.3.1 Les fans de K-pop : caractéristiques générales

Cette section a comme objectif de mettre en lumière certains aspects distinctifs des pratiques des admirateurs de musique populaire coréenne. Il est intéressant de noter que celles-ci diffèrent en fonction de la provenance des admirateurs. Elles peuvent, en général, être séparées en deux catégories: les pratiques des fans coréens et celles des fans dits « internationaux », soit ceux qui ne résident pas en Corée du Sud.

1.3.1.1 Les fans en Corée du Sud

Plusieurs caractéristiques particulières ressortent des pratiques des fans de musique populaire en Corée du Sud. Premièrement, suite à nos observations, ils ont tendance à ne se déclarer admirateurs exclusivement que d’un seul groupe ou artiste à la fois. Ainsi, un fan de K-pop coréen ne s’implique que dans les activités d’un artiste ou groupe. Il est commun d’être témoin de compétition ou de disputes entre les différentes communautés d’admirateurs, puisque la saturation dans laquelle l’industrie se trouve engendre un climat peu favorable à la prise en popularité de plusieurs groupes simultanément. Cette concurrence s’est transposée aux fans de K-pop internationaux.

Deuxièmement, plusieurs mesures sont mises en place par les agences de divertissement afin de créer une appartenance à la communauté de fans. Parmi celles-ci, nous retrouvons la fondation de fan-clubs officiels, auxquels l’entrée est payante, qui inclu plusieurs avantages pour les admirateurs, donc la participation à des événements exclusifs ainsi qu’un accès privilégié au fancafe du groupe ou de l’artiste, site internet où le fan a la possibilité d’écrire d’interagir directement avec ceux-ci. Afin de renforcer l’appartenance à la communauté, des noms officiels sont donnés aux communautés d’admirateurs. Par exemple, les fans du groupe Beyond The Scene se nomment les ARMY. Il s’agit d’un nom choisi et enregistré en tant que marque déposée par l’agence de divertissement. Tout comme beaucoup d’artistes en provenance d’Amérique du Nord, les artistes coréens produisent de la marchandise dérivée offerte à l’achat par les fans. Les items les plus caractéristiques de la K-pop sont les bâtons lumineux exclusifs à chacun des groupes ou artistes. Conçus afin de représenter l’image de marque du groupe, ils sont principalement utilisés par les fans lors des performances de l’artiste afin de témoigner de leur appréciation pour la musique et la chorégraphie. De plus, les fans effectuent des  fanchants  organisés, composés des noms des membres des groupes

Figure

Figure 1: Réseau de collaboration
Figure 2: Objectifs visés par les admirateurs pour la parution de l’album Map of the Soul : Persona, le 12 avril 2019.
Figure 3: Exemple d’infographie dédié à l’apprentissage des méthodes employées afin de faire du streaming
Figure 4: Capture d’écran tirée du vidéo publié par Kraizzee1, dans lequel on voit deux vidéoclips de Beyond The Scene  jouer silencieusement.
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Références

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