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Représentations et raisons d'action d'anciens responsables politiques concernant les changements climatiques

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Représentations et raisons d’action

d’anciens responsables politiques

concernant les changements climatiques

Mémoire

Michel Pigeon

Maîtrise en sociologie

Maître ès arts (M.A.)

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Représentations et raisons d’action

d’anciens responsables politiques

concernant les changements climatiques

Mémoire

Michel Pigeon

Sous la direction de :

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Résumé  

Les grands défis environnementaux, particulièrement celui des changements climatiques, sont beaucoup plus sociaux que techniques, car c’est principalement notre mode de vie qui est en cause. Pouvons-nous effectuer les changements qui s’imposent ? Quelles sont les principales difficultés à vaincre ? Comment les gouvernements doivent-ils agir ? Pour contribuer à répondre à ces questions, nous avons choisi d’interviewer douze anciens ministres responsables des questions environnementales afin de comprendre les raisons de leur action, ainsi que les représentations qui les sous-tendent.

Tant en France qu’au Québec, un ministre doit prendre en compte autant les perceptions et les représentations des citoyens que celles des différents groupes avec lesquels il est en contact (groupes de pression, lobbies, médias, élus locaux, etc.), de même que les objectifs du gouvernement et de son parti politique. Sa marge de manoeuvre est étroite, ce qui explique en bonne partie pouquoi les ministres que nous avons interrogés ont tous agi un peu de la même manière. Ils ont tous tenté de faire au mieux pour la protection de

l’environnement et le bien-être de leurs concitoyens, mais sans trop bousculer leur mode de vie ni l’ordre établi, tout en étant généralement très conscients que les défis à relever vont demander très bientôt des décisions beaucoup plus difficiles.

La sociologie politique explique que les décisions politiques dans nos sociétés

démocratiques sont des constructions collectives d’acteurs en interaction, et confirme donc globalement les résultats de notre analyse. Les actions politiques des anciens ministres peuvent également être interprétés à la lumière des trois logiques de l’action décrites par François Dubet. Par ailleurs, dans une vision interactionniste, où la signification des objets est créée par l’interaction, l’action est difficile lorsque cette signification n’est pas la même pour les différents acteurs, et c’est ce que nos avons constaté pour les enjeux

environnementaux à long terme qui sont perçus très différemment par les citoyens et les ministres.

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Summary  

The most important environmental challenges, particularly climate change, are much more social than technical, because it is mainly our way of life that is at the heart of the question. Can we make the necessary changes? What are the main difficulties to overcome? How should governments act? To help answer these questions, we chose to interview twelve former ministers responsible for environmental issues in order to understand the reasons for their actions, as well as the representations that underlie them.

In both France and Quebec, a minister must take into account the perceptions and representations of citizens and those of the various groups with which he or she is in contact (lobby groups, media, local elected representatives, etc.), as well as the objectives of the government and those of his or her political party. The room for maneuver is narrow, which explains in large part why the ministers we interviewed all acted a little in the same way. They have all tried to do their best to protect the environment and the welfare of their fellow citizens, but without significantly affecting their way of life or the established order, while being generally aware that the challenges ahead will very soon require much more difficult decisions.

Political sociology explains that political decisions in our democratic societies are collective constructions of actors in interaction, and thus confirms the results of our

analysis. The political actions of former ministers can also be interpreted in the light of the three logics of action described by François Dubet. Moreover, from an interactionist point of view, where the meaning of objects is created by interaction, action is difficult when this meaning is not the same for different actors; this is what we have observed for long-term environmental issues that are perceived very differently by citizens and ministers.

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Table  des  matières  

Résumé ... iii  

Summary ... iv  

Table des matières ... v  

Table des illustrations ... vii  

Remerciements ... viii  

Introduction générale ... 1  

Chapitre 1 – Contexte ... 5  

Introduction ... 5  

Contexte environnemental ... 5  

Changements climatiques et énergie ... 6  

Déforestation et biodiversité ... 8  

Protection des ressources en eau ... 9  

Épuisement des terres arables ... 10  

Recyclage et économie circulaire ... 10  

Contexte social et politique ... 11  

Chapitre 2 – Revue de la documentation ... 15  

Introduction ... 15  

La sociologie de l’environnement ... 15  

L’environnement, la politique et le social ... 20  

Autres publications pertinentes ... 28  

Chapitre 3 – Considérations théoriques ... 31  

Introduction ... 31  

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L’interactionnisme symbolique ... 40  

La nature de l’interactionnisme symbolique ... 40  

Les principes méthodologiques de la science empirique ... 43  

L’orientation de la méthodologie ... 44  

Chapitre 4 – Méthodologie ... 46  

Objectifs ... 46  

Entrevues et répondants ... 46  

Grille d’entrevue ... 48  

Méthode d’analyse des résultats ... 49  

Chapitre 5 – Présentation et analyse des résultats ... 53  

Introduction ... 53  

Présentation des résultats ... 54  

Les anciens ministres ... 54  

Aspirations et ambitions ... 56  

Représentations ... 58  

Représentation de l’ensemble des questions environnementales et représentation des changements climatiques ... 58  

Représentation de la démocratie et représentation du rôle des hommes politiques concernant l’environnement et les changements climatiques ... 61  

Représentation des citoyens ... 63  

Raisons d’action ... 64  

Contraintes et conditions d’action ... 66  

Le futur ... 72  

Analyse des résultats ... 76  

Le concept de réseau d’action publique ... 78  

Les logiques de l’action ... 82  

L’interactionnisme symbolique ... 85  

Résumé et conclusion ... 87  

Conclusion ... 88  

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Table  des  illustrations  

Figure 1 – Anomalies des températures globales de surface (1850-2015) par rapport à la moyenne 1961-1990 ... 6   Figure 2 – Schéma interactionniste pour les décisions politiques sur les changements

climatiques ... 77  

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Remerciements  

Ce mémoire de maîtrise est l’aboutissement d’un long parcours qui a commencé en 2007. C’est en effet à cette époque-là que j’ai entrepris une longue série de lectures reliées aux questions environnementales et sociales. À l’hiver 2014, j’ai eu le plaisir de suivre le séminaire de maîtrise du professeur Louis Guay du département de sociologie intitulé «Environnement et développement durable». C’est alors que j’ai pris la décision d’entreprendre des études de maîtrise en sociologie de l’environnement.

Mes remerciements vont donc en premier lieu à Louis Guay qui m’a guidé tout au long de mon chemin sur la voie de la sociologie et de l’environnement. Il m’a toujours fait

confiance et il a été à la fois un appui indéfectible et un ami. Je me permets de souligner également ici l’aide que j’ai reçue en 2007 du professeur Yves Bégin, actuellement vice-recteur à l’INRS, qui m’a suggéré toute une série de lectures environnementales qui ont nourri et approfondi ma pensée à ce sujet, ainsi que celle de ma fille Catherine des

Rivières-Pigeon, professeure de sociologie à l’UQAM, qui, par un choix très judicieux de textes, a guidé mes premiers pas sur la voie de la sociologie.

Je suis très reconnaissant aux douze anciens ministres de l’environnement qui, au Québec comme en France, ont accepté de me recevoir en entrevue. Leurs réponses, leurs

commentaires, leurs souvenirs et leurs réflexions sont le matériau de base ce mémoire. J’espère qu’ils prendront connaissance avec beaucoup d’intérêt, de même qu’avec un peu de bienveillance, de l’analyse sociologique que j’ai faite de leurs propos. Qu’il me soit permis également de souligner l’appui du député de l’Aisne, René Dosière, grâce auquel j’ai eu accès aux anciens ministres français.

Ma compagne de vie depuis cinquante ans, Marie-José des Rivières, m’a toujours encouragé dans la voie que j’avais choisie. Son amour, son enthousiasme, son ouverture d’esprit, son goût de la connaissance et son expérience de la recherche ont été un stimulant constant. Mon autre fille, Mireille des Rivières-Pigeon, ainsi que toutes les autres personnes

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de ma famille et de mon entourage, n’ont également cessé de m’encourager durant mes études et je leur en suis également très reconnaissant.

J’adresse enfin des remerciements particuliers à Guy Fréchet, chercheur au Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale et au professeur François Anctil du département de génie civil et de génie des eaux qui ont généreusement accepté de corriger ce mémoire. Je me dois aussi de souligner le soutien technologique que j’ai reçu du professeur Benoît Bissonnette du même département. Je le remercie très vivement.

J’ai commencé mes études de génie civil à l’Université Laval en 1963. J’y ai été professeur durant de très nombreuses années, et, depuis 2014, je suis de nouveau étudiant dans cette institution. Qu’il me soit permis en terminant mon propos de dire tout simplement merci à l’Université Laval. C’est l’Université Laval qui m’a permis de devenir ce que je suis, qui m’a permis, et qui me permet encore, d’acquérir des connaissances et de continuer de progresser dans la voie du savoir et de la recherche de la sagesse.

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Introduction  générale  

Les problèmes environnementaux sont omniprésents dans les médias. Il est difficile, par exemple, de lire un journal, ou de consulter les informations en ligne, sans qu’il y soit question de changements climatiques, de pollution des cours d’eau, des méfaits de

l’agriculture intensive, de l’épuisement des ressources, de sites miniers dévastés, de la perte de biodiversité, de la déforestation, etc. Les conférences scientifiques à ce sujet, les

congrès, les colloques, les réunions de responsables gouvernementaux, se succèdent sans arrêt. Les groupes environnementaux comme Greenpeace, Équiterre, ou l’Union

internationale pour la conservation de la nature (il y en a des centaines, sinon des milliers, dans le monde) organisent toutes sortes d’activités de sensibilisation, de marches de protestation, de journées thématiques, et parfois même certaines manifestations beaucoup plus percutantes d’un point de vue médiatique. De toute évidence, de très graves dangers menacent, ou à tout le moins paraissent menacer, l’humanité (GIEC, 2014, Stern, 2007, Giddens, 2011). Il semble bien que le mode de vie moderne amène celle-ci, en quelque sorte, à vivre au dessus de ses moyens matériels, biologiques et écologiques (Rockström et coll., 2009). L’image courante est qu’il faudrait plusieurs planètes pour que les neufs milliards de personnes sur terre puissent vivre comme les Occidentaux.

Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, qui doit s’en occuper ? Il est facile de répondre tout simplement que ce sont les responsables gouvernementaux, les élus. Mais cette réponse néglige à notre avis un élément très important : la société. Nous (les Occidentaux) vivons dans des sociétés démocratiques modernes où les citoyens sont de plus en plus instruits et informés, et réclament de participer aux grandes décisions, ou à tout le moins d’être

consultés. Dans un contexte où certaines de ces décisions risquent de bousculer quelque peu les habitudes de vie des gens et ce que les citoyens perçoivent comme des comportements sociaux normaux1, et considérant également que, selon les sondages d’opinion, les enjeux

1 Dans Le mythe du Québec vert, François Cardinal (2007) cite l’extrait suivant du rapport

de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie du Canada (1996) : «Beaucoup de gens considèrent comme un droit fondamental la mobilité illimitée des

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environnementaux ne sont pas la première priorité des citoyens, il n’est pas très étonnant de constater (et c’est l’avis de la majorité des scientifiques spécialistes de ces questions) que les problèmes environnementaux sont loin de toujours faire l’objet des actions fortes et radicales qui seraient nécessaires (Baxter et Laffoley, 2016). Et cela d’autant plus que certains de ces problèmes, comme les changements climatiques et la perte de biodiversité, sont lointains, et qu’il est connu que les problèmes environnementaux à long terme ne préoccupent pas beaucoup les citoyens (Lorenzoni et coll., 2007). Par ailleurs, il faut rappeler que des groupes bien organisés, en particulier dans certains secteurs de l’industrie comme le pétrole et le charbon, ont des intérêts qui vont dans la direction opposée, bien qu’il soit intéressant de noter que, tout récemment, de nombreux dirigeants de grands groupes industriels aient rappelé la nécessité de la transition vers les énergies renouvelables (Agence France-Presse, 2016).

Les solutions aux grands défis environnementaux sont, dans l’ensemble, assez bien connues. Concernant en particulier les changements climatiques, nous devons réduire la consommation d’énergie, et effectuer une transition énergétique, c’est-à-dire réduire radicalement l’utilisation des carburants fossiles et développer des sources d’énergie

renouvelable, comme l’énergie solaire ou éolienne. Dans ces circonstances, considérant que les solutions existent, et considérant ce que nous venons d’exposer concernant en

particulier les changements sociaux que ces solutions vont nécessiter, il nous apparaît donc utile et intéressant d’étudier et de mieux comprendre pourquoi les hommes et les femmes politiques, qui sont responsables du développement durable, et donc du futur de l’humanité, et qui doivent promouvoir les changements nécessaires, ne semblent pas faire tout ce qui est nécessaire pour s’attaquer à ces grands défis.

Le premier objectif de notre recherche est de découvrir, analyser et comprendre les

ambitions, les représentations et les raisons qui déterminent les actions des hommes et des femmes politiques en ce qui a trait aux grands défis environnementaux, et en particulier à

individus, souvent dans des véhicules à un seul occupant, […]. Les mesures proposées pour

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celui des changements climatiques. Le second objectif de ce travail est de contribuer à la sociologie environnementale et politique par une meilleure compréhension des conditions dans lesquelles s’exerce leur action, et particulièrement par la mise en évidence des contraintes auxquelles ils font face, qu’il s’agisse du mode de vie et des comportements sociaux des citoyens (c’est l’hypothèse principale que nous faisons), ou des pressions de toutes sortes exercées par divers groupes organisés.

Pour atteindre nos objectifs, nous avons choisi de mener une série d’entrevues semi-dirigées avec une douzaine d’anciens responsables politiques de l’environnement, tant au Québec qu’en France. Ces entrevues ont pour but de faire ressortir certains éléments clés, comme leur parcours personnel, leur connaissance des grands défis environnementaux et leur sensibilité à ce sujet au moment d’entrer en politique, leurs réalisations, et surtout leur évaluation des raisons pour lesquelles il n’a pas été possible pour eux de faire plus

(blocages réels ou appréhendés de nature politique ou sociale, impossibilité de convaincre les citoyens, etc.). Nous souhaitons que les résultats de notre travail permettent de

contribuer à l’avancement des connaissances en mettant en évidence certains aspects sociologiques de l’action des hommes et des femmes politiques, en particulier dans le domaine de l’environnement. Nous souhaitons également contribuer à mieux comprendre quels sont les moyens qui pourraient être mis en œuvre dans notre société pour faire face aux grands défis environnementaux.

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres. Dans le premier chapitre, nous décrivons le contexte dans lequel ce travail a été fait, tant du point de vue environnemental que socio-politique et scientifique. Dans le second, nous résumons les connaissances empiriques disponibles sur les relations entre les questions environnementales et les comportements sociaux, ainsi que quelques autres publications qui nous ont paru pertinentes pour nos travaux. Dans le troisième, nous présentons d’abord certains concepts théoriques de sociologie politique, puis un résumé du concept des logiques de l’action, et ensuite un bref résumé du paradigme de l’interactionnisme symbolique. Dans le quatrième, nous décrivons l’ensemble des aspects méthodologiques de nos travaux. Enfin, le cinquième et dernier

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chapitre est consacré à la présentation et à l’analyse des résultats sur la base des concepts théoriques décrits au chapitre 3.

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Chapitre  1  –  Contexte  

Introduction  

Ce chapitre fait un bref tour d’horizon du contexte dans lequel se situe ce mémoire de maîtrise. Nous y présentons d’abord un état des lieux en ce qui concerne l’ensemble des questions environnementales, en insistant particulièrement sur les grandes problématiques à long terme. La deuxième section décrit ensuite brièvement la situation actuelle d’un point de vue social et politique, afin de fournir un éclairage de base sur l’environnement dans lequel évoluent les hommes et les femmes politiques.

Contexte  environnemental  

Comme nous l’avons mentionné en introduction, les grands défis environnementaux qui confrontent notre planète et notre mode de vie sont bien connus. Nous devons en particulier réduire notre consommation énergétique et développer des sources d’énergie renouvelable, arrêter la déforestation et protéger la biodiversité, protéger les ressources en eau, stopper l’érosion et l’appauvrissement des terres arables, et développer une économie circulaire basée sur le recyclage complet. Ces enjeux sont si importants que même la religion

catholique s’en est saisi, comme on peut le constater dans la lettre encyclique Laudato Si du pape François.

Au début de ce mémoire en sociologie de l’environnement, nous souhaitons faire un très bref tour d’horizon de ces différentes problématiques qui confrontent nos sociétés et mettent en danger l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, et auxquelles les responsables gouvernementaux au premier chef sont confrontés.

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Changements  climatiques  et  énergie  

Nous savons maintenant que 2015 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des mesures systématiques de température à la surface du globe, en fait depuis le début de l’ère industrielle. Et le plus récent rapport du GIEC (2014) constate qu’il est extrêmement probable que le réchauffement observé (voir la Figure 1 tirée de Wikipedia), en particulier depuis une cinquantaine d’années, soit d’origine anthropique, principalement à cause de l’utilisation des carburants fossiles qui émettent des gaz à effet de serre (GES). Il n’est pas inutile dans de rappeler que nous consommons chaque jour environ 90 000 000 de barils de pétrole et 16 000 000 de tonnes de charbon, et que la concentration de gaz

carbonique (CO2) dans l’atmosphère est passée de 280 ppm au début de l’ère industrielle à

400 ppm l’an dernier.

Figure 1 – Anomalies des températures globales de surface (1850-2015) par rapport à la moyenne 1961-1990 (en °C) (www.wikipedia.org)

2016-06-06 14:45 Températures globales

Anomalies des températures globales de surface (1850-2015)

par rapport à la moyenne 1961-1990 (en °C)

Anomalie annuelle

Courbe lissée des anomalies de température

1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 -0.2 -0.4 -0.6

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La conférence de Paris, dite COP 21, s’est terminée en décembre 2015 sur le constat unanime (de 185 pays) de la nécessité de réduire la consommation d’énergie fossile suffisamment pour limiter la hausse de la température moyenne à la surface du globe à 2 °C. Pour cela il faut grosso modo limiter à 450 ppm la concentration en CO2 de

l’atmosphère, ce qui suppose de réduire dès maintenant et de façon radicale l’utilisation des carburants fossiles, et de ne plus en utiliser du tout d’ici une cinquantaine d’années.

Au Québec et en France, des objectifs ambitieux ont été fixés concernant la réduction des émissions de GES. Au début de la présente année, le gouvernement du Québec a fixé une cible de réduction de 37,5% d’ici 2030. L’atteinte de cet objectif sera favorisée par le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission qui a été mis en place avec la Californie. L’an dernier, la France a voté une loi de transition énergétique qui prévoit une réduction de 40% de 1990 à 2030, et de 75% de 1990 à 2050.

Malheureusement, même si de nombreux pays se sont donnés des objectifs très significatifs de réduction des GES et ont voté des lois dites de transition énergétique, l’ensemble de la communauté internationale ne s’est mis d’accord que sur le constat du problème et de la nécessité de réduire les émissions de GES, et non pas sur les moyens requis pour atteindre l’objectif fixé de 2 °C maximum de réchauffement. En l’absence d’actions concrètes d’ici cinq ou dix ans, il sera déjà trop tard et le réchauffement dépassera 2 °C. Stern (2007) a très bien décrit tous les bouleversements qui risquent de survenir si la température augmente de plus de 2 °C, le principal étant probablement la hausse du niveau des mers et, donc

l’apparition de dizaines, sinon de centaines de millions, de réfugiés climatiques.

En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, il faut souligner que de très grands progrès ont été faits, particulièrement en ce qui concerne l’énergie solaire dont le coût est maintenant presque équivalent au coût de l’électricité produite de façon

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Déforestation  et  biodiversité  

Les forêts représentent non seulement une richesse incroyable comme réservoir de biodiversité, mais en outre elles fixent le gaz carbonique lors de la photosynthèse et émettent de l’oxygène, ce qui permet de garder constant la proportion de ce gaz dans l’atmosphère. Sans forêts, il n’y aurait pas de vie sur terre comme nous la connaissons. Malheureusement, d’un strict point de vue économique à court terme, les arbres ont plus de valeur morts que vivants. D’une part, le bois lui-même est utile pour la construction et pour d’autres usages, et, d’autre part, le terrain libéré par l’abattage permet la production de denrées alimentaires, l’exemple le plus connu étant l’abattage pour permettre la production d’huile de palme en Indonésie, pour une valeur de plusieurs dizaines de milliards de dollars par année. On voit donc pourquoi le problème de la déforestation dans les pays tropicaux est si important et si difficile à traiter.

Fort heureusement, depuis le début du XXIème siècle, la déforestation a ralenti presque partout, sauf dans quelques pays comme l’Indonésie. Au Brésil, la perte annuelle est passée de 20 000 km2 par an à environ 5000 km2 actuellement. En Inde, le couvert forestier a même légèrement augmenté. Cela ne signifie toutefois pas que ce problème grave puisse être considéré comme réglé et il est impératif de continuer les efforts entrepris en ce sens par divers gouvernements et organismes internationaux, entre autres le Forest Stewardship Council.

La perte de biodiversité est due en grande partie à la perte des habitats naturels des espèces vivantes. Les estimations à ce sujet varient énormément, mais sur la base du «Living Planet Index», on peut considérer que la biodiversité a été réduite de 30% environ depuis 1970. Il y aurait actuellement sur la planète, sans compter les bactéries et les autres

micro-organismes, un peu moins de 10 millions d’espèces. Les pays riches, en améliorant entre autres la qualité de l’air et de l’eau, en réglementant l’usage des pesticides, et en protégeant certains espaces et en restaurant les écosystèmes, ont réussi à renverser la tendance, mais ce n’est pas le cas dans les pays en développement qui abritent plus de la moitié des espèces

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vivantes. En outre, si le réchauffement climatique devait dépasser 2 °C de façon significative, la perte de biodiversité aurait tendance à s’accélérer beaucoup.

Protection  des  ressources  en  eau  

La protection des ressources en eau est probablement le troisième défi le plus important auquel nous soyons confrontés. Dans certains endroits de la planète, par exemple, la consommation d’eau pour les usages domestique, industriel, et agricole dépasse de façon significative la capacité de recharge des aquifères. Certains de ceux-ci, qui ont parfois mis des milliers, sinon des millions, d’années à se former, sont surexploités. Citons Anctil (2007) : «l’immense aquifère Ogallala partagé par huit États du Midwest est sur exploité depuis de nombreuses années.» Et il ajoute, un peu plus loin, un élément additionnel : «la surexploitation d’un aquifère côtier a pour conséquence particulière de réduire son efficacité à contenir l’intrusion de l’eau de mer.»

L’exemple probablement le plus connu d’un désastre environnemental relié à l’eau est la quasi disparition de la mer d’Aral à cause d’une utilisation excessive pour des fins agricoles (la production de coton) de l’eau dans les deux fleuves qui l’alimentent. En 1960, avec plus de 66 000 km2, cette mer représentait la quatrième plus grande étendue lacustre du monde (Wikipedia).

Dans les pays occidentaux, beaucoup d’efforts ont été faits pour protéger les cours d’eau de la surexploitation et de la pollution par les rejets urbains, industriels et agricoles. Mais dans de nombreux pays en développement, comme par exemple l’Inde et la Chine, le problème reste entier. Dans un article paru le 21 juin 2016 et intitulé A ‘black and smelly’ job : the

search for China’s most polluted rivers, The Guardian écrivait: «In 2012, a senior official from the ministry of water resources admitted 40% of waterways were seriously polluted while 20% were absolutely toxic». Par ailleurs, les ressources en eau dans certaines régions

du globe sont tellement faibles que, dans plus de quarante pays selon Anctil (2007), la valeur moyenne de la consommation d’eau est inférieure à cinquante litres par personne par jour, soit moins que ce qui est requis pour couvrir les besoins essentiels. On peut noter

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enfin que la pollution touche aussi de façon dramatique tous les océans, où l’accumulation de matières plastiques, en particulier, est extrêmement nuisible pour la faune aquatique.

Épuisement  des  terres  arables  

Selon un rapport de l’ONU, 5 à 10 millions d’hectares de terres agricoles disparaissent chaque année à cause de l’érosion et de l’épuisement des sols. À cela s’ajoute le développement des agrocarburants qui utilisent de plus en plus des espaces qui étaient auparavant utilisés pour la production de denrées alimentaires. S’ajoute aussi à cette perte celle qui est dûe à la pression de l’urbanisation. Selon le même rapport de l’ONU, près de 20 millions d’hectares de terres agricoles sont transformées chaque année en espaces industriels ou en terrains à bâtir pour des immeubles d’habitation. Il faut enfin rappeler le problème des plantations à grande échelle que nous avons évoqué plus haut en citant le cas de la production d’huile de palme en Indonésie. De plus en de terres arables sont ainsi utilisées pour produire des denrées pour le grand commerce mondial, au détriment des petites exploitations locales servant à produire de la nourriture pour les habitants de ces régions.

Recyclage  et  économie  circulaire  

Les lois et les règlements sur le recyclage et la gestion des matières résiduelles dans les pays riches, et même ailleurs, sont très nombreux. Le recyclage des déchets domestiques est maintenant une pratique bien établie dans nos villes et nos villages, et différents systèmes ont été mis en place pour gérer, par exemple, les déchets électroniques, les pneus et divers autres objets parvenus à la fin de leur vie utile. Mais il reste encore beaucoup à faire si on se place du point de vue de l’économie circulaire.

L’économie dite circulaire est un concept qui est basé sur certaines idées développées dans un livre (entièrement recyclable !) paru en 2002 et intitulé From cradle to cradle. Pour les

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matière résiduelle pour un système de production quelconque doit devenir une matière première pour un autre. Ainsi, aucune matière ne se perd et le risque d’épuisement de diverses ressources est réduit. Il y a évidemment loin de la théorie à la pratique, mais les auteurs citent différents exemples intéressants, comme par exemple cette usine en Suisse qui fabrique de la moquette et où l’eau qui en ressort est de meilleure qualité que l’eau qui y entre.

Un des principes intéressants à la base de l’économie circulaire est de favoriser la location plutôt que l’achat. Le propriétaire, que la loi doit rendre responsable à long terme de l’objet fabriqué, a ainsi intérêt à produire le bien le plus durable possible, et également à le

produire de telle sorte que les différentes composantes soient faciles à recycler. Autrement dit la conception même de l’objet ou de l’appareil est faite en fonction de la réutilisation des composantes.

Un autre principe important de l’économie circulaire telle que développée par McDonough et Braungart est la séparation du flux de matière en deux : d’un côté le flux organique, de l’autre, le flux technique. Ainsi, le recyclage des matières est grandement facilité. En effet, si les matières résiduelles, par exemple, contiennent des résidus de moquette synthétique et des couches jetables sales, on voit la difficulté tout de suite.

Contexte  social  et  politique  

Le contexte social actuel, qu’on le qualifie d’hyper ou de post moderne, a fait l’objet de très nombreuses études. Un des premiers constats de ces études est la montée de

l’individualisme. Les dernières décennies ont vu apparaître l’affaiblissement des cadres traditionnels de nos sociétés. Il n’y a pas si longtemps, le cadre familial, le cadre religieux, le monde du travail fortement structuré, tout cela guidait les comportements sociaux. De nos jours, chaque individu doit construire son parcours personnel en faisant des choix souvent difficiles, dans un monde qui offre énormément de possibilités de réussite, mais

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aussi énormément de possibilités d’erreur. Le monde fortement individualisé dans lequel nous vivons maintenant amène inévitablement des comportements et des choix qui sont beaucoup plus guidés par la satisfaction des besoins et des désirs personnels que par un idéal de vie collective harmonieuse.

Nous vivons donc à une époque où le lien social est affaibli, ce qui également contribue au manque d’intérêt des citoyens pour la vie démocratique. Pour Touraine (2013), le triomphe de l’individualisme et la globalisation de l’économie, qui est maintenant hors d’atteinte des institutions sociales et politiques, détruisent le social et l’idée même de société. La société est devenue une somme de minorités, et chaque minorité réclame quelque chose.

Un autre des principaux constats est que nous ne sommes plus gouvernés par la toute-puissance de la science et de la raison et par la croyance au progrès, et que nous vivons dans une société mondiale du risque où les citoyens cherchent à dominer leur sentiment d’insécurité (Beck, 2007). Le gouvernement doit prévenir tous les risques sanitaires et environnementaux. Il doit protéger notre santé, notre identité, nos retraites, notre

patrimoine et l’avenir de nos enfants. Il doit nous protéger contre les attentats terroristes et les risques de catastrophe financière. Ce désir de sécurité, qui a toujours existé, est exacerbé par la rapidité des changements sociaux et du progrès de la science qui rend l’avenir encore plus difficile à prévoir qu’auparavant. Il n’y a pas si longtemps, la vie d’un être humain était en quelque sorte programmée. Elle avait toutes les chances d’être semblable à celle de ses parents. Ce n’est plus vrai.

Nous avons, dit Beck (2007), le devoir de modifier le fonctionnement de nos sociétés pour donner aux citoyens un rôle plus important. Cela commence par le droit à l’information et par l’acceptation que la science et la technologie sont devenues des questions politiques. C’est, souligne-t-il, une lutte de pouvoir, en particulier celui des citoyens face à celui des experts. D’une part, la science a ses limites et les experts le montrent par leurs opinions divergentes. D’autre part, les experts sont parfois liés au discours de leur corporation d’origine ou, ce qui est plus inquiétant, à des intérêts privés, à des fabricants de produits et

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exemple la construction de très nombreuses centrales nucléaires en France) et cela ne doit plus se reproduire. C’est la fin du processus de décision technocratique et la dissidence, le conflit, et la discussion sur la rationalité et les principes doivent devenir notre manière de faire.

Dans les démocraties parlementaires d’inspiration libérale comme c’est le cas au Québec et au Canada, on peut affirmer, de façon peut-être un peu caricaturale, que le pouvoir est maintenant en quelque sorte partagé entre les hommes et les femmes politiques qui sont élus, et les nombreuses organisations et associations de travailleurs, d’employeurs, de citoyens concernés, d’étudiants, de retraités et de personnes provenant de divers groupes sociaux (Fung, 2003). Il n’en reste pas moins que les hommes et les femmes politiques ont un rôle très important pour développer le dialogue social, orienter les débats et promouvoir les changements nécessaires pour assurer le développement durable de notre société. Il s’agit là d’un défi majeur, alors que les citoyens font de moins en moins confiance aux gouvernements et manifestent une insatisfaction chronique (Holeindre, 2010).

L’ensemble des démocraties occidentales est traversé par une crise de confiance, non seulement envers les gouvernements, mais aussi de façon générale envers toutes les institutions et toutes les administrations. Une telle crise, alors qu’on peut raisonnablement estimer que le confort matériel de la majorité de la population n’a jamais été si élevé, ne peut avoir que des racines sociales. Un élément important est le brouillage des repères traditionnels depuis la chute du mur de Berlin. Ce qui structurait nos luttes démocratiques, l’opposition forte droite gauche, s’est atténuée. Souvent, les programmes des principaux partis politiques se ressemblent. Les citoyens voient donc moins clairement ce que donne leur participation à la vie démocratique. En fait, ils voient moins comment la politique peut changer leur vie et ils s’en désintéressent. Le paradoxe est que les citoyens ont perdu confiance envers les gouvernements, mais souhaitent qu’ils s’occupent de tout.

Un autre élément important est la mise en évidence récente des limites de la social-démocratie. Cette forme de gouvernement, considérée un peu dans les sociétés occidentales, depuis la fin de l’utopie communiste, comme la forme achevée de la

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démocratie, montre de plus en plus son incapacité à réduire très fortement les inégalités sociales qui, il faut le souligner, ont généralement augmenté depuis deux décennies (Piketty, 2013). La crise de confiance est donc en partie envers la social-démocratie. En outre, les gouvernements justifient fréquemment leurs décisions par la présence de «forces impersonnelles» : les marchés, l’économie et, en Europe, Bruxelles, d’où l’impression d’impuissance de ceux-ci.

Les technologies de l’information et des communications (TIC), c’est un cliché de le dire, changent nos comportements sociaux et donc notre façon de vivre en société. Les TIC rapprochent les individus qui entrent plus facilement en communication, mais elles les isolent aussi puisque souvent le lien avec l’entourage physique immédiat devient moins important que le lien à distance. Les statistiques montrent d’ailleurs que la grande majorité des communications à distance est faite avec un petit nombre de personnes. Les TIC ne sont pas encore utilisées efficacement comme outil de débat démocratique rationnel, ni même comme outil de dialogue social. Elles sont actuellement utilisées presque uniquement pour le combat politique, et avec succès surtout pour la formation et le déploiement de minorités d’opposition à des projets de développement ou à des interventions gouvernementales.

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Chapitre  2  –  Revue  de  la  documentation  

Introduction  

La sociologie de l’environnement est une discipline scientifique relativement jeune, mais qui a néanmoins, depuis ses débuts, donné lieu à de très nombreuses publications parmi lesquelles nous avons dû faire un choix. Ce chapitre comporte trois sections. Nous expliquons, dans la première section, comment la sociologie de l’environnement s’est développée dans la deuxième moitié du XXème siècle, et nous résumons les différents

courants de pensée qui structurent ce domaine scientifique. La deuxième se rattache à l’hypothèse principale de notre travail, et résume une quinzaine de publications récentes sur les liens entre l’environnement, la politique et le social. Enfin, la troisième présente

quelques autres publications que nous avons considéré pertinentes : trois ont pour thème les attitudes et les comportements des hommes et des femmes politiques, en particulier en ce qui a trait à l’environnement, et une autre porte sur la sociologie de santé, un domaine de recherche qui offre des parallèles intéressants avec le nôtre. Nous n’avons cependant pas trouvé dans la documentation que nous avons consultée d’études portant directement sur le rôle des élus en ce qui a trait aux questions environnementales, c’est-à-dire sur les

ambitions, les représentations et les raisons qui sous-tendent l’action des hommes et des femmes politiques dans ce domaine.

La  sociologie  de  l’environnement  

La sociologie est née au XIXème siècle avec la modernité, l’industrialisation et

l’urbanisation. Les principaux secteurs de cette science humaine, la sociologie du travail, la sociologie de l’éducation, la sociologie de la famille, etc., se sont ensuite développés dans la première moitié du XXème siècle. La sociologie de l’environnement, qui forme le cadre

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général de notre travail, est apparue plutôt tardivement, c’est-à-dire à partir des années 1970, quand les mouvements écologistes eux-mêmes se sont développés et que les

sociologues s’y sont intéressés. Deux publications clés sont associées à la naissance de ces mouvements : «Silent Spring» de Rachel Carson, un essai percutant sur les oiseaux et les pesticides, paru en 1960, et «The Limits to Growth», un rapport sur les problèmes

environnementaux dûs à la croissance économique, publié en 1972 par un groupe connu sous le nom de Club de Rome.

Pour Durkheim, qui est un des trois «pères» de la sociologie, seuls les faits sociaux peuvent expliquer les faits sociaux. Comme l’explique Charron (2011), pour Durkheim et ses collaborateurs de la revue L’Année sociologique : «aucun comportement humain complexe n’est «naturel» ou inscrit biologiquement dans les corps, mais […] tout est socialement construit.» La sociologie de l’environnement est donc venue bousculer la sociologie plus traditionnelle, en redonnant en quelque sorte une place déterminante à la nature, ce qui n’a pas été sans créer certaines difficultés, et qui explique que certains chercheurs tentent encore de justifier son existence (Boudes, 2012). Pour les environnementalistes et les sociologues de l’environnement, il y a imbrication profonde du naturel et du social. Le paradigme courant de la sociologie classique, dit de l’«exceptionnalité humaine», qui met l’être humain au centre parce qu’il domine la nature, est remplacé, pour ceux-ci, par le Nouveau Paradigme Écologique (NPÉ), un concept développé par Catton et Dunlap (1980).

Pour Larrère et Larrère (2012), la conception moderne du monde (Newton, Copernic, Descartes, etc.) est périmée. On voyait l’homme, seul être moral, au dessus de la nature, elle-même immuable en quelque sorte. En fait, la nature a une histoire et co-évolue avec les sociétés. Pour comprendre les milieux naturels, il faut surmonter le partage sciences de la nature – sciences humaines. Une crise environnementale est une crise sociale. Les

problèmes environnementaux sont des faits scientifiquement et socialement construits, comme nous le verrons un peu plus loin.

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ce livre, écrit en anglais sous le titre «Guns, Germs and Steel, the Fates of Human

Societies» (1997), l’auteur démontre que ce sont des considérations environnementales, en particulier la domestication de certaines espèces animales et végétales, qui sont à la base du développement et de l’organisation des sociétés occidentales.

Plusieurs approches différentes ont été conçues et utilisées par les sociologues de

l’environnement depuis le début du développement de ce secteur de la sociologie (Guay, 2012, Guay et Hamel, 2015, Barbier et coll., 2012). On considère généralement qu’il y a quatre grands courants de pensée en sociologie de l’environnement : l’écologie politique, la modernisation écologique, l’écologie humaine et le constructivisme écologique.

L’écologie politique s’intéresse particulièrement aux liens entre les forces sociales et l’environnement et ses ressources, et de nombreux chercheurs se sont donc penchés sur les conflits sociaux soulevés par les enjeux environnementaux. La question des organismes génétiquement modifiés (OGM) a ainsi fait l’objet de luttes sociales en France, il y a quelques années, et celles-ci ont abouti à une quasi-interdiction de leur utilisation en agriculture. Au Québec, tout récemment, il y a eu la question des gaz de schiste, et, actuellement, il y a un débat en cours concernant la construction du pipeline Énergie Est. Dans presque tous ces conflits, il y a un enjeu de pouvoir entre la population (souvent représentée par des groupes environnementaux organisés), l’industrie (représentée par différents lobbies) et le gouvernement. Barbier et Rémy (2012) expliquent très bien les mécanismes sociologiques à l’œuvre dans les controverses environnementales publiques, et ils mettent en particulier en relief le fait que la manière de débattre et de décider est tout autant un enjeu que la question environnementale elle-même. Ces controverses sont construites, organisées, et orientées, et elles mettent en jeu des acteurs qui tentent de contrôler ce qui se passe.

La modernisation écologique est un courant formé par des chercheurs qui tentent

d’expliquer tous les changements sociaux que les questions environnementales ont amenés, qu’il s’agisse de lois, de règlements, de pratiques démocratiques, etc. En effet, de nombreux états ont élaboré un discours environnemental et ont mis en place des lois et des règlements

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à ce sujet. De nombreuses entreprises ont également développé un discours

environnemental. Comme l’expliquent Guay et Hamel (2015), ces chercheurs se sont donc demandé «si, à la suite de la mobilisation et des revendications des mouvements sociaux, deux des grandes institutions de la modernité, l’État et l’entreprise, n’étaient pas en train de «s’écologiser», c’est-à-dire d’intégrer les nouvelles contraintes environnementales à leurs pratiques et politiques.»

L’écologie humaine considère les liens homme-nature comme très forts et les processus sociaux comme des processus naturels. Cette approche s’est vite tournée vers l’écologie urbaine pour comprendre le rôle des environnements physiques sur les comportements humains. Ce courant de pensée ne semble toutefois pas avoir eu beaucoup de succès, et ses tentatives de modéliser les liens entre les facteurs environnementaux et sociaux ont

rencontré beaucoup de difficultés méthodologiques (Guay et Hamel, 2015).

L’approche socioconstructiviste en environnement permet principalement d’analyser comment se construisent et se vivent les controverses. Au Québec, la crise du verglas a ainsi montré que les sociétés complexes créent leurs propres malheurs naturels, mais pas entièrement seules. C’est la même chose pour les changements climatiques. La science est une construction sociale. Les techniques sont des constructions sociales. Les controverses environnementales publiques sont des constructions sociales (Hannigan, 2006). Les problèmes environnementaux sont des constructions sociales. L’approche

socioconstructiviste permet de mettre ces faits clairement en évidence. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de fondements réels aux problèmes environnementaux, mais que notre façon de les considérer et d’en débattre est fortement influencée par des facteurs sociaux. Il faut aussi prendre en compte que la science et les techniques ne sont pas exemptes d’influence sociale. Les modèles scientifiques sont basés sur des représentations du social, la science n’est pas neutre ni exempte de controverses, les débats scientifiques mettent souvent en jeu des idéologies et les techniques sont développées par des acteurs sociaux. La sociologie analyse le discours scientifico-social, les représentations sociales des objets naturels que le discours construit, les notions implicites que le discours contient, les logiques sociales

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sous-jacentes et bien sûr comment l’action de l’homme influence les processus naturels (Jolivet, 2012).

Pour conclure ce bref tour d’horizon de cette nouvelle discipline des sciences humaines qu’est la sociologie de l’environnement, il est intéressant d’exposer les visions opposées de deux chercheurs américains qui ont été au cœur du développement de la sociologie de l’environnement : Riley E. Dunlap, plus modéré, et Frederick H. Buttel, plus radical, marxiste et très constructiviste (Vaillancourt, 2012).

Vaillancourt (2012) explique que, pour Dunlap, qui, avec Catton, a développé le NPÉ (voir plus haut), les humains perturbent les processus naturels. Dunlap tente donc de cibler les caractéristiques sociales qui prédisposent les gens à se préoccuper d’environnement. Il ne croit pas aux causes uniques des problèmes environnementaux (démographie, lois du marché, ou autre) et il suggère cinq stratégies possibles : diminuer la population, adopter des technologies douces, sensibiliser les gens aux valeurs culturelles différentes, changer le système socioéconomique et modifier les comportements individuels par l’éducation et la législation. Il conteste l’approche constructiviste de Buttel «qui ne déconstruit pas le problème (des changements environnementaux globaux (CEG)).»

Buttel recherche par la justice sociale, comme l’explique Vaillancourt, la solution aux problèmes environnementaux créés par l’exploitation capitaliste. Il croit que les CEG sont une idéologie qui découle des processus sociaux. Il se méfie des verts qui viennent de l’élite, qui sont prêts à accepter des taxes qui pénalisent les plus démunis et qui construisent socialement les problèmes pour obtenir de l’argent pour la recherche. Il rappelle qu’il a fallu lutter contre le déterminisme biologique et écologique pour que la sociologie soit reconnue. Buttel voit les liens nature-société à travers les forces sociales en jeu. Pour lui, les problèmes économiques ne sont pas déterminés par les contraintes biophysiques qui n’ont qu’un effet amplificateur. Enfin, il note, avec justesse pour ce qui est de nos sociétés de consommation, que c’est l’offre qui stimule la demande de biens.

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Ce bref exposé des idées de Dunlap et de Buttel permet de voir à quel point les approches scientifiques en sociologie de l’environnement, tout comme c’est le cas pour les autres secteurs de la sociologie, peuvent diverger malgré toute la rigueur exercée. Il sera important de ne pas l’oublier quand nous étudierons et analyserons les résultats de nos travaux. On peut d’avance imaginer que les anciens ministres de l’environnement ont une vision qui se rapproche beaucoup plus de celle de Dunlap que de celle de Buttel, et qui s’inscrit dans le courant pensée de la modernisation écologique.

L’environnement,  la  politique  et  le  social  

L’hypothèse principale de notre travail est que l’action politique dans le domaine de l’environnement, et particulièrement en ce qui a trait à l’enjeu des changements

climatiques, est en bonne partie fonction de la perception que les élus ont des valeurs et des comportements sociaux des citoyens. On utilise parfois le terme d’acceptabilité sociale pour désigner cette forme de contrainte à l’action politique, bien que cette notion n’ait pas de définition précise, ni en politique, ni en sociologie. On constate en fait que non seulement les problèmes environnementaux à long terme ne préoccupent pas beaucoup les citoyens, mais que même ceux et celles qui se disent inquiets semblent souvent peu enclins à accepter les changements sociaux qui seraient nécessaires. Nous présentons dans cette section le résumé d’un certain nombre de publications scientifiques récentes qui permettent d’éclairer les différents aspects de cette problématique dite de l’«acceptabilité sociale» pour les questions environnementales.

La sensibilité écologique est une notion floue et difficile à évaluer, car il existe toute une panoplie d’indicateurs que nous pouvons utiliser (Bozonnet, 2012). Elle est corrélée au niveau d’études, au revenu familial, à l’âge, à la classe sociale et à la position sur

l’échiquier politique. Pour Bozonnet, il y a 5 grandes explications théoriques concernant la sensibilité écologique :

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- elle est une réponse normale à la dégradation de l’environnement (c’est la théorie du choix rationnel ou de l’adaptation fonctionnelle) ;

- elle est liée aux valeurs qui guident l’action humaine ;

- elle peut être expliquée par la socialisation (famille, école, médias, organisations) ; - elle est une conséquence de la postmodernisation (besoins secondaires versus besoins primaires, socialisation des jeunes dans l’abondance) ;

- elle est une idéologie des classes moyennes (liée au développement du secteur tertiaire de l’économie (services) par rapport au secteur secondaire (industrie)).

Aucune de ces explications n’est complète en elle-même, mais chacune comporte

probablement une part de vrai. Il est cependant clair que la proportion de citoyens vraiment concernés et actifs est petite. Pour cet auteur, élucider le lien entre la sensibilité écologique et les pratiques individuelles demeure un défi qui n’a pas encore été relevé.

Même lorsque la sensibilité écologique est développée au sein d’un groupe social, le lien entre les intentions et les comportements ne sont pas simples et directs. Il n’y a donc pas de solutions rapides et efficaces pour changer les pratiques et les comportements. Dans une très bonne revue générale des valeurs, des attitudes et des comportements reliés au

développement humain et économique, ainsi que des grandes tendances qui conditionnent le développement durable, Leiserowitz et coll. (2006) décrivent les principaux obstacles entre les valeurs, les attitudes et les comportements. D’abord, les valeurs n’ont pas toutes la même priorité, et il peut y avoir des conflits à cet égard, par exemple entre la nécessité de l’action environnementale et l’impératif du développement économique. Ensuite, il y a des obstacles directement au niveau individuel, car, comme les auteurs l’expliquent :

«individuals often lack the time, money access, literacy, knowledge, skills, power, or

perceived efficacy to translate their values into action.» Enfin, il y a des obstacles

structuraux, comme certaines lois (et règlements), certains types de subventions qui peuvent avoir des effets pervers, les technologies et les infrastructures disponibles, les normes sociales, ainsi que tout le contexte social, économique et politique (prix de l’énergie, taux d’intérêt, etc.). Par exemple, les citoyens ne choisiront les transports en commun (au lieu de l’automobile) que s’ils sont bien développés dans le secteur géographique où ceux-ci habitent.

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Une des grandes difficultés que les chercheurs ont observées est que la population ne fait pas confiance aux autorités gouvernementales concernant les questions environnementales, et que cela nuit en particulier à la prise de conscience du problème du réchauffement climatique (Peretti-Watel et Hammer, 2006). Les citoyens font cependant confiance aux scientifiques (à 90%, versus seulement 10% pour le gouvernement, selon cette enquête), mais ils ne comprennent pas bien l’effet de serre que plusieurs associent à la couche d’ozone, ou encore à la pollution de l’air, ou même aux centrales nucléaires. Il faut donc tenter de comprendre ce que les auteurs appellent les «représentations profanes» de l’effet de serre et les logiques sociales qui les organisent. D’une certaine manière, le problème des changements climatiques semble plus inquiéter les élites que la population en général qui, pour sa part, semble plus préoccupée de pollution. Les risques associés aux changements climatiques sont lointains et peu visibles, mais la pollution est un problème beaucoup plus apparent.

Les résultats d’une autre enquête, menée par Aklin et Urpelainen (2014), confirment que les citoyens font quasi spontanément confiance à la science, mais que la dissidence d’un petit nombre de scientifiques jette malheureusement un doute important dans la population et diminue fortement l’appui aux politiques environnementales. Il faut donc mieux informer celle-ci sur la science et ses inévitables incertitudes.

Pour motiver la population face aux changements climatiques, il faut s’appuyer sur des valeurs positives. La peur ne fonctionne pas, comme l’expliquent Smith et Leiserowitz (2014). Dans cet article, les auteurs présentent les résultats d’une enquête menée aux États-Unis il y a quelques années auprès d’un panel de 1000 participants (en ligne). Ceux-ci ont été interrogés sur leur connaissance du problème du réchauffement climatique et sur leur appui à diverses politiques publiques permettant de réduire la production de gaz à effet de serre, ainsi que sur leurs valeurs (individualistes ou égalitaristes), leurs émotions et leurs sentiments face à ce problème et leur perception des risques encourus. Smith et Leiserowitz rappellent en introduction que de nombreux chercheurs se sont tournés récemment vers le paradigme «risk as feelings» plutôt que «risk as analysis», car on considère généralement

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risques, et beaucoup moins sur leurs capacités cognitives. Les émotions se distinguent des sentiments (affect) par leur plus grande intensité et leur plus courte durée. Elles peuvent être négatives (la peur, la colère, l’inquiétude, la culpabilité) ou positives (l’intérêt, l’espoir, l’optimisme, la satisfaction). Les données obtenues ont été traitées à l’aide de modèles pour déterminer l’influence des différents paramètres. Sans surprise, le taux d’appui aux

politiques en faveur de l’utilisation des énergies renouvelables est très élevé, mais l’augmentation des taxes sur les carburants ne recueille que 34% d’appui dans cette enquête. Les facteurs les plus susceptibles d’être corrélés avec l’appui aux politiques publiques (strongest positive predictor of support for national policies) sont l’inquiétude face aux changements climatiques, l’espoir et l’intérêt (deux émotions positives),

l’idéologie politique et les valeurs égalitaristes. Smith et Leiserowitz ont trouvé que la peur (des dangers dus aux changements climatiques) n’était pas associée à un plus grand appui aux politiques publiques. «When frightened about a threat that seems individually

uncontrollable, many individuals purposively disengage, via psychological distancing, as a form of emotion-focused coping.» On retrouve d’ailleurs le même type de réponse dans le

domaine de la santé. La peur ne donne pas de bons résultats. À l’opposé, l’inquiétude a un effet plutôt motivateur qui amène les individus à traiter l’information sur les risques de manière cognitive. «Worry can motivate and promote processes of problem identification,

analysis, option seeking, deliberative decision-making, implementation, evaluation and recalibration.» L’influence des émotions positives, comme l’espoir et l’intérêt, est liée au

désir de bien faire et d’apprendre, et peut amener les individus à appuyer les actions collectives. Globalement, les auteurs concluent que, pour motiver la population face aux changements climatiques, il faut une communication qui s’appuie sur des sentiments et des arguments positifs.

La manière dont sont présentées les informations concernant les changements climatiques (en termes de gains possibles ou de pertes possibles) a également une grande influence sur les résultats obtenus (Spence et Pidgeon, 2010). Une présentation en termes de gains

possibles augmente les attitudes positives vis-à-vis les politiques d’atténuation (mitigation). De plus, et curieusement, les impacts des changements climatiques sont vus comme plus

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préoccupants lorsque ceux-ci sont présentés comme un problème lointain. Les auteurs concluent que la communication doit être structurée en fonction de ces perceptions.

La technique du marketing social n’est pas très appropriée pour les grandes questions environnementales (Corner et Randall, 2011). En particulier, ces techniques calibrent le message en fonction du groupe social visé. Comme l’environnement concerne toute la population et que celle-ci n’a pas une vision uniforme des problèmes, il faudrait des messages adaptés aux divers groupes, ce qui pourrait nuire au consensus requis. Il faut plutôt miser sur une communication orientée vers les valeurs profondes et la mobilisation des réseaux sociaux.

Selon une étude de Fischer et coll. (2011), les citoyens ont une perception plutôt négative de l’être humain qu’ils trouvent égoïste, fonctionnant par habitudes et tourné vers la

consommation et l’argent (leurs représentations sont basées sur de la «folk psychology»). Ils doutent donc que les autres vont faire les efforts requis pour protéger l’environnement et cela les dédouane. De même, ils considèrent que c’est aux gouvernants d’agir et qu’il faut éduquer les jeunes, ce qui aussi les dédouane.

Whitmarsh et coll. (2011) expliquent très bien toutes les difficultés inhérentes à la

communication et à la compréhension par la population des enjeux reliés au carbone et aux changements climatiques. Leur enquête démontre que non seulement les citoyens ne comprennent pas bien la question, mais aussi qu’ils sont réticents à changer leurs habitudes de vie. Il faut donc les amener par l’éducation, ainsi que par des mesures structurelles, à devenir plus «carbon capable», c’est-à-dire améliorer leurs connaissances, utiliser de meilleures pratiques et agir socialement pour influencer la gouvernance environnementale. Cet article présente de façon claire, concise et complète tous les aspects du «value-action gap», c’est-à-dire des contradictions entre les attitudes vis-à-vis de l’environnement et les comportements dans la vie de tous les jours qui sont surtout influencés par les normes sociales et les habitudes (pour ce qui est du confort, de la consommation, de l’alimentation, du transport, etc.).

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Pour Pruneau et coll. (2008), l’éducation aux changements climatiques pose de nombreux défis : il s’agit d’un problème complexe et difficilement perceptible, les citoyens ont des conceptions erronées de l’effet de serre et du climat, ils ont des habitudes de vie, ils sont déconnectés du milieu naturel, les comportements sont liés aux besoins instinctifs difficiles à changer, etc. Les auteurs proposent une approche pédagogique socioconstructiviste et participative basée sur l’interaction entre les communautés locales et les accompagnateurs qui a trois objectifs : construire un vouloir, un pouvoir et un savoir agir. Il semble que cette approche soit fructueuse.

Dans un livre extrêmement complet et approfondi sur la question des changements climatiques, Giddens (2011) reconnaît les difficultés reliées aux habitudes des consommateurs et à la piètre connaissance des enjeux. Il suggère donc de compter

essentiellement sur l’action des gouvernements nationaux, et surtout de ne pas attendre des accords internationaux peu probables. Il propose en outre que les partis politiques

s’entendent pour dépolitiser cette question en définissant des grands objectifs dont l’atteinte pourra être vérifiée par une commission indépendante, comme cela se fait déjà en partie au Royaume-Uni.

Bartiaux (2012), dans un chapitre du Manuel de sociologie de l’environnement (Barbier et coll. 2012), présente de nombreux éléments d’information et de réflexion sociologique théorique sur les liens entre les pratiques énergétiques et les problèmes environnementaux. Les consommateurs n’agissent pas de manière isolée, mais comme membres d’une

communauté. Les pratiques sont liées au social. Il y a interaction entre les technologies et les infrastructures, les normes et les conventions sociales sur le confort, la commodité, la propreté et les pratiques jugées adéquates, normales et légitimes dans le groupe social d’appartenance. Il n’y a donc pas de solutions simples pour changer les pratiques. On note en fait qu’un seul élément peut servir de frein, alors qu’il doit y avoir convergence de nombreux facteurs (ou leviers) pour changer les pratiques. Les changements de

comportement doivent répondre aux exigences des différentes images et des constructions pratiques de la maison. Plusieurs sociologues «émettent donc l’hypothèse que les processus de comparaison sociale comme la recherche de cohérence au sein des réseaux sociaux

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d’appartenance sont des mécanismes par lesquels de nouvelles informations sont portées à la conscience discursive, la condition […] pour remettre en question les pratiques et susciter des changements.» On en revient une fois de plus au fait que la manière dont les systèmes techniques sont construits n’est pas neutre.

Dans une étude multidisciplinaire (par un groupe de sociologues, d’économistes et d’ingénieurs) portant sur la sensibilité de la consommation aux variations des coûts financiers, Grisoni et Nemoz (2013) ont constaté que la performance réelle des pratiques énergétiques des citoyens «dépend moins de l’efficacité de leurs nouveaux appareils que de leur environnement sociotechnique, des infrastructures, des normes, et des modes

d’organisation qui évoluent plus lentement que l’efficacité énergétique des appareils.» Ce résultat important n’a été obtenu que par des travaux de terrain, d’enquêtes et d’entretiens auprès des ménages, une recherche certes qualitative, mais néanmoins fondamentale, même si elle ne correspond pas aux critères usuels des sciences naturelles.

Rodriguez et coll. (2008) présentent un excellent résumé des principaux aspects de la sociologie de la consommation, autant comme base de la vie sociale, que comme porteuse de valeurs, comme processus affectif, de recherche d’identité et de classement social. On peut constater qu’il y a écart à ce sujet entre ce que les personnes disent, ce qu’elles pensent et ce qu’elles font. Dans notre société d’hyperconsommation, il faut remettre l’éthique au cœur de la prise décision, il faut faire réfléchir les jeunes sur le sens et l’importance de leurs pratiques, dans un but, entre autres, de respect de l’environnement.

Stern (2000) présente clairement toute la problématique des comportements vis-à-vis l’environnement. Il y a, à son avis, quatre type de variables causales (les attitudes, les forces contextuelles, les capacités personnelles et les habitudes) et quatre manières possibles d’agir (sur le plan moral, par l’éducation, par les incitatifs matériels et par la réglementation). Tous ces éléments peuvent être en interaction. Il faut donc bien analyser chaque problème à traiter et combiner différents types d’intervention en fonction des circonstances.

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De nombreux auteurs se sont penchés sur les mouvements sociaux et sur les controverses environnementales publiques. Un élément très important pour l’acceptabilité sociale de toute contrainte pouvant être imposée à un groupe social donné pour régler un problème environnemental est l’équité de la procédure décisionnelle (Barbier et coll., 2012). C’est pourquoi ceux et celles qui ont une forte sensibilité écologique adhèrent souvent à différentes formes de démocratie participative qui est vue comme étant plus à même d’assurer cette équité.

En résumé, il est clair que le développement de la sensibilité écologique ne garantit pas les changements de comportement qui sont nécessaires. Pour favoriser le passage à l’acte, il faut des contraintes collectives, des actions publiques coordonnées, des mesures

d’encouragement, des mesures d’éducation et de sensibilisation, etc. Il faut lever les

différents obstacles législatifs, administratifs, économiques et sociaux auxquels les citoyens font face. En un sens, les menaces directes et personnelles ont plus d’impact que les

menaces globales et lointaines, mais l’utilisation de la peur n’est pas efficace. Il faut proposer du positif, des gains, une vie meilleure, etc. De plus, il faut comprendre les contraintes sociales qui conditionnent les comportements. Par ailleurs, la population est généralement très sensible aux enjeux qui la touchent directement (enjeux de proximité), qu’il s’agisse, par exemple, du tracé d’une nouvelle voie de chemin de fer ou de la

construction d’une usine dans leur voisinage. Mais les enjeux lointains préoccupent peu les citoyens, comme l’illustre si bien l’opposition à la taxe carbone que de très nombreux intervenants considèrent comme essentielle, mais qui aurait un impact direct sur la vie de tous les citoyens. Toutes les discussions et décisions sur les grandes questions

environnementales sont complexes, entre autres parce qu’il est difficile de définir

précisément les besoins fondamentaux (actuels et futurs) de la population. Il est également difficile de déterminer si la croissance est nécessaire, parce qu’il est impossible de prévoir ce que la créativité humaine et l’innovation peuvent nous apporter.

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Autres  publications  pertinentes  

Une équipe de recherche de l’UQAM s’est penchée récemment sur la perception qu’ont les élus des questions environnementales (Gendron et coll., 2013). Seize députés de

l’Assemblée nationale du Québec ont été interviewés de janvier 2009 à septembre 2011 pour tenter de saisir les représentations sociales de l’environnement de ces élus. Les résultats préliminaires indiquent que la plupart d’entre eux sont conscients qu’il y a un problème de dégradation de l’environnement et qu’il y a des tensions entre l’économie et l’environnement. Ils croient cependant que c’est possible de concilier le développement économique (et les profits) et la protection de l’environnement, et que cela relève

principalement de la responsabilité du gouvernement. En outre, bien que plusieurs, sinon la grande majorité, de ces élus aient bien intégré le concept de développement durable, leur connaissance des enjeux environnementaux est dans l’ensemble limitée. Enfin, malgré ce que nous venons d’exposer, seule une faible minorité de députés considère que

l’environnement est une priorité et ont des positions plus radicales. Les auteurs concluent donc que la modernisation écologique dans le monde occidental est plutôt une espèce de compromis tiède, et semble se rapprocher beaucoup plus d’une forme de «consumérisme écologique» que de la «simplicité volontaire».

Une autre étude de cette équipe (Egoroff, 2014) a porté sur la perception des élus locaux. Dans le cadre de ce travail, pour dégager les représentations sociales des questions écologiques, seize maires d’arrondissements de Montréal ont été interrogés. L’auteure conclut que l’environnement est une question importante pour eux, mais pas la plus importante. Ils sont attachés au développement économique, dans une vision de développement durable, mais «l’environnement ne semble pas être au cœur de leurs représentations sociales.»

Afin de mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent l’action des hommes et des femmes politiques en général (et non en ce qui a trait précisément aux enjeux

Figure

Figure 1 – Anomalies des températures globales de surface (1850-2015) par rapport à la  moyenne 1961-1990 (en °C) (www.wikipedia.org)
Figure 2 – Schéma interactionniste pour les décisions politiques sur les changements  climatiques  Valeurs   personnelles,   parcours         MINISTRE          Informer,   convaincre,   décider,   agir         Parti   politique   

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