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La «génération x» dans le roman québécois actuel
par
Louis Soulard
Mémoire de ma~trise soumis à la
Faculté des études supérieures et de la recherche en vue de l'obtention du diplôme de
Ma~trise ès Lettres
Département de langue et littéIature françaises Université McGill
Montréal, Québec
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ISBN 0-612-07960-0
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Rés'UJDé •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• p.3
Abstract p.4
Introduction: générations et «génération X» •••••.•.••••••.••.... p.5
Le concept de génération: évolutiOl. et état présent p. 6
La «génération x» p. 23
Chapitre I: La désillusion politi~e •••••••••••••••••••••.••••••p.48
Le rejet de la politique chez les jeunes personnages ...•... p.SO Le rejet de la politique et l'affirmation de
l'individualité p. 63
Une génération apolitique? ...•... p.70
Chapitre II: La précarité économique ...•...•.•.••.••.•... p.78
Le statut économique des jeunes personnages p.78
L'attitude des jeunes personnages face au travail .•....•... p.8S Le rejet du travail et le refus de s'identifier
au monde adulte p. 89
L'impact de la précarité économique sur le mode de vie p.98
Chapitre III: Le décrochage social ...••.•.••..•••..•••••..••...• p.104
La perception de la société des jeunes personnages ...•. p.10S
Le problème d'insertion sociale des jeunes personnages p.116
La solitude comme marque de l'individualisme chez les
jeunes personnages •..••...•...•...••..••.•.. p. 134
ConclusioD . . . • . . . • . • . . • . . . P.138
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Résumé
La «génération x» se définit généralement comme une
génération isolée, laissée pour compte par la génération du
«baby-boom», celle qui la précède et qui impose ses valeurs à
notre société. Le travail qui suit vise à analyser la
représentation de la «génération x» dans cinq romans québécois publiés entre 1988 et 1993, et écrits par de jeunes auteurs qui font eux-mêmes partie de cette génération.
Trois grands thèmes définissent la «génération X»: sa
perception de la politique, sa situation économique et son
attitude face à la société. Ces trois thèmes constituent le
suj et de chacun des trois chapitres composant la présente
analyse. De manière générale, l'attitude des personnages
appartenant à la «génération x» est caractérisée par un rejet
quasi total des valeurs et des institutions de la société
adulte, où prédomine la génération du baby-boom: rejet du
pouvoir politique et de l'autorité, rejet du travail, de la
réussite et de la performance, décrochage social.
En conclusion, nous abordons la question de l'écriture et du style dans chacun des romans de notre corpus, pour en arriver aux interrogations suivantes: le jeune roman actuel
participe-t-il au renouvellement du genre romanesque, à la création de ce
que l'on pourrait nommer le roman des années quatre-vingt-dix,
voire de l'an deux mille? À l'inverse. s'inscrit-il simplement
dans le courant propre aux années quatre-vingt, période où nos
cinq romanciers ont commencé à écrire? Ou encore, subit - il
l'influence de certains de ses aînés des années soixante.
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The following Master's thesis is proposing the analysis of
five novels, written between 1988 and 1993, by five young
Quebec writers. The object of this research is to study the
representation of «generation x» in these five texts. The
introduction of the thes:i.s establishes the parameters of the «generation X»,· wich comprises people born between 1.959 and 1.974. This definition constitutes the basis of our comparison between the concept of «generation x» and the main characters of the novels, who are «fictive» memhers of this generation.
The rest of the thesis includes three chapters, devoted
to the following themes: the poli tic perception of young
characters, their economic situation and their attitude toward
society. Necessarily, our analysis also considers the
difference of perception between «baby-boomers» (people born between 1944 and 1959) and «generation x». This comparison is essential because «generation x» defines itself in opposition with adults values and institutions: reject of political power and authority, reject of work, instruction and money, refusaI to integrate society.
The main purpose of this analysis is to see how the present Quebec novel integrates, assimilates and thinks the socio-historic context where it takes place. and how it could possibly renew the forros and the style of Quebec novel in general.
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Introduction: générations et «génération x»
Le texte littéraire véhicule, autant par son contenu que par sa forme, une parole ou un discours social dont il
tire simultanément sa source. Le texte (ou discours
littéraire) ne doit cependant pas être confondu avec le
discours social. Plus qu'une simple reproduction de ce
dernier, il en est à la fois une synthèse, une analyse et une critique. La littérature, telle que la définit Marc Angenot dans son approche sociocritique1 , est le
discours qui, présent dans le monde, vient prendre la parole et travailler avec «les mots de la tribu» après que tous les autres discours aient dit ce qu'ils avaient à dire, et notamment les discours de certi tude et d'identité ; elle est ce qui semble avoir mandat de les écouter, d'en répercuter l'écho et de les interroger en les confrontant.
Dans cette perspective, le texte littéraire produit un sens,
une signification qui lui est propre, comme en produisent
l'ensemble des discours constituant le discours social. Une des spécificités du discours littéraire réside dans le fait qu'il vient après la rumeur du discours social, que sa parole ~ Angenot, Marc. cQue peut la littérature? Soeiocritique littéraire et critique du discours social., in r" politiqpe dl! texte. enjewr ooçigçr:lt:lflPAg. Pour ClAude Duçbet,
SOUS la direction de Jacques Neefs et Marie-Claire Repara, Lille, Presses universitaires de Lille, coll. «Problématiques., 1992, p.l?
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vient après toutes les autres. C'est dans cette spécificité d'ailleurs qu'il produit son propre réseau de signification, en s'appropriant diverses paroles du discours social qui
prétendent avoir du sens ou servir à quelque chose
(socialement) et en les articulant, les modelant à ses
propres fins.
La présente étude, la représentation de la «génération
x» dans le roman québécois actuel, s'inscrit dans cette
conception de la littérature. L' obj ectif proposé est de
constater et d'analyser, à travers les personnages, leur
milieu de vie, leurs préoccupations, leurs idéaux, leurs
conflits, leurs attitudes face à la société et leur discours, les marques ou les indices d'une définition de la «génération
x». précisons d'emblée que la «génération x» ne sera pas
définie à partir des romans étudiés. Ces derniers transposent
plutôt diverses caractéristiques de cette génération, qui
seront confrontées à une définition d'ensemble, élaborée plus loin dans notre introduction. Le travail consistera donc à révéler le statut du social dans les textes, plutôt que d'y rechercher un certain statut social qu'ils représenteraient. Cette première démarche nous apparaît beaucoup plus féconde si l'on veut vraiment entrer dans le réseau significatif du texte littéraire.
Le concept de génération: évolution et état présent.
La notion de génération en tant que filiation et en terme de génération politique est un concept utilisé depuis
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des millénaires. Le court historique que nous proposons ici ne prétend nullement à l'exhaustivité. Il ne reprend en fait que les grandes lignes de l'historique que propose Claudine Attias-Donfut dans deux ouvrages consacrés à la notion de génération2 . Dans les cultures traditionnelles. l'idée de génération est associée à la durée temporelle.
L'usage mythique ou religieux de la notion de génération fait intervenir les principaux concepts de base du temps, représentés par les figures du cercle, de la flèche, du zigzag ou de la spirale. Les significations qu'y introduise [sic] l'idée de génération renvoient à la symbolique de la vie humaine, la mêlent à la symbolique de la nature (la succession des saisons) et à la symbolique astrale ( •.. ) pour appréhender le temps dans ses archétypes universels. L'introduction de l'idée de génération joue alors la fonction d'humanisation du temps3.
Dans cette perspective traditionnelle, la génération
correspond généralement à une durée de trente ans ou encore à ce que l'on pourrait nommer le degré de filiation. C'est-à-dire le temps pour que le fils engendre à son tour un fils.
Avec la philosophie grecque classique, on voit
apparaitre la notion de génération dans la pensée politique. Dans La République, notamment, Platon décrit les cinq formes de gouvernement d'une nation et mentionne qu'ils se succèdent
respectivement les uns aux autres (livre XIII) Cette
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succespion concorde avec celle des générations. le fils
instaurant un nouvel état politique qui diffère de celui du père. Voici, par exemple, ce que dit Platon sur le passage de l'homme timocratique à l'homme oligarchique:
2 Il s'agit de la première partie des deuJ.. ouvragee suivante: SoCiOlggie dao
glmératione :",'f!DPre1nt;:e dl! tf'IJJP@, Parie, P\"'7t ~988, et Mnérat;jgng et agCR de II yio, paris, PUF, coll. «Que sais-je?», 1991.
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marche sur ses traces; mais ensuite, quand il le voit sebriser soudain contre la cité, comme contre un écueil, et, après avoir prodigué sa fortune et s'être prodigué lui-même à la tête d'une armée ou dans l'exercice d'une haute fonction, échouer devant un tribunal, outragé par des sycophantes, condamné à la mort, à l'exil, ou à la perte de son honneur et de tous ses biens ... ( ... 1
voyant, mon ami, ces malheurs et les partageant,
dépouillé de son patrimoine et pris de crainte pour lui-même, i l renverse vite, je pense, du tr8ne qu'il leur avait élevé en son âme l'ambition et l'élément courageux; puis, humilié par sa pauvreté, il se tourne vers le négoce, et petit à petit, à force de travail et d'épargnes sordides, il amasse de l'argent 4 .
Platon et d'autres philosophes grecs (notamment
Aristote) doivent beaucoup aux conceptions traditionnelles
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(mythico-religieuses) des générations. En effet, on retrouve chez Platon une conception cyclique du temps. La meilleure forme de gouvernement, l'aristocratie (ou monarchie), fait place, grâce à la génération montante, à la timocratie et
ainsi de suite jusqu'à la tyrannie. Les gouvernements se
succèdent du meilleur au pire; de la tyrannie, on passerait donc à l'aristocratie et le cycle recommencerait de nouveau. Cette conception de la notion de génération politique aura une influence jusqu'au XIXe siècle. si les théoriciens du
XI Xe siècle rej ettent l'aspect mytbico- religieux des
générations politiques de Platon, ils reprendront ses
principes déterministes de succession, de décadence et de
répétition.
Ce n'est qu'au siècle dernier cependant qu'on assiste à une réflexion plus approfondie sur la notion de génération. La vision qui découlera du XIXe siècle donnera naissance à la
vision moderne des générations. Cette réflexion sur les
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générations s'inscrit dans la démarche positiviste. qui fut un courant de pensée prédominant au siècle dernier. La notion de génération sera plus précisément abordée parallèlement au
désir des positivistes d'expliquer scientifiquement
l'évolution de l ' histoire. Selon Claudine Attias-Donfut
l ' histoire, chez les positivistes, "est en quête d'une
démarche scientifique, exigence à laquelle semble répondre le
recours à la notion de génération en offrant un outil
méthodologique pour mesurer le temps historique, voire pour
en comprendre et en expliquer les mouvements5 ." L'apport des
générations dans cette démarche consiste donc à stratifier le
temps historique, tout en montrant sa linéarité par la
succession des générations. Plus encore, la notion de
génération permettra d'expliquer à la fois certains
événements historiques et leur enchaînement. La notion de
génération représentera donc "un véhicule concret de la
connaissance6", aspect fondamental de la pensée positiviste.
Auguste Comte? constitue le premier exemple qui
illustre la pensée positiviste à propos de la question des
générations. Ce dernier est sans doute le premier à mettre en
relief la succession des générations et la pression
qu'exercent l'une sur l'autre la génération adulte et celle de la relève. Cette pression, selon Comte, est responsable de l'évolution historique. Il considere ainsi que le rythme de
l'histoire, ou de l'évolution sociale, est réglé par le
5 ~tiae-Da1fut, Claudine. Spçio'œje deR génératigDA l''fIl'Preinte dB tfll!PA, op. ci!:.., p.l? .
6 Ibidem, p.43.
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rythme de la succession des générations. Pour comprendre
cette analyse de Comte, nous pouvons l'associer à l'évolution
sociale qui succéda à la Révolution française. La vie
politique se trouva alors fragmentée par un renouvellement constant de mouvements nationalistes dans lesquels les jeunes trouvaient une forme d'expression et d'opposition envers la génération adulte. C'est sans doute dans cette perspective que Comte associe les plus âgés au conservatisme et les
jeunes au progrès.
Notre second exemple, Wilhelm Dilthey8, s'inscrit lui
aussi dans la démarche positiviste mais s'en distingue
quelque peu par une vision innovatrice de la génération. Pour lui, la génération marque un rapport entre contemporains, elle "forme un cercle assez étroit d'individus qui, malgré la diversité des autres facteurs entrant en ligne de compte, sont reliés en un tout homogène par le fait qu'ils dépendent des mêmes grands événements et changements survenus durant leur période de réceptivité9 ." Alors que Comte considère la
génération par rapport à la durée linéaire du temps
historique, Dilthey introduit la dimension du «temps
intérieur» propre à une génération. Il tient compte de la
dimension subjective, de l'«histoire personnelle» qui unit les membres d'une même génération et qui entre en relation directe avec l'histoire «sociale». Pour illustrer la vision de Dilthey, nous pourrions dire que la génération constitue
8 Dilthey, Wilhern, te mgnde de )'egprit.
9 Atti&B-Donfut, Claudine. Spçjplœie des glmérationA L'fJUPTBinte du tempe, op. cit.
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un temps intérieur qui se déroule dans un temps plus large, continu, celui de l'Histoire.
Ces deux exemples sont révélateurs de l'influence des théoriciens du XIXe siècle sur la conception moderne des générations. En effet, ayant retenu de Platon le phénomène de succession des générations dans le processus de l'évolution politique, la démarche positiviste étendra ce phénomène de succession à l'ensemble de l'évolution sociale, en donnant à
la notion de génération un rôle central. Nous pourrions
ajouter, pour conclure, la remarque de Claudine Attias-Donfut à propos du point commun des penseurs du XIXe siècle en ce
qui concerne les générations: les auteurs font de
"l'évolution de l'esprit humain le moteur principal de l' histoire. ( ... ) [Ainsi, les générations] sont considérées dans leur capacité à agir sur les systèmes de connaissance,
les progrès scientifiques ou les progrès de la pensée
politique10 . "
Les auteurs du début du XXe siècle vont poursuivre dans la veine de leurs prédécesseurs soit" [d]ans la perspective
historique [du XIXe siècle] dominée par l'histoire de la
pensée, de l'esprit, [où] la succession des générations a été représentée prioritairement par leur contribution à l'actif intellectuel et culturel de la sociétél l ." Néanmoins, ils
délaisseront peu à peu la perspective historique en
préconisant plutôt une démarche sociologique. C'est le cas
10 Attias.Donfut, Claudine. G€mmtiong et igeA de la yie, Op. cit. p.23.
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par exemple de José Ortega y Gasset12 qui, suivant les traces
de Di1they, précisera davantage la notion de contemporanéité.
Chaque groupe d'âge vivant dans un même environnement
géopolitique porte en lui une histoire particulière, celle
des individus qui le composent et qui vivent des événements communs. La modification de cette manière commune de voir et
de vivre les choses, de cet esprit du temps, orchestre le
rythme des changements historiques. Dans un commentaire sur
la conception des générations d'Ortega y Gasset, Yves
Renouard souligne la relation entre le développement de
l'individu et celui de la société:
Chacun éprouve la vie en soi, mais l'éprouve aussi par les autres, par la société. Chaque homme est donc placé à un point de contact de la vie individuelle et de la vie collective. Or, la vie, force en marche, change constamment; ses formes se renouvellent perpétuellement; si bien que cette réalité dynamique, pas plus dans son aspect individuel que dans son aspect collectif, n'est semblable à deux périodes du t emps13.
L'esprit du temps propre à chaque génération sera également
responsable des tensions entre les générations, puisque
chacune d'entre elles vit différemment les événements
sociaux, selon son groupe d'âge. Dans son ensemble, la
conception d'Ortega y Gasset préconise l'aspect intellectuel
et spirituel commun aux individus qui constituent une
génération. Les mouvances intellectuelles et spirituelles
provoquent la succession et le renouvellement des
générations. Toutefois, Ortega y Gasset n' illustre pas
12 ortega y Gasset, Jose, I,'hiAtoire c:grcne eyatfrne.
13 Renouard, Yves. «La notion de génératicm en histoire», Bevue biotorigne, 209,.1953,
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concrètement ces mouvances, ce qui donne à sa théorie un
caractère beaucoup plus philosophique que sociologique.
Un autre auteur important du début du XXe siècle,
François Mentré, accorde lui aussi une place centrale à la
succession des générations comme organisant le rythme du
progrès social. Pour lui, cependant, la succession des
générations se fait parallèlement au rythme biologique
humain. Considérant les éléments de «l'environnement» humain,
Mentré distingue quatre types de générations qui sont en
quelque sorte interactifs. Les générations sociales, qui se
distinguent par les changements sociaux, apparaissent tous
les dix ans et durent trente ans. Il y a donc coexistence de plusieurs générations sociales en même temps. Il y a ensuite
les générations familiales, qui se succèdent généralement
tous les trente ans ou d'après le temps qui sépare deux
générations successives. Le troisième type est celui des
générations spirituelles, qui se distinguent d'après
l'évolution des connaissances humaines. Finalement, il y a
les générations historiques, qui concordent avec des
événements marquants de l ' histoire. Ces quatre types de
générations montrent en fait quatre niveaux de successions qui participent au renouvellement des générations. Tout cOImle
Ortega y Gasset, Mentré perçoit la génération comme un
ensemble uni par des caractéristiques cOImlunes. Toutefois, cette unification de la génération n'est pas perçue comme
«l'esprit du temps» mais plutôt comme un sentiment
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comme le note Claudine Attias -Donfut, que la théorie de
Mentré démontre un vif caractère idéologique, au détriment, encore une fois, d'une portée sociologique.
Jusqu'au début du XXe siècle, comme nous venons de le
voir, la notion de génération fut surtout analysée par
rapport à l'histoire. Dans cette perspective, nous avons vu que la succession des générations était généralement associée au rythme de l'évolution sociale. Cette conception implique
une définition de la notion de génération fondée
principalement sur le groupe d'âge et sur une période de temps basée sur l'évolution biologique de l'être humain. Ainsi, la notion de génération se définirait comme un groupe d'individus appartenant à un certain groupe d'âge; de plus,
un siècle compterait trois générations: les jeunes, qui
constituent la relève (0-29 ans), les adultes, qui occupent une position de commande (30-59 ans) et les vieux, que l'on
qualifie souvent de résignés (60 ans et plus). C'est donc
dire que l'évolution de l'histoire serait divisée en périodes de trente années chacune. Cette définition, en plus de celle plus traditionnelle qui définit la génération par chaque
degré de filiation directe, a encore cours auj ourd' hui.
Toutefois, grâce au développement de la sociologie depuis le début du siècle, cette définition s'est approfondie. Il ne faut cependant pas négliger l'apport des théoriciens du XIXe
siècle au concept moderne des générations. En faisant
découler le rythme de l' histoire de la succession des
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sociologique du phénomène des générations, qui cherche à
expliquer comment, par quels phénomènes sociaux les
générations se succèdent.
La théorie des générations de Karl Mannheim14 s'inscrit
dans une démarche sociologique avec pour but de comprendre l'évolution sociale à proprement parler. Pour Mannheim, "[lle problème des générations est un problème important qu'il faut
prendre au sérieux. C'est un des fils conducteurs
indispensables à la connaissance de la formation des
mouvements sociaux et spirituels15 ." Bien que le rythme
biologique soit un facteur à considérer dans l'étude des
générations, il ne faut surtout pas oublier, selon Mannheim, le devenir social et ses effets sur les générations. Pour Mannheim, l'appartenance à un certain groupe d'âge indique à tout le moins un positionnement dans le temps social. Les individus appartenant à un même groupe d'âge ne forment pas
nécessairement un groupe concret. D'où l'intérêt pour
Mannheim d'analyser la '~situation de classe», c'est-à-dire "une situation analogue d'individus déterminés dans la structure économique et la structure de pouvoir d'une société donnée, situation qui contient en germe leur destin16 ." C'est donc dire que des individus dont la situation de classe est différente peuvent ressentir différemment et à des degrés divers l'appartenance à une génération. Mannheim donne comme
14 Mannheim, Karl. I,e prph1ème dap gén6rat1gpn, (1928), traduit de l'allemand par Gérard Mauger et Nia Perivolaropoulou, Parie, Nathan, coll. Eesaie et Recherchee,
1990.
15 Ibidem, p.38.
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exemple le prolétariat, qui a généralement peu accès et selon des moyens différents d'appropriation à l'héritage culturel de sa société et participe à un moindre niveau à l'évolution
économique ou politique. Ainsi, n à chaque situation est
inhérente une tendance à un mode de comportement, une façon de sentir et de penser déterminés17.n
Même si après avoir analysé une situation de classe nous nous retrouvons devant un groupe concret, il ne s'agit
pas nécessairement d'une génération effective. Il s'agit
plutôt, selon Mannheim, d'une «situation de génération» ou
d'une génération potentielle. La génération effective ou
«ensemble générationnel» sera réelle " lorsque des contenus réels, sociaux et intellectuels établissent, ( ...l, un lien
réel entre les individus qui se trouvent dans la même
situation de génération 1S ." Le fait qU'un ensemble
générationnel soit lié par un destin commun n'empêche pas
qu' il pui s se se créer des divergences de pens ée ou de
perception au sein de l'ensemble. Il peut effectivement y
avoir, dans un même ensemble générationnel, plusieurs «unités de génération», où chacun ne voit pas forcément du même oeil la volonté collective. Toutefois, dit Mannheim, même en se combattant, les unités de génération "sont mutuellement accordées19 " , puisqu'elles s'affrontent dans un même ensemble générationnel. L'importance de la théorie de Mannheim sur la question des générations est évidente. Il est sans doute un
17 Ibid p.45. 19 Ibid p.59. 19 Ibidem. p.63.
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des premiers à avoir analysé en profondeur la notion même de génération, sans l'inclure dans un processus historique. Si
la théorie de Mannheim s'inscrit dans une démarche
strictement sociologique, il demeure tout de même que
l'auteur est conscient que le phénomène générationnel est intimement lié au devenir socio-historique.
Élaborée à la fin des années 1930, la théorie de
Mannheim restera dans l'ombre jusqu'aux années 1950. Cette interruption de l'intérêt pour la notion de génération fut
provoquée par l'apparition d'une nouvelle méthode pour
étudier l'histoire, soit les cycles économiques. L'intérêt pour la question des générations revient à partir des années 1950, mais le problème est abordé différemment. Le concept de génération se veut alors moins globalisant. Les études sont beaucoup plus diversifiées et visent généralement des aspects particuliers de l'organisation sociale. On assiste notamment, grâce au «baby-boom» et aux mouvements étudiants de 1968, à une vaste réflexion sociologique et psychologique sur la
jeunesse et par le fait même sur la notion de conflit des
générations. L'ouvrage de Margaret Mead, Le rossé des
générations2o , est significatif à cet égard. Dans ce texte, l'auteur souligne l'importance de l'écart qui s'est creusé entre la génération née avant la Seconde Guerre Mondiale et celle née après. Dans le passé, le fossé des générations qui divisait les générations successives était beaucoup moins
20 Mead, Margaret. X@ foneé dfle génératione, traduit de l'anglais par Jean Clairevoye et Wilhelm Desmond, Paris, Denoêl/Gonthier, 1979 (édition revue et corrigée du texte
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considérable. Les jeunes, qui bénéficient généralement des progrès techniques et scientifiques de leur société (surtout par le biais de l'éducation), en viennent souvent à dépasser ou à déphaser les aînés, qui ont moins accès à ces progrès ou dont la capacité d'adaptation est moins grande.
Jusqu'aux années 1950, les aînés pouvaient s'adapter plus facilement à une progression sociale plus lente et qui
leur était plus accessible. Le fossé des générations ne
constituait donc pas un obstacle infranchissable pour eux.
Plus le modernisme avançait, plus le fossé s'élargissait.
Margaret Mead précisait très justement en 1967:
Aujourd'hui, subitement, parce que tous les peuples du monde font partie d'un seul réseau d'intercommunications fondées sur l'électronique, les jeunes gens partagent en tous lieux un type d'expérience qu'aucun de leurs aînés n'a connu et ne connaîtra. Inversement, l'ancienne génération ne verra jamais se répéter dans la vie des jeunes gens sa propre expérience d'un changement en train de naître. Ce fossé des générations est entièrement nouveau: il est planétaire et universe121 .
Devenu pratiquement infranchissable, le fossé des générations ne se rétrécira que lorsque la génération d'avant la Seconde Guerre Mondiale cera complètement disparue. L'ampleur de ce fossé des générations a provoqué une rupture entre les jeunes
et l' héritage culturel que représentent leurs aînés. Les
jeunes se retrouvent alors sans modèles sur lesquels
s'orienter pour le futur, qui devient ainsi imprévisible.
Nous sommes alors dans ce que Margaret Mead nomme une
«culture cofigurative» où les enfants, tout comme leurs
parents. apprennent de leurs pairs et non plus des aînés.
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Le texte de Margaret Mead est un exemple significatif de la polarisation des études à propos des générations sur
la jeunesse, durant les années 1950 et 1960. Aujou~d'hui,
avec les travaux de Claudine Attias-Donfut, nous assistons à
une réf lexion globale sur les générations. Le rappel
historique qui a été fait jusqu'à maintenant nous amène à considérer la notion de génération selon quatre définitions,
que Claudine Attias-Donfut associe à quatre domaines
particuliers. En premier lieu, il y a la définition
généalogique, soit un ensemble de personnes réunies selon le rapport de filiation. La seconde définition, la génération historique, consiste en "une période historique correspondant à la durée de renouvellement des hommes dans la vie publique, et mesurée par l'espace de temps qui sépare l'âge du père de celui du fils, généralement évaluée à trente ans22 ." Cette définition vient du concept positiviste des générations. Il y a ensuite la définition démographique de la génération, qui comprend des personnes d'âge similaire. Le terme «cohorte» est aussi employé pour désigner cet ensemble d'individus.
Finalement, il existe une définition «socio-cognitive»,
héritée de Mannheim, et qui comprend "un ensemble de
personnes ayant à peu près le même âge mais dont le principal
critère d'identification réside dans des expériences
historiques communes dont elles ont tiré une commune vision du monde23 ." Cette conception est surtout utilisée en' sociologie.
22 lû:ti&s-Da1fut, Claudine. Génératigns et SSBA de ) 1 vie, op. cit., p.se.
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Dans l'établissement de sa propre thèse sur les
générations, Claudine Attias-Donfut ne rejette pas les
définitions qui viennent d'être évoquées. Toutefois. elle
remet en question le principe voulant que les générations soient principalement définies selon l'âge et les cycles de vie. Selon elle, une telle conception des générations conduit à une impasse, car l'âge et les cycles de vie ne rendent pas compte des phénomènes sociaux qui influencent et déterminent les générations. Il en est de même pour la psychanalyse, qui
met en relation le complexe d'Oedipe et le conflit des
générations. Certes, ces notions peuvent en partie définir une génération; mais elles ne touchent pas à l'expérience de vie commune qu'est la génération. Bien qu'il semble répondre à cette dernière exigence, le fait d'associer une génération
à un événement historique (la génération de 1968), à des
mouvements de mode ou des styles de vie (la génération
hippie), à des années remarquables (les années folles) ou
encore à l'état d'esprit du groupe (la «bof generation»),
conduit à la même impasse que de l'associer à l'âge ou au
cycle de vie. Toutes ,ces associations conduisent à
l'isolement de la génération dans une sorte d'a-temporalité, ce qui est fondamentalement opposé à son essence même.
Associer une génération aux différents éléments ci-haut
mentionnés ne constitue pas une erreur en soi, sauf si
l'association se limite aux barrières temporelles qu'elle implique. La définition d'une génération serait incomplète sans un questionnement du temps social qu'elle construit en
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se construisant elle-même. "[L] a défini tion sociale des
généra tions se produi taux fron tières de la mémoire
collective et de l'histoire contemporaine, elle contribue à
la restructuration continuelle du temps social, par la
définition du présent, du passé et du futur, incarnés par les
différentes générations en présence24 ." Ainsi une génération
aura conscience qu'elle existe dans la mesure où elle prend
simultanément conscience des autres générations qui
l'entourent. La prise de conscience des autres générations constitue le point de contact qui donne la mesure du temps présent, passé et futur. Dans cette perspective, les conflits
de générations sont d'une importance capitale puisqu'ils
permettent aux générations de prendre conscience de leur
situation historique et de leur propre temporalité.
L'extrait précédemment cité mentionne la mémoire
collective comme faisant partie de la définition des
générations. Il faut préciser que les générations ne
véhiculent pas une mémoire collective. Tout au plus, elles
véhiculent une «séquence» de la mémoire collective, qui
s'inscrit dans une continuité. Le propre d'une génération
n'étant pas de transmettre tel quel l'héritage de ses aînés mais bien "d'assumer du passé ce en quoi le présent veut se
reconnaître25 ." On peut alors avancer que les générations
participent à la construction d'une mémoire collective,
perpétuellement en évolution. Chaque génération donne sa
24 Attiae-Dalfut, Claudine. aqç:igJ09ie deft génératioog L'''TIPTeinte du tempe, op. cit., p.1EiS.
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mesure du passé, du présent et du futur. Mais pour ce faire, elle doit à tout le moins entrer en contact avec l'héritage
(au sens le plus large du terme) de ses aînés et se déterminer par rapport aux générations plus jeunes. L'identification d'une génération, selon Claudine Attias-Donfut, se trouve directement reliée à sa différenciation par rapport aux générations qui partagent avec elle le temps et l'espace social. Cette différenciation découle largement de la prise de conscience du temps, de la durée qui sépare les générations.
La vision des générations de Claudine Attias-Donfut pourrait s'inscrire, comme elle le dit elle-même, dans une «sociologie du temps». La définition qu'elle donne du concept
de génération et celle de tous les autres qui ont été mentionnés indiquent la grande polysémie de ce concept. Il s'agit donc, avant d'analyser concrètement une génération, d'établir selon quelle perspective elle sera abordée. Dans le seconde partie de notre introduction, nous tenterons de définir la «génération x» en la situant par rapport à ses générations contemporaines, ce qui nous permettra ensuite d'aborder les motivations sociales qui la définissent. Notre analyse s'inscrira donc en grande partie dans la réflexion de Claudine Attias-Donfut, dont l'approche, marquée par l'importance des liens intergénérationnels, nous semble la plus appropriée pour inscrire une génération dans son contexte socio-historique et temporel. Les autres approches que nous avons évoquées ne seront cependant pas rejetées.
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C'est le cas notamment de l'approche de Mannheim, qui sera utile à notre analyse.
La «génération x»
L'expression «génération x» a été popularisée par
l'auteur canadien Douglas Coupland , dans son roman Generation X: tales for an accelarated culture26 • Dans cet ouvrage, Coupland met en scène trois jeunes adultes des années 1990. Issus de bonnes familles, sur-éduqués, ils ont tous décidé d'abandonner leurs emplois pour aller vivre en Californie, près du désert.
NOUS vivons des petites vies périphériques. NOUS sommes marginalisés et il y a beaucoup de choses auxquelles nous avons choisi de ne pas collaborer. Nous voulions du silence et nous avons le silence. ( •..l Nos systèmes centraux avaient disjonctés, brouillés par l'odeur des photocopieuses, (, •. ) et le stress sans fin des boulots absurdes, faits à contrecoeur et Sans gloire ( " , l . Mais aujourd'hui que nous vivons ici dans le désert. tout va beaucoup, beaucoup mieux27 •
Le désintéressement des trois personnages face au travail, à son exigence de perforrner, à l'argent et, dans une certaine mesure, face à la société qui les entoure ne se traduit pas par le procès virulent de cette dernière28 , mais plutôt par
un désir de vivre selon leur propre rythme, leurs propres
exigences. Cela se traduit par la valorisation du présent
face à une réflexion sur un avenir qui ne semble pas
prometteur. Le désir de solitude qu'éprouvent les trois
26 Coupland, Douglas. G8QeTotign x· toleA fpT M oççeloroted çu1ture, New-York, Bt. Martin's press, 1991. Pour les fins de notre analyse, noue utiliserons la traduction française de Léon Mercadet: Gfméz.eHm x, Paris, Robert Laffalt, 1993.
27 Ibid.... p.21'22.
28 Comme le font François Benoit et Philippe Chauveau, dans leur ouvrage intitu16, ASgMtotiQn g'pbale. Upe biotpjre de générotigDeo 'Te yplyp contre mon R,B l"
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personnages ne correspond pas à une évasion totale de la réalité. Au contraire, la solitude constitue un environnement propice à la réflexion, qui se fait à l'écart, en prenant une certaine distance par rapport à la société, qui fait l'objet d'une critique parfois sévère, mais aussi très lucide. Car les personnages, justement, ne se ferment pas les yeux devant la réalité.
En plus de montrer la position des personnages par rapport au contexte social, le texte montre leur position par rapport au temps historique:
C'est pas crue j'en ai vu des masses, non plus, de la vraie Histoire - j'ai débarqué dans le concert à la fin
du dernier morceau. Mais j'en ai vu assez, et
aujourd'hui, en l'absence bizarre de tout repère temporel, j'ai besoin de me connecter avec un passé un peu consistant, même si la connexion est mince29 •
La recherche du passé, ils ne la trouveront pas auprès de
leurs parents, la génération précédente. Au contraire, selon
un des personnages, ses parents ne lui ont laissé aucun
héritage qui pourrait faire le lien entre le présent et le passé: "[J]e voudrais les étrangler pour nous avoir refilé d'un coeur léger un monde qui ressemble à un vieux maillot avec des traces de pneus30 ." La vision de l'avenir n'est guère mieux, comme le laisse entendre un autre personnage:
" [j] e ne vois pas le futur et ça me terrifie31 ." Cette
absence de repères dans le passé et le futur renvoie
inévitablement les personnages à vivre dans le présent, dans ce que Margaret Mead nomme une culture cof igurative , où les 29 Coupland, Dougla.s. qJmlp-otjon X, op.cit. p.194.
30 Ibidem, p.114. 31 Ibidem, p.192.
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jeunes pairs.ne trouvent de points de repères que chez leurs
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La perception des parents, qui est assez dure, dévoile une certaine tension entre la «génération x» et la génération qui la précède, celle des "baby-boomers". Le propos d'un des
personnages à l'égard de son patron, plus âgé, en témoigne:
Et d'ailleurs, tu crois vraiment qu'on a envie d'entendre
parler de ta nouvelle baraque à un million de dollars alors qu'on a à peine de quoi manger des sandwiches dans des cages à lapins pouilleuses, (.ool. Une baraque que tu as gagnée à la loterie génétique, en plus uniquement parce [quel tu as fait l'effort de naître au bon moment dans l'Histoire? Tu ne tiendrais pas dix minute si tu avais mon âge, Martino Et je devrais supporter jusqu'à la fin de ma vie les petites têtes dans ton genre qui s'incrustent dans les bons coups, qui raflent les meilleurs morceaux et mettent des barbelé,] autour des autres 32 ?
La perception de la société qu'ont les personnages et
l'affirmation de leur identité sont principalement
construi tes d'après le regard qu'ils portent sur la
génération qui les précède.
Il faut préciser que tous les jeunes personnages du
roman de Coup land n'adoptent pas cette attitude. Certains
adhèrent à la société que les autres fuient parce qu'ils ne
veulent pas entrer dans le système que la génération
précédente a instauré. et où ils se sentent exploités,
travaillant pour enrichir ceux qui l'ont établi et qui
détiennent les positions de commande. Le propos du narrateur.
un de ceux qui refusent de faire partie de ce système. à
l'égard d'une personne de son âge qui lui, au contraire.
tente d'y faire son chemin témoigne de cette attitude:
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ont utilisé le meilleur d'eux-mêmes pour faire du fric et que ça; qui votent côté portefeuille à court terme. Qui ont fini bienheureux dans les basses oeuvres - marketing, spéculation immobilière, raccolage aux urgences, boursicotage33 .Ainsi, la génération que décrit Coupland dans son roman n'est pas totalement solidaire. Chacun des individus qui la compose ne voit pas nécessairement la réalité de la même façon. Cette divergence, comme le démontre l'extrait précédent, peut même aboutir à une vive opposition.
Les trois personnages principaux du roman,
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caractérisés par leur volonté de vivre en retrait de la société, témoignent d'une attitude, d'un mode de vie propre à
la «génération
x».
La «générationx»
se définit cependantmoins par cette attitude que par les facteurs sociaux qui la provoquent. La nécessité de performer pour percer dans son
milieu de travail, la déshumanisation des individus, la
valorisation du paraître au détriment de l'être. la
dégradation de l'environnement par la pollution. l'angoisse face à l'énergie atomique, sont tous des facteurs qui. dans le roman, touchent de près ou de loin les personnages de la «génération
x».
Les diverses réactions des personnages devant ces facteurs répondent à la notion d'unité de génération deMannheim, où les individus s'approprient différemment les
expériences de l'ensemble générationnel. Dans cette
perspective. le roman de Coupland introduit la «génération
x»
comme un ensemble marginalisé. isolé par le travail de
l'Histoire dans un monde où l'espace et le temps social sont
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sous l'emprise de la génération qui la précède. Mais définir
la «génération x» uniquement d'après l'attitude des
personnages du roman de Coupland serait, à notre avis, une
définition trop réductrice, car cette attitude n'est pas
représentative de l'ensemble des membres de cette génération. Il n'en demeure pas moins que le contexte socio-historique décrit par Coupland est juste. C'est d'ailleurs en fonction de ce contexte que nous allons définir la «génération X», mais en l'explicitant davantage et en regard de la société québécoise.
Pour comprendre le contexte socio-historique de la «génération X», il importe de l'analyser en fonction de la génération qui la précède, celle que l'on nomme communément la génération du baby-boom. La «génération X» se compose des individus qui ont aujourd'hui entre lB et 35 ans, qui sont nés entre 1959 et 1974. De son côté, la génération du baby-boom est constituée des individus âgés entre 35 et 50 ans, qui sont nés entre 1944 et 1959. Ce découpage des âges est évidemment arbitraire dans la mesure où les plus jeunes et
les plus vieux de chacune des générations, selon leur
situation sociale, leur cheminement dans la vie et leurs
valeurs, peuvent appartenir à une génération qui ne
correspond pas nécessairement à leur groupe d'âge. Un adulte du début de la trentaine, par exemple, peut se reconnaître
davantage dans la génération du baby-boom que dans la
«génération X». Il faut également préciser que ces deux
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développement de la sociologie des âges et des cycles de vie,
les classes d'âges sont de plus en plus nombreuses et
couvrent de courtes périodes de la vie humaine (première
enfance, seconde enfance, etc.). La génération du baby-boom et la «génération x» peuvent être subdivisées en deux parties chacune. Un premier sous-groupe se composerait de la moitié "jeune" et le second, de l'autre moitié, celle des plus
vieux. Cette subdivision de chacune des générations est
importante dans la mesure où chacun des sous-groupes peut
vivre et percevoir différemment un événement commun à
l'ensemble de sa génération.
Le groupe d'âge représenté par la génération des baby-boomers et par la «génération x» correspond à deux âges de la vie. La première regroupe les adultes d'âge mûr qui, de façon générale, occupent les positions de commande dans la société (tant au niveau politique, économique que dans l'affirmation de leurs valeurs). Cette position de commande est des plus
significative chez les baby-boomers, vu le grand nombre
d'individus qu'elle regroupe. De son côté, la «génération x» correspond à cet âge de la vie que Tony Anatrella34 nomme
«postadolescence». Ce terme ne désigne pas une adolescence prolongée ou manquée, il désigne plutôt:
[Unl nouvel âge de la vie qui peu à peu s'est dessiné
dans la foulée des modifications des conditions de
vie: prolongement de celle-ci [la viel, exigences
plus poussées d'études, de compétence, possibilités
de différer les choix décisifs et de «vivre sa
jeunesse» qu'ont offert les sociétés développées,
34 Anatrella, Tony. TntemipohlAD odpJeeçencflA 1/ftA 12/39 anA, Paris, .tds du Cerf et
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surtout au cours des décennies de prospérité de l'après-guerre3 5.La postadolescence constitue une transition entre
l'adolescence et l'âge adulte, où les jeunes mettent en
oeuvre leurs projets de carrière, de couple et de famille. Elle diffère de l'adolescence en ce que le jeune adulte est confronté au choc de la réalité (la société des adultes). alors que l'adolescence baigne généralement dans un monde
plus illusoire, où tout est réalisable. Pour le
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«postadolescent», le passage à la maturité ne peut
s'effectuer que par la réconciliation avec l'image adulte. refusée par l'adolescent. Tony Anatrella écrit à ce sujet:
[plour parvenir à la maturité le jeWle homme doit se réconcilier avec l'image du père. la fille avec l'image de la mère. une fixation dans le refus de ce développement favorise des positions régressives, des déformations du moi ou encore Wl divorce avec la réalité3 6.
Dans cette optique. il nous apparaît indispensable de définir la «génération x» par rapport à la génération adulte, celle des baby-boomers.
Deux facteurs essentiels définissent la génération du baby-boom: son aspect quantitatif (le nombre d'individus qui la composent) et la rupture qu'elle accomplira entre le monde traditionnel et le monde moderne. Jamais dans l'histoire. le
Québec, mais aussi l'ensemble de l'Amérique du nord, ne
connurent un taux de natalité aussi élevé que dans les années
1944-1959. Depuis leur naissance et fort probablement jusqu'à
35 Grand'Maison, Jacques. VerA up nouYPi!lJ1 Conflit de gMérgt1pno. Profil@ onciAUX et reljgieux deo 2Q-35 opa, Montréal, Fides, cahiers d'études pastorales, 11, 1992, p.U5.
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leur mort, les baby-boomers domineront la scène démographique du Québec. À partir des années 1950, les enfants du baby-boom commenceront à occuper une place de premier plan dans la vie économique et sociale. Ce phénomène se distingue notamment au niveau des commerces de vêtements pour enfants et de jouets, mais aussi dans l'établissement d'écoles primaires et un peu plus tard par la réforme de l'éducation pendant la Révolution tranquille. De manière générale, la société s'organisera autour des baby-boomers et en fonction d'eux.
Le second facteur, la rupture avec la tradition, se manifeste plus particulièrement dans le refus presque généralisé des jeunes baby-boomers de l'héritage culturel et idéologique qu'incarnaient leurs parents. En faisant pour ainsi dire table rase du passé, en effaçant toute trace de modèles (les aînés) auxquels s'identifier dans le présent et dans l'avenir, les jeunes baby-boomers se retrouvent face à un monde inconnu, où tout est à reconstruire, où tout est possible. Il ne faut évidemment pas perdre de vue que cette rupture s'inscrit dans le contexte de la Révolution tranquille37 • L'idée d'un monde à refaire est donc déjà présente pour les jeunes baby-boomers, qui n'ont plus qu'à s'emparer du rôle d'acteur qui leur est offert et à participer activement à cette nouvelle conception du monde. Le résultat de cette participation active des jeunes, ce que
37 Selon Hannah Arendt, • [lJ a conception moderne de la Révolution, [est] inextricablement liée A l'idée que le cours de l 'Histoire, brusquEment, reccamence à nouveau, qu'une histoire entièrement nouvelle, une histoire jamais connue ou jamais racont6e auparavant, va Be dérouler.- BeMi pur J. réyp]utjgn, parie, Gallimard, coll.
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François Ricard nonune l' «effet baby-boom», sera un grand"bouleversement général de l'équilibre social, des
mentalités, des modes de vie et des conditions mêmes de
l'existence que vont favoriser le rajeunissement subit de la population et l'arrivée massive de la nouvelle génération sur la scène pub1ique38 ." Plus concrètement, conunent se
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manifeste l'«effet baby-boom» dont parle François Ricard et quelle influence, ou encore quelles conséquences aura-t-il sur la «génération X»?
Pour répondre à cette question, nous aborderons chacune
des deux générations selon quatre thèmes principaux: la
politique, l'économie, la famille et l'inscription dans la société. Ces thèmes englobent l'ensemble des préoccupations et des attitudes de la «génération X» par rapport à l'espace
et au temps social. De plus, si nous définissons la
«génération X» d'après ces quatre grands thèmes, c'est en
partie parce que l'analyse des romans que nous proposons plus
loin sera axée sur ces thèmes. De cette façon, notre
définition de la «génération X» se veut une sorte
d'introduction à chacun des chapitres qui suivront.
Le premier aspect de la définition de la «génération
X», la question politique, regroupe une série de facteurs
allant de l'action proprement dite des gouvernements à la
conception même de pouvoir politique. Comme il a été dit plus
haut, les jeunes baby-boomers ont bénéf icié, durant la
Révolution tranquille, d'un bouillonnement idéologique qui
38 Ricard, François. x. généz"atipn 1v igue Eegaj IIJ.JT 10 yift et l'oeuvrA de. PT.!erM
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laissait miroiter un avenir plein de promesses. L'action
politique était orientée principalement en fonction des
jeunes baby-boomers, sans que ceux-ci ne prennent encore
activement part à cette action. Avec l'émergence de l'État providence dans les années soixante, l'État était perçu comme
étant au service des individus, qui bénéficiaient de ses
largesses (par les divers programmes sociaux notamment). De façon générale, les aînés du baby-boom ont connu une période d'activité politique intense, marquée par des changements
radicaux et des tensions parfois violentes. La crise
d'octobre 1970 est sans contredit l'exemple le plus
significatif et le plus dramatique de cette intensité de la
vie politique. Cette période politique, orientée surtout
autour du nationalisme, se poursuivra jusqu'au référendum de
1980, qui en marque la chute. L'échec du mouvement
nationaliste québécois mais surtout la crise économique du début des années 1980 ont détérioré la confiance des baby-boomers envers le gouvernement et l'ensemble du système et de l'institution politique. En effet, la crise économique fera prendre conscience à plusieurs baby-boomers que la société
idéale qu' ils r~vaient d'instaurer n'est qu'illusion. La
prospérité économique d'après-guerre faisait alors place à
une dure récession et par le fait m~me au choc d'une dure
réalité.
Suite à la chute des illusions des baby-boomers
s'installe un climat de morosité envers le système politique, qui se traduit par une déresponsabilisation de l'individu
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face aux problèmes de la récession. Ce ressentiment, note
Jacques Grand'Maison, est très contradictoire: "[Alvoir tant
reçu de la société et de l'État, et en même temps leur
refuser toute légitimité39 ." Cette morosité est également présente chez les jeunes de la «génération X», mais pour des
raisons différentes. Contrairement au baby-boomers, la
«génération X» n'a pas participé à la vague de bouillonnement politique décrite plus haut. Ceux qui avaient droit de vote lors du référendum de 1980 ont certes pu affirmer leurs intentions politiques, mais ils ont été écartés, à cause de
leur jeune âge, du mouvement nationaliste qui a amené ce
référendum. De manière générale, le contexte politique dans lequel évolue la «génération X» est marqué par deux crises
économiques (celle du début et celle de la fin des années
1980), qui n'ont laissé aucun signe éminent de prospérité à court terme. S'ajoute à cela toute la question nationale qui stagne depuis le référendum de 1980. La «génération X» se retrouve donc dans un contexte d'austérité économique et de stagnation politique qui lui est pour ainsi dire imposé,
puisqu'elle n'a pas, sinon très peu, participé à
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l'élaboration de ce contexte. Comme le souligne pertinemment
Jacques Grand'Maison40 , le futur conflit de génération
s'inscrira vraisemblablement dans le procès de la génération du baby-boom, qui laisse à la relève une société endettée et hypothéquée.
39 Grand'Maison, Jacques. Lefebvre, Solange. UDf'! gênérnt'pn hcnIÇ~""'AM1Tfl Enquête
mJT leA tUlw·tKxmerA, Fides, cahiers d'études pa.etorales, 12, 1993, p. 75.
40 Grand 'Maison, Jacques. VerA un DQlWftI" çgnflit dA gépérotigne prgfil. egÇil". et re'igieux dM 20-35 'PA, op. cit., p. 139.
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De plus, la politique chez les jeunes est également caractérisée par une certaine désillusion envers l'action et l'engagement politiques. Bien qu'il existe des regroupements
politiques de jeunes, ceux-ci sont généralement sans
conséquences sociales et très instables. Cette situation
témoigne de "l'absence d'un minimum de consensus, d'actions communes, de véritable mouvement de j eunesse41 ." Alors que les jeunes baby-boomers étaient empreints d'une certaine
solidarité, celle de participer à la reconstruction d'un
monde nouveau, la «génération x» se distingue par l'absence de but ou de projet commun. La société actuelle ·représente, pour les jeunes de la «génération X», l'échec du mouvement
nationaliste québécois, mais aussi l'échec d'un système
politique fondé sur le bien-être de l'ensemble des individus (l'État providence). Suite à ces échecs, la «génération X»,
celle qui prendra éventuellement la relève, se retrouve
devant un État endetté dont le déficit prend des proportions de plus en plus incontrôlables; devant des programmes sociaux dispendieux et mal st~~cturés; et aussi devant une multitude d'adultes qui seront éventuellement à la retraite et dont ils
auront la charge. Cette dure réalité annonce un avenir
difficile, peu propice à des projets de société optimistes qui créeraient une certaine motivation chez la relève, qui la
pousserait à agir et à s'impliquer politiquement et
socialement. De façon générale, l'attitude de la génération
du baby-boom et de la «génération X» envers le système
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politique se ressemble beaucoup. En effet l'attitude actuelle
des deux générations se résume en une méfiance envers
l' insti tution politique. Cette méf iance est directement reliée à la situation politico-économique présente. Ce qui distingue les deux générations sur le plan politique, c'est que l'une constitue en quelque sorte la cause de cette situation et que l'autre en subira, à court et à moyen terme, les effets.
La relation entre la génération des baby-boomers et la «génération x» est beaucoup plus conflictuelle en ce qui
concerne l'économie, surtout au niveau de l'emploi et des
conditions de vie. C'est aussi sur le plan économique que se manifestent le plus les sous-groupes générationnels évoqués
précédemment. La grande majorité des membres de la
«génération x» ainsi que les cadets du baby-boom sont
actuellement aux prises avec un marché du travail presque saturé. Vers la fin des années 1960 et durant les années
1970, les premiers-nés du baby-boom ont profité d'une
ouverture sans précédent du marché du travail. Dès la fin de leurs études, les membres de la «génération lyrique» étaient
pratiquement assurés de trouver un emploi. De plus, ils
pouvaient m~e se permettre de quitter un emploi, sachant
qu'ils en trouveraient facilement un autre. Ils pouvaient ainsi acquérir de l'expérience mais, surtout, ils avaient la possibilité de choisir un travail qui leur convenait. De plus, les jeunes baby-boomers ont bénéficié d'un syndicalisme dynamique. qui permit à nombre de travailleurs d'obtenir des
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conventions collectives avantageuses et leur assurant une
sécurité d'emploi à vie. La situation était déjà plus
difficile pour leurs cadets. Les meilleurs emplois étaient déjà occupés et les exigences d'embauche commençaient à être
plus sévères. Les cadets devaient donc se contenter des
restes de leurs aînés.
La situation des membres de la «génération x» qui
sortent présentement des universités est encore plus
difficile que celle des plus jeunes baby-boomers. Les emplois
disponibles étant encore moins nombreux, les jeunes de la
«génération x» doivent posséder une très bonne formation
scolaire pour accéder à des emplois de plus haut niveau (postes de direction, etc.). Paradoxalement, alors que les jeunes répondent à cette exigence, la plupart des employeurs demandent, en plus de la formation académique, une expérience de travail qu'ils n'ont pas, puisqu'ils sortent, la plupart
du temps, de l'université. Le marché de l'emploi favorise
donc les travailleurs plus vieux, possédant l'expérience
requise mais souvent moins bien formés que les jeunes
universitaires. Cette situation provoque souvent un sentiment de frustration chez les jeunes diplômés. La situation semble
toutefois plus encourageante pour les cadets de la
«génération x», ceux qui n'ont pas terminé leurs études. À moyen terme, les aînés du baby-boom prendront leur retraite,
ce qui créera une demande d'emploi plus forte. Ils ont donc l'espoir d'accéder au marché du travail plus rapidement que leurs aînés.
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Actuellement, les jeunes diplômés se retrouvent avec des emplois de plus bas niveau (dans le secteur des services notamment), offrant des salaires peu élevés, compte tenu de leur formation. Si toutefois il réussissent à se dénicher un
emploi dans leur champ de formation, ils sont souvent
embauchés à contrat, à temps partiel ou encore à la pige,
écartés des conventions collectives et de la sécurité
d'emploi. Leur emploi est donc souvent instable et aussi
beaucoup moins rémunéré que ceux des travailleurs syndiqués.
La sécurité d'emploi que connaissent présentement les
premiers-nés du baby-boom semble déjà être du passé, ou du moins dans une phase de déclin. La situation est encore plus
pénible pour les jeunes qui sont peu scolarisés. Ils sont
alors forcés d'occuper des emplois peu valorisant et encore moins bien rémunérés (autour du salaire minimum). Il en est de même pour ceux qui abandonnent leurs études et qui doivent eux-aussi s'accrocher tant bien que mal à de petits emplois
qu'ils quittent rapidement, faute de motivation ou encore
pour bénéficier de l'assurance-chômage.
La précarité de l'emploi chez les jeunes de la
«génération x» est directement reliée à la précarité de leur situation financière et de leur rythme de vie. Leur salaire
est généralement consacré aux besoins essentiels (la
nourriture, les vêtements, le logement et le transport). De plus, leur faible revenu peut affecter, à différents degrés,
leurs projets de vie. Se marier, avoir des enfants, acheter une maison ou une voiture neuve demandent aujourd'hui des
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sacrifices que les aînés du baby-boom n'avaient pas à faire, puisqu'ils étaient assurés d'un salaire fixe. Cette précarité financière de la ~génération x» explique en grande partie leur fixation sur le présent. Au lieu de faire de gros sacrifices en fonction du futur, ils se tournent vers la satisfaction de désirs immédiats (les loisirs). C'est donc leur rythme de vie qui change, qui doit s'adapter à un revenu souvent instabLe, à des emplois dépourvus d'avantages sociaux et à des horaires de travail parfois contraigants.
La situation financière difficile des jeunes donne un rôle important à la famille. Cette dernière représente pour beaucoup de jeunes adultes un soutient moral et financier, ainsi qu'une «sécurité sociale». On constate d'ailleurs que beaucoup de membres de la «génération x» quittent le milieu familial tardivement, généralement à la fin de leurs études, s'ils ont un emploi. Ce phénomène est relié aux coûts élevés de la vie et de l'éducation. Il est également relié à la précarité du marché de l'emploi. Bien que nous ne possédions pas de statistiques à cet égard, plusieurs jeunes reviennent vivre au sein de leur famille après avoir tenté de vivre de façon autonome. La cause principale de ce retour en milieu familial résiderait dans la précarité financière des jeunes de la «génération x». Cette situation des jeunes par rapport
à leur famille est à l'opposé de ce qu'a vécu la génération du baby-boom. Alors que plusieurs membres de la «génération x» quittent le milieu familial vers la fin de la vingtaine, il était fréquent de voir de jeunes baby-boomers quitter le
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domicile familial vers dix-sept ou dix-huit ans. Le contexte socio-économique était alors beaucoup plus favorable qu'il ne l'est aujourd'hui. Plusieurs emplois étaient disponibles pour les jeunes et le coût de la vie était généralement moins élevé.
L'attachement prolongé au milieu familial n'est pas uniquement dû à la précarité financière des membres de la «génération x». Il est également dû à un grave problème de socialisation, ou d'intégration des «postadolescents» à la société. Comme il a été dit plus haut, la «génération x» représente un âge de la vie où la présence adulte est fondamentale. Cette présence adulte sert de modèle ou de point de repère aux jeunes, afin qu'ils puissent s'intégrer à
la société des adultes. Le problème de la «génération x» réside dans l'absence d'un modèle adulte déterminé, qui lui servirait de référence/opposition pour s'identifier par rapport à la société et y prendre sa place. Son modèle adulte, la «génération x» devrait le retrouver chez la génération du baby-boom. Toutefois, deux aspects de cette dernière font que la «génération x» peut difficilement se définir par rapport à elle. Le premier réside dans le fait que plusieurs baby-boomers ont de la difficulté à
s'identifier eux-mêmes, à découvrir l'essence de leur «moi» profond. Ce problème est principalement relié à la crise de la transmission des biens culturels, moraux et spirituels que vit la génération du baby-boom, suite au rejet de la tradition et du modèle que représentaient l€lurs parents. Sans