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Victimisation par les pairs et idées suicidaires chez les adolescents : rôle médiateur de la dépression et de l'estime de soi

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Academic year: 2021

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GABRIELLE PITRE-JOYAL

VICTIMISATION PAR LES PAIRS ET IDEES

SUICIDAIRES CHEZ LES ADOLESCENTS :

Rôle médiateur de la dépression et de l'estime de soi

Mémoire doctoral présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en Psychologie clinique

pour l'obtention du grade de Docteure en psychologie(D.Psy)

ECOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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Résumé

La victimisation par les pairs à l'école est courante et entraîne de nombreuses conséquences néfastes. La présente étude vise à établir la relation entre ce phénomène et les idées suicidaires, tout en évaluant un possible effet médiateur de la dépression et de l'estime de soi. Quatre-cent-soixante-deux élèves de première année du secondaire et II provenant d'écoles de la région du Bas-St-Laurent ont participé à l'étude et répondu aux questionnaires suivants: Scale for Suicide Ideation, Questionnaire sur la victimisation par les pairs, Échelle d'estime de soi, ainsi que VInventaire de Dépression de Beck. Les résultats montrent que 77,7% des élèves se disent victimises par leurs pairs. La fréquence de cette violence ne diffère pas significativement selon l'âge et le sexe des élèves. Quant aux idées suicidaires, elles sont vécues par 38,7% des jeunes et sont significativement plus présentes chez les adolescentes. La combinaison des deux variables indique que la victimisation par les pairs explique 20,9% de la variance des idées suicidaires des jeunes. Par ailleurs, selon la méthode de Baron et Kenny (1986), le lien unissant directement ces deux variables perd sa signification lors de l'inclusion de la dépression comme variable médiatrice dans le modèle. En ce qui concerne la variable estime de soi, elle ne s'avère que partiellement médiatrice. En conclusion, une grande proportion de jeunes sont victimises par leurs pairs et présentent des idées suicidaires. Ceux qui subissent cette violence par leurs pairs tendent à éprouver aussi des idées suicidaires, mais uniquement s'ils sont déprimés.

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Abstract

Peer victimization in schools tends to be a common phenomenon and it has several negative outcomes. The objective of this study is to establish the relationship between peer victimization and suicidal ideation while evaluating a possible mediating effect of depression and self-esteem variables. A total of 462 students in first and second year of high school from the Bas-St-Laurent region participated in the study and answered four questionnaires (Scale for Suicide Ideation, Questionnaire sur la victimisation par les pairs, Échelle d'estime de soi, Inventaire de Dépression de Beck). Results show that 77.7% of the students are victimised by peers (the frequency of this violence does not differ significantly between gender and age) and that 38.7% of the participants have suicidal thoughts (significantly more girls than boys). The study of the two variables demonstrates that peer victimization contributes to 20.9% of the variance in suicidal ideation. Moreover, according to the Baron and Kenny method (1986), the link between those two variables loses its meaning with the inclusion of depression as a mediating variable in the model, while self-esteem only represents a partial mediator. In conclusion, many teenagers are victimized by peers or have suicidal thoughts. Those who endure this violence by peers tend to present suicidal ideation, but only when they are concomitantly depressed.

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Avant-propos

Je tiens à remercier tous les membres de mon comité de thèse de m'avoir

accompagnée dans l'exécution de ce beau projet. Un grand merci à mon directeur de thèse, M. Aurèle St-Yves, qui m'a supportée depuis mon entrée dans le programme de doctorat en psychologie clinique et qui m'a permis de réaliser le projet auquel je tenais depuis quelque temps déjà. Je remercie aussi ma co-directrice, Mme Julie Beaulieu, qui a contribué à ce que la présente étude soit menée à terme et sans qui mon projet ne serait pas d'une aussi grande envergure. Je tiens également à remercier M. Michel Pépin, membre de mon comité de thèse, qui a toujours été disponible et de bon conseil pour l'avancement de ma

recherche. Finalement, je dois beaucoup à M. Anton De Man, également membre du comité, qui m'a beaucoup appris et guidée pendant plusieurs mois, notamment en ce qui a trait aux analyses statistiques de mes données.

Je remercie également tous mes amis et les membres de ma famille proche et éloignée qui m'ont écoutée, encouragée et soutenue depuis plusieurs années. Je remercie mes parents de m'avoir donné la force d'avancer et le courage de continuer. Merci encore à mon conjoint, qui a partagé avec moi les moments de satisfaction tout comme les périodes plus difficiles et qui a su, malgré toutes les embûches, me faire confiance et m'amener à me surpasser. Merci à ma belle-famille qui m'a écoutée et soutenue sans relâche. Je suis

également redevable envers mes amis qui, de près ou de loin, m'ont accompagnée tout au long de ma formation, ont cru en moi et m*ont encouragée à persévérer : Béatrice, Claire, Cynthia, Dora, Emmanuelle. Laurence, Rosée, Séverine et Sylvie. Pour finir, un merci particulier à Caroline Duvieusart-Déry qui a consacré temps et énergie à lire et commenter ce mémoire doctoral. Toutes ces personnes représentent beaucoup pour moi, je leur dois beaucoup et les remercie du fond du coeur.

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Table des matières

Introduction 8 Chapitre 1 12

La victimisation par les pairs à l'école 12 /./ La victimisation par les pairs à l'école : définitions 12

1.2 Types de victimisation par les pairs 15 1.3 La prévalence de la victimisation par les pairs à l'école secondaire au Canada. .21

1.4 La prévalence de la victimisation par les pairs à l'école secondaire au Québec ..22

7.5 Variabilité de la prévalence de la victimisation par les pairs 24

1.6 Caractéristiques des victimes 32 1.7 Victimes passives et provocatrices 35 1.8 Victimisation par les pairs prolongée dans le temps 36

1.9 Conséquences de la victimisation par les pairs 37

1.10 Facteurs de risque 40 1.11 Facteurs de protection 43 1.12 Modèles théoriques 46

1.13 Résumé 48

Chapitre 2 50 Le suicide chez les jeunes 50

2.1 Le suicide : définitions 50 2.2 Evaluation des jeunes à risque de suicide 51

2.3 Prévalence 51 2.4 Caractéristiques des jeunes à risque de suicide 53

2.5 Facteurs de risque 55 2.6 Facteurs de protection 60 2.7Modèles théoriques 61

2.8 Résumé 62 Chapitre 3 64

Relation entre la victimisation par les pairs et les idées suicidaires 64 3.1 La victimisation par les pairs et le suicide chez les adolescents 64 3.2 La victimisation par les pairs et le suicide chez les adolescents : bilan des résultats

70 3.3 Modèles théoriques 71 Chapitre 4 73 Objectifs de recherche 73 4.1 Objectifs généraux 73 4.2 Objectifs spécifiques 73 Chapitre 5 75 Méthodologie 75 5.1 Participants 75 5.2 Instruments de mesure 76 5.3 Procédure 80 5.4 Analyses statistiques 83 Résultats ; 86 6.1 Cohérence interne 86 6.2 Fréquence de la victimisation par les pairs 86

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6.3 Lien entre la victimisation par les pairs et le sexe 88 6.4 Lien entre la victimisation par les pairs et l'âge 88

6.5 Prévalence des idées suicidaires 88 6.6 Lien entre les idées suicidaires et le sexe 89

6.7 Lien entre les idées suicidaires et l'âge 89 6.8 Lien entre la victimisation par les pairs et les idées suicidaires 89

6.9 Lien entre la victimisation par les pairs et les idées suicidaires selon le sexe 90 6.10 Lien entre la victimisation par les pairs, les idées suicidaires et la dépression ..91 6.11 Lien entre la victimisation par les pairs, les idées suicidaires et l'estime de soi. 92

6.12 Bilan des résultats 93

Chapitre 7 95 Discussion 95

7.1 Objectifs 95 7.2 Fréquence de la victimisation par les pairs 95

7.3 Prévalence des idées suicidaires 106 7.4 Lien entre la victimisation par les pairs et les idées suicidaires 109

7.5 Lien entre les types de victimisation par les pairs et les idées suicidaires 112 7.6 Lien entre la victimisation par les pairs, les idées suicidaires et la dépression ..113 7.7 Lien entre la victimisation par les pairs, les idées suicidaires et l'estime de soi. 115

7.8 Limites 118 7.9 Recherches futures 120 Conclusion 123 Références 127 Tableau 1 147 Tableau 2 148 Tableau 3 149 Notes de bas de pages 150

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Introduction

Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la violence constitue l'une des

principales causes de problèmes de santé publique à travers le monde. Elle se définit par l'usage intentionnel de force physique ou de pouvoir, menacé ou actualisé, contre soi-même, une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui résulte ou qui a de fortes probabilités de résulter en des blessures, la mort, du tort psychologique, des

problèmes de développement ou en privation (Krug, Dahlberg, Mercy, Zwi & Lozano, 2002). Selon Devoe, Peter, Noonan et al. (2005), elle peut se manifester de différentes façons : abus verbal, intimidation, batailles, agressions physiques, viols, vols, homicides et suicide. Une sous-catégorie importante de la violence consiste en les comportements agressifs, définis comme des actes perpétrés avec l'intention de blesser physiquement ou émotionnellement une autre personne. Les comportements agressifs sont considérés comme moins extrêmes que d'autres actes agressifs et violents tels que les homicides, viols ou assauts (Orpinas & Horne, 2006).

En milieu scolaire, la violence fait souvent partie du quotidien des jeunes, particulièrement par l'entremise des comportements agressifs. Selon Orpinas et Horne (2006), la victimisation par les pairs à l'école, phénomène de plus en plus étudié, consisterait en une sous-catégorie particulière de ces comportements agressifs.

Généralement, elle se caractérise par des comportements perpétrés dans l'intention de blesser ou de faire souffrir une autre personne, physiquement ou psychologiquement, à plusieurs reprises et dans un contexte de déséquilibre de pouvoir entre l'agresseur et la victime (de nature sociale, psychologique ou physique) qui fait en sorte qu'il s'avère difficile pour la victime de se défendre par elle-même (Monks & Smith, 2006). Ainsi, la victimisation par les pairs constitue généralement, selon divers auteurs, un type d'agression

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dans lequel l'agresseur est plus fort ou plus puissant que la victime et les comportements agressifs sont commis intentionnellement, de façon répétée et à travers le temps (Orpinas & Horne, 2006).

Selon Kumpulainen et Râsânen (2000), ce type d'agression ne devrait jamais être considéré comme étant éphémère, inoffensif ou comme faisant partie du processus normal du développement. Depuis quelques dizaines d'années, des recherches tendent à montrer que ce phénomène n'est pas banal et qu'il peut entraîner des conséquences néfastes sur les plans physique, psychologique et social chez les jeunes qui sont témoins, victimes ou agresseurs. Ainsi, des conséquences telles que des symptômes de dépression, d'anxiété, un score élevé à une échelle de comportements internalises et des problèmes d'adaptation scolaire peuvent découler de la victimisation (Boulton & Underwood, 1992; Hawker & Boulton, 2000; Institut de la statistique du Québec, 2002; Nansel et al, 2001; Olweus,

1992, 1993; Prinstein, Boergers & Vernberg, 2001; Roland, 2002; Solberg & Olweus, 2003). Par ailleurs, des événements d'une extrême violence survenus dans les écoles, tels que la fusillade au Collège Dawson à Montréal, se révèlent souvent reliés à la victimisation par les pairs et rappellent à quel point il importe d'effectuer des recherches sur ce sujet afin de mieux comprendre les effets néfastes que celle-ci peut entraîner.

La prévalence de la victimisation par les pairs varie beaucoup selon les études, certaines allant jusqu'à montrer que près de 50% des jeunes en souffrent (Nansel et al. 2001 ). Le Québec n'échappe pas au phénomène : au cours d'une année scolaire, 68%. 46% et 25% des jeunes de 9. 13 et 16 ans ont vécu au moins un épisode de victimisation

physique ou verbale (Institut de la statistique du Québec. 2002).

Devant l'ampleur du phénomène, il apparaissait nécessaire de pousser plus loin les études québécoises sur ce phénomène et ses conséquences, notamment la dépression et le

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suicide. La présente étude vise d'abord à déterminer la nature de la victimisation par les pairs que vivent les jeunes québécois, puis à analyser le lien existant entre la victimisation par les pairs à l'école et les comportements suicidaires chez les jeunes adolescents qui subissent cette violence. Les effets médiateurs possibles de la dépression et de l'estime de soi seront également évalués. En fait, ces deux variables faisant partie des facteurs de risque des idées suicidaires, il est probable qu'elles soient en partie ou en totalité responsables du lien possible entre la victimisation par les pairs et les idées suicidaires. L'étude comprend aussi quelques objectifs spécifiques: (a) déterminer si les garçons sont plus nombreux que les filles à être victimises, (b) vérifier si la victimisation par les pairs diminue avec l'âge, donc si elle s'avère plus présente en première année du secondaire qu'en deuxième année du secondaire, (c) si les victimes présentent plus d'idées suicidaires que les jeunes ne subissant pas de victimisation par leurs pairs et (d) évaluer si les filles sont plus nombreuses que les garçons à connaître des idées suicidaires. Par ailleurs, en ce qui concerne le lien entre les divers types de victimisation et les idées suicidaires, l'étude se veut de nature exploratoire étant donné que très peu de recherches ont été publiées sur cette question précise.

Le présent mémoire doctoral s'avère très pertinent étant donné le peu d'études québécoises portant sur la victimisation par les pairs. Par ailleurs, au plan international, peu d'études ont été publiées sur le lien entre ce phénomène et le suicide, tout en évaluant l'influence de variables potentiellement médiatrices : la dépression et l'estime de soi.

Ce mémoire doctoral se divise en sept chapitres. Le premier aborde le phénomène de la victimisation par les pairs : définitions, types de victimisation, prévalence et

caractéristiques des victimes. Par la suite, les conséquences de cette violence sont

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victimisation en cause. Une section portant sur les facteurs de risque et de protection suit, de même qu'une dernière explicitant les modèles théoriques utilisés afin de mieux

comprendre le phénomène.

Le deuxième chapitre porte sur le suicide. Il contient entre autres diverses

définitions, des critères pour l'évaluation des jeunes à risque de suicide, des données sur la prévalence du phénomène et les caractéristiques des jeunes dits à risque. Par la suite, les facteurs de risque et de protection sont présentés, de même que le modèle théorique pertinent au sujet.

Par ailleurs, le troisième chapitre fait état des résultats publiés à ce jour sur le lien entre la victimisation par les pairs et le suicide. Une discussion suit sur les modèles théoriques existants, bien qu'aucun n'ait été élaboré sur la concomitance entre les deux phénomènes.

Le chapitre quatre présente les divers objectifs, globaux et spécifiques, de la présente étude. Par la suite, le chapitre cinq aborde la méthodologie utilisée : description des participants, des mesures et des procédures. Les résultats sont discutés dans les chapitres suivants. Les deux dernières sections portent sur la discussion des résultats et la conclusion.

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Chapitre 1

La victimisation par les pairs à l'école 1.1 La victimisation par les pairs à l'école : définitions

La victimisation par les pairs représente une réalité quotidienne vécue par les adolescents. Il s'agit d'un phénomène préoccupant qui suscite un intérêt marqué des

praticiens et chercheurs en psychologie et en éducation. Ce mémoire doctoral s'inscrit dans cette perspective et tentera d'apporter des réponses à de nombreuses questions portant sur ce sujet, notamment en ce qui concerne les conséquences possiblement tragiques découlant du fait de subir cette violence.

Bien que la victimisation par les pairs à l'école fasse l'objet de plus en plus d'études, de nombreuses définitions, parfois divergentes, ont été élaborées par divers chercheurs pour tenter de l'expliquer. Selon Olweus (1993), pionnier de la recherche dans le domaine, un élève est victimise lorsqu'il est exposé, de façon répétée et sur une longue période de temps, à des actions négatives1 perpétrées par un ou plusieurs autres élèves

(physiques ou verbales, telles que frapper, donner des coups de pied, menacer, enfermer à l'intérieur d'une pièce, dire des choses méchantes et déplaisantes, ainsi que se moquer). Smith, Cowie, Olafsson et Liefooghe (2002) ont spécifié que le fait de se moquer peut être amical mais que, lorsqu'inclus dans la victimisation, ce terme fait référence à des actions plus ambiguës perpétrées avec l'intention de faire du mal.

Whitney et Smith (1993) ont, quant à eux, fait état d'éléments semblables à ceux de la définition d'Olweus. Selon ces auteurs, un jeune est victimise par ses pairs lorsqu'un autre jeune ou groupe déjeunes disent des choses méchantes et déplaisantes à son sujet; lorsqu'un jeune est frappé, se fait donner des coups de pied, reçoit des menaces, est

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subit d'autres conduites du même genre. Ces comportements peuvent survenir

fréquemment et il s'avère difficile pour lejeune de se défendre. La victimisation comprend aussi le fait de se moquer méchamment de quelqu'un, de façon répétée. Toutefois, toujours selon Whitney et Smith, lorsque deux jeunes de force similaire se querellent ou se

bataillent, ce n'est pas considéré comme représentant de la victimisation par les pairs. Selon Rigby et Slee (1999b), la victimisation par les pairs se manifeste par de l'oppression physique ou psychologique répétée, perpétrée par un jeune ou un groupe de jeunes exerçant plus de pouvoir que la victime. Cette définition présente des aspects

similaires à celle de Roland (1989) qui stipule que la victimisation par les pairs représente de la violence physique ou psychologique perdurant dans le temps, perpétrée par un individu ou un groupe et dirigée contre une personne qui ne peut se défendre.

D'autres auteurs ont tenté, pour leur part, d'élaborer une définition du concept de victimisation en regroupant divers éléments abordés dans la littérature : Monks et Smith (2006), dont la définition a été présentée plus haut2, Farrington (1993) et Nansel et al.

(2001) en font partie. Tout d'abord, selon Farrington, la notion de victimisation par les pairs inclut divers éléments clés : attaque ou intimidation physique ou psychologique perpétrée avec l'intention de causer la peur; détresse ou mal à la victime; asymétrie de pouvoir, impliquant que lejeune détenant plus de pouvoir oppresse celui en détenant moins; absence de provocation de la part de la victime et incidents répétés entre les mêmes protagonistes sur une longue période de temps. Quant à Nansel et a l . ils ont regroupé les divers éléments de la littérature pour produire une définition représentant les diverses recherches effectuées dans le domaine: type particulier d'agression au cours duquel un comportement est perpétré de façon répétée dans le but de faire du mal; le comportement survient dans un contexte de déséquilibre du pouvoir, lorsqu'un élève ou un groupe

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d'élèves en attaque un autre ayant un pouvoir plus faible. L'asymétrie de pouvoir peut se traduire de façon physique ou psychologique.

Malgré l'apparence de consensus en ce qui a trait à une définition de la

victimisation par les pairs, certains auteurs adoptent un point de vue différent. Ainsi, selon Guerin et Hennessy (2002), quelques chercheurs suggèrent qu'un comportement qui n'a pas été perpétré avec l'intention de causer du tort ou de faire souffrir peut néanmoins être considéré comme de la victimisation si la victime a perçu une telle intention. De plus, toujours selon ces auteurs, un comportement agressif n'a pas à être perpétré à de multiples reprises pour être considéré comme de la victimisation, particulièrement lorsqu'un tel acte entraîne une peur continue de répétition chez la victime.

1.1.1 Critique des définitions.

Les diverses définitions présentées ci-haut contiennent un bon nombre de

caractéristiques communes. Toutefois, certaines d'entre elles présentent des spécificités discutables, telles qu'une valeur trop restrictive ou au contraire, trop large. Ainsi, la définition de Farrington (1993) s'avère très spécifique en incluant une absence de

provocation de la part de la victime et de multiples incidents entre les mêmes protagonistes, sur une longue période de temps. À l'inverse, une définition comme celle de Nansel et al. (2001) comprend des comportements causant du mal, sans définir la nature même de ces actes. Par ailleurs, la notion de répétition des épisodes de victimisation par les pairs fait partie de la majorité des définitions, mais la difficulté réside en l'interprétation même de la notion de répétition dans les divers contextes, à savoir quelle signification lui donner. En effet, selon les études, des critères plus ou moins inclusifs sont utilisés pour mesurer la fréquence de la victimisation (par exemple : quelques fois par mois versus plusieurs fois par semaine).

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La définition retenue dans le cadre de ce mémoire doctoral consiste en celle de Whitney et Smith (1993). La principale raison de ce choix est la similarité entre les éléments mentionnés par les auteurs pour définir la victimisation par les pairs et les items mesurant ce phénomène dans le questionnaire utilisé pour la présente étude. De plus, ces auteurs sont souvent cités dans de nombreuses recherches portant sur le sujet. Cependant, le questionnaire utilisé ne permet pas de mesurer un aspect de cette définition : la notion de force similaire. En effet, rien ne permet de statuer, à partir des questions utilisées pour ce mémoire doctoral, que les jeunes qui mentionnent vivre la victimisation par leurs pairs ne rapportent pas plutôt des querelles ou des batailles entre eux et d'autres jeunes de pouvoir équivalent. La définition de Whitney et Smith représente néanmoins la meilleure option pour définir la victimisation par les pairs telle qu'elle est évaluée dans la présente étude. 1.2 Types de victimisation par les pairs

1.2.1 Définitions.

Différents types de victimisation par les pairs sont identifiés dans les écrits scientifiques : la victimisation directe, indirecte, physique, verbale, relationnelle, psychologique, sexuelle et raciale représentent quelques-unes des formes possibles du phénomène. Les chercheurs s'intéressant au phénomène ne s'entendent toutefois pas sur le nombre de formes de victimisation à définir, certains en identifiant deux, d'autres quatre ou cinq. La classification et parfois la définition même du type de victimisation s'en trouvent donc modifiées en fonction des auteurs. Voici quelques exemples de définitions souvent cités dans la littérature.

Tout d'abord, les auteurs s'entendent sur la définition de trois types de victimisation par les pairs : directe, physique et verbale. Ainsi, la victimisation directe représente des agressions perpétrées de façon ouverte (visible, en confrontation face à face), sur les plans

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physique et verbal. Quant à la victimisation physique, elle survient lorsque l'intégrité physique de la victime est atteinte (ex : frapper, pousser, pincer) ou menacée (ex : menacer de frapper). Lorsque le statut de la victime est attaqué ou menacé à l'aide de mots ou de vocalisations, il est question de victimisation verbale (ex : crier des noms, insulter) (Hawker & Boulton, 2000; Olweus, 1999; Rigby & Slee, 1999b; Rivers & Smith, 1994; Underwood, Galen & Paquette, 2001).

En ce qui concerne la victimisation de type indirect et relationnel, une certaine confusion émane des études. Bjôrkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen (1992) ont été parmi les premiers à définir le type indirect, qui comprend des comportements par lesquels

l'agresseur tente d'infliger une souffrance à la victime, mais de façon à ce que cette intention soit camouflée. Une façon d'y arriver consiste à utiliser une tierce personne pour causer du tort à la victime, de sorte que l'agresseur ne puisse pas être identifié. Selon Olweus (1999) ainsi que Rigby et Slee (1999b), la violence indirecte peut également se manifester par l'isolement social, l'ostracisme et le fait de répandre des rumeurs sur autrui. Selon tous ces auteurs, ce type de victimisation se caractérise donc par une absence de contact direct entre l'agresseur et la victime. La victimisation de type relationnel, qui peut parfois ressembler à celle de type indirect, est définie différemment. Selon Crick et al. (1999), elle regroupe tous les comportements entraînant la souffrance de la victime par le biais du tort (ou la menace de préjudice) causé aux relations sociales ou amicales, au sentiment d'appartenance ou à l'acceptation dans un groupe (ex : menacer de mettre fin à l'amitié si un service n'est pas obtenu). Une définition semblable provient de Crick et Grotpeter (1996). selon qui l'agression relationnelle consiste en une souffrance infligée à la victime par l'entremise de tort causé à une relation ou de manipulation dans une relation.

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Young, Boye et Nelson (2006) ont quant à eux tenté d'éclaircir le sujet de la victimisation indirecte ou relationnelle en faisant ressortir les distinctions entre ces deux types. Ainsi, la victimisation indirecte met l'accent principalement sur la manipulation sociale, plus spécifiquement par le biais de moyens détournés (la victime n'est pas

directement confrontée). Les comportements auxquels ce type réfère sont, par exemple, de commérer, répandre de fausses rumeurs, ignorer ou éviter, médire et exclure socialement. La victimisation relationnelle, pour ces auteurs, comprend une sélection plus large de comportements de manipulation sociale, dont ceux de type indirect. Des comportements directs (ouverts) s'y ajoutent, impliquant un contact direct entre l'agresseur et sa victime, tels que le fait de déclarer à un pair en face à face qu'il ne sera pas invité à un party s'il ne pose pas telle ou telle action.

D'autres types de victimisation existent, tel qu'il a été mentionné précédemment. Toutefois, étant donné qu'ils sont moins fréquents dans la littérature, ils seront présentés dans la section suivante portant sur diverses typologies, selon la définition des auteurs qui les ont utilisés.

1.2.2 Typologies.

Hawker et Boulton (2000) ont réalisé une méta-analyse sur des études transversales ayant été publiées entre 1978 et 1997 portant sur le lien entre la victimisation par les pairs et les problèmes d'adaptation psychosociale. Ces auteurs ont proposé une typologie en cinq catégories pour classifier les divers items utilisés (afin de mesurer la victimisation par les pairs) dans les questionnaires des études répertoriées : directe, physique, verbale, indirecte, relationnelle et non spécifiée. Ce dernier type comprend des expériences de victimisation atypiques, mais qui peuvent contenir quelques éléments classés dans les autres catégories. Les comportements contenus dans cette catégorie sont plus rares ou difficilement

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classifiables parmi celles déjà mentionnées. Les définitions des types physique et verbal ont déjà été mentionnées précédemment (physique : toute forme de victimisation dans laquelle l'intégrité physique de la personne est attaquée; verbale : le statut de la personne est attaqué ou menacé à l'aide de mots ou de vocalisations). Pour le type relationnel, la définition de Crick et al. (1999) a été retenue par Hawker et Boulton (comportements qui causent ou menacent de causer du tort aux relations avec les pairs, particulièrement à l'amitié et l'acceptation), tandis que pour la victimisation indirecte, c'est la définition de Bjôrkqvist (1994) qu'ils ont utilisée : agression qui est perpétrée par une tierce personne de façon à ce que l'agresseur ne soit pas identifié par la victime.

Une seconde typologie proposée par Baldry (2004) s'avère plus simple : elle ne contient que deux catégories, soit la victimisation directe (verbale et physique) et indirecte (psychologique et relationnelle). Dans la catégorie directe se retrouvent des scénarios tels que se faire traiter de noms, blesser physiquement, voler ses objets et menacer. Quant à la victimisation indirecte, elle consiste en trois items : se faire rejeter, être la cible de rumeurs et se retrouver seul car personne ne veut être avec soi.

Une étude canadienne a quant à elle utilisé une typologie différente de celles normalement retrouvées, utilisant cinq catégories pour bâtir leur questionnaire : physique, verbal, rumeur, sexuel et ethnique. Le type physique représente le fait de frapper, gifler ou pousser; le type verbal comprend rire de quelqu'un à cause de son apparence ou de sa façon de s'exprimer, et faire des menaces; la catégorie rumeur contient des comportements

comme répandre de fausses rumeurs et dire des mensonges à propos de quelqu'un. La victimisation sexuelle réfère à des blagues, commentaires ou gestes à caractère sexuel et finalement, la victimisation ethnique inclut le fait de rire de quelqu'un à cause de sa religion (Volk. Craig. Boyce & King, 2006). Les auteurs ont voulu ajouter ces deux

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dernières catégories pour palier au manque de recherche sur le sujet et créer des catégories plus exhaustives.

La quatrième et dernière typologie exposée est celle d'Orpinas et Horne (2006). Selon ces auteurs, la victimisation par les pairs se divise généralement en quatre catégories dans la littérature scientifique : physique, verbale, relationnelle et sexuelle. Le type

physique réfère à pousser, bousculer, frapper et à d'autres actes d'agression physique. La victimisation verbale inclut le fait de traiter de noms, sacrer et menacer. Le type relationnel comprend quant à lui des comportements visant à causer du tort aux relations entre les jeunes, tels qu'exclure certaines personnes d'une participation à un événement social,

raconter des mensonges sur un pair afin que les autres l'évitent et proférer des commérages à propos d'un autre jeune. Finalement, la victimisation sexuelle a trait à des paroles ou comportements non sollicités et déplaisants de nature sexuelle. Cette définition ressemble à celle de Volk et al. (2006) et la complète en ajoutant la notion de non sollicitation des actes à caractère sexuel.

1.2.3 Fréquence de la victimisation par les pairs selon le type et le genre.

La fréquence de la victimisation varie en fonction du type de victimisation dont il est question. Ainsi, la majorité des auteurs s'entendent pour dire que la victimisation de type verbal serait la plus fréquente, suivi du type physique (Mills, Guerin, Lynch, Daly & Fitzpatrick, 2004; Scheithauer. Hayer. Petermann & Jugert, 2006; Seals & Young, 2003). Une étude a cependant montré que le type rumeur (répandre des rumeurs et dire des mensonges à propos de quelqu'un) s'avère le plus fréquemment rapporté par les victimes (Volk et ai, 2006). Cette différence entre les études pourrait s'expliquer par le fait que la définition de la victimisation verbale (rire de quelqu'un à cause de son apparence ou sa façon de s'exprimer et faire des menaces) utilisée dans cette étude est plus restrictive que

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dans la majorité des recherches. De plus, les exemples d'actes de violence n'étant pas identiques à travers les études pour chacune des catégories de victimisation, des variations peuvent survenir.

Des variations existent en fonction du sexe de la victime. En effet, les garçons sont plus souvent victimes sur le plan physique que les filles (Scheithauer et al, 2006; Whitney & Smith, 1993). De même, tout type de victimisation confondu, plus de garçons qUe de filles agressent physiquement leurs pairs et légèrement plus de filles que de garçons rapportent subir des actes de victimisation verbale (Scheithauer et al, 2006). Finalement, selon Bjôrkqvist et al. (1992), les filles utilisent plus souvent la victimisation indirecte et l'évitement, tandis que les garçons privilégient le type direct.

Ce fait est toutefois contesté par Young et al. (2006) qui clament que les garçons et les filles ne diffèrent pas de façon marquée en ce qui concerne leur engagement global dans des comportements d'agression relationnelle. En fait, selon ces auteurs, les filles commettraient proportionnellement plus d'actes d'agression relationnelle que les garçons, étant donné qu'elles utilisent moins le type physique. La proportion de comportements d'agression relationnelle serait donc plus élevée puisque les autres types de comportements sont peu employés. Quant aux garçons, ils utiliseraient l'agression relationnelle et physique sensiblement dans les mêmes proportions. Une autre étude a montré un lien plus direct entre les types relationnel et physique chez des jeunes filles afro-américaines, hispaniques et latinos provenant d'écoles en milieu urbain. Selon les dires de ces adolescentes, les agressions relationnelles précèdent souvent les agressions physiques. En effet, les commérages et la profusion de rumeurs surviendraient avant les bagarres physiques et contribueraient à provoquer ces bagarres (Talbott, Celinska, Simpson & Coe, 2002).

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1.3 La prévalence de la victimisation par les pairs à l'école secondaire au Canada Selon les résultats d'un sondage international portant sur la santé des jeunes en général, les chiffres rapportés pour le Canada indiquent qu'environ 15% des filles et 18% des garçons de 13 ans déclarent avoir été victimises par leurs pairs au moins deux fois lors des deux derniers mois. Ce résultat situe le pays au 27e rang sur 35 pays en regard à la

victimisation subie par les adolescents de cet âge (Craig & Harel, 2004). D'autres données témoignent de taux de victimisation similaires. Ainsi, selon Due et al. (2005), environ 17% des garçons et 12% des filles de 11, 13 et 15 ans seraient victimises par leurs pairs de façon physique ou verbale au cours d'une année scolaire.

L'étude de Pépier, Craig, Yuile et Connolly (2004) portant sur les jeunes canadiens de la 6e à la 8e année a montré une prévalence nettement plus élevée, particulièrement chez

les garçons. En effet, 28% des garçons et 19,3% des filles ont déclaré avoir été victimises par leurs pairs une ou deux fois lors des deux derniers mois, ce qui correspond à un niveau léger de victimisation. Par ailleurs, 12% des garçons et 4,5% des filles ont été victimises par leurs pairs à un niveau élevé, soit quelques fois depuis les deux derniers mois à plus d'une fois par semaine, pour la même période de référence.

Volk et al. (2006) ont quant à eux évalué uniquement la prévalence d'un niveau élevé de victimisation par les pairs chez un échantillon d'environ 6500 canadiens âgés entre

13 et 18 ans. Les auteurs ont effectivement choisi de déclarer un jeune victimise s'il subit cette violence au moins une fois par semaine. Selon cette méthodologie, ils obtiennent une prévalence similaire à celle de l'étude de Pépier et al. (2004). Les garçons de 13, 14, 15 et

16 ans et plus ont déclaré avoir été victimises dans des proportions respectives de 11%, 11,8%, 7,3% et 4,4%. Chez les filles, pour les mêmes tranches d'âge, des taux de 7,5%, 5,3%, 4,2% et 4,2% ont été obtenus. Ainsi, la victimisation par les pairs tend à diminuer

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avec l'âge chez les garçons, mais atteint un sommet vers 14 ans. Chez les filles, la diminution s'avère constante.

Une autre étude canadienne, menée dans vingt-cinq écoles secondaires, a quant à elle évalué la prévalence de la victimisation en fonction des types direct et indirect. Selon les résultats, environ 10% des garçons et 4,5% des filles de 13 à 18 ans sont victimises de façon directe au cours d'une année scolaire, tandis qu'environ 5% des garçons et 3,7% des filles subissent de la victimisation indirecte (Bosacki, Dane, Marini & Youth Lifestyle Choices-Community University Research Alliance, 2007).

Fait intéressant, toutes les études canadiennes montrent une incidence plus élevée de victimisation chez les garçons comparativement aux filles, ainsi qu'une diminution du phénomène avec l'âge.

1.4 La prévalence de la victimisation par les pairs à l'école secondaire au Québec La victimisation par les pairs est un champ de recherche relativement récent. Le Québec n'échappe pas à ce fait : très peu d'études ont été publiées sur ce phénomène, notamment en ce qui concerne sa prévalence. Voici les résultats de trois études recensées.

Selon l'Institut de la statistique du Québec (2002), au cours d'une année scolaire, 68%, 46% et 25% des Québécois de 9, 13 et 16 ans ont vécu au moins un épisode de victimisation physique ou verbale. Environ 20%, 11% et 5% de ces mêmes jeunes ont été victimises de cette façon deux fois durant l'année, tandis que 18%, 8% et 2,5% ont subi le même traitement au moins trois fois durant la même période de référence. Les garçons de 9 et 13 ans sont plus nombreux que les filles du même âge à rapporter une victimisation par les pairs plus fréquente (trois fois et plus). En effet, chez les jeunes de 9 ans, 21% des garçons contre 14% des filles ont déclaré ce fait, tandis que chez ceux de 13 ans, 12% des garçons et 2,9% des filles ont mentionné avoir subi au moins trois épisodes de victimisation

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par leurs pairs durant l'année scolaire. Les différences sont toutefois non significatives chez les adolescents âgés de 16 ans. Les filles subiraient donc moins de victimisation par les pairs que les garçons à tout âge, mais la diminution de celle-ci avec l'âge serait

proportionnellement moins importante que chez les garçons.

Une seconde étude, menée par Beaulieu (2007), montre des taux variant selon le type de victimisation mesuré. Ainsi, 52% des jeunes de 13, 14 et 15 ans déclarent avoir été insultés ou humiliés, 29% disent avoir reçu des menaces verbales, 27% ont mentionné s'être fait voler des objets sans s'en apercevoir et 12% se seraient fait attaquer

physiquement par d'autres élèves, au moins une fois au cours de l'année scolaire. Aucune différence significative n'a été notée concernant l'âge des victimes. Quelques différences de genre ont été observées : les garçons sont significativement plus nombreux que les filles à avoir reçu des menaces verbales, s'être fait attaquer physiquement par d'autres élèves, ainsi que s'être fait menacer ou attaquer par des membres de gangs de rue. Les différences selon le sexe et le genre combinés n'ont toutefois pas été rapportées.

Une autre recherche québécoise a été menée sur la violence scolaire en 2004 par Desbiens, Janosz, Bowen, Chouinard et Bélanger (citée dans Beaulieu, 2007). Selon les résultats de cette Enquête sur la violence dans les écoles publiques québécoises, 34,3% des élèves ont mentionné avoir reçu des menaces verbales, 16,3% ont été agressés

physiquement et 7,7% ont déclaré avoir été victimes de taxage4 à au moins une reprise

depuis le début de l'année scolaire. Tous ces résultats présentés montrent que bien qu'il y ait une certaine variation de prévalence, un grand pourcentage déjeunes québécois subit des actes de victimisation par les pairs.

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7.5 Variabilité de la prévalence de la victimisation par les pairs

La prévalence de la victimisation par les pairs varie d'une étude à l'autre, notamment en raison des différences méthodologiques identifiées entre les études. Les variables démographiques de l'échantillon (genre, âge), le critère de fréquence (utilisé pour mesurer un score de victimisation), la définition même de la victimisation par les pairs, le type de victimisation étudié ou le répondant (le jeune lui-même ou une tierce personne) influencent les données. Les taux de victimisation chez les élèves de la fin du primaire et du début du secondaire varient aussi selon le pays étudié, passant de 4% à 51 % dans des études réalisées en Australie, en Corée, en Irlande et en Norvège (Bond, Carlin, Thomas, Rubin & Patton, 2001; Kim, Koh & Leventhal, 2005; Mills et a l , 2004; Solberg & Olweus, 2003). Craig et Harel (2004) concluent également que les taux de victimisation par les pairs varient d'un pays à l'autre, allant d'environ 5% en République Tchèque jusqu'à environ 38% en Lituanie. Ainsi, les écarts entre les prévalences des diverses études s'avèrent parfois importants.

7.5.7 Prévalence selon le sexe.

La prévalence de la victimisation par les pairs variant beaucoup d'une étude à l'autre, des auteurs ont tenté de définir plus clairement les variables menant à ces divers taux. Ainsi, des différences sont présentes selon la population cible étudiée, notamment sur le plan du genre. Effectivement, dans une étude réalisée dans 28 pays, les résultats montrent que les garçons sont plus souvent victimises que les filles, sauf pour la Russie et la Hongrie (Due et a l . 2005). De nombreux autres chercheurs rapportent également une proportion plus importante de garçons que de filles étant impliqués dans des situations de

victimisation, aussi bien dans le rôle de la victime, de l'agresseur ou de l'agresseur-victime. Cette différence dans les taux selon le genre est présente pour tous les types de

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victimisation (Bosacki et al, 2007; Institut de la statistique du Québec, 2002; Kim et al., 2005; Nansel et al., 2001; Rigby & Slee, 1999b; Roland, 2002; Seals & Young, 2003; Solberg & Olweus, 2003). Deux études recensées ont permis de chiffrer le ratio selon lequel les garçons subissent plus souvent la victimisation par leurs pairs que les filles. Selon Ma (2002), environ 124 garçons sont victimises pour 100 filles, tandis que Rigby (1996, cités par Rigby & Slee, 1999b) mentionne qu'environ un garçon sur six serait victimise par ses pairs de façon hebdomadaire alors qu'une fille sur huit le serait.

7.5.2 Prévalence selon l'âge.

La prévalence de la victimisation est aussi influencée par l'âge des élèves. En effet, bien que les résultats des études divergent, la majorité rapporte une diminution des

situations de victimisation avec l'âge. Elles seraient également plus présentes au primaire qu'au secondaire (Due et al, 2005; Institut de la statistique du Québec, 2002; Janosz, Archambault & Bélanger, 2003 ; Pellegrini & Long, 2002; Rigby & Slee, 1991;

Scheithauer et al, 2006; Solberg & Olweus, 2003; Whitney & Smith, 1993). Les résultats de Pellegrini et Long (2002) montrent quant à eux que les jeunes ont tendance à plus agresser les autres au secondaire, mais moins de situations de victimisation par les pairs sont rapportées par les victimes. Une hypothèse pour expliquer cette tendance, en lien avec la théorie de la dominance sociale de Sidanius et Pratto, est que les jeunes utilisent dans un premier temps l'agression et par la suite les comportements prosociaux afin d'établir et de maintenir leur statut auprès de leurs pairs. Haynie et al. (2001 ) obtiennent toutefois des résultats différents : les épisodes de victimisation (autant au plan de l'agression que de la victimisation) sont de plus en plus nombreux entre la 6e et la 8e année. Holt et Espelage

(2007) ajoutent que les scores de victimisation les plus faibles se situent en 11e et 12e

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agressifs vers 11 ans. Les auteurs émettent l'hypothèse que lors de la puberté, les intérêts se tournent vers les relations amoureuses plutôt que vers la structure ou la hiérarchie sociale. Ce changement d'intérêt entraînerait donc une diminution des comportements de

victimisation, ce qui pourrait expliquer que plus lejeune avance en âge, moins ces comportements sont fréquents.

7.5.5 Prévalence selon l'âge et le sexe.

Les variations de la prévalence de la victimisation par les pairs pourraient également s'expliquer par une combinaison des facteurs âge et sexe. L'étude de Rigby et Slee (1991) apporte d'ailleurs des précisions en fonction de ces deux variables. Selon ces auteurs, une diminution de la victimisation par les pairs survient pour les deux sexes entre l'âge de 8 et

15 ans. Toutefois, chez les garçons, une augmentation de la victimisation se produit vers 12 et 13 ans, lors de l'entrée au secondaire, alors que chez les filles, la diminution s'avère constante. Les auteurs émettent l'hypothèse que les garçons fraîchement arrivés au secondaire sont confrontés à un plus grand nombre déjeunes plus vieux et plus

physiquement imposants qu'eux, pouvant facilement les victimiser de façon physique (type de victimisation plus fréquent chez les garçons). Par ailleurs, le fait que les filles mûrissent socialement plus rapidement que les garçons pourrait expliquer pourquoi elles vivent une diminution de la victimisation par les pairs plus constante avec l'âge que les garçons. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Volk et al. (2006). définis précédemment, qui montrent une diminution constante de la victimisation chez les filles au secondaire. Chez les garçons, il existe aussi une diminution de victimisation par les pairs, avec toutefois une augmentation à l'âge de 14 ans.

Par ailleurs, selon Pellegrini et Long (2002). les garçons entretiendraient une vision de l'agression et de la victimisation plus positive que les filles, particulièrement lors des

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premières phases de l'adolescence. Ainsi, la perception qu'ont les garçons de la violence pourrait expliquer, en partie du moins, pourquoi ceux-ci tendent à jouer plus souvent le rôle d'agresseur que les filles.

1.5.4 Critères de fréquence.

D'autres facteurs méthodologiques jouent un rôle dans la variabilité des taux de prévalence de la victimisation, tels le critère de fréquence. Selon Kumpulainen et al. (1998), les enfants ayant vécu un seul épisode de victimisation ne devraient pas être inclus dans les analyses. Dans une autre étude visant à déterminer le seuil idéal pour déclarer la présence de victimisation, le critère 2 ou 3 fois par mois a été montré comme le plus approprié (Solberg & Olweus, 2003). Toutefois, des auteurs ont considéré, pour leur part, que le fait d'avoir été victime quelques fois peut être inclus dans l'analyse au même titre que le fait de l'avoir été souvent, par opposition au fait de ne jamais avoir été victime (Institut de la statistique du Québec, 2002). Ainsi, utiliser un critère plus ou moins rigoureux peut influencer les données sur la prévalence.

7.5.5 Définitions.

Tel que mentionné antérieurement, de nombreux auteurs ont tenté d'élaborer une définition de la victimisation par les pairs. Les études ne se basant pas toutes sur une définition commune de la victimisation, il est probable que des variations de prévalence émanent de ce problème. Par exemple, certaines études ont mentionné explicitement ce que représentait la victimisation par les pairs dans les questionnaires distribués aux élèves, tandis que d'autres n'ont rien mentionné ou n'ont utilisé aucun exemple précis de

comportements de victimisation. Selon la méthode utilisée, les jeunes peuvent s'être fait une représentation différente de ce en quoi consiste la victimisation et ainsi répondre de façon différente.

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Dans l'étude de Roland (2002), par exemple, une définition de ce que représente la victimisation par les pairs a été lue aux élèves avant qu'ils répondent aux questionnaires. Cette dernière comprend trois éléments communs à la plupart des définitions : agresser physiquement, rejeter (isoler) et ridiculiser. D'autres éléments centraux à la victimisation par les pairs ont aussi été discutés, ce qui indique que la validité de contenu pour cette étude a été globalement bien contrôlée.

Dans l'étude de Pépier et al. (2006), une discussion sur la victimisation par les pairs a quant à elle été tenue en classe avant la passation des tests, afin de bien définir ce

construit. La discussion a ainsi permis de clarifier le terme, le présentant comme étant des agressions répétées contre des enfants victimes qui ont de la difficulté à se défendre. Par contre, aucun exemple spécifique n'a été donné au jeune (tel que la distinction entre la victimisation physique, verbale et relationnelle). Les auteurs mentionnent que ce manque de spécificité a pu entraîner une sous-estimation de l'ampleur du phénomène, les jeunes rapportant moins fréquemment avoir été victimes ou agresseurs.

D'autres études n'ont aucunement abordé le sujet de la définition de la victimisation par les pairs ou n'ont pas spécifié cette information dans les écrits faisant état de l'étude. Ainsi, dans les travaux de Sourander et al. (2006) et de Kumpulainen et al. (1998), aucune information n'est mentionnée à propos d'une définition du phénomène. De plus, les questions portant sur le sujet ne contiennent aucun exemple; si l'enfant ne sait pas à quoi réfère le terme victimisation par les pairs, il risque de ne pas répondre correctement à la question et ainsi fausser les données. Dans l'étude de Mills et al. (2004), les chercheurs demandaient aux enfants lors d'une entrevue s'ils avaient subi de la victimisation par leurs pairs. Or, aucune définition du terme n'avait été retenue par les auteurs, qui ont choisi de se baser sur la compréhension qu'avaient les participants de ce qu'était cette victimisation. Ce

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choix méthodologique a certainement pu entraîner des lacunes au niveau de la validité de contenu : la question étant trop large, les participants peuvent ne pas tous avoir répondu de la même façon à la question. De plus, tous les aspects de la victimisation par les pairs n'ont peut-être pas été abordés. Par exemple, si pour un enfant la victimisation se restreint à des attaques physiques, il risque de nier toute implication dans ce type de comportements s'il vit plutôt de la victimisation de type relationnel. Or, si la majorité des participants répond ainsi, c'est-à-dire de façon à ne représenter qu'une partie du phénomène, la validité de contenu du résultat global sera affectée.

Smith et al. (2002) ont d'ailleurs recensé quelques études qui n'ont pas tenu compte, dans la définition de victimisation par les pairs donnée aux élèves, du déséquilibre de pouvoir entre l'agresseur et la victime. Par conséquent, les jeunes peuvent avoir inclus dans leurs réponses des actions telles que des batailles ou des agressions, qui normalement ne font pas partie de la définition acceptée de la victimisation par les pairs.

En bref, les difficultés reliées aux divergences des définitions utilisées dans les différentes études portant sur la victimisation par les pairs entraînent possiblement des variations, plus ou moins importantes, de la prévalence dudit phénomène.

7.5.6 Type de victimisation.

Le type de victimisation étudié pourrait avoir également un effet sur la prévalence de la victimisation par les pairs à l'école. Ainsi, dans l'étude de Bond et al. (2001), des taux élevés de victimisation par les pairs ont été enregistrés, variant de 42% à 51%. L'étude tenait compte de quatre comportements de victimisation : ridiculiser, répandre des rumeurs, exclure délibérément et menacer d'utiliser ou utiliser la violence physique. Les taux élevés peuvent s'expliquer par l'inclusion de la victimisation de type indirect dans l'étude, ce qui n'est pas le cas de toutes les études. En effet, dans la méta-analyse réalisée par Hawker et

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Boulton (2000), seulement cinq des vingt-trois études utilisées pour leurs analyses ont tenu compte de la victimisation relationnelle ou indirecte. Par ailleurs, lorsque ce type de victimisation ne figure pas dans les études, une diminution de la prévalence de la

victimisation par les pairs peut survenir. Ainsi, Crick et Nelson (2002) ont montré que s'ils n'avaient pas tenu compte de la victimisation relationnelle, 71,4% des filles et 21,1% des garçons victimises par leurs pairs auraient été exclus de l'étude.

7.5.7 Les répondants.

En plus d'être influencées par le type de victimisation étudié, les données recueillies peuvent également varier en fonction des répondants. Dans l'étude de Kumpulainen et al. (1998), des mesures auto-rapportées ont été comparées à l'évaluation par les parents ainsi qu'à l'évaluation par les enseignants. Autant les parents que les enseignants sous-estiment les proportions des enfants victimises occasionnellement ou fréquemment. Les enseignants tendent cependant à répertorier plus souvent les agresseurs. Dans une étude rétrospective, les adultes ayant été victimises plus jeunes ont rapporté, dans des proportions d'environ 50%, que leurs enseignants et leur famille n'étaient pas au courant de leur victimisation (Hugh-Jones & Smith, 1999). Des données similaires ressortent de l'étude de Fekkes, Pijpers et Verloove-Vanhorick (2005), qui ont montré que près de 50% des jeunes

victimises par leurs pairs n'ont pas avisé leur professeur de cette situation. Par ailleurs, les élèves au secondaire sont moins portés à parler de leur victimisation à un adulte que ceux du primaire. En effet, selon Olweus (1993). 55% des enfants provenant d'écoles primaires ont discuté de leur victimisation à un adulte, contre 35% des élèves du secondaire. Les résultats de Whitney et Smith (1993) abondent dans le même sens : environ la moitié des jeunes du primaire n'ont pas dévoilé avoir été victimises par leurs pairs, alors que cette

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font, ils se tournent en plus grand nombre vers des membres de leur famille, par rapport à leurs

enseignants-Des variables autres que l'âge de la victime influencent aussi le dévoilement des situations de victimisation à un adulte. Ainsi, la sévérité de la victimisation par les pairs jouerait un rôle important sur ce plan. En effet, plus un jeune subit de la victimisation par

ses pairs de façon fréquente, plus il est porté à en parler avec un adulte de son entourage (Whitney & Smith, 1993). Le genre et le type de victimisation par les pairs vécu ont aussi été reliés au dévoilement. Selon Rivers et Smith (1994), les garçons sont plus nombreux que les filles à parler à un adulte des agressions physiques directes qu'ils ont subies, alors qu'une plus grande proportion de filles déclare à un adulte avoir subi de la violence

indirecte. Toutefois, chez les adolescents des deux sexes, l'étude a montré une plus grande propension à dévoiler les actes de victimisation directe (physique ou verbale) que ceux indirects (Rivers & Smith, 1994).

1.5.8 Autres variables.

Les différences entre les résultats obtenus par diverses études pourraient également s'expliquer en partie par les divers temps de référence utilisés pour calculer les taux de victimisation par les pairs. Selon Craig et Pépier (2003), plus le temps de référence employé s'avère court (par exemple, la présence de victimisation durant les cinq derniers jours versus durant les six derniers mois), moins la prévalence sera élevée.

Dans un autre ordre d'idées, la victimisation par les pairs peut être perpétrée par jeunes du même sexe ou, phénomène plus rare, de façon mixte. De façon générale, les jeunes ont tendance à agresser des jeunes du même sexe qu'eux (Pellegrini & Long, 2002;

Seals & Young. 2003). La victimisation mixte, c'est-à-dire agresser un jeune du sexe opposé, est beaucoup moins fréquente. Lorsqu'elle existe, elle est exercée par plus de filles

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que de garçons (Seals & Young, 2003). Si les études ne précisent pas que la victimisation peut être mixte, il est probable que les jeunes ne mentionnent pas cette forme plus rare de victimisation, par exemple de peur d'être mal jugé. Cette omission de se déclarer victimise pourrait donc induire une légère sous-estimation de la prévalence dans les études.

1.6 Caractéristiques des victimes

1.6.1 Caractéristiques physiques.

Plusieurs auteurs ont tenté de décrire les caractéristiques des jeunes victimes de violence de la part de leurs pairs. Selon Besag (1989), les victimes posséderaient certaines caractéristiques faisant d'elles des cibles de choix : elles ont peur des bagarres, ne se défendent pas et sont physiquement plus faibles que leurs camarades de classe. Olweus (1978) en est arrivé sensiblement aux mêmes conclusions : les enfants victimises tendent à être faibles physiquement, surtout les garçons. Une autre étude a recensé diverses

caractéristiques typiques des victimes par le biais d'un sondage effectué auprès de 14 experts mondiaux. Sur les 70 caractéristiques proposées aux experts, 19 ont fait

l'unanimité, notamment le fait que les victimes sont physiquement plus jeunes, plus petites et plus faibles que leurs pairs (Hazier, Carney, Green, Powell & Jolly, 1997). Ma (2002) a montré des résultats semblables : les jeunes victimises arborent un faible état de santé général, évalué selon les critères de l'Organisation mondiale de la Santé. Rigby (1999a) a poussé plus loin les analyses et suggéré une relation causale entre le fait d'être victimise et de présenter une santé physique faible. Toujours sur le plan des caractéristiques physiques, les victimes auraient aussi tendance à se plaindre de douleurs somatiques ou de symptômes physiques vagues, tels que des maux de tête, maux de ventre ou nausées, possiblement afin de tenter de s'absenter de l'école (Raskauskas & Stoltz. 2004). Des données provenant des États-Unis tendent à confirmer cette hypothèse : selon l'Association américaine des

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psychologues scolaires, plus de 160 000 jeunes s'absentent de l'école chaque jour par crainte d'être victimises par leurs pairs (Levinson & Liepe-Levinson, 2005). Ces derniers pourraient donc utiliser des motifs de problèmes de santé physique afin d'obtenir la permission de s'absenter de l'école.

7.6.2 Caractéristiques psychologiques.

Les jeunes ciblés par la victimisation par leurs pairs, en plus d'être semblables selon certaines caractéristiques physiques, le sont aussi sur le plan psychologique. Ainsi, ces victimes présenteraient un portrait de comportements de type internalise : elles auraient tendance à pleurer facilement, à manifester ouvertement leur anxiété et à renforcer leur agresseur par leurs comportements de soumission et de renonciation à aller vers des personnes-ressources (Egan & Perry, 1998; Hodges, Malone & Perry, 1997; Olweus,

1978). Le fait que les jeunes parlent peu de leur victimisation a par ailleurs été souligné par divers auteurs (Hugh-Jones & Smith, 1999; Kumpulainen et al, 1998; Whitney & Smith,

1993).

D'autres caractéristiques psychologiques ont été mentionnées par Hazier et al. (1997). Selon eux, les victimes croient être dans l'incapacité de contrôler leur

environnement, tendent à se blâmer pour leurs problèmes, ont peur d'aller à l'école et d'être personnellement inadéquates et arborent une faible conceptualisation de soi. Ma (2002) abonde dans le même sens : les jeunes victimises par leurs pairs en huitième année seraient généralement des garçons présentant un faible état affectif (bas niveau d'estime de soi générale, de satisfaction personnelle et de confiance en soi par rapport à divers domaines scolaires).

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1.6.3 Caractéristiques sociales.

En plus des caractéristiques physiques et psychologiques, des caractéristiques sur le plan social ont été répertoriées chez les victimes. Tout d'abord, les jeunes ciblés par la victimisation par les pairs présentent une perception du support social, défini par Malecki et Demaray (2002) comme représentant un ensemble de comportements de support

spécifiques ou généraux contribuant au bien-être général physique et mental d'une personne et/ou jouant un effet protecteur en situation de stress, différente des autres adolescents. En effet, les jeunes victimises par leurs pairs auraient tendance à percevoir moins de soutien provenant de leurs pairs et de leur figure maternelle que les jeunes non victimises. Les filles perçoivent malgré tout recevoir plus de support, globalement, que les garçons (Demaray & Malecki, 2003; Holt & Espelage, 2007). Ces résultats concordent avec ceux obtenus antérieurement par Salmivalli, Huttunen et Lagerspetz (1997), qui ont montré que les victimes perçoivent moins de soutien de leurs pairs en comparaison avec les

agresseurs ou les élèves non impliqués dans des situations de victimisation par les pairs. Par ailleurs, en diverses situations d'interaction avec les pairs, les adolescents victimises montrent de légères difficultés à gérer les confrontations de façon adaptée. Par exemple, les victimes utilisent plus l'agression physique en réponse à des situations ambiguës de confrontation que les non victimes. De plus, elles sont moins portées que les non victimes à demander plus d'information sur la situation, par exemple demander à l'agresseur pourquoi il a agi de telle ou telle façon (Champion, Vernberg & Shipman, 2003). Cela pourrait être dû en partie par le fait que les jeunes victimises par leurs pairs présentent souvent de faibles habiletés sociales', de faibles habiletés interpersonnelles , en plus d'être moins populaires et isolés socialement (Hazier et al, 1997).

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1.6.4 Caractéristiques scolaires.

Étant donné que les jeunes subissant la victimisation par leurs pairs évoluent dans un milieu scolaire, certains auteurs se sont penchés sur les caractéristiques du milieu scolaire ainsi que les caractéristiques de la victime qui seraient liées à l'école. Selon Ma (2002), les jeunes victimises par leurs pairs présenteraient un faible niveau de réussite scolaire (mesuré par des tests de compréhension de lecture, de mathématiques et de sciences). Aussi, ils proviendraient d'écoles présentant un climat disciplinaire déficient (niveau auquel les jeunes ont intégré les règles, normes et valeurs de l'école et se

conforment à celles-ci). Whitney et Smith (1993) ont évalué l'influence du nombre d'élèves par école et par classe, mais elle s'est avérée non significative.

Horowitz et al. (2004) ont quant à eux utilisé la méthodologie des groupes de discussion afin d'obtenir l'avis des jeunes eux-mêmes sur le sujet. Âgés entre 11 et 14 ans, les élèves questionnés ont rapporté que les jeunes ciblés par la victimisation par les pairs tendent à être différents des autres, soit trop intelligents, stupides, ou préférés du

professeur. Par exemple, le fait d'éprouver des difficultés scolaires ou des problèmes d'apprentissage ferait partie des caractéristiques des jeunes subissant la violence de la part de leurs pairs. Ces données sont importantes car elles représentent l'avis des jeunes qui sont de réels témoins de la victimisation lorsqu'elle survient en milieu scolaire.

7.7 Victimes passives et provocatrices

Les caractéristiques mentionnées ci-haut s'appliquent pour la plupart, selon Olweus (1993), aux victimes passives. Celles-ci sont effectivement définies comme étant anxieuses et insécures, réagissant notamment à l'agression par des pleurs et du retrait, présentant une faible estime d'elles-mêmes et une faiblesse physique en comparaison avec les autres élèves. Un deuxième type de victimes, moins fréquent, a par ailleurs été identifié par

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Olweus : les victimes provocatrices. Les jeunes faisant partie de ce groupe adoptent des patrons de réaction combinant l'anxiété et l'agressivité. Par exemple, leur tempérament explosif peut les amener à tenter de répondre ou de se battre lorsqu'ils sont attaqués, mais ils le font souvent de façon inefficace. Aussi, ces jeunes présentent parfois de

l'hyperactivité et des problèmes de concentration qui entraînent des comportements irritants pour les autres élèves. Leur attitude, contrairement à celle des victimes passives, peut donc provoquer l'agression des autres élèves. Ces victimes provocatrices, malgré une apparente agressivité, cachent cependant une faible estime de soi, de l'insécurité et de l'immaturité. Pikas (1989) a aussi abordé le sujet des victimes provocatrices en les définissant comme jouant un rôle actif soit en invitant ou en perpétuant les comportements d'agression. Les victimes passives et provocatrices présentent donc diverses caractéristiques qui en font deux groupes distincts.

1.8 Victimisation par les pairs prolongée dans le temps

En plus d'étudier les diverses caractéristiques des victimes, certains chercheurs ont tenté d'évaluer si les mêmes jeunes demeurent victimises d'une année à l'autre. Les

résultats de leurs études montrent que la victimisation par les pairs demeure stable à travers le temps : de nombreux jeunes sont victimises par leurs pairs pendant plusieurs années (Boulton & Underwood, 1992; Epstein, 1990, cité dans Hodges & Perry, 1999; Hanish & Guerra, 2002; Kumpulainen, Ràsânen & Henttoned. 1999; Olweus 1978). La continuité dans le temps de la victimisation par les pairs aurait cependant une fin selon Olweus (1992), qui a montré une absence de relation entre le statut de victime ou non victime en 6e

et en 9e année et une mesure de victimisation à l'âge de 23 ans. Selon l'auteur, ce résultat

propose qu'après avoir quitté le milieu scolaire, les jeunes ayant été victimises auparavant détiennent plus de liberté pour choisir leur propre milieu social et environnemental.

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Cependant, malgré le fait que les jeunes de 23 ans ayant été victimes plus jeunes ne le soient plus, elles en subissent encore les conséquences. En effet, elles présentent une plus grande tendance à la dépression et une faible estime d'elles-mêmes que les jeunes n'ayant pas été impliqués dans des situations de victimisation par les pairs à l'école.

1.9 Conséquences de la victimisation par les pairs

Bien que les résultats n'aillent pas toujours dans le même sens pour chacune des variables étudiées, les auteurs sont unanimes : la victimisation entraîne des effets négatifs chez les jeunes. Selon Kumpulainen et Ràsânen (2000), les jeunes étant victimises par leurs pairs à huit ou 12 ans sont plus susceptibles de souffrir de symptômes psychiatriques à 15 ans que les jeunes non impliqués dans des situations de victimisation. Les auteurs émettent l'hypothèse que les jeunes victimises pendant une longue période de temps et traités avec de moins en moins de sympathie en vieillissant seraient plus à risque de vivre des

problèmes d'adaptation. Certains jeunes continuent de subir des séquelles de leur victimisation des années plus tard, telles que la paranoïa, l'agressivité, l'évitement et la méfiance envers les enfants et les adultes (Hugh-Jones & Smith, 1999).

7. P. 7 Conséquences de la victimisation par les pairs selon les groupes déjeunes. Selon Solberg et Olweus (2003), plus un jeune agresse ou est victimise, plus il risque de présenter des problèmes internalises (désintégration sociale perçue, tendances dépressives, évaluation de soi globalement négative, faible estime de soi) et/ou externalises (agression et comportement antisocial). Le groupe le plus à risque serait les victimes-agresseurs, c'est-à-dire les jeunes qui sont à la fois victimises par leurs pairs et qui les agressent à leur tour (Kaltiala-Heino, Rimpelâ, Marttunen, Rimpelà & Rantanen. 1999; Kim et al, 2005; Nansel et al, 2001; Solberg & Olweus. 2003). Les auteurs s'entendent généralement sur les difficultés que vivent ces jeunes victimes-agresseurs. Ils ont des

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problèmes d'adaptation psychosociale et émotionnelle, des scores élevés à des échelles de comportements externalises et internalises, vivent une détresse psychologique et des problèmes interpersonnels, présentent plus de symptômes dépressifs, éprouvent un sentiment d'inefficacité et ont un faible contrôle d'eux-mêmes. Ils sont souvent isolés socialement, plus impliqués dans des groupes de pairs déviants et éprouvent des difficultés scolaires. De plus, ils auraient un patron de symptômes plus atypique : problèmes sur le plan des pensées (par exemple avoir des obsessions et/ou compulsions, des hallucinations, adopter des comportements et/ou pensées étranges) et de l'identité (mesuré par des items tels que Je me comporte comme quelqu 'un du sexe opposé au mien et Je me sens confus) et score plus élevé dans la catégorie autres (tels le fait de ne pas assez se nourrir, se ronger les ongles, avoir des tics) selon l'échelle du Youth Self Report (Haynie et al, 2001; Ivarsson, Broberg, Arvidsson & Gillberg, 2005; Kumpulainen et al, 1998; Nansel et al, 2001). La symptomatologie plus importante du groupe des victimes-agresseurs pourrait s'expliquer en partie par le fait que les jeunes de ce groupe sont impliqués dans des situations de violence dans une plus large proportion que les jeunes uniquement victimes ou agresseurs (ils sont plus victimises et agressent plus les autres jeunes; Demaray & Malecki, 2003). Dans une autre étude, l'âge du jeune représente une variable importante. En effet, Kumpulainen et Ràsânen (2000) indiquent que les victimes-agresseurs constituent, chez les enfants de huit ans, le groupe le plus à risque de présenter des symptômes psychiatriques quelques années plus tard (troubles internalises et externalises, symptômes dépressifs, troubles

psychosomatiques tels que des difficultés d'alimentation et/ou de sommeil, douleurs ou maux de tête), tandis qu'à l'âge de 12 ans, le groupe des victimes serait le plus à risque. Les auteurs stipulent que les jeunes victimises pendant de longues périodes de temps seraient traités avec moins de sympathie en vieillissant, ce qui augmenterait leur détresse.

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En ce qui concerne les conséquences de la violence pour les victimes (ne perpétuant pas la violence; la subissant uniquement), elles sont multiples : symptômes de dépression, anxiété, score élevé à une échelle de comportements internalises et problèmes d'adaptation scolaire (par exemple ne pas aimer l'école), solitude (Hawker & Boulton, 2000; Institut de la statistique du Québec, 2002; Prinstein et al, 2001; Roland, 2002). Sur le plan de l'estime de soi, les données divergent. La majorité des auteurs mentionne que la victimisation par les pairs entraîne une diminution de l'estime de soi, particulièrement en ce qui a trait au domaine social (Haselager & Van Lieshout, 1992, cités dans Sharp, 1996; Hawker & Boulton, 2000; Institut de la statistique du Québec, 2002; Prinstein et a l , 2001; Olweus,

1992, 1993; Solberg & Olweus, 2003). Boulton et Underwood (1992) ont poussé plus loin les analyses et montré un lien causal entre le fait d'être victimise par ses pairs et une diminution de l'estime de soi. Cependant, quelques auteurs n'ont pas affirmé de lien entre la victimisation par les pairs et une faible estime (Bosacki et al, 2007; Salmon, James & Smith, 1998). Sharp (1996) a quant à elle montré que les jeunes victimises par leurs pairs et présentant initialement une faible estime d'eux-mêmes vivent une victimisation plus sévère, montrent un niveau de stress plus élevé et des conséquences au stress plus néfastes que les jeunes dont l'estime de soi est élevée. Par ailleurs, les jeunes subissant de la victimisation

par leurs pairs éprouvent des difficultés sur le plan social : relations amicales peu

développées, solitude et difficulté à créer des liens d'amitié (Nansel et al, 2001). Malgré quelques différences qualitatives entre les groupes déjeunes, tous font face à des

conséquences négatives en raison de leur implication dans des situations de victimisation. 7.9.2 Conséquences de la victimisation par les pairs selon le type de victimisation. De nombreuses conséquences de la victimisation par les pairs ont été recensées par divers auteurs. Certains d'entre eux ont évalué plus spécifiquement les effets qu'entraînent

Références

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