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De l’incidence des avantages acquis sur l’entrepreneuriat

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Academic year: 2021

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De l’incidence des avantages acquis sur l’entrepreneuriat.* Jean-Marie Choffray**

Il suffit de se promener dans d’ex-grandes villes industrielles pour mesurer l’ampleur du désastre économique induit par l’absence d’une vision courageuse et cohérente du développement. Heureusement, l’accélération de l’information qu’engendrent les

technologies nouvelles et la globalisation des marchés, notamment financiers, incitent les dirigeants politiques, de quelque bord qu’ils soient, à plus d’objectivité et donc de modestie. Comme l’évoquait récemment Steve Job, Président d’Apple Inc., “...to me, the company is one of humanity’s most amazing inventions...it is an abstract construct we have invented, and it’s incredibly powerful” (B. Schlender, 1998). Quel que soit son secteur d’activité, l’objectif de toute entreprise est de générer de la croissance, par la satisfaction de besoins, sous

contrainte de rentabilité nette des fonds propres supérieure au coût du capital. Ce surplus de valeur (Economic Value Added) est réparti en investissements (réserves), en participation des salariés (bonus, stock options) et en dividendes (rémunération du capital). Il appartient au conseil d’administration et à l’équipe dirigeante de créer un environnement humain qui favorise l’épanouissement personnel et maximise la valeur à répartir, chacun se déterminant quant à l’utilisation de la part qui lui revient.

L’autonomie financière d’une entreprise et sa capacité de développement stratégique sont entièrement fonction de la relation existant entre la rentabilité nette des fonds propres et le coût du capital, c’est-à-dire le taux d’intérêt de référence, éventuellement assorti d’une prime de risque. Lorsque la rentabilité nette des fonds propres est supérieure au coût du capital, l’entreprise est stratégiquement autonome et financièrement indépendante. Elle maîtrise son devenir. En supposant qu’un accroissement de ressources n’affecte pas négativement

l’efficacité de son processus industriel et commercial, elle a intérêt à s’endetter. A l’opposé, lorsque la rentabilité nette des fonds propres est égale au coût du capital,

l’entreprise a perdu une bonne part de son autonomie. Elle ne peut plus générer de ressources nouvelles en s’adressant à ses actionnaires ou à des investisseurs extérieurs, car ils préfèrent un placement sans risque. Les décisions d’investissement sont donc prises à l’extérieur, notamment au sein des comités de crédit de ses banquiers.

Enfin, lorsque la rentabilité nette des fonds propres est inférieure au coût du capital,

l’entreprise est destructrice de valeur. Elle doit impérativement faire l’objet d’une évaluation stratégique et opérationnelle destinée à isoler et à réduire les sources d’inefficacité. La recette traditionnelle qui consistait à en transférer le coût (...de reconversion) à la collectivité est aujourd’hui de moins en moins envisageable, pour raisons d’intégration européenne et d’endettement public.

__________________________________________________________________________ ** Docteur en science de gestion, Massachusetts Institute of Technology, professeur à l’Université de Liège, senior lecturer à l’ESSEC.

* Publié dans Reflets et Perspectives de la Vie Economique, De Boeck Université, Numéro spécial sur les “Acquis sociaux, rentes et transferts entre les générations”, Tome 38, n°1, 1999.

“En France, la gauche et la droite partagent le même cadre marxiste de pensée, à savoir que tout acte économique est politique. Alors que le politique doit être au service de l’économie,

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c’est-à-dire au service des hommes... Il faut laisser les responsabilités s’exercer” (F. Michelin 1998). Nous savons tous, après les travaux de Kenneth Arrow et, plus près de nous, la chute du mur de Berlin qu’un système économique dirigé ne garantit ni la cohérence politique ni la progression de la société vers son objectif le plus souhaitable. “Governement failure arises when state actions fail to improve economic efficiency or when the government redistributes income to the wrong people” (Samuelson and Nordhaus, 1989).

Tout ce qui entrave la liberté d’entreprendre ou favorise le développement d’attitudes laxistes en matière de performance économique nuit au renouvellement naturel des activités, à la production de richesses et à leur redistribution. Malheureusement, dans une société, qui à bien des égards donne le sentiment d’avoir perdu le sens du discernement, il n’est pas rare que certains profitent d’une embellie conjoncturelle pour se décerner un brevet d’efficacité alors que de nombreux entrepreneurs en viennent à douter de la pertinence et de l’utilité

personnelle de leurs projets.

“Vouloir le développement, aujourd’hui, en France et en Europe, ce n’est pas continuer, répéter, protéger. Il n’y a pas de droits acquis dans une société en développement ; et surtout il ne doit pas s’y installer une mentalité de droits acquis” (Peyrefitte, 1995). Sans confiance dans notre capacité à créer et dans le rôle de l’innovation et des entrepreneurs en tant que vecteurs de progrès, aucun développement durable n’est envisageable.

Cette “fin des certitudes” nous met face à la complexité du monde moderne et à la profonde interdépendance de ses éléments constitutifs. Au déterminisme scientifique d’antan s’oppose aujourd’hui le rôle essentiel des fluctuations et de l’instabilité. Cette science nouvelle des processus de non-équilibre conduit à des concepts tels que l’auto-organisation, de même qu’elle illustre une nouvelle rationalité qui n’identifie plus science et certitude, probabilité et ignorance (Prigogine, 1996).

Dans un tel monde, n’est-il pas surprenant que l’Europe continue de préférer la sécurité du chômage à l’insécurité de l’emploi ? Le développement économique est un combat de tous les jours, sur nous-même pour substituer l’énergie à la résignation et, au sein de la société, pour que les forces du renouveau l’emportent et qu’à tout niveau la défiance soit mise en échec. Même si, dans notre région du monde, nous sommes encore loin, très loin d’une telle société de responsabilité et d’entreprise, il n’est pas interdit d’en décrire quelques dimensions : · la réhabilitation du rêve, de la créativité, du goût du risque, du sens de l’effort et de

l’éthique à tous les niveaux du système éducatif et chez ses principaux acteurs,

· l’absence de toute forme d’aide et d’assistance à la création d’activités et d’entreprises, les aides publiques les plus efficaces étant celles qui n’ont pas lieu d’être,

· un environnement fiscal favorable à la constitution et au développement des fonds propres des entreprises, notamment au cours des phases de création et de développement,

· une législation sociale empreinte de souplesse, ouverte aux objectifs et au mode de fonctionnement de l’entreprise en tant qu’instrument de création et de distribution de valeur,

· une incitation à la réussite individuelle et à la prise de risque se traduisant par une fiscalité du revenu et un système de protection sociale respectueux de l’effort consenti par chacun,

· la professionnalisation de la gestion des entreprises dans l’intérêt des divers partenaires impliqués - clients, collaborateurs, Etat, actionnaires - et l’équité des mécanismes de partage du surplus de valeur créé,

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· le sens du concret, le pragmatisme, le refus des idéologies, le respect de la liberté et de l’intégrité des projets personnels, compatibles avec l’évolution démocratique du monde moderne.

A chacune de ces dimensions s’oppose aujourd’hui ce qu’il est convenu d’appeler des avantages acquis. Si, comme le disait Sartre, “il n’y a que de faux hasards...”, le désintérêt pour la création d’entreprises et le manque patent d’entrepreneurs dans notre société devraient sans doute s’analyser comme le fruit d’une politique, somme toute, très réussie !

* * * Références

- Michelin F., “La Crise Financière Actuelle est le Fruit d’un Laxisme Epouvantable”, La Tribune, Octobre, 30, 1998.

- Peyrefitte A., La Société de Confiance, (Paris : Editions Odile Jacob, 1995). - Prigogine I., La fin des certitudes, (Paris : Editions Odile Jacob, 1996).

- Samuelson P. et W. Nordhaus, Economics, 13th Edition, (New York : McGraw-Hill, 1989).

- Sartre J.P., Les mots, (Paris : Gallimard, 1964).

- Schlender B., “The Three Faces of Steve”, Fortune, Vol 138, No 9, November 1998.

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