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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La quatrième dimension de la Didactique : réflexions à partir de ce que je sais (ou crois savoir) sur l'apprentissage de la notion de temps historique (ou social) par les élèves de collège

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA QUATRIÈME DIMENSION DE LA DIDACTIQUE

RÉFLEXIONS

À

PARTIR DE CE QUE JE SAIS

(OU CROIS SAVOIR) SUR L'APPRENTISSAGE

DE LA NOTION DE TEMPS HISTORIQUE (OU SOCIAL)

PAR LES ÉLÈVES DE COLLÈGE

Jean-Pierre BOURREAU

Collège Jean Memloz, Wittelsheim (Haut Rhin)

MOTS-CLÉS: DIDACTIQUE - TEMPS SOCIAL

RÉSUMÉ: L'élaboration, par les élèves, d'un savoir structurant comme la notion de temps social semble se heurteràde nombreux obstacles. En particulier, le cadre scplaire du travail paraît renforcer les difficultés liéesàla nature mime du savoir en jeu. C'est pourquoi la didactique aurait sans doute intérêtàprendre en compte la dimension institutionnelle de l'apprentissage.

SUMMARY : The building by pupils of a "structuring" learning like the notion of social lime is likely to come up against lots of obstacles. In particular, the scolastic framework of the task seems to stress the difficulties linked to the very nature of the learning at issue. That's why, it would probably betothe interest of didactics to take the institution al dimension into consideration.

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1. INTRODUCTION

Je ne suis ni un expert en didactique ni un scientifique. J'enseigne l'histoire (et la géographie) depuis vingt ans dans le même collège et j'espère simplement pouvoir accoler à mon statut de "praticien" le qualificatif de "réfléchi" empruntéàP. Perrenoud. Après une quinzaine d'années de tâtonnements pédagogiques, en même temps que j'avais le sentiment d'avoir réussi à bricoler un dispositif d'enseignement-apprentissage viable, j'ai éprouvé le besoin de nourrir une réflexion sur les contenus disciplinaires et les processus d'apprentissage, afin de mieux raisonner le rapport entre mes objectifs et ma pratique. C'est ainsi que j'ai découvert la didactique, dans le cadre du D.E.A. de didactique des disciplines de Paris 7. À partir des résultats de mes investigations sur une certaine approche de l'enseignement de l'histoire, je me permets de livrer ici mes interrogations sur la didactique en tant que savoir sur la construction du savoir.

2. CE QUE JE SAIS SUR LE SA VOIR EN HISTOIRE

2.1 Le savoir des historiens

Je n'ai jamais connu l'enseignement de l'histoire comme une accumulation de connaissances; j'ai toujours pensé que l'essentiel était ailleurs, dans ce qui reste quand les savoirs ponctuels sont oubliés. Sans perdre de vue les multiples fonctions de la discipline, la réflexion épistémologique m'a permis de préciser ce qui fait la spécificité de l'histoire dans le champ des sciences sociales. Il semble alors possible d'avancer, avec A. Ségal, que l'histoire est "la science du changement social" et, avec l'équipe d'Espace-Temps que le temps est "cet obscur objet de l'histoire".

Le temps des historiens n'est pas le temps physique des scientifiques. Certes, comme le temps de la matière, de la vie végétale ou animale, le temps dans lequel s'inscrit la vie des sociétés humaines est fondamentalement continu et irréversible. Mais le temps historique ne saurait se confondre avec sa mesure physique. Pour les historiens, le temps n'est rien en dehors des phénomènes sociaux auxquels il sert de support. Par ailleurs, ils projettent souvent sur le passé les conceptions temporelles du monde dans lequel ils vivent. C'est pourquoi, en histoire, on ne parle plus aujourd'hui d'un temps unique, universel et global, mais plutôt d'une architecture faite de temporalités différentielles, à la fois dans leur durée et leur direction. Le temps historique n'est donc pas donné une fois pour toute: c'est une construction de l'historien. En ce sens, on peut parler de temps discontinu, réversible puisqu'il s'agit d'en repérer les rythmes, les scansions, les ruptures et les continuitésàpartir des questions que le présent pose au passé pour l'organiser et le comprendre.

2.2 Le savoir li enseigner

Mon objectif n'est certes pas de faire de mes élèves de futurs historiens. Mais, outre le fait que les Instructions officielles de 1985 demandent que "j'élève se familiarise avec les temps de l'histoire", j'ailesouci de tout mettre en œuvre pour que mes élèves soient capables d'appréhender le mieux possible les dimensions temporelles du monde dans lequel ils vivent. Par ailleurs, comme le souligne

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J. Chesnaux, le temps des sociétés humaines dépasse le cadre du temps strictement historique pour s'articuler autour de "l'axe passé/présent/avenir". La notion de temps social semble donc mieuxà même de traduireà la fois une exigence conceptuelle et le souci didactique du transfert d'un savoir sur le passéàla compréhension du monde présent et avenir. Le temps social apparaît bien alors comme une notion de base, un concept structurant qui donne du sens au savoir sur le passé et de l'intelligibilité à l'environnement social.

2.3 Le savoir de mes élèves

Grâceàquelques lectures et de petits sondages auprès de mes élèves, j'ai essayé de me faire une idée de leur conception du temps socialàleur entrée en 4e. Il me semble que, pour eux, le temps social reste unilinéaire, l'ordre de succession chronologique tenant lieu d'explication selon la formule antes hoc, ergo propter hoc. C'est un temps donné, marqué par la rupture entre le passé d'un côté, le présent et l'avenir de l'autre et un temps non-réversible au sens que les historiens attribuent

à

cette notion. Or,1.Meyerson affinne que la notion de la continuité temporelle est la condition

sine qua non

de l'histoire, tandis que pour1. Piaget, la pensée de la réversibilité joue le même rôle dans la construction de la notion de temps. Les raisons sont sans doute variées - psychologiques, culturelles, didactiques - qui aidentàcomprendre l'immense fossé qui sépare les conceptions temporelles de mes élèves du savoir savant. Les obstacles sont si nombreux que je me demande si j'ai bien raison de faire de l'élaboration de la notion de temps social un objectif majeur de mon enseignement.

3. CE QUE JE CROIS SAVOIR SUR L'ENSEIGNEMENT ET LES CONDITIONS D'ÉLABORATION DE LA NOTION DE TEMPS SOCIAL

3.1 Mise en œuvre pédagogique

Je n'ai pas attendu d'être en mesure de poser le problème didactique de la pertinence de mes choix en matière d'enseignement de l'histoire - et encore moins d'y apporter une réponse - pour mettre en place une pratique que je crois susceptible de faire évoluer les conceptions de mes élèves de 4e-3e. En classe de 4e tout particulièrement, j'opère des choix dans le traitement du temps de l'histoire. Ainsi, je privilégie des entités, des temps forts dans le continuum historique du programme: la France de Louis XIV, la Révolution française, la Révolution industrielle fournissent des points d'ancrage, des points de vue spatio-temporels bien délimitésàpartir desquels on peut entreprendre d'investir le passé, de s'investir dans l'histoire. Globalement, sous ma conduite, les élèves sont invitésàsuivre l'étude du programme dans le sens "descendant" de la chronologie, mais j'attache beaucoup d'importance aux séquences qui fournissent l'occasion de remonter le temps "à contre-courant", Il s'agit, par exempleàpropos de la Révolution française, de travailler sur la causalité en essayant de répondreàla question: "Pourquoi la Bastille a-t-elle été prise le 14 juillet 1789?"L'élaboration collective de la réponse aboutitàun schéma dont la vertu synoptique permet de prendre en compte la pluri-causalité mieux que le discours linéaire du prof. ou du manuel.

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C'est aussi l'ensemble des activités mises en place dans la classe qui vise à l'ébauche d'un temps social différent du "temps contraint" qui caractérise généralement le temps vécu par les élèves dans l'école. En effet, à côté des séances dont j'ai la maîtrise pleine et entière(cfci-dessus), je tiensà ménager dans le cadre hebdomadaire de mes 3h30 d'histoire-géographie-éducation civique, des espaces de liberté. Les moments de "recherches libres" sont d'ailleurs généralement très prisés puisqu'ils leur permettent, dans le cadre du C.D.!. et le respect de modalités de fonctionnement très rigoureuses, de traiter un sujet de leur choix. Au bout de deux mois, le résultat des recherches est présentéàla classe sous la fom1e choisie et donne lieuàdes échanges entre les auteurs, le reste de la classe et l'enseignant. En plus de constituer un travail au cours duquel chaque élève peut révéler ses compétences, cette activité est souvent l'occasion de détecter l'émergence spontanée des représentations des élèves. Par ailleurs, j'essaie de faire en sorte que chaque classe puisse s'investir dans un projet ambitieux, capable de créer une dynamique collective. Largement ouverte sur l'extérieur, une telle activité s'inscrit cette fois-ci dans le cadre temporel annuel. Enfin, pour gérer l'ensemble, le "conseil" se réunit une fois par mois et se tem1ine par la mise en place, collective, du plan de travail mensuel, c'est-:j:-dire la programmation des activités dans le temps.

3.2 Réflexions sur ma pratique

Àtravers une telle organisation, j'ai deux ambitions. La première est de faire vivre aux élèves un temps social diversifié fait de plusieurs temporalités (de la semaineà l'année). C'est un temps qui se gère, au moins en partie, collectivement et individuellement, c'est-à-dire un temps sur lequel l'élève peut avoir prise. Car, à la suite de P. Fraisse, je pense que l'expérience du temps est déterminante dans l'élaboration de sa pensée. La seconde ambition est de faire de l'élève, autant que faire se peut, un acteur de sa vie scolaire. de ses apprentissages. Dans la classe, tout le monde sait des choses, tout le monde peut "enseigner" aux autres Décentration de l'enseignant et désacralisation du savoir vont de pair. L'élève doit pouvoir faire concrètement l'expérience du savoir qui se construit à partir d 'hypothèses, se remet en cause pour Itre intimement persuadé qu'il n'est pas révélé une fois pour toutes. Au bout du compte, ce qui m'importe c'est de tout mettre en oeuvre pour que chaque élève puisse vivre des situations variées, riches, authentiques de rapport à un temps vécu etàun temps historique diversifiés, dans l'élaboration desquels il a toute sa place.

La classe est ainsi connue comme un véritable champ de forces antagonistes et complémentairesàla fois, concernant aussi bien la vie sociale du groupe (individuel/collectif, libre/imposé, donné/construit, agi/pensé ) que le rapport au temps social (passé/présent, court/long terme, descente/remontée du temps ). Au cours de la séance d'ouverture de ces rencontres, A. Giordan a lui-même suggéré que "faire de l'éducation, c'est gérer des paradoxes". J'ai le sentiment qu'une telle mise en scène - qui doit beaucoupàla pédagogie Freinet - n'est pas incompatible avec une conception constructiviste de l'apprentissage. Mais si j'ai bien le sentiment de mettre en place les conditions nécessairesàl'élaboration de la notion de temps social chez mes élèves, comment puis-je être sÛT que ce sont aussi des conditions suffisantes?

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4. CE QUE JE VOUDRAIS SAVOIR SUR L'ÉLABORATION DE SAVOIRS STRUCTURANTS EN MILIEU SCOLAIRE

L'évaluation des progrès réalisés par mes élèves dans l'élaboration de la notion de temps social se heurte au caractère très abstrait du savoir en jeu. Des évaluations ponctuelles, partielles, spontanées ou plus systématiques vont toutes dans le mime sens: elles montrent une très grande résistance des conceptions initiales des élèves. En dehors des imperfections, voire des erreurs, de ma pratique pédagogique, je pense percevoir deux nouveaux obstaclesàl'apprentissage d'un tel type de savoir. Le premier obstacle est d'ordre institutionnel et tient tout d'abord àl'organisation matérielle du collège: dans un lieu aussi cloisonné, quel peut être l'impact de pratiques qui cherchentàproposer un rappon différent au temps scolaire et au savoir pendant seulement 3h30 par semaine? D'autre part, des sociologues de l'éducation comme P. Perrenoud ont bien montré que le fonctionnement du système scolaire tend davantage à favoriser le développement d'attitudes caractéristiques du "métier d'élève" plutôt qu'à mettre en œuvre de véritables stratégies d'apprentissage. Or - et c'est le second obstacle - la notion de temps social est un savoir que les cognitivistes rangent dans le domaine de la mémoireà long terme. W. Doise parle même d'un "méta-système cognitif' pour expliquer pourquoi les conceptions sont d'autant plus difficiles à faire évoluer qu'on s'éloigne de la sphère de l'environnement physique. Et nous en sommes de fait très loin avec le temps social! On voit bien que les deux types d'obstacles se renforcent et que, en l'absence de toute nécessité "vitale" de la remise en cause de leurs conceptions, les élèves s'en tiren t très bien en recourant aux habituelles stratégies d'évitement ou de complaisance. Enfin relevons avec K. Pomian que, "en apprenantàconstruire le temps, un enfant d'aujourd'hui redécouvre et maîtrise une trajectoire que les hommes ont mis des millénaires ilparcourir", Construire le temps (social) est une opération qui s'inscrit dans la durée. En fin de compte, je ne sais toujours pas grand chose sur la pertinence de ma pédagogie par rapport

à

l'objectif d'apprentissage que je me suis fixé et j'en suis réduit à formuler plusieurs questions: - l'objectif fixé est-il réaliste, compte tenu de l'âge des élèves?

- l'école est-elle un milieu vraiment favorisant ou au contraire, un obstacleàla réalisation de certains apprentissages ')

- ma pratique est-elle vraiment cohérente avec les théories de l'apprentissage qui la sous-tendent plus ou moins explicitement ')

- les difficultés rencontrées et mes hypothèsesil propos de l'apprentissage des savoirs structurants sont-elles spécifiques de la notion de temps social ou généralisables à tous les savoirs de ce type ?

5, CONCLUSION

Ce devrait être à la didactique de m'aiderilrépondreilces questions, de m'aider à faire la part entre les contraintes cognitives de mes élèves (d'ordre biologique, socio-culturel, psychologique institutionnel), les exigences de l'institution scolaire et mes choix, ma libené pédagogique. En tant que praticien, j'ai envie de lui demander aussi de m'aider à mieux déterminer les limitesà l'intérieur

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desquelles l'élaboration d'un savoir structurant et fondateur d'une discipline a des chances de pouvoir se réaliser, afin de mieux explorer les possibilités proprement pédagogiques d'intervention pour favoriser les processus d'apprentissage.

La didactique ne sera, heureusement, jamais une science exacte. Moins que d'autres sciences sociales encore, elle ne me semble capable de répondreà l'exigence de prévisibilité, c'est-à-dire de garantir, sous certaines conditions, la réussite effective de certains apprentissages. Étant donné le caractère éminemment aléatoire de certains, la didactique peut-elle au moins contribuer à esquisser le cadre des conditions sine qua non de l'apprentissage? Pour cela, la didactique ne doit négliger aucun des facteurs de l'apprentissage en milieu scolaire ni aucune des inter-relations établies entre eux. Or,ilme semble que la dimension sociale et institutionnelle de l'école est trop souvent négligée, en particulier dans la mesure où elle est bien souvent à l'origine de la négation de l'élève, de l'enfant ou de l'adolescent comme sujet, comme acteuràpart entière. C'est pourquoi je propose de remplacer le désormais célèbre "triangle didactique" par le trèfleàquatre feuilles ébauché ci-dessous.

BIBLIOGRAPHIE

Espace-Temps, 1985,20 et 21.

MEYERSONJ., Le temps, la mémoire, l'histoire, Journal de psychologie,1956,3.

MONIOT H., Savoir de l'histoire, apprendre en histoire, Actes du 6e colloque Didactiques de l'histoire, de la géographie el des sciences sociale.I·, Paris: l.N.R.P.,1991.

PIAGET J., Le développement de la notion de temps chez l'enfant, Paris: Presses Universitaires de France, 2e éd. 1973.

POMIANK.,L'ordre du temps, Paris: Gallimard,1984.

SÉGAL A., Pour une didactique de la durée, in MONIOT H. (dir), Enseigner l'histoire. Des manuels àla mémoire, Berne: Peter Lang,1984.

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