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Mise en art et mise en tourisme de la montagne : facteur d'attractivité

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Academic year: 2021

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© Jeanne Roy-Lemaire, 2021

Mise en art et mise en tourisme de la

montagne : facteur d'attractivité

Mémoire

Jeanne Roy-Lemaire

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

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Mise en art et mise en tourisme de la

montagne : facteur d’attractivité

Mémoire

Jeanne Roy-Lemaire

Sous la direction de

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iii

Résumé

Les changements climatiques sont un fait reconnu. Dans une perspective de transition touristique, les destinations de montagne se sont engagées dans des réflexions de diversification de leur offre qui ne repose pas uniquement sur l’enneigement artificiel. Il faut donc jouer sur d’autres terrains ; des projets de renouvellement touristique émanent de filières variées comme le sport d’été, la gastronomie, l’artisanat et la culture (Diaz, 2016). C’est à cette réflexion de développement de la station de ski sur les quatre saisons que notre recherche vient s’intégrer. On s’intéresse principalement à la mise en valeur de la montagne en s’interrogeant sur l’attractivité de l’implantation de projets artistiques en montagne. Pourquoi l’art ? Est-il un facteur attractif du milieu naturel ? Peut-il faire office d’outil de diversification de l’offre du milieu qui doit se renouveler ? Ce sont à ces questions que le présent mémoire tentera de répondre.

Sur un plan plus théorique, cette recherche vise à contribuer à la compréhension de la pratique de mise en art comme facteur d’attractivité d’un milieu montagnard. Celle-ci permettra de répertorier les pratiques de mise en art de la montagne et d’offrir une base d’évaluation pour ces dernières. D’un point de vue plus pratique, le projet pourra servir d’outil d’accompagnement dans le plan de mise en tourisme du Massif de Charlevoix par le Groupe le Massif.

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Abstract

Climate change is a recognized fact. In a perspective to the touristic transition, the mountain destinations have engaged in reflections about the diversification of their offer which is not solely based on artificial snow cover. It is therefore necessary to play on other grounds; projects for the renewal of tourism emanate from various sectors such as summer sports, gastronomy, crafts and culture (Diaz, 2016). It is with this reflection on the development of the ski resort over the four seasons that this research is integrated. I am mainly interested in the practice of enhancing the mountain by questioning the attractiveness of setting up artistic projects in the mountains. Why art? Is it an attractive factor for the natural environment? Can it serve as a tool for diversifying the offer in the area which must be renewed? These are the questions this memoir attempts to answer.

On a more theoretical level, this research aims to contribute to the understanding of the practice of art as a factor of attractiveness of a mountain environment. This study will allow to. list the practices of mountain art and provide a basis for evaluation for them. From a more practical point of view, the project could serve as a support tool in the tourism development plan for the Massif de Charlevoix by the Groupe le Massif.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des graphiques ... vii

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Intérêt de la recherche et retombées possibles sur le plan scientifique ... 2

Le mémoire ... 3

Impacts de la COVID sur la recherche ... 3

Chapitre 1. Cadre conceptuel ... 4

1.1 L’attractivité et le marketing territorial ... 4

1.1.1 Attrait — attractivité ... 4

1.1.2 Marketing territorial ... 12

1.1.2.1 Esthétique et marketing territorial ... 14

1.2 La mise en art... 15

1.2.1 Artialisation ... 15

1.2.2 Art éphémère et Land Art ... 18

1.3 La montagne et le milieu naturel ... 21

1.3.1 Espaces excentrés ... 21

1.3.2 La montagne et sa géographie ... 22

1.3.3 Son attractivité comme lieu touristique ... 23

1.3.4 Sa fragilité : une nature à protéger ... 24

1.4 Retour sur le cadre conceptuel ... 25

Chapitre 2 : La méthodologie... 28

2.1 Étapes de la recherche ... 29

2.2 Outils méthodologiques ... 29

2.2.1 Inventaire ... 30

2.2.4 Analyse de TripAdvisor et d’images sur Instagram... 39

2.2.2 Grille d’évaluation des projets de mise en art ... 40

2.2.3 Questionnaire ... 48

2.3 Lacunes, limites de la recherche : ... 49

2.4 Brève conclusion sur la méthodologie ... 50

Chapitre 3 – Les résultats de la recherche ... 51

3.2 Inventaire ... 51

3.2.1. Type de représentation ... 51

3.2.2 Type de milieu ... 58

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vi 3.2.4 Ouverture ... 64 3.2.5 Accessibilité ... 65 3.2.6 Accessibilité financière ... 72 3.2.7 Fréquentation ... 73 3.2.8 Publicité ... 75

3.2.9 Pour une cause particulière... 77

3.3 Grille d’évaluation ... 78

3.4 Questionnaires ... 78

3.5 Analyse des prescripteurs et médias sociaux ... 79

3.6 Brève conclusion des résultats ... 84

Chapitre 4 – Analyse ... 85 4.1 L’attractivité ... 85 4.1.1 Années ... 86 4.1.2 Ouverture ... 89 4.1.3 Accessibilité ... 90 4.1.4 Accessibilité financière ... 93 4.1.5 Fréquentation ... 95 4.1.6 Publicité ... 97

4.1.7 Pour une cause particulière... 101

4.2 La mise en art ... 103

4.2.1 Art stationnaire ... 104

4.2.2 Art éphémère ... 104

4.2.3 Art performatif ... 106

4.3 La montagne et le milieu naturel ... 107

4.3.1 Type de milieu ... 108

4.4 Schématisation des concepts... 110

4.5 Retour sur le chapitre 4 – Interprétation ... 112

Conclusion ... 114 BIBLIOGRAPHIE ... 116 ANNEXE A ... 131 ANNEXE B ... 148 ANNEXE C ... 152 ANNEXE D ... 157

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Liste des graphiques

Graphique 1. Nombre de mises en art récolté selon le type de

représentation ... 56

Graphique 2. Nombre de mises en art récolté selon la principale catégorie d’art présentée (éphémère, performatif, stationnaire) ... 57

Graphique 3. Nombre de projets de mise en art en fonction de leur type de milieu (aménagé)... 58

Graphique 4. Type de mise en art selon l’aménagement du lieu ... 60

Graphique 5. Nombre de projets de mise en art en fonction de leur type de localité (milieu non aménagé) ... 61

Graphique 6. Type et quantité de mise en art en fonction de son milieu (non aménagé) ... 62

Graphique 7. Nombre de mises en art en fonction de leurs années d’activité, par intervalle de 5 ans ... 63

Graphique 8. Nombre de mises en art selon leur horaire d’ouverture ... 64

Graphique 9. Accessibilité des sites mis en art selon des critères préétablis ... 69

Graphique 10. Accès au site ... 70

Graphique 11. Accès aux œuvres ... 70

Graphique 12. Accès des visiteurs ... 71

Graphique 13. Accès pour un séjour ... 71

Graphique 14. Pourcentage des catégories d’accès ... 72

Graphique 15. Nombre de mise en art selon leur accessibilité financière ... 73

Graphique 16. Nombre de mise en art selon les modes de publicité ... 76

Graphique 17. Nombre de mises en art rattaché à une cause particulière ... 77

Graphique 18. Nombre de mises en art en fonction du nombre d’avis publiés sur le prescripteur TripAdvisor ... 79

Graphique 19. Nombre de mises en art selon la quantité d’abonnés à leur compte Instagram ... 80

Graphique 20. Nombre de mises en art en fonction de leur type de milieu ... 81

Graphique 21. Nombre de mises en art selon la quantité de publications Instagram partagées sous le compte (@) du projet ... 81

Graphique 22. Nombre de mises en art en fonction de leur quantité de critères d’accessibilité (sur 17) et les freins d’accès (animaux interdits et 18 ans et plus) ... 82

Graphique 23. Longévité des projets de mise en art selon des intervalles de 5 ans ... 83

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Liste des tableaux

Tableau 1. Regroupement par thématique des termes pertinents utilisés

dans les ouvrages de référence de cette recherche ... 32

Tableau 2. Description des critères et références conceptuelles ayant

dirigé l’analyse des cas inventoriés ... 35

Tableau 3. Évolution des mots-clés ... 37 Tableau 4. Grille d’évaluation visuelle des projets de mise en art ... 46

Tableau 5. Type de localité en fonction de sa topographie (dénivelé,

nivelé) ... 62 Tableau 6. Explication des catégories d’accessibilité ... 66

Tableau 7. Données récoltées suite à une analyse exploratoire des

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Liste des figures

Figure 1. Schématisation des concepts ... 26 Figure 2. « Hodgepodge », Patrick Dougherty, commandité par la Ville

de Vail, Comté d’Eagle, Colorado, États-Unis, 2018. Photo : Rai Manickam. Droits de reproduction obtenus de Patrick

Dougherty. ... 52 Figure 3. « Hodgepodge », Patrick Dougherty, commandité par la Ville

de Vail, Comté d’Eagle, Colorado, États-Unis, 2018. Photo : Jack Affleck. Droits de reproduction obtenus de Patrick

Dougherty. ... 53 Figure 4. « The Spirit of The Medieval Hunter », Anna & The Willow, Bois

de Skipton Comté de Yorkshire du Nord, Angleterre, 2018.

Photo : Anna & The Willow. ... 54 Figure 5. « The Stalking Horse », Anna & The Willow, Bois de Skipton

Compté de Yorkshire du Nord, Angleterre, 2018. Photo : Anna

& The Willow ... 55 Figure 6. « Arche », Josette Taramarcaz, Verbier (Fondation Verbier

3-D), Suisse, 2011. Photo : Pascale Marcotte, Septembre 2019.

... 59 Figure 7. Capture d’écran de l’inventaire — sections « Titre » et

« Accessibilité » ... 65

Figure 8. Capture d’écran de l’inventaire — sections « Titre »,

« Publicité » et « Site internet » ... 75

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier Pascale Marcotte, ma directrice de maitrise, pour son soutien, son accompagnement, sa compréhension et sa patience. Sans elle, ce mémoire ne serait pas ce qu’il est. Merci.

Un grand merci à Christel Venzal qui, malgré les embuches semées sur notre passage, m’a accueilli bras ouverts dans son pays et sa famille. Je ne saurai dire à quel point je suis reconnaissante pour le temps et la confiance qu’elle a investis dans ce projet. Merci.

Je souligne également l’implication des membres de mon comité d’évaluation. Sylvie Miaux, Michelle Bélanger et Christel Venzal, vos commentaires et votre appui m’ont permis d’améliorer et d’avancer cet énorme projet de recherche. Un énorme merci à vous pour avoir, à votre manière, cru en moi.

Merci aux membres de ma famille, Sylvie Lemaire, Francis Roy, Gabriel et Simon Roy-Lemaire, pour votre présence malgré les épreuves, pour ces paroles d’encouragements, pour ce constant soutien. Merci.

Je remercie mes amies, notamment Camille Lafront pour tes conseils, ces sessions d’études partagées et ces cafés plus que réconfortants, à Caroline Montreuil pour nos promenades en montagne, tes avis et opinions, pour nos voyages enrichissants, et à Élodie Rivière pour ton amitié, nos visites et petits voyages, et ta présence lors de mon séjour à Pau.

Un merci tout particulier au Groupe Le Massif pour ce merveilleux sujet d’étude et le financement de cette recherche. Merci à la Chaire de recherche en attractivité et innovation Québec-Charlevoix pour les opportunités d’en apprendre davantage et également, le financement de ce mémoire. Merci à MITACS pour son investissement financier dans cette recherche. Merci au Fonds de Recherche en Nature et Technologie du Québec pour cette bourse de mobilité sans laquelle ce stage à l’étranger n’aurait pas pu se réaliser.

Merci à vous toutes et tous. Sachez que votre implication a été plus qu’appréciée et forte utile.

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Introduction

En 2014, Ksenia Egorova écrivait : « […] l’industrie des sports d’hiver et des stations de ski a atteint une maturité avec les signes de stagnation et doit être repensée du point de vue de sa gestion pour se renouveler. Cependant, les enjeux économiques, sociaux et environnementaux viennent poser un défi pour les gestionnaires dans leurs stratégies futures. » (Egorova, 2014, p.0) Les stations de montagne doivent s’adapter à un ensemble de facteurs : changements climatiques, transformations des pratiques sportives, exigences des touristes de vivre des expériences authentiques dans des sites esthétiques et respectueux de l’environnement (Bourdeau, 2008 ; Perrin-Malterre, 2018 ; Tremblay-Pecek, Bourdeau et Marcotte, 2018). L’attractivité, et la rentabilité, des stations ne reposent donc pas seulement sur des équipements dernier cri et un décor sympathique (Bourdeau, 2008). La diversification de leurs activités est de plus en plus nécessaire (Rodrigues et coll., 2018), tout comme la construction et la communication d’une identité particulière, distinctive et signifiante. Après des années de standardisation des aménagements et de reproduction des modes de financement basés sur l’immobilier, les discours scientifiques sont de plus en plus nombreux à souligner l’importance pour les stations de prendre en compte un développement social plus durable, s’appuyant notamment sur l’expérience des visiteurs, la création de lien social par la créativité, et maintenant la qualité de vie des résidents (Bourdeau, 2008).

Sensible à ces changements, Groupe le Massif, gestionnaire de la station Le Massif1, souhaite investir dans un projet d’envergure ayant comme objectif

d’augmenter son attractivité par une diversification de son offre de produits et sur l’ensemble des saisons. Il est également préoccupé par les impacts de ses investissements sur le plan environnemental, économique et social. Trois piliers

1 Le Massif de Charlevoix est né en 2002 de l’initiative de Daniel Gauthier, promoteur et cofondateur

du Cirque du Soleil. C’est l’un des plus hauts dénivelés situés à l’est des Rocheuses canadiennes avec une vue panoramique sur le Fleuve St-Laurent. Le Massif c’est également 53 pistes et sous-bois, plusieurs chalets, caches et refuges auxquels s’ajoute le Club Med. Il se trouve à Charlevoix, à proximité de la Petite-Rivière-Saint-François. Pour en savoir plus : « Le Massif de Charlevoix », https://www.lemassif.com/fr/.

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principaux sont au cœur de sa démarche de développement touristique : paysage et Land Art, gastronomie, et plein air. Cette recherche se concentrera sur le premier élément. Il s’agira d’analyser comment la mise en art de la montagne peut devenir un facteur d’attractivité du lieu, et d’étudier les facteurs de réussite de ces projets.

L’objectif principal de ce projet est de répondre aux questions suivantes : est-ce que les mises en art permettent vraiment de rendre plus attractif le milieu montagnard ? Sont-elles considérées comme un élément pouvant faire augmenter l’attractivité ou plutôt comme une partie intégrante de l’identité du lieu ?

La méthode pour y parvenir repose sur la recension multidisciplinaire des écrits scientifiques, la documentation des différentes pratiques de mise en art de la montagne, l’établissement de critères d’attractivité de ces projets, notamment sur le plan touristique, et la constitution d’un inventaire.

Intérêt de la recherche et retombées possibles sur le plan

scientifique

Cette recherche vise à contribuer à la compréhension de la pratique de mise en art comme facteur d’attractivité d’un milieu montagnard. Celle-ci permettra de répertorier les pratiques de mise en art de la montagne et d’offrir une base d’évaluation pour ces dernières. D’un point de vue plus pratique, le projet pourra servir d’outil d’accompagnement dans le plan de mise en tourisme du Massif de Charlevoix par le Groupe le Massif. D’autre part, la recherche présente un intérêt scientifique dans le domaine du tourisme puisqu’elle se base sur une démarche inductive. Le sujet de la mise en art comme facteur d’attractivité est peu abordé dans la littérature, c’est pourquoi j’ai dû pallier à ces lacunes théoriques en partant de concepts particuliers (attractivité, mise en art, art, marketing territorial, tourisme montagnard et milieu naturel) pour en arriver à des conclusions générales. Mon processus de recherche se base, également, sur des outils méthodologiques constitués de toutes pièces en raison de l’innovation que représente mon sujet

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d’étude. Cette maitrise a été réalisée de manière exploratoire et constitue, par le fait même, une nouveauté dans le domaine de l’attractivité du territoire.

Le mémoire

J’aborderai les concepts de la mise en art, l’attractivité, le milieu naturel principalement orienté vers la montagne, le tout dans une perspective de marketing territorial. Ces concepts, je les définis dans le premier chapitre de ce mémoire. S’ensuivra le chapitre 2, qui développera la méthodologie utilisée pour la collecte de donnée. Puisque les thématiques de cette recherche sont issues de domaines différents : tourisme, géographie et histoire de l’art, la méthodologie se déploie sur des outils empruntés à ces divers domaines. À cela s’ajoute une démarche d’enquête de terrain réalisée lors d’un stage à l’étranger. Le chapitre 3 met en lumière les résultats obtenus grâce aux outils méthodologiques alors que le quatrième chapitre est une interprétation de ceux-ci en fonction de la littérature scientifique. La conclusion est un retour sur les acquis et un résumé de la réponse à notre question de recherche.

Impacts de la COVID sur la recherche

La pandémie de la COVID-19 a freiné, voire amputé, la collecte de données supposée être tenue à l’hiver 2020 lors du stage à Pau. Celui-ci fut malheureusement écourté d’approximativement un mois. Au courant de ces semaines restantes, l’échéancier prévoyait une rencontre avec la Maison des Montagnes située à Pau même, une visite au Bel Ordinaire — un centre d’art contemporain possédant une bibliothèque artistique —, de la forêt d’art contemporain dans le Parc des Landes et bien d’autres. En plus de ne pas permettre l’essai de la Grille d’évaluation visuelle sur le terrain, le retour forcé au Québec a été nécessaire. Les effets de la COVID ne sont pas seulement physiques, mais également psychologiques, notamment la démotivation, l’ennui et l’inefficacité résultant du confinement prolongé. Malgré ces embuches de taille, le projet de recherche a finalement été mené à bien.

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Chapitre 1. Cadre conceptuel

Ce premier chapitre fait presque office de glossaire. Il regroupe les termes et concepts abordés dans ce mémoire qui ont besoin d’une définition plus élaborée que celle issue du dictionnaire. Je les présente en suivant les grandes thématiques de ce projet de recherche : attractivité et marketing territorial, mise en art, et montagne et milieu naturel. À l’aide des regards et références fournies par les auteurs, je dresse un portrait théorique de la mise en art du milieu naturel comme facteur d’attractivité. Tout au long de cette recherche, je me réfère à ce chapitre comme balise conceptuelle.

Tel qu’abordé dans la section « Intérêt de la recherche et retombées possibles sur le plan scientifique », ce mémoire s’est construit grâce à une approche inductive partant de concepts particuliers pour obtenir des conclusions plus générales. Cette présentation ne se conforme pas aux normes d’une revue de la littérature, toutefois, elle tente de mettre en exergue les éléments qui me permirent de tisser des liens entre attractivité, art et montagne. En guise de conclusion pour cette première partie, je vous présente la toile rattachant ces éléments entre eux.

1.1 L’attractivité et le marketing territorial

Cette thématique se décline en plusieurs aspects. D’abord, l’attractivité qui est l’un des éléments principaux de cette recherche. Pour bien le comprendre, je l’explore sous trois facteurs : la publicité, la fréquentation et l’accessibilité. Ensuite, je décris le marketing territorial ainsi que ses liens avec l’esthétique. Cette description justifie le rapport entre marketing, territoire et art.

1.1.1 Attrait — attractivité

Il est important, lorsque l’on parle d’attractivité, d’en préciser le type. En effet, elle peut être économique, touristique, territoriale, même magnétique. Au sens large, l’attractivité peut se définir ainsi :

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Capacité à attirer dans une direction, vers un lieu ou vers une aire, l’attractivité est centripète et cumulative. Elle est à la source des concentrations, des polarisations et de divers phénomènes […]. La répulsion, à l’opposé de l’attraction, est centrifuge. Attraction et répulsion sont source de mobilités et peuvent obéir à des logiques gravitaires. (ST, 2011, Web, accentuations par les auteurs)

Dans le cadre de cette recherche, on l’utilise de deux manières. Elle est territoriale et touristique.

Telle que présentée par plusieurs auteurs, l’attractivité, notamment celle des territoires, est un concept multidimensionnel (Poirot et Gérardin, 2010 ; Brun, 2017, p. 28). Effectivement, cette conceptualisation peut être abordée selon diverses approches : géographique, aménagiste, sociologique, géoanthropologique et touristique (Gagnon, 2007 ; Lew, 1987), en tenant compte que chacune d’elle ne peut être pleinement comprise sans les autres. Les auteurs l’ont souvent abordée sous le bifocal territoire - économie où l’attractivité s’exprime sous la forme des définitions suivantes :

1. « la capacité de ce territoire à attirer et à retenir les facteurs mobiles de

production et/ou la population. [Poirot et Géradin définissent] cette attractivité, comme la capacité d’un territoire à être choisi par un acteur de ses activités » (Poirot et Gérardin, 2010, p. 27) ;

2. « le territoire attractif stimule les acteurs socio-économiques extérieurs, y

compris les populations, à s’y installer tout autant qu’il incite les acteurs déjà installés à ne pas le quitter » (Pirrone et Thouément, 2014, p. 278) ;

3. « la capacité à attirer les activités nouvelles et les facteurs de production

mobiles – capitaux, travailleurs qualifiés – sur un territoire » (DGTPE, 2004 cité dans Musson, 2010, p.98) ;

4. « est la capacité à attirer les activités des entreprises et donc d’abord le

capital productif » (Friboulet, 2010, p.11).

Quelques auteurs ont exploré le concept en tant que sous-produit du marketing territorial comme Coeure et Rabaud (2003), alors que d’autres l’explorent sous la forme de l’attraction touristique. Meyronin (2012), quant à lui, indique des composantes générales sur l’attractivité d’un territoire qu’il soit ou non touristique. Il en établit quatre : la géographie naturelle et humaine, la valeur identitaire et

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symbolique, la valeur économique, et la valeur culturelle et sportive du territoire (Meyronin, 2012). Chacune de ces composantes a un impact sur l’attractivité du territoire. En suivant l’ordre d’énumération, la première constituante de Meyronin (2012) influence l’attractivité grâce au paysage qui « peut-être un site d’appel ou créer un effet d’amplitude sur l’aménagement du site touristique » (Marcotte, 2018). La seconde sous-tend qu’une « ville ou un territoire faible sur le plan social ou politique réduit son pouvoir de prise de décision en matière d’aménagement dans la région » (Marcotte, 2018). Troisièmement, le poids de la valeur économique dans l’attractivité d’un territoire se traduit par un lien de causalité : « les sites touristiques auront une plus grande attractivité dans des régions économiques fortes » (Marcotte, 2018). Finalement, « les investissements faits par une ville en équipements augmentent l’attractivité des sites touristiques » (Marcotte, 2018).

À cet égard, Serge Gagnon (2007, p. 5) souligne que cette dite attraction serait engendrée par la nature et la culture, alors que De Grandpré appuie qu’elle : « […] est composée de tous les éléments localisés ailleurs qui attirent le voyageur hors de son lieu de résidence » (Lew, 1987, cité par De Grandpré, 2007, p. 14). Ce dernier ajoute, en empruntant les idées de McCannell (1979) et de Leiper (1990), que l’attraction est « [t] out élément, tangible ou intangible, qui, à partir d’une mise en valeur appropriée de ressources naturelles ou culturelles, aurait la capacité d’attirer un touriste » (p.14 issu de MacCannell, 1979 et Leiper, 1990).

En unissant ces multiples définitions, il est possible d’obtenir une description sommaire du concept d’attractivité qui conviendrait à ce travail, soit : la capacité d’un lieu, d’un espace ou d’un territoire à attirer le visiteur par la mise en valeur appropriée de ressources naturelles ou culturelles. En ce sens, la revue Téoros consacre un numéro complet à l’exploration de ce terme et conclut qu’il faut aborder le concept d’attractivité d’une manière plus globale et multidisciplinaire (Gagnon, 2007 ; De Grandpré, 2007 ; Joliet et Martin, 2007 ; Charles et Thouément, 2007 ; Lahaye, 2007).

Toutefois, malgré les pistes d’exploration fournies par ces auteurs, est-il possible de bien comprendre les éléments du territoire qui font qu’un visiteur se déplacera d’un

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point A pour rester momentanément à un point B ? L’art est-il une attraction touristique ? Quels sont les facteurs qui modulent l’attractivité d’une destination artistique ?

Pour bien comprendre le phénomène, j’ai approfondi mes recherches.

1.1.1.1 Facteurs guidant l’attractivité d’un lieu touristique

Il ne faut pas oublier que le lieu-dit touristique ne l’est pas uniquement en raison de sa ressource naturelle ou de sa dimension culturelle, il l’est grâce à la « construction sociale de la nature, de la ressource et finalement de l’attractivité. » (ST, 2011, Web). C’est tout un travail de mise en tourisme du site. Ceci dit, l’objectif de ce mémoire est d’établir si la mise en art, que j’aborderai plus bas, permet de rendre un lieu attractif. Une série d’indicateurs de mesure de l’attractivité peuvent être identifiés (Marcotte, 2018) :

1. Taux d’occupation en hébergement, nuitées (Var, Beck et Loftus, 1977)

2. Nombre de visiteurs ou de touristes (fréquentation) 3. Taux de recommandation (ex. TripAdvisor)

4. Nombre de demandes d’information

5. Accessibilité (Ritchie et Zins, 1978 ; Lew, 1987 ; Escadafal, 2007 ; Gagnon, 2007)

6. Aménagements et équipements développés sur un site touristique mettant en valeur le paysage ou le territoire attractif (approche aménagiste ; Gagnon, 2007 ; Fabry, 2009)

7. Présence de la destination dans les médias (publicité) (McCannell, 1979)

Ce mémoire traitera, plus particulièrement, de quatre de ces sept indicateurs : le nombre de visiteurs ou de touristes traduit par la fréquentation, le taux de recommandation via TripAdvisor, l’accessibilité et la publicité. Je cherche à savoir si l’insertion de l’art dans la nature participe à l’attractivité d’un lieu. Par conséquent, je

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m’attarderai sur les indicateurs communs à l’attraction d’un site artistique et d’un lieu touristique.

À des fins de compréhension, je définirai ci-dessous les trois grands critères ainsi que les concepts leur étant connexes et abordés tout au long de cette recherche.

1.1.1.2 Publicité

Dans sa plus simple expression, la publicité consiste en l’« action de rendre public ; [le] résultat de cette action » (CNRTL, 2012a). Ce même site internet complète la première définition avec des pistes de compréhension pouvant guider la présente recherche : « Action, fait de promouvoir la vente d’un produit en exerçant sur le public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs ; ensemble des moyens employés pour promouvoir un produit » (CNRTL, 2012a). La dernière phrase est particulièrement intéressante. J’utilise « publicité » dans l’état d’esprit de cette action qui vise la promotion d’un produit sans la restreindre strictement à la publicité commerciale payée par une organisation dans un média de masse. Lors de la réalisation de l’Inventaire — outil méthodologique qui sera expliqué dans le prochain chapitre — ce concept comprend les outils que les projets de mise en art utilisent pour stimuler la visite de leur produit. Les sites Internet, pages de réseaux sociaux, articles de journaux comme annonces radio, vidéos promotionnelles ou images diffusées par les visiteurs sont des exemples de ce qui est compris dans le critère « publicité ». Pour approfondir le sujet, je présenterai des concepts tels que l’image de marque et la réputation d’un site.

1.1.1.2.1 Image de marque et réputation

Lors de la constitution de la Grille d’évaluation (chapitre 2), l’image de marque ainsi que la réputation d’un site, dans notre cas mis en art, sont apparues comme des indicateurs d’attractivité. Elles nécessitent donc une définition.

L’image de marque est la somme de deux terminologies distinctes que je vous présenterai brièvement. D’abord, l’image fait appel à « […] des croyances, idées et impressions qu’une personne a d’une destination » (Crompton, 1979 cité par Tasci

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et Gartner, 2007 [traduction libre] dans Devanne et Fortin, 2011, p. 62). Ensuite la marque qui, selon Simon Anholt (2003), est une stratégie permettant aux villes comme aux destinations de se démarquer des autres en ayant recours au marketing, notamment territorial, et à la publicité. Dans notre cas, la marque est la destination ou le projet artistique, pensé et conçu, et l’image est l’idée qu’en a développée le visiteur. Ces deux concepts mis ensemble forment l’image de marque qu’on conçoit comme un outil de « positionnement », de « différenciation et d’affirmation » d’une identité2 territoriale (Marchat et Camelis, 2017 ; Bourdeau, 2019).

La réputation, quant à elle, est influencée par des ensembles de croyances, d’idées et de connaissances, autrement dit, par l’image. Cette influence entraine une « [o] pinion favorable ou défavorable attachée à quelqu’un ou à quelque chose » (CNRTL, 2012b).

Anholt (2003) ajoute, à l’égard de nos deux concepts, que l’image de marque et la réputation sont souvent acquises, données par la population, et peuvent être négatives comme positives, fausses ou réelles (Anholt, 2003, p. 219). Pour finir, Marchat et Camelis (2017) avancent qu’une « marque de destination est considérée comme étant un succès lorsqu’elle est capable de projeter une image simple, attirante, crédible, et distincte (Kotler et Gertner, 2002) ».

1.1.1.3 Fréquentation

La fréquentation est le nombre d’individus qui visitent un site. Ces individus, que j’appellerai visiteurs, peuvent être des touristes (qui séjournent au moins une nuit) ou des excursionnistes (visiteurs d’un jour) (Statistique Canada n.a., Web).

La comptabilisation du nombre de visiteurs (qui comprend les touristes et les excursionnistes) pose de nombreux défis. Certains sites ou événements sont libres d’accès et aucun comptage n’en est fait, d’autres sites comptent les visiteurs uniques (qui peuvent entrer et sortir du site sans être recompté, par exemple pour

2 L’identité, terme extrêmement complexe et ambigu, « marque la différence autant que la

ressemblance. » (Drouin-Hans, 2006, p.17) Cette autrice ajoute que « [l]’identité sépare le soi du non-soi, le clôt sur lui-même. La carte d’identité déclare unique un individu identifiable à travers les caractéristiques qui lui sont propres. » (Drouin-Hans, 2006, p.17) L’identité est donc une marque d’unicité autant individuelle que collective (Drouin-Hans, 2006, p.17).

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les événements qui comptent le nombre de « bracelets vendus ») et d’autres comptent toutes les entrées, peu importe si le visiteur entre pour s’informer d’une activité ou pour avoir accès aux services de l’organisation, (ex. les toilettes), sans en consommer le produit. Ce critère n’est pas simple à organiser ni à collecter, par conséquent, toutes informations relatives à la fréquentation des sites étudiés ne seront pas toujours présentées. Toutefois, ce critère est intéressant et pertinent à prendre en compte dans l’analyse de l’attractivité. Plusieurs auteurs en font état et le soulèvent comme un élément d’interprétation qu’il faut considérer (Var, Beck et Loftus, 1977 ; Meyronin, 2012 ; Lanavère, 2016 ; Marcotte, 2018).

1.1.1.4 Accessibilité

Par définition, on dit que l’accessibilité est la « propriété, [la] qualité de ce qui est accessible » (CNRTL, 2012 c). Certes, la définition paraît évidente. Sauf qu’elle introduit la question suivante : qu’est-ce qui est accessible ? En parlant d’un site ou d’une destination, qui guidera notre recherche sur l’accessibilité.

Comme Céline Choulet le soulevait dans une entrevue menée par l’émission Enjeux, l’accessibilité passe oui, par l’accès physique sur le site, mais aussi par la formation du personnel et la communication (Enjeux, 2015, 5e minute). En tant que gérante de

l’Agence Osmose et adhérente du Cluster Montagne en France, Madame Choulet ajoute que tout le monde se retrouvera, une fois dans sa vie, en situation de mobilité difficile. Le site touristique, qu’il soit de montagne ou non, doit être accessible à tous : enfant, personne âgée, femme enceinte, voyageur avec valises, poussette, personne à mobilité réduite ou malentendante, non-voyante, etc (Enjeux, 2015, 12 minutes 35). Et cette accessibilité, tel que stipulé un peu plus haut, ne concerne pas uniquement la mise en tourisme du site. Il faut aussi s’assurer que le personnel soit en mesure de répondre aux besoins des clients et que ces derniers sachent, par le biais d’une communication transparente, que le site est accessible à tous (Enjeux, 2015).

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11 1.1.1.4.1 Financière

Qui dit « accessible à tous » dit également accessibilité financière. Dès lors, je m’interroge sur les facteurs monétaires guidant et freinant la visite d’un site. J’ai établi quatre barèmes pour ce critère : payant, gratuit, abonnement et réduction. Le premier parle pour lui-même, c’est-à-dire qu’il y a des coûts d’entrée pour accéder au site.

Le second repose sur la gratuité d’accès. Zeghni la qualifie de « politiquement

construite » (Zeghni, 2013). Elle permet à l’usager d’avoir également accès au bien et service gratuitement3. Dans le domaine du tourisme, cette gratuité « se manifeste

notamment à travers la mise à disposition gratuite de monuments historiques ou de musées, l’organisation de manifestations gratuites, ou l’usage gratuit d’espaces naturels pour la pratique du tourisme. » (Zeghni, 2013, p. 25). En France, par exemple, il existe un principe du droit français selon lequel l’accès à la nature est gratuit. Par conséquent, très peu de sites sont en mesure de faire payer l’accès au site. Face à cette gratuité, les stationnements deviennent payants. Dans ces cas de figure, les mises en art sont considérées à la fois comme site gratuit et payant.

L’abonnement, quant à lui, se construit sur le même modèle que celui du système d’adhésion développé par les institutions culturelles (musées, théâtres). Son objectif principal est double : élargir les publics visés et fidéliser les visiteurs (Fourteau, 1996, p. 130). Avec l’abonnement, l’abonné obtient, normalement, des avantages et bénéfices. On parle surtout de réductions de prix (services de base et annexes, produits achetés et dérivés), d’accès à des contenus en primeur ou réservés aux adhérents, d’une communication privilégiée entre l’institution et l’usager (Fourteau, 1996) qui passe par les infos-lettres, les programmations envoyées à domicile et les courriels promotionnels.

Finalement, la réduction prend différentes formes. Dans sa plus simple acception, on parle d’un prix réduit en fonction des diverses clientèles, notamment pour les

3 L’objectif de ce mémoire n’est pas d’approfondir ce sujet, mais en guise d’ajout d’information, cette

gratuité s’obtient grâce à l’investissement conscient et parfois, non-conscient de tous. Ce sont les taxes et impôts, subventions gouvernementales ou encore l’implication politique qui rend le produit ou service gratuit pour son usage (voir Zeghni, 2013).

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personnes âgées, les groupes ou les enfants4. Puisque cette réduction est un principe déjà établi, je considère seulement les réductions tarifaires pour les résidents locaux, c’est-à-dire les habitants de la région du site touristique ou du projet artistique étudié.

1.1.1.4.2 Ouverture

L’indice d’ouverture ne m’est pas apparu d’entrée de jeu. C’est au fil de la recherche qu’il s’est manifesté comme un élément à prendre en considération. Par « ouverture », je désire vérifier l’impact d’un horaire diurne ou nocturne sur l’attractivité de la destination.

La thématique de l’attractivité se conclut ici, mais en fin de chapitre, je vous présenterai une schématisation des concepts en guise de retour et de conclusion à notre cadre conceptuel.

1.1.2 Marketing territorial

Depuis quelques années, la notion de marketing territorial connaît un véritable déploiement auprès des organisations touristiques, pour ne nommer que celles-ci. Bien que plusieurs auteurs aient tenté une définition, il existe toujours « un flou conceptuel, des définitions divergentes et de faibles assises théoriques » (Chamard et Schlenker, 2017, p. 42 issue de Vuignier, 2016) autour du marketing territorial et de ses mises en œuvre. Pour Chamard et Schlenker (2017), ce flou « s’explique par trois éléments majeurs : une difficulté sémantique, une absence de cadre conceptuel robuste et une variété extrême des cas étudiés » (Chamard et Schlenker, 2017, p. 42). Bien que le marketing territorial soulève toujours de nombreuses questions, il est possible d’éclairer certains contours de ses domaines d’application

4 Par « groupe », je considère autant les groupes scolaires que les groupes de voyageurs étrangers,

de résidents ou nationaux. En France, il existe souvent des accords entre les régions et les gestionnaires des espaces naturels pour l'accès gratuit aux sites et aux animations pour le public scolaire. Par « enfants », j’entends des réductions pour les moins de 12 ans ou la gratuité pour les 5 ans et moins.

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en analysant les exemples de nouvelles stratégies de commercialisation du tourisme et les définitions des termes connexes tels que territoire et marketing. Proulx et Tremblay soulèvent que le « marketing peut servir le territoire pour mieux mettre en valeur ses avantages comparatifs » (Proulx et Tremblay, 2006, p. 242). C’est le cas de projets tels que Arcs 1950, Breizh Touch ou encore des événements comme Nuits Sonores (Meyronin, 2012). Arcs 1950 est une station alpine conçue sous la forme d’un véritable « parc d’attraction », pour reprendre l’expression de Meyronin, où l’on retrouve la montagne jumelée à une station de ski, un centre de loisirs et de services vendant les traditions savoyardes revisitées (Meyronin, 2012, p. 22). Breizh Touch, quant à lui, est un événement de promotion de la culture bretonne par des manifestations urbaines comme des concerts, des expositions scientifiques, un défilé musical et dansant sur les Champs Élysées et bien d’autres afin d’implanter la tradition dans la modernité (Meyronin, 2012, p. 24). Alors que Nuits Sonores, festival de musique électronique et indépendante, donne à Lyon, la ville-hôte, une image redynamisée, jeune et vivante (Meyronin, 2012, p. 25). Ces trois exemples démontrent la diversité des utilisations culturelles du marketing territorial. Ce dernier sert et se nourrit du territoire. Il permet de positionner le lieu, celui qu’on désire mettre en valeur, sur la carte des destinations qu’elles soient culturelles, sportives ou historiques. Il cherche à faire valoir les ressources territoriales afin de rivaliser avec les autres destinations en promouvant une image de marque attractive. C’est finalement Chamard et Schlenker (2017) qui fournissent une définition englobante s’arrimant avec les bases de ce mémoire : « Le marketing territorial peut donc être défini comme un processus itératif et piloté de transformation accélérée du territoire visant à accroitre l’attractivité et l’hospitalité de ce dernier en vue de poursuivre un développement territorial harmonieux aux yeux de l’ensemble des parties prenantes » (Chamard et Schlenker, 2017, p. 45). C’est dans cette idée de modification harmonieuse du territoire à des fins d’attractivité que j’analyserai la mise en art du milieu naturel.

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1.1.2.1 Esthétique et marketing territorial

Le recours à l’art, à l’architecture iconique, à la mise en valeur de l’identité territoriale par la culture, figure parmi les stratégies de marketing territorial (Meyronin, 2012). Ces éléments culturels et artistiques sont utilisés comme des vecteurs d’image et de distinction favorisant le positionnement et l’attractivité des destinations, ce qui renvoie aux concepts d’image de marque et de réputation. L’étude de Devanne et Le Floch (2008) démontre que l’esthétique, la beauté des lieux, est une composante « dans l’interprétation et dans l’appréciation que nous avons de ce qui nous entoure » (Devanne et Le Floch, 2008). Cette relation entre hommes, esthétique et nature se traduit par la notion de « paysage » qui est « un moteur de la construction de la culture » (Duncan et Duncan, 2001 dans Devanne et Le Floch, 2008). C’est ce lien entre nature et paysage, puis de paysage à culture qui place l’art en montagne comme une valeur quasi naturelle au milieu. Ceci dit, j’approfondirai cette relation dans les prochaines sections du chapitre.

Du côté touristique, tel qu’élaboré par Pine et Gilmore (1999) ou O’Dell et Billing (2005)5, l’esthétique participe à l’expérience du visiteur comme élément d’influence

sur sa perception du lieu de service, sa satisfaction et sa recommandation. La beauté des lieux et l’environnement naturel jouent sur différents fronts en étant sujets des discours et politiques publiques ou symboles de santé et de bien-être (Nasar, 1989 ; Delpech, 2020).

Malgré cette évidence que le tourisme et la beauté sont intimement liés, on retrouve peu d’écrits scientifiques sur le sujet (Yi Wang et Chen, 2008). La beauté du paysage, construit ou naturel, s’avérait néanmoins un élément d’attractivité. En effet, même si on recense des exemples de l’utilisation de l’art dans les milieux ruraux et montagnards, très peu d’études ont permis d’évaluer l’attractivité de ces installations ou de ces événements, ou encore les critères de réussite de ces projets. Il apparaît donc essentiel de connaître et de classer les différents exemples de mise en art de la montagne, d’évaluer leur attractivité et les critères de réussite de ces projets afin d’en maximiser leurs retombées positives.

5 Notamment abordé sous la forme de l’experience economy de Pine et Gilmore (1999) ou des

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1.2 La mise en art

1.2.1 Artialisation

La mise en art est un concept multifacette qui joue un rôle autant sur le plan spatial que temporel. Les premières allusions à la mise en art se retrouvent dans les écrits de Montaigne (Montaigne, 2000, p. 57) et sont par la suite, reprises par Alain Roger dans son Traité du paysage (1997). Roger utilise alors le terme artialisation pour parler de la transformation territoriale par le biais de l’art. Originellement issu de la philosophie, ce concept dérive progressivement sur le terrain de la géographie afin de donner au processus d’artialisation la capacité de modifier le pays en paysage (Roger, 1997) où pays est ce qui est, et paysage ce que l’on voit et interprète. Selon Roger, cette lecture paysagère se décline en deux volets. L’artialisation in situ où l’art est introduit de manière volontaire dans un site, dans un paysage pour le mettre en forme, le métamorphoser en lieu « emblématique », symbolique (Roger, 1997) et pourquoi pas, touristique. Alors que l’artialisation in visu concerne plutôt « la représentation, le regard porté sur : elle qualifie par référence à l’art le pays comme paysage » (Nadaï, 2007, p. 337). Ces deux types de mise en art s’influencent et s’impriment l’une sur l’autre dans une chaine sans fin : l’artialisation in situ implante l’art au cœur d’un site, une implantation qui se donne à l’observateur, lui-même porteur de l’artialisation in visu, qui, en tant que représentation, influencera à son tour l’artialisation in situ (Nadaï, 2007, p. 337). Petit-Berghem et Deheul (2018) ajoutent à cette opération que le processus sera inévitablement influencé par la culture :

Le processus d’artialisation montre comment le regard paysager résulte d’une construction culturelle, historiquement datable (genre pictural paysager à partir du XVIe siècle) qui donne à voir le paysage, non pas par la simple juxtaposition d’éléments visuels épars, mais plutôt comme une structure d’ensemble, sorte de modèle paysager à usage de contemplation qui doit beaucoup aux codes culturels de la représentation artistique. Le concept d’artialisation s’infiltre depuis la fin des années 1990 sur le terrain notionnel de la géographie en invitant à repenser le regard paysager, en lien avec le paradigme sur l’organisation et la différenciation des espaces. (Berghem et Deheul, 2018)

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En bref, c’est un processus qui agit et rétroagit sur le territoire de manière physique ainsi que sur ses représentations. En effet, la mise en art peut jouer sur deux fronts : celui de l’image, du paysage en tant que représentation des représentations et celui de l’espace territorial dans ses aspects physiques et topographiques.

La définition fournie par Guyot (2017) ajoute des éléments pertinents au concept d’artialisation en le situant dans l’espace montagnard en plus d’utiliser la terminologie de « mise en art ». Il explique que la mise en art « ne consiste pas en une simple localisation d’un projet artistique au sein d’un espace montagnard [mais qu’il] s’agit d’un processus spatio-temporel qui confère à l’artiste, à son œuvre et à son éventuel commanditaire un pouvoir d’interaction intentionnelle et de transformation des représentations et dynamiques territoriales en jeu » (Guyot, 2017). L’auteur fait certes référence à la montagne, mais on peut penser que sa réflexion s’applique à tout type d’espace naturel.

Dans le cadre de ce mémoire, la définition de l’artialisation se base sur celle produite par Roger (1997), mais sera pourvue des idées avancées par Guyot (2017). L’artialisation est analysée comme un moyen de rendre le territoire attractif, c’est-à-dire avec une volonté délibérée d’attirer des visiteurs. Quant à la mise en art, elle est une création artistique qui se déploie sur les différents types d’art (musical, performatif, plastique, éphémère, etc.), et qui s’implante dans l’espace naturel. C’est l’objectif de ce mémoire d’affirmer ou d’infirmer la capacité de la mise en art à attirer le visiteur comme l’artialisation a le pouvoir supposé de le faire.

1.2.1.2 Diversité et évolution des mises en art

Les premières manifestations de la modification du paysage par l’art prenaient la forme de sculptures ou de constructions à même la pierre et faisaient office de mémorial ou de vestiges d’anciennes civilisations. Le temple d’Abou Simbel, le Bouda géant de Leshan ou encore le mont Rushmore sont de bons exemples de la première phase du phénomène d’artialisation de la montagne. Alors, la symbolique entourant ce type de mise en art était mémorielle, religieuse ou purement artistique. L’art, parce qu’il attire le regard et peut émouvoir, est très tôt utilisé par les instances

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de pouvoirs, qu’elles soient religieuses, politiques ou économiques, notamment par le biais de l’architecture monumentale et la sculpture, pour ne nommer que ces exemples. On met en art les villes bien avant d’enjoliver la nature excentrée, en raison de la position du pôle culturel qui se trouve davantage dans un milieu habité (Grésillon, 2014 ; DaCosta Kaufmann, 2014). Les artistes sont d’abord tailleurs de pierre, maçons, poètes ou dramaturges. L’artialisation in visu, également objet de fascination et porteuse d’émotion, est utilisée pour influer sur l’imaginaire. Pensons à l’effet de l’Illiade et l’Odysée d’Homère sur la création d’un mythe autour du territoire grec. Aux traces artistiques laissées par les cartographes venus dessiner les paysages canadiens, aux œuvres d’Oscar Wilde, de Proust et des impressionnistes sur la façon de percevoir ce qui nous entoure (Roger, 1997). Bien que ce projet de mémoire ne concerne pas l’in visu, mais plutôt l’in situ, n’oublions pas que l’image joue un rôle primordial dans la mise en tourisme et la mise en art d’un site qu’il soit naturel ou non.

La mise en art prend un autre tournant — une date précise est ici difficile à fournir — lorsque l’art devient un outil de marketing territorial. Guyot (2017) et Antille (2017) en font état, non pas de manière historique, mais en abordant le concept polémique d’« artwashing paysager »6 et en démontrant les relations entre le marketing

territorial, la mise en art et le marché de l’art. Selon eux, l’art est bel et bien utilisé par le marketing territorial (Antille, 2017 ; Guyot, 2017), mais sans fournir une datation précise. Sous forme de festival, d’installations permanentes ou éphémères, de circuits en montagne, d’évènements multigenres ou de fêtes, la mise en art de l’espace montagnard (Guyot, 2017 ; Antille, 2017 ; Sechi, 2017 ; Husson, 2017 ; Féréol, 2017) est dorénavant une attraction touristique et une alternative à la programmation surtout hivernale des stations de montagne. Du moins, c’est ce que je tenterai de documenter et confirmer par la présente étude.

6 Le concept d’« artwashing » a fait son apparition aux alentours de 2016 lors des protestations

anti-gentrification de Los Angeles. Les protestants s’opposaient à l’installation de galeries d’art au détriment des commerces et services locaux, causant alors une augmentation des prix de l’habitation. Pour en savoir plus : DALLEY, Jan (2018) « Why artwashing is a dirty word », Financial Times [En ligne], mis à jour en 2020. <https://www.ft.com/content/479cb6b2-a0af-11e8-85da-eeb7a9ce36e4>.

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1.2.2 Art éphémère et Land Art

Lorsque l’art rencontre la nature, une esthétique de l’éphémère, dirait-on, se construit. Les artistes produisent des œuvres implantées et fusionnelles avec l’environnement qui les entoure. Ce type d’art, élaboré aux États-Unis à la fin des années 60, n’est intrinsèquement pas fait pour durer. On, les artistes, place l’œuvre en extérieur comme une opposition aux pratiques de l’espace muséal qui apparaît comme une cellule de protection, voire une prison, contre tous les aléas du quotidien. Brian O’Doherty décrira même « l’espace de la galerie comme une cellule blanche, le fameux “’white cube”’ » (Lailach, 2007, p. 24).

La conception a néanmoins évolué de manière à ce que ce type d’art ne se limite pas à l’environnement naturel, mais à tout ce qui n’est pas fait pour perdurer. Aujourd’hui, on peut parler de Land Art, de Street Art, d’art conceptuel et même de performance. Contrairement aux œuvres classiques, celles « éphémères », comme le nom le dit, se veulent mortelles, autodestructrices, momentanées et occasionnelles. Certaines d’entre elles n’ont pas leur place dans les musées ni lieu d’être l’objet d’une conservation pointilleuse. Mais dès que le statut de l’œuvre passe vers l’historique et dirons-nous, le touristique, il pose la nécessité d’en garder une trace. Buci-Glucksmann (2003) fait de l’éphémère une nouvelle esthétique artistique qui repose sur les fluidités bipolaires : c’est un jeu « entre la présence et l’absence, la vie et la mort, le “‘il y a”’ et le “‘il n’y a pas”’, ou “‘il n’y a plus”’ » (Buci-Glucksmann, 2003, Présentation). Cette esthétique, comme nous l’avons vu plus haut, est une ressource de marketing territorial qui peut fasciner le visiteur.

Le concept de l’éphémère, en art, se rattache à des notions telles que l’in situ (artialisation), l’occasion, la matérialité et l’immatérialité, l’intention et la non-intention. Prenons par exemple l’œuvre de Walter De Maria, The Lightning Field, qui crée du spectaculaire dans un espace complètement désertique. Son installation se constitue de quatre cents paratonnerres, des piquets en acier inoxydable capables de capter la foudre comme les rayons du soleil avant même que celui-ci ne soit levé (Dia Art, Web). Cette œuvre s’admire à des moments précis (occasion), joint la matérialité de l’installation à l’observation de phénomènes naturels, se visite grâce à l’implication de la Fondation Dia Art suite à la volonté de De Maria. Par ailleurs,

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The Lightning Field est devenue une pièce historique autant comme trace du parcours artistique de Walter De Maria, mais également comme une empreinte dans la mémoire du lieu. On peut dire que « l’essence de l’œuvre ne se réduit pas à la somme de ses éléments ; chiffres et photographies ne sauraient remplacer l’expérience in situ de l’œuvre, que l’artiste décrit en ces termes : “La solitude est l’essence du Land Art” » (Lailach, 2007, p. 38).

Brisant la conception linéaire de la temporalité, l’éphémère est une conquête du moment favorable, de l’instant précis, et une recherche de captation du temps dans les « flux imperceptibles et les intervalles des choses, des êtres et de l’existant » (Buci-Glucksmann, 2003, p.25). En fait, c’est tout ce qui est « entre » et peut échapper à la présence du présent (Buci-Glucksmann, 2003, p.25). Cette conception de l’éphémère, lorsqu’en contact avec l’art, engendre un phénomène créatif qui se répand des États-Unis au reste du monde à partir des années 1960. Ce courant artistique prend le nom de Land Art. Le terme, issu de Landscape Art, caractérise cet art par l’utilisation du cadre et des matériaux de la nature.

Toutefois, les premières illustrations de l’art éphémère tirent leurs origines de l’Antiquité et plus tard, de la période médiévale. Elles s’illustrent par les natures mortes du XVIe et XVIIe siècle, la théorie du memento mori7 et la notion de « vanité »

au sens des beaux-arts (dimensions « mortelles »). À ces mêmes époques apparaissent le concept du temps qui s’écoule, les représentations d’une nature qui s’effrite et la mort imminente et inévitable des choses vivantes. Malgré ces représentations hâtives de l’éphémère, on commence les recherches sur ce type d’art à la moitié du XXe siècle. Ces dernières, en communion avec « le passage

historique d’une culture des objets et des permanences à une culture des flux et des instabilités mondialisés » (Buci-Glucksmann, 2003, pp. 16-17), s’opposent à la vision classique de l’art. Il n’est plus pensé à partir du subsistant, de l’esthétique et de la matérialité. Aujourd’hui, de plus en plus, l’art réalise l’Idée, qui acquiert une

7 Locution latine signifiant « Souviens-toi que tu vas mourir » est formulée par le christianisme

médiéval. Son origine remonte à l’Antiquité gréco-romaine quand la locution « Hominem te esse » (« Toi aussi tu n’es qu’un homme ») était employée.

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conscience, une intention, un but. L’activité créative s’inscrit dans un temps de remémoration où « le passé est inachevé et le présent intensifié » (Buci-Glucksmann, 2003 p.13). Il faut alors savoir saisir l’occasion pour voir, entendre, apprécier l’art, car le moment et l’œuvre ne seront plus jamais les mêmes (Buci-Glucksmann, 2003, p.24). Sur le sujet, le philosophe Vladimir Jankélévitch (1980) disait que l’occasion est la rencontre entre le lieu et la date où cette « double localisation est en effet la condition de toute existence historique complète comme tout repérage précis » (Jankélvitch, 1980, p. 115). Au concept d’esthétique de l’art éphémère se joint donc celui d’expérience qui, comme le développent Pine et Gilmore (1999) ou O’Dell et Billing (2005), est des éléments qui s’influencent mutuellement et tiennent un rôle dans la pratique touristique.

L’éphémère peut prendre plusieurs formes : Land Art, art in situ, Street Art, voire même la performance. Dans le cadre de ce projet de recherche, je m’intéresse à l’art en milieu naturel notamment le Land Art que je définirai ci-dessous.

En pleine période de contestations et de questionnements politiques et historiques, ce courant artistique se développe dans les années 60 comme une opposition à la pratique des institutions muséales et des galeries « considérées comme des acteurs mercantiles du monde de l’art » (Gomez, 2016, p. 105). En effet, les artistes du Land Art, tels que Brian O’Doherty, s’insurgent contre les pratiques muséales. O’Doherty décrit le musée et la galerie comme un espace vide et aseptisé, artificiel et d’une blancheur « virginale » (Lailach, 2007, p. 24). Robert Smithson, à son tour, s’oppose aux pratiques d’exposition de la « documenta 5 »8 et par le fait même, dépeint le

danger de la neutralisation des œuvres et le potentiel de la résistance de l’art :

8 La documenta est une exposition d’art moderne et contemporain qui se tient tous les cinq ans.

Créée en 1955 par l’artiste Arnold Bode, l’exposition propose, pendant 100 jours, une réconciliation du public allemand avec l’art de l’époque post-Deuxième Guerre mondiale. La « documenta 5 », tenue en 1972 à Cassel, en Allemagne, est dirigée par Harald Szeemann qui en est également conservateur. Cette exposition, au départ, devait prendre la forme de manifestations artistiques dans les rues de la ville, mais face à l’opposition des autorités, elle se rabat sur la présentation classique de l’art en musée. Toutefois, la « documenta 5 » marque un tournant dans la manière d’organiser la documenta. Pour en savoir davantage : « Retrospective – Documenta 5 (1972) »,

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Il y a emprisonnement culturel quand un conservateur, au lieu de laisser l’artiste établir lui-même les limites de son œuvre, impose les siennes… il y a dans les musées, comme dans les asiles et les prisons, des cellules et des quartiers, en d’autres termes, des salles neutres nommées « galeries ». Une fois placée en un tel lieu, l’œuvre perd sa fonction pour ne plus être qu’un simple objet transportable ou une surface déconnectée du monde extérieur. Une pièce éclairée vide et blanche est en elle-même un espace soumis à la neutralité… Plutôt que de créer l’illusion de liberté, mieux vaudrait révéler l’emprisonnement. Je suis pour un art qui prenne directement en compte les éléments dans leur existence et leur action quotidiennes et se départisse de leur rôle de représentation (Lailach, 2007, p. 24).

En effet, la caractéristique principale de l’œuvre et, par extension, du courant artistique est son rapport au lieu, au territoire, au paysage. Cet art modifie les surfaces, la structure et la matérialité du site par l’action humaine. On utilise le paysage comme matériel, canevas, voire médium artistique : « L’œuvre est ici au service du lieu » (Auréjac, 2016, p. 102). Les travaux sont intransposables (Sechi, 2017), donc le retrait de l’œuvre de son contexte naturel mènerait à sa destruction. Richard Serra disait que les œuvres ne sont donc pas vendables contrairement à l’art classique (Lailach, 2007, p. 11), mais nous verrons plus tard que son potentiel économique peut reposer sur d’autres facteurs comme le tourisme. En bref, c’est un art in situ au même titre que la performance : les œuvres se retrouvent dans l’espace réel, au sein d’une localisation spatiale qui projette le regard du spectateur vers l’ici et le maintenant (Lailach, 2007, p. 12).

1.3 La montagne et le milieu naturel

1.3.1 Espaces excentrés

La montagne, par définition, est une « importante élévation de terrain » (Collectif [Le Petit Robert], 2017, p. 1436). Certes, le dictionnaire la réduit à une simple formation orogénique, toutefois, la montagne possède plusieurs niveaux d’interprétation. Elle fascine tant dans l’imaginaire que dans la réalité par ses multiples caractéristiques intrinsèques et attire tant les sportifs que les amoureux de la nature.

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1.3.2 La montagne et sa géographie

Paul et Germaine Veyret (1962) commencent leur Essai de définition de la montagne en présentant deux points de vue : celui où il est inutile de définir la montagne (Gaussen, 1955) face à celui où « [u] ne définition de la montagne est à peu près impossible à fournir. » (Jules Blache dans Raoul Blanchard, 1942 repris par Veyret et Veyret, 1962, p. 5) C’est pourquoi je fonctionnerai par caractéristiques pour mieux comprendre ce qu’est et quelles sont les réalités du milieu montagnard.

Toujours selon Veyret et Veyret (1962), la montagne « doit sa personnalité à quatre éléments : l’altitude, le relief, le climat (et la végétation), un certain type de vie humaine » (Veyret et Veyret, 1962, p. 6). En ce sens, Fouet et Pomerol définissent la montagne « par son altitude importante, mesurée par rapport au niveau de la mer » (p.5). Certes l’altitude est un critère essentiel à la caractérisation de la montagne, pourtant elle ne suffit pas à la définir (Fouet et Pomerol, 1975, p.5). Flatrès (1980) suivi de Portal (2017) suggèrent que « [c] e n’est pas l’altitude qui fait la montagne, mais bien les formes paysagères qui la constituent » (Portal, 2017, p. 2 issue de Flatrès, 1980). Claire Portal (2017) ajoute que la montagne est un imaginaire qui repose sur une esthétisation d’une « mythologie paysagère », pour reprendre le terme de Depraz et Héritier (2012). La montagne prend des formes et des caractéristiques diverses dans l’esprit des gens : elle est sauvage ou domestiquée, sublime, sauvage et hostile, pastorale ou exotique (Portal, 2017). Ces visions ne sont « d’ailleurs pas exclusive de l’autre » comme le souligne François Walter (2005) dans son ouvrage sur la montagne alpine, comme il sera vu plus loin. Pour Pierre Barrère (1986), Robert Fouet et Charles Pomerol (1975), la montagne se décrit en suivant les éléments géomorphologiques. Ils soulèvent le lien existant entre l’altitude et la température : celle de l’air « diminue avec l’altitude selon un gradient moyen de 0,55 °C par 100 m, ce qui, aux latitudes tempérées, situe l’isotherme 0 °C entre 2 700 et 3 000 m » (Barrère, n.a.). En effet, la « [v] igueur des reliefs modifie localement la répartition des températures. Dans les vallées profondes et les bassins, l’inversion de température est courante par temps calme, par subsidence de l’air froid » (Barrère, 1986, p. 291). Les reliefs aux structures

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diverses (formes souples et disloquées) sont soumis à différentes formes d’érosion naturelles : gel, neige, glaciers et eaux courantes (Fouet et Pomerol, chap. III). Quant à la végétation, elle dépend des conditions climatiques, des précipitations, et donc, des caractéristiques du sol (Barrère, 1986, p. 292).

Tous ces éléments sont pertinents pour la compréhension de ce qu’est la montagne, toutefois il existe une facette de ce milieu qui m’intéresse davantage pour cette recherche : c’est celui de périphérie, urbaine comme touristique. La montagne se gonfle d’un imaginaire rattaché au lointain, à l’infranchissable barrière rocheuse, à la nature vierge et revigorante (Bernier et Gauchon, 2013). Marcotte, Lapointe, Sarrasin et Bourdeau (2020) avancent que « le concept de “‘lointain”’, s’il faisait initialement appel à la distance spatiale, se manifeste aussi par la distance temporelle (un lointain passé) et par la distance mentale, imaginaire (se sentir sur une autre planète), l’ailleurs s’inscrivant dans un rapport d’altérité plutôt qu’à la distance » (Marcotte et coll., 2020, p. 9). Autant la montagne peut se trouver à proximité d’un milieu habité qu’elle peut se situer à des kilomètres d’un centre urbain. Mais l’altitude, le relief plus escarpé, le changement de climat compliquent son accès, ce qui la rend excentrée. Cette excentricité est à la fois force et talon d’Achille de l’environnement montagnard. En effet, comment s’y rend-on ? Plus encore, comment s’y déplace-t-on ? Le milieu possède-t-il tous les outils et services pour que le visiteur s’y sente le bienvenu ? Certes, ce ne sont pas toutes les montagnes qui sont difficiles d’accès, pensons à Grenoble et aux montagnes l’entourant, mais dans le cas du Massif de Charlevoix — milieu qui, rappelons-nous, se situe à la base de cette recherche scientifique — qui ne se trouve pas nécessairement à proximité d’un grand centre urbain, il y a des difficultés liées à son excentricité qui influence le tourisme ainsi que son attractivité.

1.3.3 Son attractivité comme lieu touristique

La montagne n’a pas toujours été un lieu désiré et désirable. Son inhospitalité et sa dangerosité en ont longtemps fait un lieu à éviter. C’est à l’époque romantique que l’art, et notamment la peinture, transforme l’imaginaire de la montagne. D’un lieu inquiétant et laid, il métamorphose ces paysages spectaculaires, terrifiants et

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