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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Ascenseur pour l'échafaud, modèle d'erreurs scientifiques et techniques

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Academic year: 2021

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

ASCENCEUR POUR L’ECHAFAUD :

MODELE D’ERREURS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES

Francis GAST

Université Marc Bloch, Strasbourg

MOTS-CLES : PROTOCOLE TECHNIQUE – PERFECTION – IMPREVU – LIMITE IRREDUCTIBLE – OBSTACLE EPISTEMOLOGIQUE

RESUME : A partir du film Ascenseur pour l’échafaud, identifier les raisons qui désignent un modèle technique théorique mathématiquement parfait comme une utopie qui ne résiste pas à l’épreuve du réel en butant sur des obstacles irréductibles ; proposer une typologie des obstacles rencontrés.

ABSTRACT : From Ascenseur pour l'échafaud, identify the reasons which describe a perfect mathematical, technical and theoretical model like a utopia which cannot stand up to real life with its indestructible barriers ; describe the various types of barriers encountered.

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Le roman ou le cinéma policier sont souvent utilisés comme une métaphore de la science en raison d’analogies comme la recherche de la vérité, la nécessité d’une preuve, la mise en œuvre d’une méthodologie fondée sur le rationnel mais impliquant aussi l’imagination, l’intuition, le hasard et la chance.

Le film de Louis Malle, Ascenseur pour l’Echafaud (1958), adapté du roman de Noël Calef par Roger Nimier, inverse quelque peu le propos : alors qu’habituellement l’enquêteur est vu comme un chercheur et son investigation comme un travail scientifique, ici c’est l’assassin qui est au centre du processus. Il met en œuvre des compétences techniques remarquables pour mettre au point un système complexe et délicat : celui du crime parfait. Mais le contexte en fait un processus frauduleux destiné à tromper le futur enquêteur. Ce à quoi va s’attacher l’assassin, c’est à créer un monde d’apparences par des artifices comparables à des obstacles épistémologiques fabriqués pour faire passer le faux pour le vrai et qu’il va disperser sur son parcours, pensant ainsi créer un labyrinthe impénétrable à tout regard. Mais il sera lui-même piégé par d’autres obstacles de même nature qu’il n’a pas su dominer : confronté à la vie et à ses aléas, son système va peu à peu se décomposer et sombrer dans l’échec car « le réel n’est jamais ce qu’on pourrait croire, mais ce qu’on aurait dû penser 1».

L’intrigue ne vise pas au vraisemblable ; c’est une construction qui pousse le plausible à l’extrême, un modèle hyperbolique. Mais c’est ainsi que le film ouvre une réflexion sur l’étroite marge qui sépare le modèle idéalement planifié de sa réalisation concrète, et sur les embûches qui vont se présenter.

Le récit de ce naufrage nous permet d’identifier les raisons qui désignent ainsi un modèle théorique mathématiquement parfait comme une utopie qui ne résiste pas à l’épreuve du réel en butant sur des obstacles irréductibles. Le plan élaboré par l’assassin, Julien Tavernier, en fait un expert utilisant ses compétences pour masquer la vérité en visant à éliminer l’erreur et le hasard et à contrôler l’ensemble des paramètres impliqués dans ce système. Si sa démarche échoue, c’est qu’elle rencontre « par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles 2». On peut s’essayer à repérer et à répertorier ces opérateurs d’échec que le romancier et le scénariste utilisent comme technique de leur récit, mais qui correspondent bien à une réalité dans le déroulement quotidien de la science et des techniques.

Rappelons le prétexte de l’histoire : Julien, interprété par Maurice Ronet, est l’amant de Florence jouée par Jeanne Moreau, sa complice. Il va assassiner le mari de Florence dans son entreprise, en maquillant le crime en suicide.

1 Bachelard Gaston, La Formation de l’Esprit scientifique, Paris, Librairie Vrin, 1938. 2 Id.

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Son organisation repose sur un grand nombre de paramètres qui, théoriquement, doivent assurer, sans possibilité d’échec, la réussite de l’opération. La prise en compte du moindre détail et de son poids, y est déterminante et soulignée par de nombreux gros plans.

Le crime repose d’abord sur des bases mathématiques comme la gestion du temps, dès la première phrase de Florence : « Quelle heure est-il ? ». Le contrôle du temps deviendra un enjeu majeur dans l’exécution de cette tâche et le chronométrage, une obsession. La montre en est l’accessoire essentiel présent dans plusieurs plans. Toute perturbation dans ce minutage pourra donc se révéler lourd de conséquences. On y constate l’association d’une force (la capacité de contrôler le temps), et d’une fragilité (les lourdes conséquences d’un léger dérapage). Cet équilibre périlleux est familier aux professionnels des sciences et des techniques.

L’enchaînement des actions, selon ce minutage, se révèle également minutieux. Florence : « Je t’attendrai à la terrasse du Royal Camée comme d’habitude ; quand tout sera fini, tu prendras ta grosse voiture ; tu t’arrêteras en face ; je monterai à côté de toi ; et nous serons libres, libres Julien… ». Les instructions sont précises, trahissant la rigueur de l’organisation. Mais l’émotion qui s’y glisse laisse paraître une tension extrême.

Autre paramètre : l’arpentage de l’espace selon une stricte cartographie. Le bureau de Carala, la victime, est situé au dernier étage d’un immeuble, au-dessus des bureaux du personnel et de celui de Julien. Celui-ci devra atteindre cet espace, tout en prouvant qu’il n’a pas quitté son propre bureau. Ainsi, la scène va-t-elle se construire entre quatre lieux : les bureaux du personnel ; le bureau de Julien ; au-dessus, le bureau de Carala, lieu du crime ; la façade extérieure de l’immeuble, aux derniers étages. Cette disposition va fonder une hypothèse pour que Julien puisse atteindre le bureau de Carala par une voie théoriquement impossible.

En effet, pour se rendre de son bureau à celui de Carala Julien doit passer obligatoirement par les bureaux du personnel, ce qu’il lui vaudrait d’être repéré. Il lui faut donc un autre plan : passer par la façade à l’aide d’une corde à grappin. Mais un témoin doit cependant être présent dans le bureau du personnel à l’heure du crime, c’est-à-dire vendredi soir, après la fermeture des bureaux, pour le disculper si nécessaire. Il demande donc à une standardiste de rester un peu plus longtemps et surtout de ne le déranger sous aucun prétexte. Il compte ainsi que soit pris pour un théorème le fait que celui qui ne sort pas de son bureau par la porte, s’y trouve : c’est le premier obstacle épistémologique qu’il place sur la route du futur enquêteur. On peut s’étonner qu’il le sous-estime au point d’imaginer qu’il ne puisse établir l’hypothèse d’une sortie par la fenêtre. Mais cela montre aussi la nécessité du pari là où une rigoureuse perfection n’est plus envisageable.

Le crime se déroule alors à la perfection : Julien gagne son bureau et ferme la porte, met des gants, prend un revolver et une corde à grappin. Avec la corde, il passe à l’étage supérieur par la façade,

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au-dessus du vide, enjambe la fenêtre dans l’antichambre du bureau du directeur, frappe et entre avec un document. Il s’entretient alors avec Carala.

Comme cela risque de ne pas être plausible car on voit mal un cadre d’entreprise faire des acrobaties avec une corde avant de tuer de sang froid son patron, l’auteur nous révèle un détail : Carala évoque le passé de Julien avec ironie. Nous apprenons ainsi qu’il a été initié à l’action commando en Indochine, et qu’il présente donc toutes les garanties nécessaires à l’exécution de sa tâche : tuer de sang froid, organiser un crime, effacer les traces ; c’est un sportif entraîné qui sait utiliser une corde et un grappin et qui n’a pas le vertige. L’assassin n’est pas présenté comme un amateur : c’est un ingénieur du crime. Quant à Carala, nous apprenons que c’est un marchand de canons, ce qui lui vaut notre antipathie et permet de mieux nous identifier à Julien. C’est là un des jeux subtils de l’auteur que de nous faire prendre le parti d’un assassin et de souhaiter qu’il s’en sorte.

Puis Julien sort l’arme. Carala est surpris par le revolver car c’est le sien : « Qui vous a donné cette arme ? » a-t-il le temps de demander. Détail doublement important : dans un suicide, mieux vaut que la victime ait utilisé sa propre arme ; mais Carala comprend aussi le mobile avant de mourir, car seule sa femme Florence pouvait procurer l’arme à Julien. À l’étage du dessous, la standardiste taille bruyamment ses crayons. Le bruit du coup de feu est ainsi couvert. Julien met le revolver entre les mains de Carala, prend le document qu’il avait apporté comme prétexte à sa visite, puis ferme toutes les portes du bureau de l’intérieur, y compris la porte principale par où il sort, grâce à une technique digne d’un agent secret. Il regarde sa montre : tout s’est déroulé dans les temps, chaque détail a été respecté. Et la chance a été de son côté puisque la standardiste aurait pu se livrer à une activité moins bruyante et entendre le coup de feu… Mais le pari ici est gagné grâce à un hasard calculé, c’est-à-dire, en l’occurrence, un gros risque…

Nous assistons donc à une véritable création d’artefacts, une mise en scène dont la lecture au premier degré est facile et ne présente aucune aspérité. Julien organise techniquement une fraude dont il pense qu’elle trompera le futur l’enquêteur, un adversaire redoutable puisque lui aussi va appliquer les techniques de la recherche pour controverser le point de vue de l’assassin. Il s’efforce ainsi de créer un monde, une forme de microcosme, dont il va tenter de brouiller les lois au profit d’une apparence falsifiée du monde réel. Il ne veut pas rendre le rendre intelligible, au contraire, mais plaquer sur la vérité sous-jacente, une autre vérité, celle des apparences, celle d’une cohérence fabriquée, avec l’espoir, vital pour lui, que l’enquêteur déchiffrera le crime selon le désir de l’assassin. Il se laisse aller ainsi à l’attraction d’une utopie plus justifiée par la force de son désir que par le pouvoir de sa technique. L’enquêteur, métaphore du chercheur, trouvera la porte de ce monde par des chemins inattendus et imprévus qui rendront dérisoires les subtilités de Julien.

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Julien redescend dans son bureau par là où il était venu. Au même moment la standardiste s’est mise à discuter avec le gardien pressé de partir. Celui-ci parvient à la persuader d’outrepasser l’ordre de Julien de ne pas être dérangé. Elle finit par l’appeler au téléphone. Julien entend la sonnerie alors qu’il descend par la corde, se précipite et réussit à décrocher in extremis. Il a évité ainsi que la standardiste ne repère son absence. Un paramètre imprévu, lié au contexte, a failli le démasquer dès cet instant. On peut noter également que Julien, malgré sa rigoureuse préparation, n’a pas pensé à ce détail. Il aurait alors pu laisser son téléphone décroché pendant le meurtre, pour faire croire qu’il était en communication. La maîtrise de tous les paramètres apparaît ainsi comme un défi impossible à relever face à la complexité du réel.

Il sort de son bureau, et, accompagné du gardien et de la standardiste, ses témoins, quitte l’immeuble. Il va prendre sa voiture, une décapotable garée devant la boutique d’une jeune et jolie fleuriste, Véronique, dont il est bon client. Celle-ci est en discussion avec son copain, Louis, un petit délinquant, à qui elle fait part de son admiration pour Julien et pour sa voiture. Julien met le contact, ouvre la capote et s’apprête à démarrer. Un dernier coup d’œil à la façade lui fait voir qu’il a oublié la corde. Elle pend le long de la façade, preuve irréfutable du crime.

Julien se précipite car le gardien est encore là. Laissant sa voiture avec les clés, il court vers l’immeuble et s’engouffre dans l’ascenseur. Mais le gardien quitte l’immeuble à ce moment, coupant le courant pour le week-end et bouclant la porte d’entrée. Julien se trouve coincé dans l’ascenseur et dans le noir, seul dans l’immeuble, avec le cadavre de Carala.

Pendant ce temps, le petit délinquant a remarqué les clés qui se trouvaient sur la voiture de Julien. Il entraîne la fleuriste avec lui pour une ballade. Tâtonnant face à des commandes qu’il ne connaît pas, il ferme par inadvertance la capote au moment précis où ils passent devant le Royal Camée où Florence attend Julien. Elle voit passer la voiture de son ami avec une fille à bord, mais sans voir le conducteur qu’elle prend pour Julien. Le quiproquo s’installe. Aveuglée par le dépit, Florence n’a pas vu le conducteur de là où elle était, la capote étant baissée. Ce jeu entre le visible et l’invisible, impliquant le point de vue de l’observateur, provoque une erreur, un amalgame. C’est là que s’insinue précisément l’erreur. Le conducteur n’a pas été vu mais identifié en fonction d’une déduction erronée : « Julien avec cette petite ! Pourquoi ? Oui, j’ai reconnu la petite fleuriste… C’est pas possible, ce serait trop médiocre. Il a eu peur… Il n’a pas tiré… Un lâche. Julien est un lâche, il n’ose pas être heureux ! » Toute l’interprétation est fausse. Florence est tombée dans le premier obstacle épistémologique de Bachelard : « c’est l’expérience première, c’est l’expérience placée avant la critique3 (…) ».

Des opérateurs d’erreur se sont ainsi insinués dans l’architecture parfaite de ce crime. Ces opérateurs viennent s’opposer au fantasme d’une théorie qui contrôlerait l’ensemble des paramètres

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impliqués dans le réel. L’imprévu y est évidemment un facteur essentiel, mais il prend différents aspects.

Car les humains sont imprévisibles. Une secrétaire parfaitement disciplinée peut transgresser une instruction dont l’importance lui échappe : par exemple ne pas déranger son chef. En fait, elle ne peut comprendre l’importance de cette instruction. Ne pouvant la mettre dans le secret, Julien la prive de cette compétence et l’instrumentalise. Cela provoque une incompétence, dont la standardiste n’est certes pas responsable. Mais Julien avait-il un autre choix ? Non. Il a donc parié, et, cette fois, perdu.

Ensuite, la concentration sur un objet relègue à l’arrière-plan d’autres objets : ainsi, la sonnerie du téléphone pendant qu’il descend le long de la façade l’obnubile au point de lui faire oublier la corde, détail vital. De même, lorsqu’il voit, un peu plus tard, la corde pendre de long de la façade, il se précipite en oubliant les clés sur sa voiture, dont le moteur tourne. Nous avons là un autre facteur, l’attention sélective qui provoque l’oubli et qui doit mettre un peu de modestie dans l’évaluation de nos capacités cognitives. Jusqu’où pouvons-nous aller ? Quelles sont nos limites ? Voici quelques questions qui nous ramènent à notre être biologique et à ses capacités neurologiques.

Lorsque Julien revient dans l’immeuble pour prendre la corde, il se heurte à un paramètre ignoré : le gardien, avant de partir, coupe toujours le courant. Certes Julien n’aurait pas dû revenir et cette coupure n’aurait guère eu de conséquences s’il n’y avait aussi une coïncidence : Julien est dans l’ascenseur à ce moment précis et va rester bloqué. Il est victime de son ignorance du travail des autres personnes impliquées, même involontairement, dans le processus.

Le contexte est également mis à contribution pour perturber le bon déroulement des événements : les délinquants de l’époque aiment les voitures comme celle de Julien, et il arrive qu’ils les volent. La passion et l’aveuglement, c’est-à-dire les émotions, interfèrent aussi et peuvent provoquer une erreur d’observation comme celle de Florence, dont la confiance s’effondre à ce moment et la prive de recul critique. Elle a une opinion qui, en l’occurrence, est fausse et s’oppose à une connaissance. Dans le protocole parfait s’est glissée l’erreur. D’une situation qu’il domine, Julien se retrouve dans une situation qui le domine. Dès lors, l’histoire bascule dans l’improvisation ce qui mobilise d’autres compétences. Notons que dans le domaine scientifique ou technique, l’imprévu et les émotions peuvent être autant facteurs d’échec que de succès. Mais dans le cas de Julien, l’imprévu va entraîner une cascade d’événements jusqu’au dénouement.

L’histoire continue : Louis, le délinquant, et Véronique, son amie fleuriste, trouvent divers objets dans la voiture de Julien. Des gants, que Louis met, un pardessus, des documents, mais aussi un revolver et un appareil photographique miniature. Du coup, Louis prend, usurpe, l’identité de Julien. Leur escapade les mène à un Motel à Trappes où ils sympathisent avec un couple

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d’Allemands, propriétaires d’une somptueuse Mercedes 300SL qui fascine Louis. Au cours de la soirée, Véronique montre l’appareil photo de Julien à l’Allemande. Il reste trois photos à prendre. L’Allemande photographie Louis et son mari. Le film est déposé au service photographique du Motel. Dans la nuit, Louis et Véronique décident de partir sans payer. Mais Louis veut voler la Mercedes des Allemands qui s’interposent. Il les tue. À partir de là tout accuse Julien Tavernier, nom sous lequel Louis est inscrit au Motel. Une forme d’imposture s’est mise en place à l’insu de Julien.

Julien finit par sortir de l’immeuble sans savoir que sa photo fait déjà la une des journaux et qu’il est accusé du double meurtre de Trappes. Sa voiture et ses effets sont retrouvés au Motel et il n’a pas d’alibi. Ou plutôt, il en a un, mais il ne peut l’utiliser car il s’accuserait d’un autre meurtre. Toutes les apparences sont contre lui. Quand la police l’interroge, il ne trouve aucune réponse ; il se contente de répondre piteusement « je ne sais pas… je ne sais pas » quand on lui demande où il était. On voit ici combien l’organisation des apparences peut sembler une preuve et amplifier la force du soupçon.

Entre temps le « suicide » de Carala est découvert. Florence, déjà informée du meurtre de Trappes, se ressaisit : elle sait maintenant que Julien a bien rempli sa mission et qu’il est innocent du crime de Trappes. Leur force, c’est que personne n’est au courant de leur relation ; ils sont censés à peine se connaître. Elle est décidée à se battre et recherche la fleuriste. Elle finit par la retrouver, elle et son ami Louis, et leur montre le journal qui accuse Julien.

Véronique et Louis comprennent alors qu’ils sont innocentés, mais ils pensent aux photos prises avec les Allemands et déposées au Motel : « C’est la seule preuve Véro, la seule… » murmure Louis. Lorsqu’il se rend au Motel pour y récupérer la pellicule, Florence le suit. Mais l’Inspecteur Cherrier est déjà sur les lieux. Il enquête sans états d’âme, selon la logique la plus élémentaire : l’observation du terrain, le lieu du crime, le jour du crime. Il tombera inévitablement sur un témoin qui lui apprendra que ce jour-là, quelqu’un a déposé un film.

C’est la pellicule qui va révéler la vérité : on trouve en effet les trois photos prises par l’Allemande, qui accusent Louis et disculpent Julien du meurtre des Allemands. Mais la trace d’une autre vérité est montrée par les autres photos de la pellicule : celles de l’amour de Florence et de Julien. Cette nouvelle découverte modifie ainsi l’interprétation d’un fait connu, la mort de Carala. La théorie du suicide est problématisée et va être réexaminée à la lumière de cette découverte. Tout laisse entendre que le monde d’apparences créé par Julien ne résistera pas à une enquête approfondie et basée sur une nouvelle hypothèse.

La vérité ultime est donc révélée au propre comme au figuré par la pellicule photographique. L’Inspecteur assène placidement cette vérité implacable à Florence : « Voyez-vous Madame, dans un appareil, il y a toujours plusieurs clichés ». Et elle voit les photos de son bonheur avec Julien qui

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les rend suspects du meurtre de Carala. « Vous voyez, il ne faut jamais laisser des photos traîner », poursuit, impitoyable, l’Inspecteur Cherrier. L’information ultime, celle qui permet précisément d’arbitrer entre les différentes hypothèses, est apportée par l’instrumentation. L’appareil photographique retrouve ici une partie de sa fonction originelle, qui est aussi celle du cinéma : celle d’un instrument d’observation scientifique. La photographie tenue pour une preuve, ou du moins comme indice, car elle n’est pas image née de la trace d’un geste, mais de l’enregistrement direct de son modèle par la captation de ses rayons lumineux : une empreinte. C’est pourquoi on peut y voir aussi bien le vol d’une mouette pour en étudier le mouvement que la présence d’un assassin qu’elle contribue à démasquer.

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