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Le cinéma postmoderne espagnol : Icíar Bollaín : réalisme et engagement d’une cinéaste humaniste : la libération de la femme comme dépassement des stigmates sexuels

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-00802109

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Submitted on 19 Mar 2013

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réalisme et engagement d’une cinéaste humaniste : la

libération de la femme comme dépassement des

stigmates sexuels

Noureddine Ababou Lyazrhi

To cite this version:

Noureddine Ababou Lyazrhi. Le cinéma postmoderne espagnol : Icíar Bollaín : réalisme et engage-ment d’une cinéaste humaniste : la libération de la femme comme dépasseengage-ment des stigmates sexuels. Musique, musicologie et arts de la scène. Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2012. Français. �NNT : 2012TOU20083�. �tel-00802109�

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Université de Toulouse 2 Le Mirail

THÈSE

En vue de l’obtention du

DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE

TOULOUSE

Discipline ou spécialité

Ecole Supérieure d’Audiovisuel

Présentée et soutenue par

Noureddine Ababou Lyazrhi

le :

mercredi 26 septembre 2012

Titre

Le cinéma postmoderne espagnol : Icíar Bollaín

Réalisme et engagement d’une cinéaste humaniste

La solidarité des femmes comme dépassement des stigmates sexuels

Ecole doctorale

Arts, Lettres, Langues, Philosophie,

Communication (ALLPH@)

Unité de recherche

Laboratoire LLA-CREATIS (EA 4152)

Directeur(s) de thèse

Madame Solange Hibbs

(Professeure à l’Université Toulouse 2 Le Mirail)

Madame Nancy Berthier

(Professeure à l’Université Paris Sorbonne IV)

Rapporteurs

Madame Pascale Thibaudeau

(Maître de Conférences, HDR à l’Université Paris 8)

Madame Marie Franco

(Professeure à l’Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris 3)

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Es de bien nacido ser agradecido

(refranero popular)

Remerciements

Je remercie sincèrement toutes les personnes qui m’ont aidé et soutenu afin de mener à bien ce travail de recherche et la rédaction de cette thèse.

Mes premiers remerciements s’adressent à mes deux co-directrices de thèse, Mme Solange HIBBS et Mme Nancy BERTHIER pour leur soutien permanent et leurs encouragements.

Solange, je vous remercie sincèrement d’avoir cru à mon projet et d’avoir su trouver les mots pour que je n’abandonne pas à mi-parcours. Je remercie chaleureusement Madame Pascale THIBAUDEAU et Madame Marie FRANCO d’avoir accepté de faire partie du jury de ma thèse.

Ensuite, des remerciements très spéciaux pour Icíar Bollaín qui, après la lecture d’une partie de mon travail, a bien voulu m’accorder deux entretiens à Madrid malgré ses énormes occupations.

Mes sincères remerciements à Mesdames Françoise Heitz (thèse sur Pilar Miró), Laurence Karoubi (thèse sur Ana Marsical), Professeurs et éminentes spécialistes du cinéma espagnol.

Merci à Trinidad Nuñez Domínguez pour son regard expert sur le cinéma féminin espagnol.

Merci à Begoña Siles Ojeda qui, sans aucune hésitation, m’a envoyé sa thèse [La mirada de la mujer y la mujer mirada (en torno al cine de Pilar Miró)] par courriel.

Mes prochains remerciements s’adressent à Isabel, l’amie de trente ans, qui a supporté mes humeurs changeantes durant ces cinq années de recherche. Un immense merci aussi à son frère José Javier pour ses précieux conseils sur le cinéma espagnol.

Merci à l’ami Britannique, Neville Dyer, pour son humour et son horrible pragmatisme.

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Des remerciements particuliers et chaleureux à Agnès Surbezy (Maître de Conférences à Toulouse 2 Le Mirail) qui a toujours été disponible, malgré sa charge de travail, pour répondre à mes interrogations et pour les relectures de la thèse.

Merci à Danielle Berton, responsable de la bibliothèque de l’UFR d’Espagnol de Bordeaux 3.

Merci à Fanny Glassier, documentaliste à l’Informathèque de BEM, pour ses explications sur les bases de données et les recherches effectuées.

Un grand merci à Nathalie Plégat pour son excellent travail de composition et de présentation de cette thèse.

Et, pour finir, merci à Adrien et Thierry du service reprographie pour leur disponibilité et professionnalisme.

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Résumé

Dès ses premiers films, Icíar Bollaín a réussi à démontrer que critique sociale et succès cinématographique ne sont pas incompatibles. Elle y est parvenue principalement grâce à sa capacité à construire ses narrations autour de personnages, de situations et d’ambiances quotidiennes facilement reconnaissables par le public. De ce fait, sa filmographie ouvre un large terrain d’études dans le domaine de l’analyse cinématographique, et dans une perspective sociologique. Néanmoins, il existe un autre niveau d’analyse dans le cinéma d’Icíar Bollaín, auquel nous allons nous intéresser tout particulièrement dans ce travail. C’est ce niveau subtil, moins évident, mais sans aucun doute présent, faisant référence aux conflits et aux tensions tant culturelles, sociales qu’économiques, générées par certaines structures de pouvoir et de domination que la réalisatrice dénonce. Sans nous proposer un genre de cinéma à « thèse » ou strictement documentaire, Iciar Bollaín démonte les mécanismes de ces relations de domination, surtout entre hommes et femmes et nous livre une magnifique réflexion sur la quête identitaire, les identités genrées, le processus de libération et les solidarités tant personnelles que collectives.

Pour la réalisatrice, seul le dépassement des stigmates sexuels pourrait mener à des relations solidaires entre les hommes et les femmes, leur permettant de se retrouver vraiment en tant qu’êtres humains. En approfondissant encore, nous pouvons détecter, de la part d’Icíar Bollaín, une critique de l’activité scopique du spectateur et du narcissisme du créateur artistique, rapprochés respectivement de la masculinité et de la féminité. La véritable rencontre entre les deux ne pourra se produire qu’à condition que le spectateur renonce à sa position d’observateur passif et se sente prêt à agir et que l’auteur-metteur en scène fasse le pari du partage plutôt que de l’exhibition de son travail.

Mots clés : Icíar Bollaín, dénonciation, traditionalisme, masculinité, féminité, narcissisme, valeurs patriarcales, solidarité, relations humaines, réception.

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Abstract

Right from her first films, Icíar Bollaín succeeded in showing that social criticism and film success are not incompatible. This goal was reached thanks to her capacity, in most cases, to build her narrations around characters, situations and daily atmospheres which were easily recognizable by the general public.

Due to this, her filmography opens a broad spectrum of studies in the field of film analysis, from a sociological perspective.

However, there is another level of denunciation in Icíar Bollaín's films which we are going to particularly focus our work on.

Another aspect we would like to focus on and which is explicitly revealed and denounced by Icíar Bollaín, concerns cultural, social and economic conflicts and tensions generated by specific structures of power and domination Icíar Bollaín does not indulge into moralising or documentary films. She analyzes these specific relationships between men and women, explores gender relationships and her films provide food for thought on gender, women’s empowerment, personal and collective solidarities.

For the film director, it is only by transcending these sexual stigmata that united relations between the men and the women could be created thus allowing them to meet on an equal footing as true human beings.

Through a more in-depth analysis, we can discern from Icíar Bollaín, a criticism of the spectator's scopic activity and the narcissism of the artistic creator, brought respectively closer to masculinity and to femininity. The true meeting between the two will only be able to occur provided that the spectator abandons his position as a passive viewer and feels ready to act and the author/movie director focuses on sharing rather than exhibiting his work.

Key words: denunciation, traditionalism, masculinity, femininity, narcissism, patriarchal values, solidarity, human relations, reception.

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Resumen

"Icíar Bollaín ha conseguido desde sus primeras películas demostrar que crítica social y éxito de público no son incompatibles. Tiene mucho que ver con esto su capacidad para construir sus relatos en torno a personajes, situaciones y ambientes cotidianos, fácilmente reconocibles por el público, y ahí sin duda hay un terreno amplio de estudio para el análisis cinematográfico en su vertiente sociológica.

Pero existe otro nivel de denuncia en su cine en el cual nos concentraremos en este trabajo. Es este nivel sutil, menos evidente, pero sin duda presente, que hace referencia a los conflictos y a las tensiones tanto culturales, sociales como económicas generadas por ciertas estructuras de poder y dominación el que denuncia la directora. No nos propone un tipo de cine de “tesis” o estrictamente documental. Icíar Bollaín demuestra los mecanismos de esta relaciones de dominación sobre todo entre hombres y mujeres y nos entrega una magnifica reflexión sobre la búsqueda identitaria, las identidades de género, el proceso de liberación y la solidaridades tanto personales como colectivas.

Apunta la directora a la superación de esas marcas sexuales como camino hacia relaciones solidarias entre hombre y mujer que les permitan encontrarse realmente como seres humanos. Escarbando aún más en este nivel significativo, puede detectarse una crítica a la actividad escópica del espectador y al narcisismo del creador artístico, equiparados respectivamente a la masculinidad y a la feminidad. El verdadero encuentro entre ambos ocurrirá cuando el espectador renuncie a su posición de observador pasivo y esté dispuesto a la acción y el autor-director apueste por compartir antes que por exhibirse.

Palabras claves: Icíar Bollaín, denuncia, tradicionalismo, masculinidad, feminidad, narcisismo, valores patriarcales, solidaridad, relaciones humanas, recepción.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements ... 11

Résumés/Mots-Clés ... 13

Table des Matières ... 17

INTRODUCTION ...

21

Partie 1. LA REALISATRICE ET LE CINEMA EN ESPAGNE ...

33

I. LE CINEMA FEMININ ESPAGNOL ANTERIEUR À 1990 ... 35

A. Les pionnières du cinéma espagnol féminin ... 35

B. L’empreinte féministe de Josefina Molina ... 45

C. L’empreinte personnaliste de Pilar Miró ... 51

II. LA GENERATION D’ICIAR BOLLAIN ... 66

A. Mémoire et Identité / Identité et Mémoire ... 73

B. Les structures « masculines », l’homme faible ... 80

C. Les relations hétérosexuelles conflictuelles ... 87

D. Le succès des « outsiders » ... 98

E. Spécificité de l’écriture cinématographique du cinéma espagnol de féminin de fin du XXème siècle ... 100

III. ICIAR BOLLAIN : un cas exemplaire de son époque ... 103

A. La fonctionnalité de son écriture cinématographique ... 109

1. Structures du récit et diégèse ... 110

2. Mise en scène ; l’œil qui voit ... 113

3. Le sens éthique des localisations ... 122

B. L’intention didactique ou les divers niveaux d’implication du spectateur dans le récit ... 126

1. La stratégie narrative ... 127

2. Rééduquer le regard ou la subversion scénique ... 131

3. La mise en scène « inclusive ». Vers un spectateur empathique ... 135

C. Une vision critique de la réalité: à la recherche de nouveaux modèles entre hommes et femmes ... 141

(19)

Partie 2. LE MASCULIN OU LA VOLONTE DE PUISSANCE ...

147

I. L’HOMME DANS SON ENVIRONNEMENT ... 150

A. L’éducation de l’homme traditionnel et l’entourage conservateur ... 151

1. La rééducation est-elle possible ? ... 161

B. Relation hiérarchique avec la femme ... 164

1. Protéger la femme faible ... 165

2. Motivations pour soumettre la femme ... 169

3. La réclusion de la femme ... 173

4. Le mariage ... 177

5. L’inexpressivité comme déni ... 183

C. Le manque d’implication affective de l’homme moderne... 186

D. L’idéalisation du père ... 193

II. LE CAPITALISME COMME PROJECTION SOCIALE DU MASCULIN .. 198

A. Portrait implacable du monde capitaliste ... 199

B. Le capitalisme : exploitation et proxénétisme ... 209

C. Antidotes contre le capitalisme ... 217

D. Le « châtiment » du capitaliste ... 224

III. LE PREDATEUR DANS L’INTIMITÉ ... 229

A. Le harcèlement ... 230

B. La capture ... 241

C. Le mariage comme légalisation de la capture ... 251

D. Le regard ... 254

E. L’approche différente de la relation homme – femme dans Hola ¿estás sola? ... 259

Partie 3. LE FEMININ OU LA SOUMISSION ...

263

I. LE JOUG SENTIMENTAL ... 266 A. Le manque ... 267 B. Le jeu de la séduction ... 274 C. L’orgasme et le rire ... 279 D. Le romantisme ... 285 E. Le pardon ... 293

II. LA RESPONSABILITÉ FAMILIALE ... 297

A. L’instinct maternel ... 297

B. Le règne domestique ... 308

C. Eduquées dans le silence et le dévouement ... 318

III. L’EXALTATION DE L’IMAGE ... 324

A. La femme comme œuvre d’art. L’érotisme du regard. ... 324

B. La femme sur le devant de la scène ... 332

(20)

Partie 4. LA TROISIEME VOIE – AU-DELA DU GENRE ...

351

I. ESPACES DE RENCONTRE ENTRE HOMMES ET FEMMES ... 353

A. Profils alternatifs d’hommes et de femmes ... 353

B. L’androgynie ... 364

C. L’accord de cohabitation ... 367

D. Conflit entre sexe et camaraderie ... 376

E. La chasteté des couples exemplaires ... 385

II. LA PREFERENCE POUR LES RELATIONS ENTRE FEMMES ... 390

A. Le conflit purificateur ... 390

B. La capacité solidaire des femmes ... 393

C. De la fausse solidarité féminine à l’absence de solidarité ... 408

D. L’intimité physique féminine : scènes de lit entre femmes ... 417

E. Des hommes « en sommeil » ... 420

III. DÉNOUEMENTS ET APPELS AU SPECTATEUR ... 423

A. Les trois fins possibles de Hola, ¿estás sola? ... 423

B. L’histoire latente dans Flores de otro mundo ... 426

C. Les trois fins possible de Te doy mis ojos ... 431

D. La fin symbolique de Mataharis. Contre le regard et en faveur de l’action ... 433

CONCLUSION ...

439

BIBLIOGRAPHIE ...

447

I. CINEMA ESPAGNOL ... 449

II. ANALYSE FILMIQUE ET ESSAIS CRITIQUES ... 451

III. HISTOIRE DE L'ESPAGNE CONTEMPORAINE ... 455

IV. ICIAR BOLLAIN ... 456

(21)

ANNEXES ...

465

ANNEXE 1 - FILMOGRAPHIE D'ICIAR BOLLAIN ... 467

I. REALISATRICE ... 469

II. ACTRICE ... 469

III. PRIX REÇUS COMME ACTRICE ... 470

ANNEXE 2 - HOLA ¿ESTAS SOLA? ... 471

I. AFFICHE Hola ¿estás sola? ... 473

II. FICHE TECHNIQUE Hola ¿estás sola? ... 474

III. DECOUPAGES Hola ¿estás sola? ... 477

IV. PHOTOGRAMMES Hola ¿estás sola? ... 483

ANNEXE 3 - FLORES DE OTRO MUNDO ... 495

I. AFFICHE Flores de otro mundo ... 497

II. FICHE TECHNIQUE Flores de otro mundo ... 498

III. DECOUPAGES Flores de otro mundo ... 501

IV. PHOTOGRAMMES Flores de otro mundo ... 508

ANNEXE 4 - TE DOY MIS OJOS ... 525

I. AFFICHE Te doy mis ojos ... 527

II. FICHE TECHNIQUE Te doy mis ojos ... 528

III. DECOUPAGES Te doy mis ojos ... 533

IV. PHOTOGRAMMES Te doy mis ojos ... 534

ANNEXE 5 - MATAHARIS ... 561

I. AFFICHE Mataharis ... 563

II. FICHE TECHNIQUE Mataharis ... 564

III. DECOUPAGES Mataharis ... 567

IV. PHOTOGRAMMES Mataharis ... 575

ANNEXE 6 - INTERVIEWS AVEC ICIAR BOLLAIN ... 599

I. Madrid, le 12 juin 2010 ... 601

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INTRODUCTION

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(24)

INTRODUCTION

Le choix de ce sujet peut soulever parallèlement plusieurs questions : pourquoi s’intéresser au cinéma féminin espagnol, et dans ce cas précis à Icíar Bollaín ? Puis, pourquoi faire porter notre réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes avec une focalisation bien particulière sur celle-ci ?

Etre une femme cinéaste en Espagne encore aujourd’hui n’est pas aussi simple que cela pourrait paraître ; pour preuve, il existe un certain nombre de publications qui situent les réalisatrices espagnoles comme un groupe à part. Nous pensons par exemple à des ouvrages comme celui d’Antonio Santamarina, auteur d’un article intitulé « Desde otro enfoque y con otra mirada » dans lequel il cherche à établir certaines constantes définitoires du cinéma réalisé par des femmes5.Trop souvent encore, ce qui semble distinguer ces femmes est moins leur œuvre que leur nature sexuée féminine. Nous tenterons de montrer, au cours de notre réflexion, que ce que certains critères que semblent retenir les critiques pour définir « un cinéma au féminin » soit ne se retrouvent pas dans la production d’Iciar Bollaín, soit ne sont pas véritablement spécifiques d’un cinéma dit de « genre ». L’autre question qui a orienté notre travail concerne la dimension engagée et humaine d’une production qui, en s’intéressant aux relations genrées, débouche sur une représentation critique de la société espagnole des dernières décennies. Icíar Bollaín n’hésite pas à traiter des problématiques très sensibles comme la diversité sociale, culturelle mais aussi sexuelle, la violence de genre, la filiation et la quête identitaire. Autant de problématiques qui sont indubitablement au centre des débats en Espagne mais aussi dans d’autres pays comme la France. Une des hypothèses de notre travail est de montrer la capacité de la réalisatrice espagnole à transcender les frontières, entre autres celles du genre, et à inscrire sa production dans une dimension relativement universelle.

Un autre point qui mérite réflexion est la période dans laquelle s’intègre la production cinématographique d’Icíar Bollaín. Nous avons mentionné dans le titre de cette thèse le terme postmoderne. Il est bien entendu que ce terme fait référence à la période particulière dans laquelle Icíar Bollaín comme d’autres

5 Rodríguez, María Soledad, Le cinéma d’Isabel Coixet : de la conception à la création, in Regards sur les Espagnoles créatrices (XVIII-XXè siècle), Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2006, pp. 269-278.

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cinéastes et créateurs intègre sa production. Cette période n’est plus celle des grands « métarécits », celle d’une société qui constituerait un tout unitaire. La société que nous renvoient les films de la réalisatrice est, dans ce contexte de la postmodernité, une entité mouvante, aux contours parfois indécis où l’on assiste à un bouleversement des rapports entre ceux qui la constituent. Nous pourrions insister particulièrement sur un des bouleversements qu’Icíar Bollaín a retenu et qui est au centre de notre analyse : celui des rapports entre les sexes, entre les genres, qui implique une recomposition incessante. L’hétérogénéité des liens génère, à son tour, une pluralité de langages ou de jeux de langage différents. Ces différences sont autant comme autant de particules qui circulent entraînant conflits, tensions et aussi recompositions : les conflits entre mère et fille qui posent la question de la filiation, ou encore les conflits entre homme et femme au sein du couple et du noyau familial débouchent sur une reconfiguration des relations qui est souvent établie sur de nouvelles formes de solidarité. Le terme « postmoderne » que nous avons employé ne signifie pas que le cinéma d’Icíar Bollaín soit le reflet d’un certain désenchantement ou la négation d’une évolution positive tant au niveau de l’individu que du collectif. Au contraire la fonction critique des films de cette réalisatrice permet de mettre en évidence une texture de relations plus complexe et plus mobile. La question du lien social « en tant que question est jeu de langage » c’est celui de l’interrogation qui positionne celui qui la pose6.

Comme nous l’avons dit, ce questionnement implique des groupes ou des classes aux contours mouvants, en état de conflit atténué ou déclaré, qui tantôt s’affrontent de manière directe, tantôt doivent composer.7 Nous nous intéresserons, par l’intermédiaire du cinéma d’Icíar Bollaín, à l’une des formes des relations humaines, celle des rapports entre les sexes et du rapport de domination des hommes sur les femmes qui structure les sociétés. Afin de bien comprendre toutes ces relations et leur évolution, un rappel du panorama cinématographique féminin espagnol tentera d’éclaircir les contextes tant sociaux, économiques ou politiques dans lesquels celui-ci évolue.

Le cinéma espagnol se caractérise par l’absence presque totale de la collaboration des femmes dans la direction cinématographique jusqu’en 1988. À

6

Lyotard, Jean-François, La condition postmoderne, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, p.32.

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cette date-là, seule une dizaine de cinéastes femmes8 débutent dans le monde du septième art et si nous revenons en arrière, en 1972, nous n’en retrouverons que quatre : Rosario Pi, Helena Cortesina, Ana Mariscal et Margarita Alexandre. Cela peut être surprenant mais compréhensible puisque le monde de l’industrie cinématographique espagnol est régi par les structures mêmes du patriarcat franquiste, structures où n’existait pas d’espace pour la femme créatrice. Rappelons que le cinéma classique considérait la représentation de la femme comme un spectacle, une projection du désir masculin et de sa sexualité ce qui convertissait la femme en objet, en simple corps destiné à être regardé et annulant ainsi sa propre sexualité. De ce fait, elle ne peut penser à elle-même que dans le stéréotype de la femme soumise, de la femme au foyer et de la mère de famille. Le cinéma ne fait donc que récupérer la dichotomie culturelle et sociale par laquelle, la femme, est soit une sainte soit une pute9.

Le panorama commence à s’améliorer dans les années quatre-vingt avec notamment, ces trois réalisatrices que sont Josefina Molina, Cecilia Bartolomé et Pilar Miró qui, au travers de leurs œuvres cinématographiques, ont essayé de refléter la réalité du changement social en attribuant à la femme un rôle actif et en la situant au cœur de l’écran. Ainsi, nous assistons en parallèle à une mutation de la société espagnole et à un changement de l’image qu’avait le grand public du cinéma espagnol.

Puis, dans les années quatre-vingt-dix, une importante augmentation de la présence féminine dans le monde cinématographique espagnol s’est produite et, parmi les réalisatrices femmes qui ont émergé à cette époque, la figure d’Icíar Bollaín est remarquable à plusieurs titres. En premier lieu, d’un point de vue commercial, elle est la réalisatrice qui a obtenu les meilleurs résultats en termes d’entrées. Le nombre de spectateurs venus voir ses films, depuis les 160 000 de ses débuts, avec Hola, ¿estás sola? (1995), jusqu’au million qui a visionné en salle Te doy mis ojos (2003), n’a pas été égalé, à ce jour, par aucune autre réalisatrice, si ce n’est peut-être par Isabel Coixet. Celle-ci a réussi à se rapprocher de ce chiffre en réalisant ses derniers films sous le régime de la coproduction et avec des vedettes étrangères. De manière ponctuelle, grâce à

8 Camí-Vela, María, Mujeres detrás de la cámara – Entrevistas con cineastas española de la década de los 90, Madrid, Ocho y Medio, 2001.

9 Castejón Leorza, María, Mujeres y cine. Las fuentes cinematográficas para el avance de la historia de las mujeres, in Berceo, número 147, 2004, pp. 303-327.

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l’expérience du producteur Fernando Colomo – qui a aussi produit le premier film d’Icíar Bollaín –, les comédies d’Inés París et Daniela Fejerman ont connu le succès, sans pour autant égaler celui de notre réalisatrice. Un autre cas notable est celui de Gracia Querejeta, réalisatrice de la même génération, qui a essayé de l’égaler sans jamais y parvenir, et ce, malgré l’appui de la maison de production de son père Elías Querejeta. Quoi qu’il en soit, dans aucun de ces cas, le nombre de spectateurs des films de ces réalisatrices n’a atteint celui de Te doy mis ojos. À titre de comparaison avec les chiffres absolus du cinéma espagnol, tous les films d’Icíar Bollaín se sont positionnés parmi les quinze films les plus vus de l’année et, en 2004, Te doy mis ojos a obtenu la sixième place. Ses films ont aussi obtenu les meilleures critiques et elle a été la seule réalisatrice avec Isabel Coixet à se voir décerner la plus haute distinction que peut attribuer le cinéma espagnol, le prix Goya du meilleur film pour Te doy mis ojos.

En deuxième lieu, la réalisatrice a choisi, par la place qu’elle accorde dans ses films aux protagonistes féminines mais aussi à des hommes et femmes en général des classes moyennes et même populaires de nous montrer des situations et des parcours de vie de la société facilement reconnaissable par le spectateur. À travers des situations quotidiennes, ses films présentent un intérêt sociologique évident ; qui plus est, tout ce qui touche au domaine familial et proche suppose une accroche pour le spectateur. Icíar Bollaín a ainsi fait du réalisme sa marque d’identité, renonçant à des structures narratives compliquées – il y a une intertextualité évidente mais aucun flashback, par exemple – ou à des intentions poétiques dans la mise en scène, pour ce concentrer sur les relations entre personnages. C’est précisément ce parti pris qui donne à la mise en scène tout son sens.

En troisième lieu, elle est la seule actrice jouissant d’une certaine popularité, c’est-à-dire reconnaissable pour le grand public, qui a franchi le pas vers la réalisation d’une manière permanente à la différence de Laura Mañá o Miriea Ros, qui n’ont pas connu un grand prestige comme actrices ou d’Ana Belén, qui n’a réalisé qu’un seul film. Au-delà du bénéfice qu’en a pu tirer la promotion de ses films, le passage d’actrice – objet du regard – à celui de réalisatrice – créatrice et inductrice d’un certain regard – la situe dans une position

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privilégiée pour aborder cette question du regard qui sera l’un des axes thématiques de ses films.

En quatrième lieu, son cinéma se singularise par rapport aux autres cinéastes de sa génération par le fait de ne pas être exclusivement centré sur les femmes : il ne s’articule pas uniquement autour de la femme et ses problèmes, ne s’appuie pas sur l’exhibition de ses crises intérieures, ne la propose pas non plus comme icône à admirer ou à imiter. Le problème de l’entrée sur le marché du travail (développé dans Hola, ¿estás sola?), de l’intégration des immigrés (soulevé dans Flores de otro mundo, sorti en 1999) ou de l’exploitation patronale (mis en avant dans Mataharis, en 2007) ne sont pas des problèmes spécifiquement féminins mais sociaux. La seule chose que la réalisatrice reconnaît aux femmes est une plus grande détermination dans la prise de décision pour y faire face. De ce fait, même son film emblématique, Te doy mis ojos, malgré les apparences et les analyses superficielles, n’aborde pas le problème de la violence conjugale comme un problème spécifiquement féminin. La réalisatrice le présente comme un conflit entre des êtres humains de sexes différents marqués par une éducation et un contexte qui fixent des conditions de genre, si bien que son désir est de décrire avec la même honnêteté la victime féminine et le maltraitant masculin. Une conséquence logique est qu’Icíar Bollaín est l’une des très rares réalisatrices espagnoles – et mondiales – qui construisent des personnages masculins ayant une réelle consistance : ce ne sont pas de simples ennemis manichéens des femmes, d’angéliques compagnons présents aux côtés de la protagoniste tout au long du film ou des figures instrumentales utiles pour amorcer un processus, quelle qu’il soit, dans la construction filmique. Si nous observons les personnages masculins avec attention, nous verrons qu’ils ne sont pas construits depuis un regard intérieur masculin ou que, du moins ils sont dessinés avec profondeur. En résumé, Icíar Bollaín est l’une des très rares réalisatrices espagnoles, voire mondiales, qui ne fait pas un cinéma identifiable comme « cinéma de femmes ».

Plutôt que de s’enfermer dans des cadres déterminés, la réalisatrice propose un cinéma entièrement ouvert à l’aspect social, militant, idéologique, un cinéma qui cherche à changer l’ordre établi. Une fois la cause de l’injustice identifiée, elle montre au spectateur que celle-ci trouve ses racines dans la forte sexualisation de l’ordre social qui impose des manières bien déterminées et nécessairement

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conflictuelles d’être homme ou femme. Iciar Bollaín nous dit que l’histoire des femmes est aussi celle des hommes, du rapport entre les sexes, de la différence des sexes. La révolution que propose Icíar Bollaín serait donc une révolution asexuelle.

Il s’agit d’un cinéma réaliste dont la dimension pédagogique est le résultat de l’engagement de la réalisatrice qui, à tout moment, nous interpelle et nous pousse à remettre en cause stéréotypes et clichés discriminants. Elle a su éviter le piège du cinéma « à thèse » et sa présence dans la diégèse en tant que narratrice, reste très discrète. Analyser le processus de création de ses films permet de voir la manière dont la réalisatrice arrive à dissimuler ce caractère militant. Elle utilise une stratégie narrative d’apparente empathie – en rapprochant énormément le regard – avec ce qu’elle désire critiquer, évitant ainsi le manichéisme manipulateur que le spectateur suffisamment intelligent détecte et rejette. Mais se cantonner aux aspects sociologiques du cinéma d’Icíar Bollaín, se limiter à analyser comment elle fait un cinéma à l’image de son temps, signifie perdre une bonne partie de sa substance psycho-idéologique. Les espaces de réalité, les personnages réels renferment des aspects symboliques à travers lesquels commence à s’insinuer la profondeur et la richesse de son cinéma qui vise à démasquer la sexualisation de l’ordre social. Le pouvoir est une relation entre le masculin – partie qui domine – et le féminin – partie soumise –, catégories généralement associées aux sexes respectifs, bien que des inversions soient possibles.

De ce fait, le conflit entre le masculin et le féminin s’avère être le moteur de son cinéma, s’étendant de l’intime jusqu’au social en passant par la dimension familiale. Dans ces trois sphères, l’homme trouve de l’espace pour exercer sa volonté de domination. Dans l’intimité, il l’exerce comme prédateur sexuel qui recherche dans l’acte sexuel l’équivalent de la capture de la proie. Au sein de la famille, il se comporte comme souverain qui délimite un espace d’autorité. Enfin, dans le domaine social, il est le capitaliste stimulé par l’ambition et qui croît en humiliant les personnes hiérarchiquement placées en-dessous de lui. Toujours dans ces trois sphères, de la même manière, la femme a tendance à se soumettre. Au sein de la première, elle accepte de façon naturelle le rôle de soumise, en partie à cause de son éducation qui la pousse à penser qu’elle est un être incomplet sans un homme. D’autres raisons l’incitant à rentrer dans ce moule

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seraient la solitude ; une conception romantique – qui ne laisse pas d’être fausse pour autant – des relations sentimentales et, en dernier lieu, un certain plaisir masochiste que la femme trouve dans le processus de séduction – domination. Dans la sphère familiale, l’instinct protecteur la conduisant à veiller sur ses enfants est un des motifs qui la mène à accepter la subordination à l’homme. Enfin, dans la sphère sociale, elle a tendance à se transformer en une icône de beauté, désireuse d’être objet de regards admiratifs. Puisque le même principe de domination – soumission habite les trois sphères, des relations entre le social et l’intime se tissent et tout se teint d’une sexualité indésirable. Ainsi, la domination capitaliste équivaut à une certaine forme de proxénétisme qui exige du travailleur, incarné par les personnages féminins, un abandon semblable à celui de la prostitution. Il en est de même pour le regard que la femme attend de recevoir. Celui-ci la chosifie et produit chez le spectateur le désir de se l’approprier, acquérant une signification phallique de pénétration.

Si nous revenons sur l’un des arguments avancés précédemment, le poids de l’éducation, force est de rappeler que nous distinguons au moins deux éléments responsables d’une éducation sexualisée. Le premier correspond à la figure de la mère, maltraitée par la réalisatrice sans ménagement, comme personnalité concrète qui tente de pérenniser la situation de soumission féminine. Le deuxième est présenté par la réalisatrice de manière plus subtile : il s’agit de l’art visuel, et particulièrement du cinéma – classique surtout – qui actualise constamment des clichés sur le masculin et le féminin. Par rapport à ceci, on appréciera, dans la mise en scène des différentes situations, un effort pour s’éloigner des modèles classiques, les assumant en apparence pour mieux les bouleverser et mettre ainsi en évidence le machisme qu’ils cachent. Afin d’illustrer ce procédé, on pourrait citer quelques exemples comme la dénonciation du composant de domination que renferment les regards profonds, tellement appréciés par le cinéma classique ; comme la manière dont Icíar Bollaín tourne en ridicule la tension virile des films western ou encore comme le lyrisme des déclarations romantiques.

De fait, il n’y a pas d’espace positif pour l’amour. Il est condamné à l’échec par égoïsme et sectarisme, par la violence conjugale, par le manque de lucidité, par sa confrontation avec l’amitié ou la solidarité. Il en est de même pour les hommes « idéaux » qui ne méritent pas une relation sentimentale stable, non pas

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parce qu’ils sont romantiques ou bons amants même si la solidarité les rend idéaux. En réalité, il n’y a pas d’espace pour profiter du romantisme ni d’aucune forme d’idéalité, ni même pour le cinéma comme art passif ou simple jouissance du regard. Le terrain de jeu de la réalisatrice est le concret, ce qui est actif, ce qui peut se changer ; c’est le message qui conduit à l’action au-delà de la pure observation. Les hommes qui ne dépassent pas leur masculinité, la réalisatrice les condamne à la solitude. Les femmes dévorées par la féminité, elle leur inflige une punition, comme rituel de purification afin de dépasser cette tendance puis leur ouvre la porte de l’émancipation à travers la solidarité. Solidarité est le mot clé qui s’offre comme objectif ou troisième voie au-delà de la sexualité, du masculin et féminin, du pouvoir et de la soumission. En général, c’est la solidarité entre femmes, représentée comme la relation intime idéale, comme ce qui produit leur union face à des menaces externes ou ce qui peut les libérer. Parfois, la solidarité peut exister entre homme et femme si l’homme le mérite, parce qu’il a un caractère ouvert et qu’il a dépassé les stigmates de la masculinité. Cette solidarité ressemble à de l’amour mais le mot n’est pas prononcé, ce sentiment n’est pas désigné par son nom ou par d’autres termes semblables, de manière à insister sur les aspects pratiques et positifs de la vie en commun solidaire et à éviter la mise en scène des deux sexes entre eux. Finalement, la solidarité se situe entre les travailleurs comme unique option pour s’opposer aux abus du système capitaliste.

La méthode d’analyse des quatre premiers films d’Icíar Bollaín qui constitueront notre corpus, se fonde principalement dans la recherche des stigmates de masculinité et féminité qu’elle propose dans les cadres social, familial et intime. En effet, en les affichant, elle recherche ainsi le dépassement de ces stigmates chez les personnages positifs, solidaires qui montrent de la compréhension, de la communication, du respect envers l’autre. Dans une première partie, nous situerons la réalisatrice dans son temps et essaierons de mettre en lumière la singularité de sa personnalité cinématographique. Dans une deuxième partie, nous verrons le monde masculin tel que le dépeint Icíar Bollaín, à travers plusieurs chapitres qui se centreront sur les manifestations de la masculinité dans le contexte social, familial et intime. La troisième partie s’intéressera au monde féminin avec des chapitres parallèles à ceux de la partie précédente et, finalement, une dernière partie réunira les propositions positives de la réalisatrice, celles qui incarnent son idéal de solidarité. Cette étude se limitera

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volontairement aux quatre premiers films, ceux qu’Icíar Bollaín avait réalisés lorsque nous avons débuté ce travail. En effet, elle a, par la suite, dirigé son cinquième long métrage, También la lluvia (Même la pluie), en 2011, respectant la cadence de trois ou quatre ans entre chaque sortie de film qui est jusqu’à présent la sienne.

Ce dernier film, dont le scénario se passe en Amérique du Sud, pour la première fois, pose un regard incisif sur la société et ses conflits. On pourrait reconnaître ici un parcours similaire à celui du cinéaste qu’elle admire tant et qui lui a donné sa première chance comme actrice : Ken Loach. Celui-ci, après avoir décrit plusieurs portraits du prolétariat britannique dans ses premiers films, s’en va au Nicaragua, en 1996, tourner La canción de Carla10, scénario écrit par Paul Laverty qui n’est autre que le scénariste de También la lluvia. Ce constat ne peut d’ailleurs que renforcer le parallèle avec notre réalisatrice d’autant plus que Paul Laverty est son mari. En outre, le premier est occupé, de manière exclusive, par des protagonistes masculins et on perçoit à peine quelques traces de cette subtile critique de la sexualisation dans les divers domaines de la vie commune collectivité a caractérisé les premiers films de la réalisatrice. Nous pouvons dire qu’il n’y a pas de critique contre la sexualisation puisque celle-ci est ignorée et que la problématique posée dans También la lluvia n’a rien à voir avec le genre. La réalisatrice évite même que des nuances de sexe ait une influence – tout au moins de manière décisive, au-delà de situations très ponctuelles – sur le récit. La solidarité, comme mécanisme de défense face aux abus des puissants, émerge comme étant le grand moteur de l’intrigue, mais cette solidarité est posée, ici, d’un point de vue universel, s’enracinant dans un autre continent, unissant tout un village et l’opposant à une puissante multinationale mondialisée. De plus, il y a un deuxième moteur à l’action de ce film : le rôle des créateurs cinématographiques, qui sert de fondement à la dénonciation du narcissisme de celui qui cherche seulement à être reconnu pour son œuvre et à la défense de l’engagement actif et effectif en faveur de ces causes que l’on sait si bien louer sur les écrans. De ce fait, même étant différent, le film También la lluvia porte haut ces idées – la solidarité qui remplace la sexualité, la responsabilité de l’auteur – qui parcourent les premiers films d’Icíar Bollaín, sous le vernis sociologique et que nous essayerons de faire ressortir dans ce travail.

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Partie 1

LA REALISATRICE ET LE CINEMA EN ESPAGNE

I. LE CINEMA FEMININ ESPAGNOL ANTERIEUR À 1990

A. Les pionnières du cinéma espagnol féminin B. L’empreinte féministe de Josefina Molina C. L’empreinte personnaliste de Pilar Miró

II. LA GENERATION D’ICIAR BOLLAIN

A. Mémoire et Identité / Identité et Mémoire B. Les structures « masculines », l’homme faible C. Les relations hétérosexuelles conflictuelles D. Le succès des « outsiders »

E. Spécificité de l’écriture cinématographique du cinéma espagnol féminin de fin du XXème siècle

III. ICIAR BOLLAIN : un cas exemplaire de son époque

A. La fonctionnalité de son écriture cinématographique 1. Structure du récit et diégèse

2. Mise en scène ; l’œil qui voit 3. Le sens éthique des localisations

B. L’intention didactique ou les divers niveaux d’implication du spectateur dans le récit

1. La stratégie narrative

2. Rééduquer le regard ou la subversion scénique 3. La mise en scène qui inclut le spectateur

C. Une vision critique de la réalité : à la recherche de nouveaux modèles entre hommes et femmes

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Partie 1. LA REALISATRICE ET LE CINEMA EN ESPAGNE

I. LE CINEMA FEMININ ESPAGNOL ANTERIEUR À 1990

A. Les pionnières du cinéma espagnol féminin

Le nombre de femmes réalisatrices en Espagne a été réellement limité jusqu’à 1970 : seul quatre noms qui, en fonction des sources, peuvent se réduire à trois, car certains auteurs ne considèrent pas Elena Cortesina comme la réalisatrice de Flor de España o la leyenda de un torero (1921). Il semblerait que celle-ci, co-protagoniste avec ses deux sœurs, remplaça José María Granada, le clerc-dramaturge, qui avait abandonné le tournage. Cependant, la moindre importance du film, son insuccès, le manque d’originalité de sa thématique – il s’inscrivait dans un courant particulier de feuilletons sur le monde taurin – et l’inexistence d’autres réalisations postérieures d’Elena Cortesina minimisent la dimension pionnière de ses réalisations. Néanmoins, Elena Cortesina demeure la première femme espagnole à réaliser un long métrage en Espagne11.

Ce sont Rosario Pi dans les années 1930, ainsi que Margarita Alexandre et Ana Mariscal, figures emblématiques dans les années 50 qui, sans jamais atteindre une reconnaissance ou un prestige comparable à ceux des réalisateurs contemporains les plus remarquables, doivent être citées comme les véritables pionnières du cinéma féminin en Espagne. Quel souvenir avons-nous d’Ana Mariscal ? Probablement son travail comme actrice. Néanmoins, et comme l’a signalé Trinidad Núñez en 2008, Ana Mariscal est un cas atypique du cinéma espagnol parce qu’elle est l’une des rares femmes à avoir pu réaliser dix films12.

Une liste aussi courte pourrait s’expliquer en termes sociopolitiques : la patriarcale dictature franquiste ne laissait guère de place aux femmes entreprenantes et rendait très difficile leur accès à la quasi-totalité des secteurs professionnels. Un des domaines où une femme avait plus que des difficultés à y accéder est bien le monde cinématographique et, plus précisément, celui de la

11 Núñez Domínguez, Trinidad, Loscertales Abril, Felicidad, Las Mujeres y los Medios de Comunicación -Una mirada de veinte años (1989-2009), Instituto Andaluz de la Mujer, 2009,

p. 160 “Elena Cortesina ha sido la primera mujer que dirige un largometraje en nuestro país. Lo

consigue en 1921 con la película Flor de España o la leyenda de un torero”.

12 Ibidem p. 159 “es un caso atípico del cine español porque es una de las pocas mujeres que consiguió dirigir diez películas”.

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réalisation. Les lois, l’éducation et le traditionalisme espagnol ne permettaient pas à la femme de s’épanouir ou, parfois tout simplement, d’accéder au marché du travail. Néanmoins, en comparaison avec les chiffres de réalisatrices d’autres pays (300), une telle explication s’avère trop simpliste. Le Diccionario de mujeres directoras d’Azucena Merino nous réserve quelques surprises : sur trois cents femmes réalisatrices citées, quatre-vingt-une débutent avant 1970 et cinquante à peine ne sont pas américaines13. Trois Espagnoles, chiffre non négligeable si l’on

compare celui-ci avec les sept Britanniques, six Allemandes, cinq Soviétiques, quatre Danoises, deux Suédoises ou deux Italiennes qui débutent avant cette année-là. Néanmoins, les réalisatrices espagnoles ne se situent qu’à une certaine distance des neuf Françaises. Il s’est produit une remarquable augmentation du nombre de celles-ci à partir de la fin des années 60 – années 80 en Espagne –, mais le nombre limité de réalisatrices avant 1970 semble être plus justifié par une situation que l’on retrouve à l’échelle du machisme régnant dans l’industrie cinématographique mondiale que par les circonstances sociologiques propres à l’Espagne.

« Il est interdit d’interdire », tel était le fameux slogan qui résonnait dans les rues de Paris en 1968. Une jeunesse qui revendiquait d’autres façons de vivre où l’égoïsme remplaçait la famille, la solidarité de groupe, les institutions et l’imaginaire individuel, les usines et les écoles. 1968, est un mouvement lointain mais demeure un point de référence dans la France actuelle. En Espagne, la situation était bien autre. Les discutables avancées des années 50 du franquisme s’adressaient à des hommes considérés comme des chefs de famille et les femmes ne disposaient que de droits qui en découlaient indirectement : l’éducation séparée par sexe était imposée ainsi que l’enseignement de matières destinées exclusivement aux jeunes filles, concernant l’entretien et le maintien du foyer. Le contrôle idéologique était à la charge de la « Sección Femenina de la Falange » dont l’objectif principal était d’éduquer la population féminine.

« Les femmes ne découvrent jamais rien ; il leur manque le talent créateur, réservé par Dieu pour les intelligences des hommes ; nous autres (les femmes) nous ne pouvons rien faire d’autre qu’interpréter ce que les hommes nous donnent déjà fait » (1942).

« La femme se soumet sans douleur ni amertume à la direction masculine même en cas de reconnaissance de carence d’autorité en la personne qui l’exerce » (1947).

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« Un monde gouverné par des femmes serait un monde à l’envers de comment Dieu l’avait planifié. Ce que Dieu fit, les femmes ne le changent pas » (1960).

« La fonction sociale de la femme est de servir dans son foyer dans ces fonctions que l’homme ne peut accomplir parce qu’il est pris par d’autres occupations » (1961).

« La docilité de la femme se traduit au plan amoureux par le désir véhément de se soumettre et au plan social par une méfiance systématique face à tout effort rénovateur » (1963)14.

Voilà quelques exemples pour illustrer cette situation de relégation, d’endoctrinement franquiste par rapport à la condition de la femme15. La doctrine

franquiste inculquait depuis le début de la dictature, la notion d’infériorité de la femme par rapport à l’homme et celui-ci avait le droit d’exercer sur elle un pouvoir presque total. Le rôle de la femme était le stéréotype de mère et femme au foyer et le rôle de l’homme celui d’être le fournisseur matériel pour la famille16. Pendant

la première partie de cette dictature (1939-60), la femme est considérée comme sentimentale, peu intelligente, généreuse et serviable. Ces qualités étaient nécessaires pour assumer ce qu’elle devait et pouvait faire dans la vie : être épouse, mère et femme au foyer. Ce n’est qu’à partir des années 60, avec les changements économiques et le boom du tourisme, qu’un changement « révolutionna » les idées et les habitudes de la société espagnole. En 1972, l’Eglise espagnole prévenait qu’il fallait éviter coûte que coûte que la femme veuille être pareille à l’homme en remplaçant « la délicatesse essentielle de sa psychologie par des processus intellectuels.17…» Rien d’étonnant dans ce contexte qu’il y ait eu en Espagne si peu de réalisatrices féminines et de sujets novateurs.

14 “Las mujeres nunca descubren nada; les falta talento creador, reservado por Dios para

inteligencias varoniles; nosotras no podemos hacer nada más que interpretar lo que los hombres nos dan hecho” (1942);

“La mujer se somete sin dolor y sin amargura a jefaturas masculinas, aun en el caso de reconocer la carencia de dotes de mando en la persona que lo ejerce” (1947);

“Un mundo gobernado por mujeres sería un mundo al revés de como Dios lo planeó. Lo que Dios hizo, no lo cambien las mujeres” (1960);

“La función social de la mujer es la de servir en su hogar en aquellas funciones que el hombre no puede desempeñar porque está en otros menesteres” (1961);

“La docilidad de la mujer se traduce en el plano amoroso por un afán de someterse, y en el plan social, por una desconfianza sistemática ante todo afán renovador” (1963).

15 Alonso Pérez, Matilde, Furió Blasco, Elies, 2007, El papel de la mujer en la sociedad española,

p. 9. http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/13/36/74/PDF/ consulté le 20/09/2009.

16 Ibidem

17 Astelarra, Judith, Veinte años de políticas de igualdad, Madrid, Cátedra, 2005, pp.106 et

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La première femme de poids dans le monde cinématographique espagnol fut la Catalane Rosario Pi, fondatrice, gérante et scénariste de la société de production Star Film. Il lui revient le mérite d’avoir produit les premiers films parlants de réalisateurs connus dans le panorama cinématographique espagnol des années 30 et 40 tels qu’Edgar Neville, Benito Perojo et Fernando Delgado18.

Femme entreprenante issue d’un milieu aussi éloigné du cinéma que pouvait l’être le négoce de la lingerie, elle réalisa deux films : El gato montés (1935) et Molinos de viento (1937), adaptations des zarzuelas (opérettes) éponymes de Manuel Penella et Ricardo Frutos. Son second film fut réalisé en pleine Guerre Civile, avec des moyens très rudimentaires et les difficultés inhérentes à la situation. Par contre, le premier, inscrit dans le genre de l’espagnolade avec la présence de gitans, de toreros, de bandits et du folklore autochtone en général, se fait remarquer car la réalisatrice narre avec une grande force et une certaine maîtrise technique une histoire d’amour fou, autour du triangle amoureux formé par un torero, une gitane et un bandit appelé « El gato montés ». Le film a une fin nécrophile car le personnage principal emmène le cadavre de sa bien-aimée dans son refuge et se fait tuer à ses côtés. Ceci ne prélude rien de moins que le célèbre dénouement de Abismos de Pasión (1953) de Luis Buñuel19.

Dans les années 50, la piste cinématographique de Rosario Pi fut perdue et Margarita Alexandre, actrice de rôles secondaires dans des films de réalisateurs importants durant près d’une décennie (1940-1952), fait la connaissance de Rafael Torrecilla. Celui-ci remplira deux fonctions, l’une comme partenaire sentimental pendant un demi-siècle et l’autre comme son assistant. Il collabore avec elle dans le tournage de trois films. Le premier, Cristo (1953), est un documentaire sur la vie de Jésus-Christ à travers des tableaux espagnols des XVIème et XVIIème siècles pour une grande majorité d’entre eux. Derrière la voix d’un narrateur les tableaux défilent sur l’écran. Puis vient le deuxième, La ciudad perdida (1954), au succès commercial très mitigé, traitant d’un activiste politique de gauche arrivant de France et traqué par la police. Les critiques réservent tel ou tel accueil : tandis que la réalisatrice elle-même fait allusion aux problèmes avec la

18 Gubern, Monteverde, Pérez Perucha, Riambau y Torreiro, Historia del cine español, Madrid,

Cátedra, 2009, p.133.

19 Torres, Augusto M., El cine español en 119 películas, Madrid, Alianza Editorial, 1997,

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censure franquiste pour avoir mis en scène, « l’humanisation d’un rouge »20, une

autre source décrit le film comme « une attaque insolente à l’activité communiste de l’intérieur »21. La troisième réalisation, La gata (1955), sera la plus célèbre : il s’agit d’un film situé dans l’Andalousie profonde qui se rapproche de la vie quotidienne dans un « cortijo » (ferme andalouse) et dépasse les lieux communs d’usage dans le portrait de la région. Il décrit les tâches relatives à l’élevage du taureau avec une rigueur digne d’un documentaire, sur un ton agreste où une valeur particulière est accordée à la présence physique qui rappelle le western. Sur ce fond de western se déroule une histoire d’amour tragique et passionnée avec, pour personnage principal, une femme voluptueuse qui se livre à l’homme qu’elle aime et meurt pour le sauver. On perçoit dans le portrait du personnage principal féminin des échos de la Jennifer Jones de Duel in the sun (King Vidor, 1947), dans un film un peu inachevé par l’impossibilité de créer le climat érotique précis à cause de la censure qui régnait à cette époque.22 Une fois ce film terminé,

le couple Torrecilla-Alexandre produit pour Nervion Films (leur propre maison de production), des films avec des metteurs en scène comme José Maria Forqué ou Antonio del Amo puis abandonne l’Espagne en 1958, tout en continuant à produire à Cuba pendant onze ans et, ultérieurement, en Italie.

La première Espagnole qui a consolidé une carrière cinématographique comme réalisatrice fut Ana Mariscal qui parvint à réaliser dix films, comme cela a déjà été mentionné. Elle est considérée comme la troisième grande réalisatrice femme. Avant de passer derrière la caméra elle fut une actrice célèbre, un nom incontournable du cinéma y du théâtre espagnol des années 40. « Polémique, polyvalent, paradoxale, contradictoire, imprévisible, le personnage d’Ana Mariscal est difficile à définir, mais pour cette raison, il est infiniment riche », c’est ainsi que la décrit Nancy Berthier23.

Ana Mariscal intervint toute jeune dans le film Raza (josé Luis Saenz de Heredia, 1941), paradigme du cinéma de propagande politique du régime, fondé sur un scénario de Franco lui-même.

20 Camí-Vela, María, « Une cinéaste espagnole dans la révolution cubaine », Revue El viejo topo,

nº 231, p.12.

21 Gubern, Monteverde, Pérez Perucha, Riambau y Torreiro, op.cit. p. 276. 22 Torres, Augusto M., op. cit. pp. 134-137.

23 Berthier, Nancy, Ana Mariscal, Directora de cine bajo el franquismo (aventura de Segundo López, aventurero urbano…), Filmar en femenino (Dir. Emmanuel Larraz), Dijon, Hispanística XX, 1996, p. 73.

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Comme nous le précise de la même manière Laurence Karoubi dans sa thèse24, Ana Mariscal est une femme de paradoxes. Tantôt elle soutient la cause

féminine par des actes tantôt elle écrit : « Les régimes, ce sont les hommes qui les établissent et moi je suis une femme, ils n’ont donc rien à voir avec moi et moi je n’ai rien à voir avec eux25». Elle a toujours revendiqué sa liberté et réfuté toute compromission politique ou idéologique malgré l’étiquette de « la musa del franquismo » qui lui a collé pendant longtemps26. De même, nous ne pouvons pas

parler d’Ana Mariscal actrice sans citer ses propos concernant cette profession :

« Je suis devenue actrice par inertie. On m’a appelée et j’ai dit me voici. Mais si le suis

restée ensuite, ce fut attachée par un de ces sentiments religieux, un « religare », un lien entre un dehors, hors de moi, et mon être intérieur, qui aspiraient à s’unir27».

Sa carrière comme réalisatrice, scénariste y productrice commence en 1952, quand elle crée avec son mari Valentín Javier, directeur de la photographie, la société de production Bosco Films. Elle débute cette même année dans la réalisation avec le film Segundo López, qui raconte avec des intentions néoréalistes les aventures d’un simple villageois qui arrive dans la grande ville. Il suit la trace du grand film néoréaliste Surcos (José Antonio Nieves Conde, 1951), mais n’avance pas sur le chemin de dénonciation et de turbidité ambiants de ce film. Au contraire, il s’inscrit dans le « néoréalisme bon enfant28». Malgré tout, il se

démarque du cinéma officiel de l’époque, même si cette tendance ne se confirme pas dans les films suivants qui ne jouissent pas d’une grande considération auprès des critiques actuels. Son second film, Con la vida hicieron fuego (1957), encore risqué et personnel, est un mélodrame aux résonances politiques sur le fond lointain de la Guerre Civile, mais il connut le même échec auprès du public que Segundo López. Cet échec incita la réalisatrice à s’orienter vers un cinéma commercial sans intérêt, avec des films comme La quiniela (1959), Feria en

24 Karoubi, Laurence, Ana Mariscal, une femme artiste dans l’Espagne de Franco, sous la

direction d’Emmanuel Larraz. Université de Bourgogne, UFR de Langues et Communication, thèse Doctorat, 20/12/2007.

25 Mariscal, Ana, Hombres, Editorial El Avapiés, Madrid, 1992, p. 41: “Los regímenes los

establecen los hombres y yo soy una mujer, ni tienen nada que ver conmigo ni yo tengo nada que ver con ellos”.

26 Karoubi, Laurence, op. cit. pp. 291-292.

27 Mariscal, Ana, Unamuno y la profesión de actor, 150 Aniversario Sociedad Bilbaina, Bilbao,

11/05/1989 et Teatro Romea, Murcia 15/11/1990, p.16: “Me hice actriz por inercia. Me llamaron y dije aquí estoy. Pero si después permanecí, fue por ese punto afectivo de toda religiosidad, ese “religare” entre algo fuera de mí y de mis propios adentros, que aspiran a su reunión”.

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Sevilla (1960), ¡Hola muchacho! (1961), Occidente y sabotaje (1962), Vestida de novia (1968) et El paseíllo (1968), empreints de populisme et de folklore. Ces films ont été tournés dans des conditions économiques difficiles, en peu de temps et dans lesquels c’est elle-même qui incarne le personnage féminin. Un de ses meilleurs films, El camino (1964), dans lequel elle intervient aussi comme coscénariste et coproductrice, est une adaptation d’un roman de Miguel Delibes, excellent tableau de la vie dans un petit village. L’intrigue tourne autour des péripéties de quatre enfants qui s’éveillent aux sentiments amoureux et à un large groupe d’adultes. Ce fut un film sans prétention, réalisé avec efficacité, sensibilité et humour29. Un deuxième très bon film a été Los duendes de Andalucía (1966),

qui même une réflexion sur l’identité de l’Espagne en relation avec le cliché gitan andalous, fuyant des endroits communs et jetant un regard étrange sur l’Espagne des années soixante30.

Entre 1968 et 1974 apparaissent les premiers mouvements organisés des femmes qui aboutirent au Movimiento Feminista Español non sans de fortes périodes de répression qui obligèrent ces femmes à la clandestinité. La période de transition fut un cadre politique propice pour le Mouvement Féministe espagnol. Celui-ci va se consolider en 76 avec l’organisation dans la semi-clandestinité des premières journées de libération de la femme avec une présence discrète de 500 femmes qui défièrent la peur de l’arrestation.31

En quatre ans, entre 1973 et 1977, trois réalisatrices débutent en Espagne, autant que dans les quatre-vingts années précédentes : Josefina Molina, Pilar Miró et Cecilia Bartolomé. Elles possèdent toutes une formation académique spécifique et ont suivi des cours à l’Ecole Officielle de Cinématographie. Toutes trois laissent une empreinte féministe et combative dans le cinéma espagnol, avec un succès inégal. Par ailleurs, ces trois réalisatrices adoptèrent le point de vue du genre pour la première fois dans le cinéma espagnol32.

La carrière la plus compliquée fut celle de Cecilia Bartolomé qui débuta en 1977 avec Vámonos, Bárbara, évoquant l’abandon du foyer par une femme mariée. Le personnage principal emmène avec elle sa fille pour réaliser un voyage

29 Torres, Augusto M., op. cit. pp. 232-235. 30 Berthier, Nancy, op. cit. pp. 85-86.

31 Alonso Pérez, Matilde, Furió Blasco, Elies, op. cit. p. 9.

32 Castejón Leorza, María, Mujeres directoras de cine. Entre el cine de mujeres y el punto de vista de género, IPES ELKARTEA, Pamplona, junio de 2011.

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initiatique de recherche de soi et avide de liberté. Dans ce film Cecilia Bartolomé reprend à son compte la subjectivité du désir sexuel féminin posé par Pilar Miró33.

Le documentaire composé en deux parties Después de … (1981) traite des expériences de la transition sur un ton critique, donnant la parole aux femmes. Il construit leur mémoire collective, n’a pas pu voir le jour dans la pratique car la protection officielle lui a été refusée et de ce fait la subvention correspondante, probablement comme censure cachée à cause de son contenu critique34. Il faudra

attendre quinze ans pour qu’elle réalise son dernier long métrage, Lejos de África (1996). Celui-ci est basé sur des expériences autobiographiques de sa jeunesse sur ce continent à l’époque de la décolonisation. Ce film boucle ainsi une ligne cohérente sur la transition, à deux niveaux, personnel et politique, engagé et féministe35, mais n’a obtenu qu’un infime succès commercial.

Josefina Molina et Pilar Miró se sont formées professionnellement à la télévision espagnole où elles ont travaillé de nombreuses années. Elles ont débuté ensemble dans un programme sur la beauté féminine. La première fut assistante de direction de la seconde. Ce programme leur a assuré un prestige bien mérité comme réalisatrices de productions dramatiques. Dans son autobiographie, Gary Cooper, que estás en los cielos…, Pilar Miró aborde leur relation : elles étaient les deux seules femmes de la télévision espagnole de l’époque, et on les confondait parfois (en insinuant que « l’autre » l’avait toujours imitée et que Josefina Molina était amoureuse d’elle). Toutes deux débutèrent dans la réalisation cinématographique avec des adaptations de récits du XIXème siècle – ou « d’époque » – d’auteurs français semblables à celles qu’elles avaient réalisées maintes fois pour le petit écran. Elles connaissaient le terrain sur lequel elles s’aventuraient : Josefina Molina avec Vera, un cuento cruel (1973) et Pilar Miró avec La petición (1976). Les deux films avaient souffert de certaines longueurs injustifiées dans les scènes avec, comme unique but, celui d’adapter à la durée habituelle du long métrage des récits qui se seraient mieux ajustés au temps d’un espace de télévision. Et les deux réalisatrices proposent dans ces premières œuvres des figures puissantes de femmes : Vera est le nom d’une

33 Cruz, Jacqueline, Zecchi, Barbara (eds.), La mujer española en la España actual, Barcelona,

Icaria editorial, 2004, p. 321.

34 Monteverde, José Enrique, Veinte años de cine español, Barcelona, Paidós Studio, 1993, p. 72. 35 Cerdán, Jostexo, Díaz López, Marina (eds.) Cecilia Bartolomé. El encanto de la lógica, La

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défunte qui obnubile par sa beauté son veuf et son majordome au point qu’ils s’isolent et maintiennent l’illusion qu’elle vit toujours. Par contre, dans La petición, le rôle principal est joué par une jeune fille de bonne famille sadique jusqu’au crime, se démarquant ainsi du récit original Por una noche de amor de Zola qui se centrait sur la figure de sa victime, l’homme muet. Ce personnage de manipulatrice sans scrupules se rebelle à sa manière – comme le souligne la réalisatrice – contre une société hypocrite et fourbe, obscurantiste et corrompue de l’intérieur.

Toutes deux s’aventurèrent dans des sujets de scénarios « scabreux » la même année. Josefina Molina réalisa un des épisodes du film oublié sur le sexe Cuentos eróticos (1979) et Pilar Miró recréa un fait divers qui avait eu lieu au début du XXème siècle dans El crimen de Cuenca (1979). Ce film relate l’arrestation et la torture de deux innocents accusés d’un crime qu’ils n’ont jamais commis. Sa sortie causa un grand scandale qui entraîna sa saisie, mais il devint, par réaction, un des plus grands films à succès du cinéma espagnol avec plus de deux millions et demi de spectateurs. Toujours en même temps, elles passèrent à des registres plus intimistes, Josefina Molina avec un docudrame, Función de noche (1981), et Pilar Miró avec le drame Gary Cooper que estás en los cielos … (1980). Elle y laisse transparaître le désenchantement d’une époque qui promettait beaucoup avec la réinstauration de la démocratie malgré la crise, la désespérance et le besoin de changement36. La preuve de l’implication

personnelle des deux réalisatrices dans leurs projets respectifs est que Josefina Molina a recourt au montage théâtral qu’elle-même avait dirigé pour l’œuvre de Delibes Cinco horas con Mario et à son actrice principale Lola Herrera, pour mener une réflexion sur la société du moment, dans une perspective féministe affirmée qui met l’accent sur les frustrations que l’éducation répressive reçue occasionna chez les femmes de l’après-guerre. De son côté, Pilar Miró s’appuie sur des expériences autobiographiques – un grave problème de santé qui la place au seuil de la mort, l’expérience professionnelle au sein de Televisión Española, son propre caractère combatif – pour configurer son personnage principal.

Toutes les deux abordèrent aussi d’importantes productions d’époque, adoptant de prestigieux textes littéraires. Josefina Molina, avec Esquilache (1988), adapte la pièce de théâtre de Buero Vallejo Un soñador para un pueblo

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qui propose une réflexion plus qu’un parcours historique sur le règne éclairé de Carlos III. Ce film ne connut aucun succès peut-être précisément à cause de son message trop pédagogique et de son manque de force. Pilar Miró, elle, réalise El perro del hortelano (1995), comédie basée sur l’œuvre éponyme de Lope de Vega, qui, vu le ton léger et l’excellence du matériel original, connut un grand succès dans le cinéma national, contrairement au film de Josefina Molina. Les deux réalisatrices recréèrent également chacune des histoires sur le lieu et l’époque de leur naissance. D’un côté, Josefina Molina avec La Lola se va a los puertos (1993), dont l’origine est une œuvre des frères Machado, dénonciation du caciquisme andalou et l’inspiration de la liberté féminine. De l’autre côté, Pilar Miró avec Tu nombre envenena mis sueños (1996), récit policier basé sur un roman de Joaquín Leguina, qui se situe à Madrid sur deux périodes différentes, les années de la Guerre Civile et l’après-guerre, dénonciation des sinistres systèmes fascistes qui détenaient le pouvoir à cette époque-là.

Après avoir passé en revue les similitudes entre les carrières des deux réalisatrices, il faut citer également leur interdisciplinarité. En effet, toutes deux obtinrent de grands succès comme metteurs en scène théâtrales. Par ailleurs, Pilar Miró osa aborder l’opéra et Josefina Molina publia des romans. Il est probable qu’elles lui doivent, au-delà de leurs productions cinématographiques, non seulement leur formation pratique devant la caméra, mais encore leur célébrité auprès du grand public. Mais elles entretiennent des relations complexes avec la télévision. Josefina Molina obtient un bien plus grand succès avec la série Teresa de Jesús, voire avec le téléfilm El camino (adaptation de l’œuvre de Delibes qui avait déjà été portée au cinéma par Ana Mariscal), qu’avec ses films, mais a ressenti une grande déception en constatant que l’arrivée au pouvoir du Parti Socialiste n’avait pas entraîné pas une amélioration de la télévision. Après l’avoir abandonné définitivement en 1999, elle tenait sur la politique de cette institution des propos vraiment durs car, pour elle, la télévision n’avait pas évolué dans le sens de la pluralité et de la culture sinon vers la télévision-poubelle.

Pour sa part, Pilar Miró occupa, durant un peu plus de deux ans (1986-1989), la plus haute responsabilité au sein de l’organisme public, la charge de Directrice Générale de la Télévision Espagnole, à la demande directe du Président du Gouvernement, Felipe González. Même si, avec le recul, sa gestion a été pondérée en reconnaissance de son effort pour apporter la pluralité aux

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