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Edmond Richer et la tradition Gallicane.

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Academic year: 2021

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(1)

Claude Sutto

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfilment of the requirements for the degree of Master of Arts.

Department of Histor,y, MCGill University,

(2)

TABLE DES MATIERES

PREFACE ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• III INTRODUCTION •••••••••••••••••••••••.•••••••••••••••••••••••••••••• l

CHAPITRE PREruER. LA FORMATION DU GALLIC~~IS~Œ••••••••••••••••••••9

CHAPITRE SECOND. LES CRISES DU GALLICANISME•••••••••••••••••••••••27

CHAPITRE TROISIENE. LA HIERARCHIE ECCLESH.STIQUE NATIONALE ••• ,., •• 50

CHAPITRE QUATRIEME. LE PAPE ET LE CONCILE OECUHENIQUE,, •••••••••••

66

CHAPITRE CINQUIEME. L'INDEPENDANCE DU ROI •••••••••••••••••••••• , ••

83

CHAPITRE SIX~~. LES POUVOIRS DU ROI ••••••••••••••••••••••••••••• 95

CHAPITRE SEPTIEME. L'INFLUENCE D3 RICHER •••••••••••••••••••••••• ,.l03

APPENDICE. VIE DE RICHER •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• ll5

(3)

PREFACE

Nous tentons, dans le présent mémoire, d'apporter une contribution

à

l'étude du Gallicanisme, en analysant les principaux traits de la pensée d'Edmond Bicher et les caractères qui l'ont formée. Bicher fut l'un des grands acteurs du Gallicanisme, tant par l'intérêt de ses théories que par son influence au XVIIe et surtout au XVIIIe siècles, et le vaste éventail de ses idées nous permet d'embrasser les principales questions relatives au Gallicanisme. C1est pourquoi, afin de le mieux situer dans son contexte historique, nous avons été amenés à examiner la structure, l'évolution et les principales transformations du Gallicanisme. Conscients qu'un mouvement d'idées est rarement indépendant de son moment historique, et est, le plus souvent, ouvert aux pressions extérieures, nous avons analysé sommairement quelques uns des faits qui ont agi sur la marche du Gallicanisme, et par con-séquent sur Bicher : l'Ultramontanisme, le Protestantisme et la Ligue. Une étude de ce genre aurait été incomplète si nous n'avions pas au moins esquis-sé, l'influence de Bicher, et celà nous a conduit au Jansénisme, et

à

un moindre degré au Droit divin des Rois. C'est donc dire que nous avons abor-dé, de près ou de loin, quelques unes des principales théories politiques et religieuses depuis le XIIIe jusqu'au XVIIIe siècles. Nous espérons donc a-voir brossé un tableau aussi complet que possible de Bicher et du Gallicanis-me, et notre but aura été atteint, si la figure de notre auteur ressort plei-nement.

Bicher a été assez peu étudié. Le livre de Puyol, qui reste encore la principale source n'est pas exhaustif et a beaucoup vieilli. L'article 11Richer" du Dictionnaire de théologie catholique, de Vacant et Mangenot, basé en grande partie sur l'ouvrage précédent, n'apporte rien de nouveau. Au contraire, la

(4)

con-tribution d'Eugène P.réclin à l'étude du Richérisme est remarquable et renou-velle entièrement la question du Jansénisme au XVIIIe siècle. Au moment où cette thèse a été rédigée, l'article 11Richer11 du Dictionnaire de droit cano-nique, de Naz, n'était pas encore paru.

n

aurait été intéressant de le con-sulter, car il fera sans doute le point du problème.

La difficulté de nous procurer les sources principales, notamment les oeuvres de Richer, a quelque peu diminué l'extension que nous voulions donner

à

notre travail, néanmoins nous pensons avoir abordé l'essentiel.

Nous ne voudrions pas conclure sans remercier les personnes sans les-quelles cette thèse n'aurait jamais vu le jour. Le professeur P.Zagorin qui a su le premier, nous intéresser

à

l'étude du XVIe et XVIIe siècles français, les questions religieuses notamment. Il nous a épargné un choix toujours dif-ficile en nous proposant le sujet de ce travail, et nous a enfin fourni les premières indications bibliographiques. Notre directeur de thèse, le profes-seur W.S.Reid, qui, tous les mercredis, a guidé la progression souvent lente et pénible de ce mémoire, et nous a donné de judicieux avis, tant pour les sources que pour la composition.

Nous désirons également exprimer toute notre gratitude à Mademoiselle Johnson du service des prêts inter-universitaires de l'Université McGill, qui a réussi à nous procurer une grande partie des ouvrages nécessaires

&

la ré-daction de cette thèse,

à

Monsieur Cousineau p.s.s., et au Révérend Père Gi-guère o.p., qui ont respectivement mis à notre disposition les bibliothèques du Grand Séminaire et de l'Institut d'Etudes Médiévales Albert-le-Grand, enfin au personnel des bibliothèques Widener et Andover de l'Université Harvard,

à

Cambridge (Mass), qui pendant trois semaines, nous ont donné toutes les faci-lités pour poursuivre nos recherches, sur le Gallicanisme parlementaire, en particulier.

(5)

qui nous a prodigué d1excellents conseils pour le chapitre consacré au Moyen-Age, et à Mademoiselle Théorêt qui a accepté la tâche ingrate de dactylogra-phier cette thèse.

(6)

:lliTRODUCTION

Une étude du genre de celle que nous entreprenons ne saurait commencer abruptement, et pour ce, nous croyons nécessaire de formuler dans cette intro-duction, un certain nombre de remarques préliminaires sur le Gallicanisme.

Le principal problème qui se pose tout naturellement

à

l'esprit est ce-lui d'une définition. On pourrait décrire le Gallicanisme comme un mouvement d'inspiration

à

la fois religieuse et politique, voire économique, qui, du XIVe au XIXe siècles, sous prétexte d'assurer l'indépendance du Royaume contre les empiètements de la Papauté, contribua

à

séparer la France de Rome, en donnant

à

l'Eglise gallicane un statut particulier. Cette définition cache mal cepen-dant, la profonde complexité du Gallicanisme, c'est pourquoi, il est indispen-sable d'éclaircir quelques points particulièrement délicats et litigieux.

Nous envisagerons tout d'abord le problème du vocabulaire. Les mots "Gallicanisme" et "Gallicans" sont de formation récente. Au XVIIe siècle on en ignorait l'existence. Seul l'adjectif 11gallicane11 dans "Eglise gallicane11 ou "Li.bertez gallicanes" existait. On ne disait pas "Gallicanisme" parceque 11 on était conscient de ne pas proposer un système rigoureusement défini comme

1

le Protestantisme. Et on ne peut considérer les fameuses "Maximes", dont le nombre variait constamment selon les auteurs et l'époque, comme une véritable profession de foi. Le facteur temps joue également, car selon que l'on se pla-ce avant ou après le XIVe siècle, le mot "Eglise gallicane" prend un sens dif-férent. Jusqu'au XIVe siècle en effet, l'Eglise gallicane n'était qu'une Egli-se nationale, faisant partie comme les autres de l'Eglise Universelle, sans au-cune indépendance particulière, et munie simplement de quelques usages et

tra-1

A.G. Martimort, Le Gallicanisme de Bossuet (Paris: Les éditions du Cerf,

1953),

pp.

13-14.

(7)

ditions. Elle ne fait montre d'aucune hostilité envers la Papauté et cherche surtout

à

défendre ses privilèges contre le Roi et les seigneurs. Au contrai-re, à partir du XIVe siècle, clercs et laies forment ensemble l'Eglise galli-cane et s'unissent sous la direction du Roi pour protester contre les empiè-tements de la Cour Pontificale. Le sens de "Libertez gallicanes" subit une

é-1

volution analogue. Ainsi il convient de montrer la plus grande prudence dans l'emploi de ces mots et dans leur signification.

Lorsque nous poussons plus loin l'analyse du Gallicanisme, nous nous apercevons qu'il est très complexe et qu'il est constitué de diverses tendan-ces, d'origines fort diverses, dont les juristes, les docteurs, les évêques, et le Roi lui-même, se faisaient les propagateurs. Chacun avait sa propre con-ception du Gallicanisme et 11on ne s'accordait guère sur l'extension à donner aux privilèges gallicans ni sur les moyens

à

utiliser pour lutter efficacement contre Rome. Ainsi, il n'est pas impossible de parler de "Gallicanismes", tant sont différents, malgré des points communs, ceux du Parlement, de l'Université, de l'Episcopat, du Roi.

Le Gallicanisme parlementaire nous retiendra en premier. Précisons tout de suite, que nous incluons dans ce terme générique, non seulement les membres

2

des Parlements, mais encore les députés du Tiers-Etat aux Etats-C~néraux, et

1

2

"L'une des principales libertez de l'Eglise de France est de l'union, qui est entre les Rois de France, et tout le peuple françois, soit des Ecclesiasti-ques, soit des Nobles, soit des Bourgeois et Roturiers ••• " Guy Coquille, Trai-te des liberTrai-tez de l'Eglise de France, dans les Oeuvres de Maistre Gui Coquil-le (Bordeaux: Claude Labottiere, 1703), I, 92.

"Les libertez de l'Eglise de France ne sont pas des privileges ••• Mais

à

parler proprement ce sont de vr~s libertez en ce que l'Eglise de France n•a pas re-ceu indifféreDDllent toutes constitutions et rescrits venans de Rome. 11 Guy Co-quille, Autre traite des libertez de l'eglise de France, dans les OeUYres de Maistre Gui Coquille,

I, lï2.

Les Parlements, au nombre de huit au XVIe siècle, avaient essentiellement des attributions judiciaires et administratives. Mais ils intervenaient efficace-ment dans le domaine législatif par la ''vérification" et 1 1 "enregistrement" des édits et ordonnances, et par le droit de "remontrance" au roi. Celà explique en partie l'intérêt des parlementaires pour les relations juridiques et politiques avec la Papauté.

(8)

en général tous les hauts-fonctionnaires de l'administration. Il n1en reste

pas moins que c 1est au Parlement de Paris que ce rameau du Gallicanisme

fleu-rit aTec le plus d'éclat. Ces hommes avaient pour la plupart une formation ju-ridique, de plus, soit par naissance, soit par acquisition, ils étaient membres de la bourgeoisie, ce qui est extrêmement intéressant. On ne peut pas, en effet, s'empêcher d'établir un parallèle entre les ambitions politiques de cette classe et le rôle qu'elle entendait jouer au sein du Gallicanisme. Dans l'un et l'autre cas, d'accord avec le roi, elle cherchait à accroître la puissance royale. Si 11on passe en revue les grands noms du Gallicanisme parlementaire, les frères

Pierre et François Pithou, Guy Coquille, Dupuy, Antoine Arnauld, Du Tillet, Du-rand de Maillane, on remarque que tous, de près ou de loin, participèrent à la vie publique du Royaume.

le conflit entre Boniface VIII et Fhilippe IV le Bel ayant donné lieu

à une véritable floraison d'écrits d'influence légiste, on s'accorde à dire que le Gallicanisme parlementaire est né de ce mouvement. Après quelques hésitations

à l'époque du Grand Schisme, le Gallicanisme Parlementaire se constitua solide-ment après le Concile de Constance. A partir de ce mosolide-ment, et ce, jusqu1à la

Ré-volution, il resta l'adversaire le plus tenace et le plus redoutable de la Pa-pauté. Indifférents aux questions de foi et de dogme, les parlementaires sont surtout préoccupés par le côté strictement temporel du conflit avec le Pape. Ils s'inquiètent des envois d'argent à Rome et s'efforcent de les limiter, sinon de les supprimer. Fermement convaincus que l'Eglise gallicane fait partie intégran-te des institutions françaises, ils la défendent contre les ingérences pontifi-cales, en réclamant la liberté des élections, et plus tard des collations roya-les, en protestant contre les appels juridiques en Cour de Rome. Ils soumettent tous les actes des Papes et de leurs légats, à la ''vérification 11 et à 11

(9)

Pa-pauté, contre sa personne même, lorsqu'il se rapproche trop de Rome à leur gré. Entièrement dévoués aux progrès de l'autorité souveraine, les légistes citent peu volontiers par exemple, les passages de la Pragmatique Sanction qui

proté-1

geaient contre le Roi l'indépendance des électeurs et des collateurs. Bref, les parlementaires étaient les défenseurs par excellence des libertés gallica-nes.

Plus complexe est le Gallicanisme universitaire, nous devrions même dire celui de la Faculté de Théologie de l'Université de Paris, car c'est là qu'il prit vraiment forme. C'est à partir de l'époque de la Papauté d'Avignon et du Grand Schisme que 11on vit apparaître cette forme de Gallicanisme. L'Université de Paris était alors à son apogée, et les grands théoriciens conciliaires, Con-rad de Gelnhausen, Henri de Langenstein, Pierre d'Ail~ et Jean Gerson, venaient y exposer leurs doctrines.

Contrairement aux parlementaires, les docteurs de la Faculté de Théolo-gie s'intéressaient surtout aux questions strictement reliThéolo-gieuses. Ce sont eux qui firent adopter la thèse conciliaire par l'ensemble de la nation. Et après le Concile de Trente, constatant à la fois le danger protestant et la nécessité d' une réforme, ils n'hésitèrent pas à recommander au Roi l'adoption des principaux décrets de ce Concile, sans pour celà abandonner toutes les libertés gallicanes. Ainsi, quoique gallicans, les théologiens n'en avaient pas moins conscience d'ap-partenir

à

l'Eglise universelle.

L'influence de la Faculté de Théologie était considérable, et était si-non supérieure, du moins égale

à celle du

Parlement de Paris, et bien souvent aussi, rivale. Non seulement elle censurait les thèses contraires

à son opinion,

mais encore elle éduquait la plupart des membres du haut-clergé, et par là, elle

A.Renaudet, Préréforme et Humanisme ( 2e édition.; Paris: Librairie d'Argences,

1953),

p. 202.

(10)

1 dirigeait en sous-main l'Eglise de France.

Le Gallicanisme épiscopal est relié très étroitement au Gallicanisme

universitaire, notamment en ce qui concerne les doctrines. Il en diffère ce-pendant en ce sens que les évêques, moins intéressés aux spéculations de 11 esprit, étaient beaucoup plus soucieux des problèmes strictement pratiques.

Finalement nous trouvons le Gallicanisme royal, si toutefois nous pou-vans l'appeler par ce nom. Si différents qu1ils eussent été les uns des autres, les Rois de France ont cependant poursuivi avec une extraordinaire continuité les mêmes buts, du moins en ce qui concerne le Gallicanisme. Le mobile qui a toujours gouverné leurs actes a été sans contredit 11intérêt. Tour

à

tour al-liés du Parlement, de l'Eglise gallicane, de Rome même, les Rois ne considé-raient que leur avantage immédiat et celui de la France, sans se préoccuper des susceptibilités qu'ils pouvaient froisser. Si d'une manière générale, la royauté reconnaissait officiellement l'existence des Libertés de l'Eglise gal-licane, elle ne se gênait pas pour les violer. Ainsi verrons-nous Louis XI ré-affirmer et rejeter la Pragmatique Sanction plusieurs fois au cours de son

rè-gne, et François I, au Concordat de Bologne, partager avec le Pape Léon X les privilèges de l'Eglise gallicane, sans se soucier des protestations jaillis-sant de toutes parts.

On ne manquera pas de remarquer, dans cette énumération, l'absence de la noblesse. Il nous semble que cette absence sert ·

à

illustrer la faiblesse interne de cette classe. Ne prenant une part effective au gouvernement, en tant que corps constitué, qu'aux Etats-Généraux, la noblesse était incapable

d'avoir une politique suivie, si ce n'est celle de se raccrocher désespéré-ment

à

ses anciens privilèges, et partant, elle ne s'intéressait guère aux

1

R.Naz, Dictionnaire de droit canonique (Paris: Letouzet et Ané,

1955),

XXXII,

(11)

problèmes religieux et légaux. Le fait que les parlementaires bourgeois, plu-tôt que les nobles, prennent l'initiative d'une ligne de conduite bien défi-nie contre la Papauté, est très significatif.

Tous ces Gallicanismes n'étaient pas cependant entièrement imperméables les uns aux autres, et il est parfois difficile de délimiter leurs frontières respectives. Mais d'une manière générale, la faiblesse même du Gallicanisme re-posait sur son manque d'unité. Incapables de former un front commun contre Rome, très habile à trouver le défaut de la cuirasse, les Gallicans se virent souvent berner par elle.

Nous allons enfin examiner brièvement une question fort délicate qui a trait à la position du Gallicanisme par rapport

à

l'orthodoxie romaine. Les Gal-licans furent-ils schismatiques et hérétiques ? Schismatiques, ils ne le furent

1

pas, car d'un côté comme de 11autre, tant à Rome qu'en France, on s'efforça d1

éTiter une rupture préjudiciable sans aucun doute aux deux parties. D1autre part

ce manque d'unité du Gallicanisme, cette absence d'action concertée, que nOQS a-vons signalés plus haut, ne contribua pas peu à empêcher une séparation totale.

Il semble que le Gallicanisme parlementaire qui comptait en son sein, quelques-uns des esprits les plus avancés et les plus radicaux que comptait la France,

au-.

rait accepté sans trop d'efforts un schisme éventuel. Au contraire, le

Gallica-2

nisme ecclésiastique, qui au XVe siècle avait mené la lutte contre la Papauté, était peu disposé à rompre. Quant au Roi qui avait obtenu en

1516

des avantage3 essentiels, il estimait qu'il avait tout à perdre s'il se séparait de Rome.

1

2

11Un schisme, dit le syndic l Dieu me confonde plutôt que ce là arrive, et s • il m 1

est jamais venu en pensée de rompre la sacrée couronne de l'unité de l'église Catholique! Edmond Richer, Histoire du syndicat d'Edmond Richer (Avignon: Ale-xandre Girard,

1753),

p.

Bo.

Le Gallicanisme ecclésiastique est formé du Gallicanisme épiscopal et du Galli-canisme universitaire ( Faculté de Théologie).

(12)

Hérétiques, Rome ne les considéra pas comme tels, tandis qu'eux-mêmes 1

prétendaient rester dans le droit chemin. Pourtant, sous certains rapports, ils côtoyèrent de très près l'hérésie, si l 1on considère attentivement la

por-tée de la suprématie conciliaire qui était 11une de leurs maximes

fondamenta-les. Le dogme de l'infaillibilité pontificale, proclamé au Concile du Vatican en 1870, réfuta officiellement cette doctrine, et porta par le fait même le

2 coup de grâce aux derniers Gallicans.

Le but que nous nous sommes fixés dans cette thèse, a été de détermi-ner le plus exactement possible, la place de Richer dans le milieu gallican, c'est pourquoi, il nous a paru indispensable de préciser ce qu1est le

Gallica-1

2

"Quant aux propositions erronées, fausses, schismatiques, hérétiques, desquel-les on prétend que le livre de Richer fourmille; il est facile de vérifier et de voir ce qui est; puisque tout cet écrit consiste seulement en trois ma-ximes qui contiennent les principes indubitables de la doctrine ancienne de l'Ecole de Paris."Edmond Richer, Op. cit., p. 388.

"Je ne me suis non plus voulu aider des arguments des pretendus reformez, es-crits contre la Primaute du Pape ••• rr Claude Fauchet, Traicte des libertez de

l'eglise gallicane, dans les Antiquitez gauloises et françaises (Paris: Le Clerc et Heuqueville, 1610), II, 23.

Le privilège de l'infaillibilité en matière de foi s'attache aux définitions doctrinales solennellement promulguées par le Pape, selon la foi commune de l'Eglise formulée par le Concile du Vatican, aux termes de laquelle la pri-mauté de l'évêque de Rome, contient l'assistance infaillible de Dieu en ma-tière de foi. "Lorsque le Pontife Romain parle ex cathedra, lorsque dans l'e-xercice de sa charge de Pasteur et de Docteur de tous les chrétiens, et en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit qu'une doctrine sur la foi ou les moeurs doit être tenue par l'Eglise universelle, alors grâce à

l'assistance divine qui lui a été promise dans la personne du Bienheureux Pierre, il jouit de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu doter son Eglise, quand elle définit une doctrine sur la foi ou les moeurs, et par conséquent, de telles définitions du Pontife Romain sont irréforma-bles par elles-mêmes et non par le fait du consentement de l'Eglise." (Ses-sion

4,

Const. Pastor aeternus, chap.

4).

Dans, Un groupe de théologiens, Ini-tiation Théologique (Paris: Les'Editions du Cerf,

1954),

IV,

343.

Le Droit Canon affirme formellement que le Pape est supérieur au Concile.

11Eiusdem Romani Pontificis est Oecumenico Concilie per se vel per alios

(13)

nisme. Aussi dans les deux premiers chapitres, nous retracerons ses origines et son développement, en insistant, moins sur les faits que sur les idées, les prin-cipes directeurs, et les hommes, qui ont présidé

à

sa lente gestation. Puis

à

la lumière des résultats obtenus, nous analyserons la pensée de Richer. Sa pensée religieuse d'abord, c'est

à

dire ses conceptions de la hiérarchie ecclésiasti-que nationale, et du gouvernement central de l'Eglise. Puis nous nous pencherons sur des idées politiques, essentiellement ses théories sur l'indépendance et le pouvoir des Rois. Enfin, en guise de conclusion, nous étudierons son influence.

(14)

CHAPITRE PREMIER

LA FORMATION DU GALLICru~ISME

Le Gallicanisme n'est pas né spontanément. Au contraire, il lui a fal-lu de nombreuses années avant d'arriver à maturité. C1est en France d1abord,

à

Rome ensuite, que 11on retrouve les faits et les institutions qui ont favorisé son éclosion.

Il ne fait pas de doute que dès le haut Moyen-Age, le Roi et l'Eglise de France étaient étroitement unis. Tous les deux se prêtaient un appui mutuel. Ainsi, lors de son sacre, le Roi prenait deux engagements: 11perdonatio11 et

"prae-ceptum" qui concernaient précisément la paix et 11aide que le Roi accordait

à

l'Eglise et aux évêques. On retrouve évidemment là, l'origine du rôle de

pro-1

tecteur de l'Eglise que le souverain devait assumer. De son côté, le clergé apportait au Roi une contribution non négligeable, dans les domaines politique, financier, et même militaire. Les privilèges du Roi se traduisaient d1une

maniè-re concrète.

En

effet jusqu'aux premiers Capétiens, il intervenait dans les é-lections ecclésiastiques, et au IXe siècle encore, il rassemblait en concile

2

les prélats du Royaume. Le Monarque avait également juridiction sur la

disci-pline ecclésiastique, ainsi sous Charlemagne, les "Missi dominici" veillaient 3

sur la conduite des évêques et des abbés. De même quand un évêché était va-cant, il passait sous gestion royale (régale). Et lorsque le Roi remettait les

..

biens épiscopaux a leurs nouveaux titulaires, il les gardait sous sa

surveil-4

lance, en vertu de son droit de propriétaire éventuel. Dans le domaine

strie-1

R.Naz,

Op.

cit., p.

431.

2

V.Martin, Les origines du Gallicanisme {Paris: Bloud et Gay,

1939),

I,

47-48.

3

Ibid., I,

54.

4

(15)

tement politique, un grand nombre d'évêques étaient les vassaux du Roi. Et l'on peut dire que dès le règne de Philippe-Auguste, la plupart des évêchés et

arche-1

vêchés relevaient directement de la Couronne. Ainsi, on voit jusqu'à quel point le Roi pouvait étendre sa puissance sur l'Eglise.

Ce début de centralisation religieuse fut favorisé par l'introduction en France du droit romain, vers la fin du XIe siècle. Non pas qu1il fût·

in-connu auparavant, mais la "lex romana11 telle qu'on l'entendait, n'était autre

que le Code théodosien, altéré par de nombreux éléments d'origine germanique. Mais le fait vraiment nouveau, c'est la réapparition des oeuvres de Justinien, le Digeste, le ~' les Novelles, les Institutes. De Bologne, centre du re-nouveau des études juridiques, l'enseignement du droit romain se répandit en

2

France, à Hontpellier d'abord, dans tout le Hidi ensuite. Par le Languedoc, pays de droit écrit, il parvint à la connaissance des juristes de la Couronne qui se familiarisèrent avec. L'idée d1Etat, jusqu'alors fort nébuleuse,

commen-ça

à

se préciser. Des liens d'homme à homme, on passa lentement

à

la soumission du sujet au Roi, de l'individu à la commlli~auté nationale. Parallèlement on

al-lait assister au déclin des Justices d'Eglise ou Officialités, et les Parle-ments commencèrent

à

s'ingérer dans des débats, qui étaient jusque là l'apana-ge de l'autorité spirituelle.

Cette révolution des concepts politiques et juridiques favorisa la mon-tée des légistes, qui se firent de plus en plus nombreux dans l'administration

3

à

partir du règne de Saint Louis. Dès lors, ils allaient se révéler les dé-fenseurs des prérogatives de la Royauté, et les ennemis acharnés de toute

puis-1

V.Martin,

Qp.

cit., I, 134-135.

3

Ibid., I,

143.

(16)

sance susceptible de les entraver.

Toutefois, 11Eglise de France se refusait à accepter passivement une

telle situation. Elle tenait à ses avantages spirituels et temporels et n1

a-vait guère envie de les abandonner à des mains laiques. Respectueuse vis à vis du Roi, elle n1en était pas moins soumise à Rome. Et si dès cette époque on

par-le des Libertés de l'Eglise gallicane, il ne s1agit pas d1Q~ geste de défense contre la Papauté, mais plutôt contre le Roi. C•est ainsi que les Libertés de 11

Eglise gallicane furent d'abord invoquées contre les intrusions du pouvoir

sécu-1

lier.

Au même moment la monarchie pontificale subissait d'importantes trans-formations. En effet, à partir du XIe siècle, et ce, jusqu1au XIVe siècle, le

Saint-Siège augmenta considérablement sa puissance, tant au point de vue tempo-rel que spirituel. Cette période se caractérise surtout par la prépondérance d1

une doctrine qu1il est convenu d'appeler la Théocratie. On appelle Théocratie

la doctrine selon laquelle la Papauté entend détenir la souveraineté temporelle et réaliser ici-ba.s un type de gouvernement adapté à une vision du monde tenue

2

pour idéale. Elle n1a cessé d'évoluer, de présenter sans cesse une physionomie

différente, mais on retrouve partout les mêmes affirmations: la cité terrestre doit être régie d1abord par des lois religieuses et morales; le Saint-Siège doit

gouverner sans opposition tout ce qui concerne le spirituel; il peut intervenir dans le soin des âmes et les domaines qui appartiennent à la fois au spirituel

3 et au matériel.

1

2

La doctrine théocratique se dégagea peu

à

peu. Si avec le Pape Gélase les

J.Lecler, 11Qu1est ce que les Libertés de 11Eglise gallicane ? ", Recherches de

Sciences Religieuses,

XXIII (1933), 388.

M.Pacaut, La Théocratie (Paris: Aubier,

1957),

p.

7.

3

(17)

deux pouvoirs ont des propriétés qui leur sont propres, avec les Fausses Décré-tales, la puissance laique ne peut déjà plus intervenir dans les affaires spiri-tuelles. Le Decretum de Gratien marque un temps d'arrêt; on y trouve le désir d1 une coopération entre les deux pouvoirs et l'autonomie de l'office temporel. La

Théocratie atteignit son apogée à la fin du XIIe et au XIIIe siècles. Des Papes comme Innocent III, Grégoire IX, l'auteur des Décrétales, Innocent IV, allaient porter cette doctrine à son apogée. Les idées d'Innocent III résument bien 11

1

esprit du temps. Basant sa théorie sur celle des Deux Glaives, il revendique u-ne autorité supérieure à celle des Rois et ses pouvoirs s'étendent même jusqu'à

2

les ,juger. Son idéal était celui d'une république chrétienne dans laquelle Em-pereur et Rois devaient promouvoir la morale et la religion en collaboration é-traite avec le Saint-Siège qui les guiderait. Il agrégeait à l'idéal théocrati-que et au concept théologithéocrati-que de la Papauté les notions étatithéocrati-ques qui

apparais-3

saient. Ainsi les princes temporels étaient amenés dans la mouvance papale et se devaient de lui obéir. Le Pape adaptait donc à ses prétentions la vieille no-tion d111llnperium11 •

Ainsi tant en France qu'à Rome, les progrès du Droit romain avaient con-tribué à une centralisation sans cesse plus poussée. Le heurt était inévitable. Déjà Innocent III et Philippe-Auguste avaient eu maille à partir. Il se produi-sit entre Philippe le Bel et Boniface VIII. Un conflit en apparence anodin sur la taxation du clergé français allait précipiter la crise. Boniface prétendait que le clergé n'avait pas le droit de fournir des subsides au Roi sans son con-sentement. Or en 1294, Philippe étant en guerre contre l'Angleterre, le clergé

1

2

3

L'argument des Deux Glaives, ébauché dès le XIIe siècle, prit sa forme défini-tive avec Saint Bernard de Clairvaux. Les Deux Glaives, spirituel et temporel, appartiennent au Pape, qui délègue le second aux Rois, qui en usent sous sa surveillance.

C.E.Perrin, Papauté et vie religieuse (Paris: Centre de documentation universi-taire, 1959), p. 3.

(18)

français lui vota un décime. Les immunités financières du clergé faisant partie intégrante de la liberté ecclésiastique au Moyen-Age, on comprend aisément pour-quoi Boniface VIII prit leur défense. Il est assez piquant de constater ici que c'est le Pape qui défendait ces Libertés de l'Eglise gallicane, si souvent

invo-1

quées depuis contre lui. Boniface VIII, dans des bulles successives, Clericis laicos, Ineffabilis amor, Ausculta filii, Unam Sanctam, définit une fois de plus les principes de la Théocratie, et réclama pour le clergé la liberté fiscale. Parmi les répliques que firent les gens du Roi, il faut signaler la célèbre let-tre Antequam essent clerici, où l'on trouve l'opinion extrêmement importante que les immunités financières du clergé ne sont que de simples concessions accordées par le Souverain, mais qui, en aucun cas, ne peuvent porter préjudice au goUTer-nement. Le thème de la liberté de l'Eglise de France contre le Pape y est repris, mais cette liberté s'étend aussi bien aux clercs qu'aux laies. Ainsi l'Eglise gallicane est composée de toute la population française, et non plus seulement

2

du clergé. c•est une innovation extrêmement importante. On entrevoit déjà le parti qu1en pouvaient tirer plus tard les juriconsultes, soucieux d'étendre à 11

extrême les prérogatives du Roi et du Parlement. Mais il semble que Philippe le Bel voyait dans la participation des laies

à

la liberté générale de l'Eglise, la raison de son autonomie temporelle. C1est cette indépendance du roi au temporel

que l'on considérera plu~ tard comme l'une des libertés fondamentales du Galli-3

canisme. La convocation des premiers Etats-Généraux en 1302, où clercs et laies étaient réunis, semble corroborer cette opinion.

Le conflit entre le Roi et le Pape provoqua l'éclosion d'une littérature 1

J.Lecler,

QP.

cit., XXIII, 390.

2

cf supra, p. 2, n. 1.

3

(19)

de polémique. Outre la lettre Antequam essent clerici, précédemment analysée, on peut citer dans la catégorie des opuscules d'esprit légiste, le Dialogue du clerc et du chevalier, le Rex Pacificus, et enfin la Quaestio de potestate Papae. Tous

' ' ~

ces pamphlets expriment a peu pres la meme idée: l'indépendance du Roi au tempo-rel. Dans les écrits d'inspiration théologique, l'oeuvre de loin la plus impor-tante et la plus originale est le De potestate regia et papali, de Jean de Paris. Il prêche bien entendu la séparation des pouvoirs politiques et religieux, mais la constitution qu'il donne à l'Eglise universelle est beaucoup plus hardie. Pour Jean de Paris, l'autorité de l'Eglise est diffusée dans tous ses membres, qui peuvent la déléguer à l'un des leur. Le Pape ne tient son pouvoir que du bon vou-loir de l'Eglise toute entière qui est représentée par le Collège des cardinaux pour l'élection. Si le Pape est nécessaire, il n'en a pas moins un pouvoir fort

1

limité. I l peut même être déposé, non seulement pour hérésie ou crime notoire, 2

ce qui était la doctrine de l'Eglise, mais aussi pour incompétence.

L'importance de cette lutte pour l'avenir du Gallicanisme ne doit pas ê-tre sous-estimée. Le Roi, grâce au précieux concours des légistes, Nogaret par exemple, réussit à rallier derrière lui l'ensemble de la nation contre le Pape. Ainsi, les libertés de l'Eglise gallicane qui, jusqu'au XIVe siècle, avaient été invoquées contre les empiètements de l'autorité séculière, seront retournées à partir de cette époque contre Rome, par un clergé devenu un instrument docile

3

dans les mains du Roi. Cette brèche dans les relations entre le Roi et le Pape, ouvrait une ère nouvelle dans l'histoire de l'Eglise de France.

Le XIVe siècle est daPs l'histoire de l'Eglise un siècle d'une importance

1

B.Tierney, The foundations of the conciliar theory (Cambridge: Cambridge Uni-versity Press,

1955),

p.

175.

2

Ibid.' p. 172.

3

(20)

extrême. En effet on voit le mouvement d'opposition à la Théocratie se cristal-liser autour de quelques grands noms, qui vont pour ainsi dire, codifier les différentes théories antipapales. Ce mouvement de révolte était latent, les cir-constances historiques allaient lui permettre de se manifester au grand jour. A la suite de la mort de Boniface VIII, la Papauté avait émigré en Avignon où, se-lon l'opinion des autres pays, elle tomba rapidement sous la coupe française. Un

autre sujet de mécontentement fut la centralisation financière et administrative qui se fit plus lourde encore qu'auparavant. L'Europe chrétienne était donc prê-te à réclamer et à accueillir les théories que proposèrent Jean de Jandun, Marsi-le de Padoue et Guillaume d 1 Occam.

En fait les théories énoncées par Marsile et Occam n'étaient pas entière-ment nouvelles dans leur essence. Leur originalité consiste à les avoir ff,Ystéma-tisées et poussées jusqu'à leurs conséquences extrêmes. Si le Pape jouissait de la 11plenitudo potestatis", il pouvait néanmoins la perdre en certaines

circons-tances exceptionnelles. Ni l'Antiquité, ni le haut Ma,yen-Age ne se sont préoccu-pés de définir les relations entre le Pape et le Concile. Saint Gélase en

495,

dit que l'on peut appeler d'un jugement du Pape. Grégoire VII abonde dans le mê-me sens. Toutefois Gratien, dans son Decretum, pose commê-me condition de

déposi-1

tion que le Pape soit hérétique. Cette théorie devint l'opinion officielle de l'Eglise, et servit ainsi indirectement la cause conciliaire en lui apportant un argument de poids. Dans la pensée décrétiste en effet, l'autorité de toute 11

Eglise pouvait s'exprimer par deux institutions: la Papauté et le Concile géné-ral. Et souvent, dans les questions de foi, l'autorité du Concile était

préfé-2

rée à celle du Pape. S1il n'était pas encore question de mettre en doute la

su-1

V.Martin,

Qp.

cit., II, 10-12.

2

(21)

périorité du Pape sur le Concile oecuménique, dès la fin du XIIIe siècle, la vieille idée de la compétence de l'Eglise sur le Pape hérétique avait quitté le

1 domaine de la spéculation pure.

Néanmoins,

1324,

date de la publication du Defensor pacis, de Jean de

2

Jandun et Marsile de Padoue, marque un jalon important dans l'histoire du mou-vement conciliaire. Le Defensor dénie au Pape toute autorité particulière; il n' est nommé que pour assurer une certaine unité

à

l'Eglise et le pouvoir qu'il possède

à

l'heure présente, légitimé par une longue tradition, n'est que le fruit d'une usurpation. Le pouvoir appartient en réalité au Concile oecuménique, seul compétent pour prendre toutes les mesures relatives aux intérêts généraux

3 '

de l'Eglise. Le pouvoir de convoquer le Concile appartient a l'Empereur. Non seulement les deux auteurs avancent que les deux pouvoirs, spirituel et temporel, sont indépendants, mRis encore ils vont même plus loin en ajoutant que l'Eglise

4

doit être subordonnée

à

l'Etat.

Le Dialogus de Guillaume d'Occam présente de grandes similitudes avec le Defensor p~cis. C1est un répertoire où sont coordonnés et rangés tous les

argu-~ents bibliques, patristiques, canoniques, pour et contre les théories admises au Moyen-Age sur la constitution de l'Eglise et les droits de la Papauté. L1 Egli-se n'a qu'un Egli-seul chef: Jésus-Christ. Son unité n'est pas incompatible avec l' existence de plusieurs Papes, si l'on ne peut en trouver un qui soit réellement capable. La Papauté n'a qu'une importance relative, puisque la véritable Eglise

5

est celle qui garde la vraie foi. Il faut donc diviser également entre 11

1

v.v~tin, Op. cit., II, 28.

2

3

4

5

Un article d'Alan Gewirth met en doute la participation de Jean de Jandun

à

la composition du Defensor pacis. Alan Gewirth, "John of Jandun and the Defensor pacis11, Speculum, XXIII (1948), 267-272.

V.Martin, Op. cit.,

II,

39.

M.Pacaut, Op. cit., p. 205. '\,

(22)

autorité du Pape et celle du Concile oecuménique. L'essentiel est de protéger l'intérêt général de la société chrétienne. A la suite de Marsile de Padoue, Guillaume d'Occam exalte l'autorité impériale autour de laquelle la société

1

chrétienne doit se grouper. Ainsi, de même que le Defensor pacis, le Dialogus exalte le pouvoir temporel au détriment du spirituel.

Les idées de Marsile de Padoue et de Guillaume d'Occam pénétrèrent avec succès dans les écoles de l'Europe. Les attaques de ces deux auteurs contre la Papauté, et leurs nouvelles conceptions, allaient favoriser l'éclosion de la doctrine conciliaire dans les dernières années du XIVe siècle.

Lorsque le Grand Schisme éclata en 1378, on s'aperçut que la vieille théorie de la déposition du Pape hérétique, de même que celle de la supériori-té passagère du Concile sur le Pape, étaient caduques. Il ne restait d'autre so-lution que d'utiliser les matériaux fournis par Marsile de Padoue et Guillaume d'Occam. L'existence de deux Papes obligeant

à

recourir au Concile général, seul capable de dénouer la crise, les écrivains se rallièrent avec plus ou moins de violence

à

la thèse de la supériorité du Concile sur le Pape. C'est surtout

à

2

l'Université de Paris que s'accomplit ce travail d'adaptation. A ce point il est bon de signaler deux allemands qui y enseignaient: Conrad de Gelnhausen et Henri de Langenstein. Les opinions qu'ils professaient étaient si proches, que l'on a peine

à

les distinguer. Tous les deux mettent

à

contribution les écrits

3

de Marsile et d'Occam. Dans l'§pistola concordiae, de Gelnhausen, et l'Epistola concilii pacis, de Langenstein, on retrouve la distinction entre l'Eglise uni-verselle (congregatio fidelium) et l'Eglise romaine (Ecclesia Romana). Même uni

1

M.Pacaut, ~. cit., p. 215. 2

V.Martin,

cit.,

II, 70.

3

(23)

aux cardinaux, le Pape est inférieur à l'Eglise universelle qui a seule reçu la grâce divine, et en cas de nécessité, on peut même réunir le Concile sans

1

lui.

Pierre d'Ailly et Jean Gerson, deux docteurs de l'Université de Paris, représentent la tendance modérée. Ni l'un ni l'autre ne veulent méconnaître 11

institution divine de la Papauté, ni nier au Pontife Romain la 11plenitudo

po-·.

testatis" sur l'Eglise universelle.

Le titre de l'ouvrage de Pierre d'Ailly, De Ecclesiae, concilii genera-lis romani, pontificis et cardinalium authoritate, est significatif, et montre son désir de donner une part équitable d'autorité tant au Pape qu1au Concile.

Il n'établit pas clairement la supériorité conciliaire, mais la laisse deviner.

2

Ainsi, quand le Pape se trompe, il est responsable devant le Concile général qui le juge. Dans les conjonctures présentes, d'Ailly prétend qu'on peut se passer du Pape et même aller contre ses ordres. Le Concile se tiendra en vertu de

l'au-3

torité de l'Eglise elle-même, et les deux prétendants devront s'y soumettre. Ainsi, d'Ailly est intéressé, d'abord et avant tout,

à

la cessation du schisme, et il ne considère pas que les principes qu1il émet soient éternels.

Son disciple Jean Gerson a les mêmes préoccupations. Dans le De Unitate Ecclesiastica et le De auferibilitate papae ab Ecclesia il discute des possibi-lités de déposer un Pape indigne. L'Eglise est unie par son attachement à une tête qui est Jésus-Christ, et non le Pape. On doit obéir à l'Eglise ou plutôt au Concile général qui la représente, sous peine d1être considéré comme un

Gen-til. L'Eglise ne peut enlever au Pape la plénitude de son poUYoir, mais elle peut

1

V.Martin, Op. cit., II, 70. 2

Ibid., II, 81.

3

(24)

la limiter. Gerson reconnait une certaine autorité

à

la Papauté parcequ1i l pen-1 se qu'elle garantit une vie plus riche à l'Eglise considérée dans son ensemble. Mais le Pape reste un homme, sujet aux passions de la nature, i l ne peut

deman-2 der la réunion d'un Concile, qu1

à

condition qu1il soit irréprochable.

Ni d'Ailly, ni Gerson, ne sont les ennemis acharnés de la Papauté. Ils repoussent lee solutions extrémistes et recherchent avant tout une solution au schisme. Il faut donc considérer leur oeuvre comme un travail de défense des meilleurs intérêts de l'Eglise, et non comme une tentative de sape.

Dans quelle mesure les écrivains conciliaires vont-ils influencer le développement du Gallicanisme ? Avant la crise conciliaire, le Gallicanisme e-xistait, certes, mais il n'avait pas encore pris sa forme définitive, et

sur-tout, il lui manquait les bases doctrinales sur lesquelles il pouvait s 1 appu-yer. C'était essentiellement un mouvement de défense proclamant l'indépendance du Roi au temporel. Pendant le schisme, la revendication des fameuses Libertés gallicanes, exprimait surtout l'opposition du clergé de F.rance et de son Sou~

3

verain aux exigences fiscales de la Cour d'Avignon. Cette résistance risquait de modifier profondément son attitude générale

à

l'égard du Saint-Siège. Pour ne pas payer, il fallait en arriver

à

contester les droits du Souverain-Pontife.

Pour légitimer leur résistance aux taxes apostoliques, les Gallicans firent ap-pel au Droit ancien, au Droit commun représenté par le Decretum de Gratien et les Décrétales de Grégoire

IX.

On comprend comment la défense des Libertés gal-licanes rejoignait les théories en vogue sur la supériorité du Concile, la

4

soumission du Pape aux volontés de l'Eglise universelle.

1

2

E.F.Jacob, Essays in the Conciliar epoch (Manchester: Manchester University Press,

1943),

_

p. 12.

V.Martin,

QP•

cit., II,

82.

3

4

J.Lecler,

Qp.

cit., XXIII,

397.

(25)

Mais la France ne pouvait accepter intégralement un système, où,

à

la 1 suite de Guillaume d'Occam, on proclamait le pouvoir prééminent de l'Empereur. L'orgueil national s'y refusait. Ce fut justement l'originalité de la France d1 accepter les grandes lignes de la doctrine conciliaire tout en l'adaptant aux conditions actuelles et en limitant ces préoccupations

à

la France seule. Ni les légistes, ni les parlementaires ne proposent un système universel. Leur seul sou-ci est de sauvegarder les privilèges de l'Eglise gallicane et d'assurer l'indé-pendance du Roi. Et si,

à

partir de 1380, an voit apparaître l'idée du retour aux anciens Canons et de la supériorité conciliaire, c'est uniquement avec le dessein d'appliquer ces maximes

à

l'Eglise gallicane seule.

Un intéressant exemple de cet état d'esprit se trouve dans le Songe du Vergier, écrit dans les années 1380, sous l'impulsion de Philippe de Mézière. C' est un vaste arsenal où 11on retrouve intégralement les idées du Rex Pacificus et du Dialogus. L'auteur reconnait au Pape une certaine prééminence, mais prône la séparation absolue des pouvoirs. I l évite de faire allusion au pouvoir du peuple, contrairement

à

Marsile et

à

Occam. Tout au long de l'ouvrage, l'auteur nous laisse entendre que ses idées ne sont valables que pour la France seule, et

2 il n'est en aucune manière, question d'un système universel.

Si dès le début du schisme, l'Université avait adopté la thèse de la su-prématie conciliaire, la Royauté chercha plutôt à amener les deux Papes rivaux

à

se désister. Les contemporains nommèrent '~oie de cession11 cette manière de terminer le schisme. Cette tactique dura jusqu'en 1406, date

à

laquelle on s'a-perçut que Benoit

XIII,

successeur de Clément

VII,

ne renoncerait jamais

à

son pontificat. Après quoi, les Français, soucieux de l'union, revinrent

à

la "Voie

1

V.Martin,

ap.

cit.,

II,

327.

2

(26)

de concile" prônée 28 ans plus tôt par l'Université. Or c1est pendant que

l'E-glise gallicane poursuivait la Voie de cession, qu'elle décida de récupérer ce

1

qu'elle appelait ses ".Anciennes franchises". Cette période est donc de la plus haute importance pour l'Eglise gallicane. Le Gallicanisme proprement dit se for-me dans ces années. L'idée devient de plus en plus nette, que l'Eglise gallica-ne doit revenir

à

ses anciennes libertés.

Au Concile gallican de

1398,

on aboutit, non sans l'opposition du clergé du reste,

à

la "Soustraction totale d'obédience". On y voit triompher l'idée que le Pape n'est point un monarque absolu dans l'Eglise, que son pouvoir ne se

con-2

fond pas avec l'arbitraire, sous peine de perdre toute légitimité. L'affirma-tion que le Pape ne peut rien contre les canons des conciles généraux retrouve son crédit. Enfin une notion fondamentale du Gallicanisme se dégage: celle des Libertés primitives de l'Eglise gallicane.

En 1398,

il ne s'agit plus comme au

XIIIe

siècle de se protéger contre le Roi ou les seigneurs féodaux, mais plutôt

3

contre les entreprises du Pape. Pour ce, on fait appel aux vieux canons, aban-donnés depuis quatre siècles par l'Eglise de Rome et auxquels l'Eglise gallica-ne seule est restée fidèle. Ainsi la soustraction d'obédience signifiait pour 11

Eglise gallicane, la reconquête de ses anciennes libertés.

4 Au Concile de

1406,

les préoccupations du schisme passent au deuxième

plan. Ce que le clergé veut, c'est le retour aux anciens canons, et pour ce,

5

il demande au Roi de l'aider. Ce dernier trait est très important, puisque pour la première fois, le clergé de France, assemblé en concile, se tourne ouverte-ment vers le Roi, et lui demande de rétablir malgré le Pape les antiques

Liber-1

V.Martin,

ge.

cit.,

II,

330.

2 ~.,

I,

289.

3

Ibid.,

I,

290.

4

-Ibid.,

I, 322.

,-~.,

r,

324.

(27)

tés de l'Eglise gallicane et d'assurer leur maintien. Mais en même temps, il est soucieux de ne pas sortir de la catholicité, et de ne pas porter atteinte

1

à la foi ou à la tradition canonique. Les ordonnances du 18 février 1407 et la déclaration de neutralité de 1408, sanctionnèrent les délibérations du Con-cile parisien de 1406 et répondirent par leur rédaction aux voeux du clergé.

La place des ordonnances de 1407 dans 1 'histoire du Gallicanisme est é-videmment très importante. Ces ordonnances attribuent au Roi et à ses officiers la surveillance des affaires ecclésiastiques et lui reconnaissent pratiquement la juridiction enlevée au Pape. Le Roi et le clergé s'unissent pour doter la France d'une réforme qu'ils veulent perpétuelle, et ils le font au nom d1une

doctrine canonique aussi nette que nouvelle, dont la pierre angulaire consiste en une notion renouvelée des libertés gallicanes. Ces ordonnances peuvent être considérées comme l'acte de naissance officiel du Gallicanisme. Désormais les Gallicans pouvaient s'opposer au Pape, tout en affectant d1être aussi

respec-2

tueux que lui des lois de l'Eglise.

I l convient de mentionner ici le rôle joué par l'Université de Paris, qui fut le siège de nombreuses controverses contre le Pape et qui proposa tou-jours la solution extrémiste de la voie de cession. Au contraire, le Parlement joua un rÔle effacé qui contrastait étrangement avec son attitude ultérieure.

Toutefois, à peine eurent-ils vu 1e jour, que ces fameux principes gal-licans se virent violer. Chacun, Roi, évêques, Université, Parlement, en firent

3

bon marché.

n

était clair, que 11on ne les rappelait que dans la mesure où ils

favorisaient les intérêts de chacun.

Le Concile de Constance allait changer la situation. Réuni pour mettre

1 V.Martin,

Qp.

cit., I, 325. 2 Ibid., I, 333. 3 -Ibid., II,

1.54.

(28)

fin au triple schisme, -il y avait en effet trois Papes depuis le Concile de

Pise-, il permit la proclamation officielle de la thèse conciliaire, qui jus-que là n'était guère sortie des cercles intellectuels et religieux où elle a-vait pris naissance. C'est à la quatrième session que l'on adopta le fameux dé-cret qui fit couler tant d'encre: "Le Concile légitimement assemblé dans le Saint-Esprit, forme un Concile oecuménique, et représentant l'Eglise militante, tient sa puissance immédiatement de Dieu, et tous les fidèles, y compris le Pa-pe, sont tenus de lui obéir en ce qui concerne la foi et l'extinction du schis-me." On ajouta à la cinquième session, l'obligation de la réforme de l'Eglise dans la tête et dans les membres. Le décret "Frequens" publié dans la trente-quatrième session, établissait clairement la périodicité du Concile oecuméni-que.

L'ouverture du Concile de Constance fut accueillie avec joie par le clergé gallican. Toutefois les représentants français furent dans l'ensemble modérés. Pierre d'Ailly et Jean Gerson, soutenaient que, vu les circonstan-ces, l'Eglise, sans pouvoir toucher à la dignité papale, pouvait exceptionnel-lement reprendre le Pape en sa personne et même l'écarter. Mais en aucun cas, ils ne voulaient la dégradation de la Papauté. Le clergé gallican adopta cette

1

attitude.

La situation se trouvait compliquée par les luttes intestines entre 2

les Armagnacs gallicans et les Bourguignons ultramontains. L'attitude équivo-que de Charles VI, devenu fou, puis de Charles VII, trop jeune, ne contribua pas peu à la confusion. Toutefois, le Parlement, sorti de son isolement,

procla-1

V.Martin,

Qp.

cit., II, 125.

2

Noms des deux factions qui, sous Charles VI et Charles VII, se livrèrent une lutte sanglante. Les Armagnacs, dont les principaux chefs étaient le duc d' Orléans et le comte d'Armagnac, soutenaient plutôt la Couronne. Au contrai-re, les Bourguignons, dirigés par le duc de Bourgogne, pactisaient avec 11

(29)

mait officiellement sa fidélité aux Libertés gallicanes. Ces libertés ont ac-quis à ses yeux une valeur absolue, contre quoi les calculs d'intérêts n'arri-vent plus à prévaloir. S'estimant gardien des lois, il défend l'Eglise

gallica-1

ne parcequ1il le juge profitable

à

11Etat.

Plus complexe est l'attitude de la France vis

à

vis du Concile de Bâle. On sait que pour se conformer au décret 11Frequens 11, Eugène IV l'avait convoqué

en

1431.

Mais tout de suite le Concile réaffirma solennellement la thèse conci-liaire. Toutefois, Eugène IV était d'une toute autre trempe que ses falots pré-décesseurs de

1415.

En

1436,

il proclama la supériorité du Pape sur le Concile. Pour combattre le Concile de Bâle, considéré dès lors comme schismatique, le Pape convoqua en

1438-1439

à Ferrare un autre Concile. Les Pères de Bâle qui a-vaient élu un antipape se virent peu

à

peu dans l'obligation de céder aux

exi-genees de la Papauté. En

1449,

les derniers Pères se dispersaient, et le Pape schismatique entrait dans l'oubli. En définitive, le Concile de Bâle avait don-né le coup de grâce à la doctrine conciliaire qui ne devait plus subsister qu' en France.

Il est nécessaire de distinguer soigneusement l'attitude de Charles VII de celle du reste de la nation. Elle ressemble étrangement à la politique qu'a-dopteront ses successeurs; politique de bascule, tantôt de défense, tantôt d'a-bandon des libertés, selon les intérêts du moment. Charles VII désirait l'octroi de privilèges et de réformes pour l'Eglise de France, mais il voulait les obte-nir du Pape et non du Concile qu'il tenait pour schismatique. Toutefois, le Roi et le Pape virent leurs relations se détériorer, surtout à partir de

1436.

Char-les VII se rangea alors du côté de Bâle, et interdit

à

ses sujets de répondre

à

l'invitation du Pape au Concile de Ferrare. Il soutint alors le Concile et

1

(30)

promit d'en faire observer les décrets, ce qui répondait aux voeux du clergé, de l'Université et du Parlement. C'est pourquoi, il réunit à Bourges une

As-'

semblée du clergé ou étaient également présents les émissaires du Parlement et

1

de l'Université. De cette Assemblée sortit la fameuse Pragmatique Sanction. Le préambule rappelle d'abord qu1un des devoirs de la fonction royale

est de protéger l'Eglise de France et de faire observer les décisions des Saints-Bères. Un éloge du Concile de Bâle et un tableau de l'Eglise gallicane suivaient. Dans l'esprit des Gallicans, il convenait en effet, pour le bien-être de 11

Egli-se de France, de lui impoEgli-ser les décrets du Concile de Bâle, aussi la supériori-té et la périodicisupériori-té des Conciles étaient

à

la place d'honneur. L'Assemblée ré-tablissait les élections ecclésiastiques, mais elle ne croyait pas répréhensi-ble que les Rois ou les princes, à condition qu'ils s'abstiennent de toute vio-lence, usent de "douces et bienveillantes prières" en faveur des sujets méri-tants et zélés, pour le plus grand bien du Royaume. On supprimait ainsi les ré-serves et les instances judiciaires. On garantissait aussi la possession de ses bénéfices

à

quiconque en aurait joui '~acifiquement11 pendant au moins trois ans.

I l y avait également suppression totale des taxes apostoliques. Suivaient quel-ques remarquel-ques techniquel-ques sur le culte et les offices. La Pragmatique Sanction ramenait ainsi la discipline bénéficiale exactement à 11étàt d1oÙ l'avaient

sor-2 tie les Papes d'Avignon.

La Pragmatique Sanction a donné au Gallicanisme son expression la plus parfaite. Elle a eu une brève carrière et elle fut maintes fois violée, mais on y resta attaché, car elle affirmait la supériorité du Concile et le principe des

1

V.Martin,

ap.

cit., II,

295.

2

(31)

Libertés de 11 Eglise gallicane dans la limite des "Saints Canons". Ainsi le principe des Libertés, affirmé dès

1406,

triomphe en

1438

grâce à la conni-vence du Concile de Bâle, que les Français tenaient pour oecuménique.

En

1438,

trois idées fondamentales du Gallicanisme sont là. Le Roi ne dépend de personne dans le gouvernement de la France, les Conciles oecuméniques ont préséance sur le Pape, enfin les pouvoirs de ce dernier sont limités en France par les Canons des anciens Conciles. Ainsi la Pragmatique Sanction ac-complissait pour la France le même travail unilatéral que le Concile préten-dait accomplir pour toute l'Eglise. Alors que l'Europe abandonnait peu à peu

le mouvement conciliaire, la France en adoptait les maximes et en faisait une vérité fondamentale du Gallicanisme.

1

(32)

CHAPITRE SECOND

LES CRISES DU GALLICANISME

L'histoire de la Pragmatique Sanction est pleine de vicissitudes. Elle met pleinement en lumière le fait que le Roi de France n'hésitait pas à sacri-fier les privilèges de l'Eglise gallicane aux nécessités de sa politique, et qu1au besoin il pouvait traiter avec le Saint-Siège. Par là on voit que, sinon en droit, du moins en fait, les Libertés de l'Eglise gallicane, proclamées par la Pragmatique Sanction, étaient condamnées. Le bénéficiaire en était le Roi qui, d'ores et déjà, se plaçait comme chef et unique représentant de l'Eglise de France. Le Concordat de Bologne devait en être la conséquence inévitable.

L'action du Roi se manifesta en deux domaines. D1une part, par une main-mise sur les privilèges du clergé, de l'autre par une entente avec la Papauté. La Pragmatique Sanction avait prévu que les charges d'évêque et d'abbé seraient pourvues par élection. Mais la plupart du temps, le Roi, en vertu du droit de

"sollicitations bénignes" imposait ses candidats. Mai:=; plus graves encore, é-taient les accords entre le Roi et le Pape sur le dos de l'Eglise gallicane. Du reste cette entente était toute relative et était en fonction des intérêts respectifs des deux parties. En lh62, Pie II et Louis XI s'entendent pour abro-ger la Pragmatique Sanction. Mais deux ans plus tard, Louis XI promulgue une

1

série d'ordonnances gallicanes qui enlèvent ~ l'abrogation sa portée réelle. La même année on publie la "Pragmatique Sanction de Saint Louis", document

a-pocryphe, que l'on disait avoir été composé en 1269 et qui, dans l'esprit des Gallicans, par une référence aux anciennes coutumes de l'Eglise, devait

justi-1

R.Aubenas et R.Ricard,

toire de l 'Eglise, par Fliche et Martin

Tome XV de 11 His-1951), p.

5

(33)

7.-fier leurs actes. En

1472,

nouvel accord. Le Concordat d'Amboise stipule que la Papauté et la Royauté se partageraient la collation des bénéfices. Malgré l'opposition violente du clergé et des Parlements, l'accord se maintint jusqu' en

1475.

Ainsi, pour la première fois, apparaissait l'idée du Concordat de

1516:

1

un accord entre le Roi et le Pape, pour la nomination aux bénéfices. C'était d'autant plus facile pour le Roi qu'en définitive, il en était le vrai bénéfi-ciaire et trompait tour

à

tour le clergé et Rome.

Le clergé n'assistait pas

à

ces évènements sans protester. Ainsi en 1479, à la réunion du clergé de France à Lyon, l'on reprit les dispositions de

2

la Pragmatique Sanction. Aux Etats-Généraux de Tours, en

1484,

et pendant la minorité de Charles VIII, il y eut une véritable explosion de Gallicanisme. Mais elle fut de courte durée, puisque tant

à

Rome qu1

à

Paris, on chercha

à

l'étouffer,

La procédure de l'absolutisme royal reparaissait comme auparavant. La Papauté trouva un allié inattendu dans la personne du haut-clergé qui, par son recru-tement, était pourtant rAgalien et que l'hostilité évidente des chapitres, de l'Université, des officiers royaux, des couvents et monastères, poussaient

3

vers la centralisation religieuse, Toute autre était l'attitude des autres corps religieux. Epris d'un esprit de liberté et d'indépendance, ils voulaient

4

l'application absolue des clauses de la Pragmatique Sanction. Mais cette soli-darité se désagrégea aussi, et certains réguliers comme les Jacobins et les

Cor-S

deliers prêchèrent la soumission au Pape. Même le Parlement et l'Université, soutiens traditionnels du Gallicanisme pourtant, cessèrent de défendre la

Prag-1

Imbard de la Tour, Les origines de la Réforme (Paris: Hachette,

1905),

II,

95.

2

R.Aubenas et R.Ricard, Op. cit., p. 79.

3

lm bard

4

de la Tour,

qp.

cit., I~ 110-112. Ibid., ~ II, 116-117. A.Renaudet,

üp.

cit., p. 21.

(34)

matique Sanction. Sous l'influence de la Couronne, hésitant entre leurs doctri-nes traditionnelles et la raison d'état, les légistes finirent par se soumettre. Si le Parlement restait fidèle aux thèses conciliaires, il n'en laissait pas

1

moins tomber les libertés qui les étayaient. C1en était donc fait de l'unité

du Gallicanisme. La situation devait être aggravée par la nomination d'un légat, le cardinal d'Amboise, qui n'allait pas tarder à mettre l'Eglise de France sous la coupe du Roi.

En même temps, les relations franco-papales devenaient franchement mau-vaises. Les visées françaises sur l'Italie, la mort de l'habile cardinal d'Am-boise et l'avènement du Pape Jules II en furent la cause principale. En juillet

1510 la rupture fut consommée. Louis XII, pour s'assurer l'appui de la France

contre le Pape, convoqua à Tours une assemblée de parlementaires, d1

universi-taires et de prélats. Si l'assemblée lui donna raison pour la question du Con-cile, elle lui prêcha néanmoins la modération. N1~yant pas réussi

à

former une ligue contre le Pape, il ne restait plus au Roi qu1

à

s'unir aux neuf cardinaux

qui s'étaient dissociés du Pape. Mais le Concile schismatique qu'ils avaient formé

à

Pise n'avait guère de chance de succès, car ils n'étaient guère qu'une minorité, d'autre part la croyance commune n'admettait point qu'un Concile

géné-2

ral pût être convoqué sans l'assentiment du Pape. Jules II releva le défi en convoquant un Concile oecuménique au Latran pour avril 1512. N'ayant plus de

raison d1être, le Concile de Pise se termina dans le discrédit à Lyon.

Très intéressants sont le choc des idées et la publication de pamphlets

à

l'époque du Concile de Pise. On assista à la floraison d'une littérature de propagande pour soutenir le Roi et le Gallicanisme. Lemaire des Belges écrivit:

1

Imbard de la Tour, Op. cit., II, 122.

2

Ibid., II, 152.

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