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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Analyse des conceptions d'enseignants et étudiants libanais et tunisiens sur le cerveau, les gènes et l'identité biologique humaine

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Academic year: 2021

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ANALYSE DES CONCEPTIONS D’ENSEIGNANTS

ET ÉTUDIANTS LIBANAIS ET TUNISIENS SUR LE CERVEAU,

LES GÈNES ET L’IDENTITÉ BIOLOGIQUE HUMAINE

Paula ABOU TAYEH*, Pierre CLÉMENT*, Mohamed KOCHKAR**

* L.I.R.D.H.I.S.T, Université Claude Bernard- Lyon 1, ** I.S.E.F.C, Université de Tunis

MOTS-CLÉS : CONCEPTIONS – CROYANCES – CERVEAU – GÈNES – ÉPIGENÈSE DÉTERMINISME GÉNÉTIQUE – HÉRÉDITARISME – GENRE – GÉNÉRATIONS – CHRÉTIENS ET MUSULMANS

RÉSUMÉ : Cette recherche analyse les conceptions d’étudiants et enseignants libanais et tunisiens sur le cerveau et sur l’identité biologique à partir de leurs réponses à un questionnaire portant sur des déterminismes génétiques et épigénétiques. Les deux échantillons expriment une forte idéologie héréditariste et spiritualiste et méconnaissent l’épigenèse cérébrale. Les différences significatives montrent quelques effets de l’âge (les plus âgés sont plus héréditaristes), de la discipline et du sexe.

ABSTRACT : This research paper is analysing how Lebanese and Tunisian students and teachers conceive the brain and the biological identity. It is based on a questionnaire related to genetic and epigenetic determinisms. The two samples show a strong hereditary and spiritualist ideology and ignore the cerebral epigenetic process. Differences within the samples show a generation effect (the oldest are the most hereditary), a subject effect and a sex effect.

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1. INTRODUCTION

La nature de l’esprit et de l’identité biologique humaine a constitué de tout temps une véritable énigme pour l’être humain. Le terme « cerveau » recouvre un objet, une chose intriquée à des fonctions, à d’autres mots donc. Une « réalité » complexe qui nous échappe, que nous n’approchons que de façon parcellaire, par des mots relevant d’approches au sein des différentes disciplines biologiques, médicales, psychologiques, humaines et sociales… sans oublier d’autres pratiques sociales (culinaires, religieuses, usage de drogues…) qui renvoient à d’autres connaissances sur la « chose cerveau » et ses fonctions, ainsi qu’à des systèmes de valeurs (opinions, croyances, idéologie…). La même complexité peut être décrite à propos du « mot » « gènes », qui est souvent défini comme une chose (une portion d’ADN), alors que les biologistes, selon leur spécialité, en donnent bien d’autres définitions (par exemple dans la revue La Recherche, 348, 2001, p. 50-60). En particulier, réduisent-ils leur identité biologique à leurs gènes (qui sont uniques sauf chez les monozygotes) ? Pensent-ils leur cerveau comme le support de leurs pensées, de leurs mémoires, de leur histoire et personnalité individuelle et sociale, dont les supports sont des réseaux neuronaux qui se configurent par épigenèse cérébrale (Changeux 1983, 2002) ?

Ce travail prolonge, sur de nouveaux publics, les recherches antérieures de P. Clément et de son équipe (Clément 1994, 1999, Abou Tayeh & Clément 1999, Abou Tayeh 2003, Forissier & Clément 2003), en utilisant et améliorant la méthodologie de ces travaux.

2. MÉTHODOLOGIE

2.1. Présentation du questionnaire

La méthodologie s’appuie sur des questionnaires élaborés au LIRDHIST (Université Claude Bernard- Lyon 1) sous la responsabilité de P. Clément, en collaboration avec l’ISEFC de Tunis et l’Université Libanaise. Les données ont été recueillies au Liban et en Tunisie et nous ne présentons ici que les résultats correspondant à 10 questions qui étaient formulées de façon identique dans les deux questionnaires utilisés :

Question 3 : Associez à l’extrémité de chacun des bras un terme (ou une courte expression) qui vous vient à l’esprit quand vous entendez le terme « cerveau ». (suivait un schéma d’un rectangle contenant le mot « cerveau » et portant plusieurs bras).

Question 4 : Dessinez un cerveau en schématisant et légendant ce qui vous semble essentiel à son fonctionnement.

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Questions 6-1 à 6-7 : Y a-t-il une prédisposition génétique chez les parents qui induit leur enfant à être :

- 6.1 Atteint de thalassémie/mucoviscidose ? Oui Non

- 6.2 Virtuose au violon ? Oui Non

- 6.3 Alcoolique ? Oui Non

- 6.4 De sexe masculin ? Oui Non

- 6.5 Très bon à l’école Oui Non

- 6.6 Agressif ? Oui Non

- 6.7 Croyant en Dieu ? Oui Non

Question 7 : Associez à l’extrémité des bras un terme (ou une courte expression) qui vous vient spontanément à l’esprit quand vous entendez le terme « gène » (suivait un schéma d’un rectangle contenant le mot « gène » et portant plusieurs bras).

2.2. Caractéristiques des échantillons

L’échantillon tunisien est composé de 275 personnes réparties en deux sous-groupes :

- 117 enseignants (74 spécialisés en SVT (Science de la Vie et de la Terre) ; 43 d’autres disciplines (chimie, physique, psychologie, etc.).

- 158 futurs enseignants ou étudiants (60 en 4e année Sciences Naturelles (SN4) ; 98 en 3e année Sciences Naturelles (SN3)). Tout l’échantillon est musulman (femmes : 53 % ; hommes : 37 % ; pas de mention du sexe : 10 %).

L’échantillon libanais compte 506 personnes interrogées dont :

- 150 enseignants (18 biologistes ; 48 autres sciences (physique, chimie, maths) ; 84 en sciences sociales et humaines (psychologie, sociologie, etc.)).

- 356 étudiants ou futurs enseignants (140 en maîtrise de Biologie ; 76 en maths, physique et chimie et 140 en S.H.S et Art (musique, chant)). L’échantillon libanais comporte des pratiquants des principales confessions libanaises(197 chrétiens maronites ; 86 autres chrétiens (Grecs Catholiques, Grecs orthodoxes, Latins, évangélistes, etc.), et, parmi les musulmans : 93 sunnites ; 65 chiites et 35 druzes). Les femmes représentent 65 % de l’échantillon, les hommes, 35 %.

3. RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS

Dans la question 3, les termes associés au mot « cerveau » ont été catégorisés de la même façon dans les deux pays d’associations des deux pays. Il n’y a pas de différences significatives entre Libanais et Tunisiens. Le cerveau est le plus souvent associé à la pensée et à l’intelligence (32 %

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chez les Libanais ; 47 % chez les enseignants tunisiens). Très rares sont les réponses qui citent l’épigenèse cérébrale ou ses supports (réseaux neuronaux), ou en expriment l’idée : 6 % chez les Libanais et futurs enseignants tunisiens ; 3 % chez les profs tunisiens.

Question 4. Une analyse détaillée des réponses permet de mettre en évidence certaines différences significatives en fonction des paramètres contrôlés (tests de Chi 2) :

- Différences significatives entre enseignants et étudiants libanais ;

- Effet de génération chez les Libanais : les plus âgés (la majorité des enseignants) expriment des conceptions plus anatomiques que fonctionnelles ;

- Les musulmans libanais réalisent moins de dessins que les chrétiens ;

- Dans leur grande majorité (75 %), les Tunisiens ont réalisé un dessin anatomique du cerveau ; - Il n’y a quasiment pas de schémas fonctionnels chez les Tunisiens. La différence est ici très

significative entre Libanais et tunisiens ;

- Les termes neurones, synapses et réseaux neuronaux sont peu cités (au total 2 % chez les Libanais ; 4 % chez les Tunisiens).

Question 6-1. Concernant les termes mucoviscidose (terme utilisé dans le questionnaire tunisien) et thalassémie (terme utilisé dans le questionnaire libanais), l’analyse des réponses montre des différences très significatives entre les Tunisiens et les Libanais. Le terme mucoviscidose est mal connu par le tiers des Tunisiens (38 % de non-réponse). La majorité des Libanais (95 %) connaît la prédisposition génétique à la thalassémie. Les femmes libanaises connaissent un peu plus cette prédisposition que les hommes (96 % de Oui contre 91 % chez les hommes).

Quant à la prédisposition à la virtuosité au violon, 1/3 des Tunisiens et Libanais interrogés croient à son déterminisme génétique. Des différences significatives ont été décelées entre les enseignants et étudiants libanais (effet de génération) : les enseignants (plus âgés) sont plus héréditaristes. Il y a aussi un effet du sexe chez les Libanais : les hommes sont plus héréditaristes que les femmes. Concernant la prédisposition génétique à l’alcoolisme, environ 20 % des Libanais croient à un déterminisme génétique de l’alcoolisme, ce à quoi ne croit pas la grande majorité des Tunisiens refuse ce déterminisme génétique. Est-ce dû à une conception religieuse de l’alcool interdit dans l’Islam ? Des différences significatives sont marquées entre enseignants et étudiants libanais : effet de génération : les enseignants sont les plus héréditaristes.

Concernant la prédisposition génétique à être de sexe masculin, les résultats montrent une large confusion chez les Libanais et les Tunisiens entre transmission chromosomique (chromosome Y) et prédisposition génétique ; cette confusion est plus importante chez les étudiants (libanais et tunisiens) que chez les enseignants : effet de l’âge (expérience individuelle des plus âgés : une chance sur deux d’avoir un garçon). Notons que cette confusion est plus importante au Liban qu’en

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Tunisie : c’est l’effet de l’échantillonnage : il y a plus de biologistes interrogés en Tunisie même si un grand nombre de biologistes se trompent eux aussi.

Quant aux gènes de l’intelligence, 1/3 des Tunisiens et libanais (37 %) croient que l’intelligence est héréditaire. Chez les Libanais, les enseignants sont plus héréditaristes (53 % de Oui). En fonction des paramètres contrôlés, des différences significatives ont été décelées entre musulmans et chrétiens libanais (les musulmans sont plus héréditaristes). Les littéraires libanais sont plus héréditaristes que les scientifiques.

Concernant la prédisposition génétique à l’agressivité, il y a des différences significatives entre Tunisiens et Libanais : 71 % des Tunisiens refusent le déterminisme génétique de l’agressivité. Est-ce parEst-ce qu’ils sont biologistes ? Les 2/3 des Libanais croient à une prédisposition génétique à l’agressivité. Deux hypothèses sont possibles : il s’agit soit d’une grande confusion entre déterminisme chromosomique (XY) et prédisposition génétique, soit c’est un nouvel indice de leur héréditarisme. Enfin, quant à l’hérédité de la religion, il y a des différences significatives entre Tunisiens et Libanais : 24 % des enseignants libanais croient que la religion est héréditaire contre 14 % des enseignants tunisiens. Des différences significatives existent entre les Libanais eux-mêmes : les enseignants sont plus nombreux à croire à l’hérédité de la religion (24 % de Oui contre 16 % chez les étudiants). Ceci dénote un déterminisme religieux plus prégnant chez les Libanais. Enfin, dans l’interprétation de la question 7, les Tunisiens sont plus nombreux (27 %) que les Libanais (4 %) à associer les gènes à des performances cérébrales (intelligence, etc.), ce qui démontre une position héréditariste chez eux. Ils sont moins nombreux (25 %) que les Libanais (48 %) à associer les gènes à des processus biologiques tels que ARN, ADN, protéine. Certains secteurs de la génétique (mendélienne, des populations, évolution…) sont notoirement absents.

4. CONCLUSIONS

De façon globale, les Tunisiens et les Libanais expriment sur les déterminismes biologiques des positions très héréditaristes et volontiers spiritualistes qui les différencient nettement des échantillons français et européens jusqu’ici interrogés (Clément 1994, 1999). Certaines différences entre eux et au sein de ces échantillons ont été signalées et sont intéressantes : effet de l’âge (les plus anciens et les plus âgés sont les plus héréditaristes), de la formation ou de la discipline (les biologistes le sont souvent moins, mais pas toujours), du sexe (les hommes sont des fois plus héréditaristes sur certaines questions), de la religion (quelques petites différences entre chrétiens et musulmans)…

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Une grosse recherche est actuellement en cours sur 19 pays (dont la France, la Tunisie et le Liban), utilisant plusieurs des questions du travail qui vient d’être présenté pour analyser les conceptions d’enseignants et futurs enseignants dans ce domaine. Cette recherche porte sur les enseignants du Primaire et sur ceux du Secondaire (ceux qui enseignent la biologie, et ceux qui enseignent la langue du pays, pour comparaison). Il s’agit du projet de recherche européen Biohead-Citizen (Biology, Health and Environnmental Education for better Citizenship), octobre 2004 à octobre 2007, dont P. Clément est l’un des 3 coordinateurs.

BIBLIOGRAPHIE

ABOU TAYEH P. (2003). La biologie entre opinions et connaissances : Conceptions

d’enseignants et étudiants libanais sur le cerveau et son épigenèse, et sur d’autres déterminismes génétiques/épigénétiques. Thèse de doctorat, Université Claude Bernard, Lyon 1.

ABOU TAYEH P., CLÉMENT, P. (1999). La biologie entre opinions et connaissances : Les conceptions d’étudiants libanais sur le cerveau. In L’actualité de la recherche en didactique des

sciences et des techniques. Actes des Premières Rencontres scientifiques de l’ARDIST, ENS Cachan

pp. 81-87.

CHANGEUX J.-P. (1983). L’homme neuronal. Paris : Fayard. CHANGEUX J.-P. (2002). L’homme de Vérité. Paris : Odile Jacob.

CLÉMENT, P. (1994 ). La difficile évolution des conceptions sur les rapports entre cerveau, idées et âme. In A. Giordan., Y. Girault., P. Clément. Conceptions et connaissances. Berne : Peter Lang, 73-91.

CLÉMENT, P. (1999). Situated conceptions. Theory and methodology. From the collection of data to the analysis of conceptions. In M. Meheut., G. Rebmann, 4th ESERA Summerschool, U.Paris 7, 298-315.

FORISSIER T., CLÉMENT P. (2003). Teaching "biological identity" as genome / environmental interactions. Journal of Biological Education, 37, 2, 85-91.

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