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Partie 1. LA REALISATRICE ET LE CINEMA EN ESPAGNE

A. Les pionnières du cinéma espagnol féminin

C. L’empreinte personnaliste de Pilar Miró

II. LA GENERATION D’ICIAR BOLLAIN

A. Mémoire et Identité / Identité et Mémoire B. Les structures « masculines », l’homme faible C. Les relations hétérosexuelles conflictuelles D. Le succès des « outsiders »

E. Spécificité de l’écriture cinématographique du cinéma espagnol féminin de fin du XXème siècle

III. ICIAR BOLLAIN : un cas exemplaire de son époque

A. La fonctionnalité de son écriture cinématographique 1. Structure du récit et diégèse

2. Mise en scène ; l’œil qui voit 3. Le sens éthique des localisations

B. L’intention didactique ou les divers niveaux d’implication du spectateur dans le récit

1. La stratégie narrative

2. Rééduquer le regard ou la subversion scénique 3. La mise en scène qui inclut le spectateur

C. Une vision critique de la réalité : à la recherche de nouveaux modèles entre hommes et femmes

Partie 1. LA REALISATRICE ET LE CINEMA EN ESPAGNE

I. LE CINEMA FEMININ ESPAGNOL ANTERIEUR À 1990

A. Les pionnières du cinéma espagnol féminin

Le nombre de femmes réalisatrices en Espagne a été réellement limité jusqu’à 1970 : seul quatre noms qui, en fonction des sources, peuvent se réduire à trois, car certains auteurs ne considèrent pas Elena Cortesina comme la réalisatrice de Flor de España o la leyenda de un torero (1921). Il semblerait que celle-ci, co-protagoniste avec ses deux sœurs, remplaça José María Granada, le clerc-dramaturge, qui avait abandonné le tournage. Cependant, la moindre importance du film, son insuccès, le manque d’originalité de sa thématique – il s’inscrivait dans un courant particulier de feuilletons sur le monde taurin – et l’inexistence d’autres réalisations postérieures d’Elena Cortesina minimisent la dimension pionnière de ses réalisations. Néanmoins, Elena Cortesina demeure la première femme espagnole à réaliser un long métrage en Espagne11.

Ce sont Rosario Pi dans les années 1930, ainsi que Margarita Alexandre et Ana Mariscal, figures emblématiques dans les années 50 qui, sans jamais atteindre une reconnaissance ou un prestige comparable à ceux des réalisateurs contemporains les plus remarquables, doivent être citées comme les véritables pionnières du cinéma féminin en Espagne. Quel souvenir avons-nous d’Ana Mariscal ? Probablement son travail comme actrice. Néanmoins, et comme l’a signalé Trinidad Núñez en 2008, Ana Mariscal est un cas atypique du cinéma espagnol parce qu’elle est l’une des rares femmes à avoir pu réaliser dix films12.

Une liste aussi courte pourrait s’expliquer en termes sociopolitiques : la patriarcale dictature franquiste ne laissait guère de place aux femmes entreprenantes et rendait très difficile leur accès à la quasi-totalité des secteurs professionnels. Un des domaines où une femme avait plus que des difficultés à y accéder est bien le monde cinématographique et, plus précisément, celui de la

11 Núñez Domínguez, Trinidad, Loscertales Abril, Felicidad, Las Mujeres y los Medios de Comunicación -Una mirada de veinte años (1989-2009), Instituto Andaluz de la Mujer, 2009,

p. 160 “Elena Cortesina ha sido la primera mujer que dirige un largometraje en nuestro país. Lo

consigue en 1921 con la película Flor de España o la leyenda de un torero”.

12 Ibidem p. 159 “es un caso atípico del cine español porque es una de las pocas mujeres que consiguió dirigir diez películas”.

réalisation. Les lois, l’éducation et le traditionalisme espagnol ne permettaient pas à la femme de s’épanouir ou, parfois tout simplement, d’accéder au marché du travail. Néanmoins, en comparaison avec les chiffres de réalisatrices d’autres pays (300), une telle explication s’avère trop simpliste. Le Diccionario de mujeres directoras d’Azucena Merino nous réserve quelques surprises : sur trois cents femmes réalisatrices citées, quatre-vingt-une débutent avant 1970 et cinquante à peine ne sont pas américaines13. Trois Espagnoles, chiffre non négligeable si l’on

compare celui-ci avec les sept Britanniques, six Allemandes, cinq Soviétiques, quatre Danoises, deux Suédoises ou deux Italiennes qui débutent avant cette année-là. Néanmoins, les réalisatrices espagnoles ne se situent qu’à une certaine distance des neuf Françaises. Il s’est produit une remarquable augmentation du nombre de celles-ci à partir de la fin des années 60 – années 80 en Espagne –, mais le nombre limité de réalisatrices avant 1970 semble être plus justifié par une situation que l’on retrouve à l’échelle du machisme régnant dans l’industrie cinématographique mondiale que par les circonstances sociologiques propres à l’Espagne.

« Il est interdit d’interdire », tel était le fameux slogan qui résonnait dans les rues de Paris en 1968. Une jeunesse qui revendiquait d’autres façons de vivre où l’égoïsme remplaçait la famille, la solidarité de groupe, les institutions et l’imaginaire individuel, les usines et les écoles. 1968, est un mouvement lointain mais demeure un point de référence dans la France actuelle. En Espagne, la situation était bien autre. Les discutables avancées des années 50 du franquisme s’adressaient à des hommes considérés comme des chefs de famille et les femmes ne disposaient que de droits qui en découlaient indirectement : l’éducation séparée par sexe était imposée ainsi que l’enseignement de matières destinées exclusivement aux jeunes filles, concernant l’entretien et le maintien du foyer. Le contrôle idéologique était à la charge de la « Sección Femenina de la Falange » dont l’objectif principal était d’éduquer la population féminine.

« Les femmes ne découvrent jamais rien ; il leur manque le talent créateur, réservé par Dieu pour les intelligences des hommes ; nous autres (les femmes) nous ne pouvons rien faire d’autre qu’interpréter ce que les hommes nous donnent déjà fait » (1942).

« La femme se soumet sans douleur ni amertume à la direction masculine même en cas de reconnaissance de carence d’autorité en la personne qui l’exerce » (1947).

« Un monde gouverné par des femmes serait un monde à l’envers de comment Dieu l’avait planifié. Ce que Dieu fit, les femmes ne le changent pas » (1960).

« La fonction sociale de la femme est de servir dans son foyer dans ces fonctions que l’homme ne peut accomplir parce qu’il est pris par d’autres occupations » (1961).

« La docilité de la femme se traduit au plan amoureux par le désir véhément de se soumettre et au plan social par une méfiance systématique face à tout effort rénovateur » (1963)14.

Voilà quelques exemples pour illustrer cette situation de relégation, d’endoctrinement franquiste par rapport à la condition de la femme15. La doctrine

franquiste inculquait depuis le début de la dictature, la notion d’infériorité de la femme par rapport à l’homme et celui-ci avait le droit d’exercer sur elle un pouvoir presque total. Le rôle de la femme était le stéréotype de mère et femme au foyer et le rôle de l’homme celui d’être le fournisseur matériel pour la famille16. Pendant

la première partie de cette dictature (1939-60), la femme est considérée comme sentimentale, peu intelligente, généreuse et serviable. Ces qualités étaient nécessaires pour assumer ce qu’elle devait et pouvait faire dans la vie : être épouse, mère et femme au foyer. Ce n’est qu’à partir des années 60, avec les changements économiques et le boom du tourisme, qu’un changement « révolutionna » les idées et les habitudes de la société espagnole. En 1972, l’Eglise espagnole prévenait qu’il fallait éviter coûte que coûte que la femme veuille être pareille à l’homme en remplaçant « la délicatesse essentielle de sa psychologie par des processus intellectuels.17…» Rien d’étonnant dans ce contexte qu’il y ait eu en Espagne si peu de réalisatrices féminines et de sujets novateurs.

14 “Las mujeres nunca descubren nada; les falta talento creador, reservado por Dios para

inteligencias varoniles; nosotras no podemos hacer nada más que interpretar lo que los hombres nos dan hecho” (1942);

“La mujer se somete sin dolor y sin amargura a jefaturas masculinas, aun en el caso de reconocer la carencia de dotes de mando en la persona que lo ejerce” (1947);

“Un mundo gobernado por mujeres sería un mundo al revés de como Dios lo planeó. Lo que Dios hizo, no lo cambien las mujeres” (1960);

“La función social de la mujer es la de servir en su hogar en aquellas funciones que el hombre no puede desempeñar porque está en otros menesteres” (1961);

“La docilidad de la mujer se traduce en el plano amoroso por un afán de someterse, y en el plan social, por una desconfianza sistemática ante todo afán renovador” (1963).

15 Alonso Pérez, Matilde, Furió Blasco, Elies, 2007, El papel de la mujer en la sociedad española,

p. 9. http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/13/36/74/PDF/ consulté le 20/09/2009.

16 Ibidem

17 Astelarra, Judith, Veinte años de políticas de igualdad, Madrid, Cátedra, 2005, pp.106 et

La première femme de poids dans le monde cinématographique espagnol fut la Catalane Rosario Pi, fondatrice, gérante et scénariste de la société de production Star Film. Il lui revient le mérite d’avoir produit les premiers films parlants de réalisateurs connus dans le panorama cinématographique espagnol des années 30 et 40 tels qu’Edgar Neville, Benito Perojo et Fernando Delgado18.

Femme entreprenante issue d’un milieu aussi éloigné du cinéma que pouvait l’être le négoce de la lingerie, elle réalisa deux films : El gato montés (1935) et Molinos de viento (1937), adaptations des zarzuelas (opérettes) éponymes de Manuel Penella et Ricardo Frutos. Son second film fut réalisé en pleine Guerre Civile, avec des moyens très rudimentaires et les difficultés inhérentes à la situation. Par contre, le premier, inscrit dans le genre de l’espagnolade avec la présence de gitans, de toreros, de bandits et du folklore autochtone en général, se fait remarquer car la réalisatrice narre avec une grande force et une certaine maîtrise technique une histoire d’amour fou, autour du triangle amoureux formé par un torero, une gitane et un bandit appelé « El gato montés ». Le film a une fin nécrophile car le personnage principal emmène le cadavre de sa bien-aimée dans son refuge et se fait tuer à ses côtés. Ceci ne prélude rien de moins que le célèbre dénouement de Abismos de Pasión (1953) de Luis Buñuel19.

Dans les années 50, la piste cinématographique de Rosario Pi fut perdue et Margarita Alexandre, actrice de rôles secondaires dans des films de réalisateurs importants durant près d’une décennie (1940-1952), fait la connaissance de Rafael Torrecilla. Celui-ci remplira deux fonctions, l’une comme partenaire sentimental pendant un demi-siècle et l’autre comme son assistant. Il collabore avec elle dans le tournage de trois films. Le premier, Cristo (1953), est un documentaire sur la vie de Jésus-Christ à travers des tableaux espagnols des XVIème et XVIIème siècles pour une grande majorité d’entre eux. Derrière la voix d’un narrateur les tableaux défilent sur l’écran. Puis vient le deuxième, La ciudad perdida (1954), au succès commercial très mitigé, traitant d’un activiste politique de gauche arrivant de France et traqué par la police. Les critiques réservent tel ou tel accueil : tandis que la réalisatrice elle-même fait allusion aux problèmes avec la

18 Gubern, Monteverde, Pérez Perucha, Riambau y Torreiro, Historia del cine español, Madrid,

Cátedra, 2009, p.133.

19 Torres, Augusto M., El cine español en 119 películas, Madrid, Alianza Editorial, 1997,

censure franquiste pour avoir mis en scène, « l’humanisation d’un rouge »20, une

autre source décrit le film comme « une attaque insolente à l’activité communiste de l’intérieur »21. La troisième réalisation, La gata (1955), sera la plus célèbre : il s’agit d’un film situé dans l’Andalousie profonde qui se rapproche de la vie quotidienne dans un « cortijo » (ferme andalouse) et dépasse les lieux communs d’usage dans le portrait de la région. Il décrit les tâches relatives à l’élevage du taureau avec une rigueur digne d’un documentaire, sur un ton agreste où une valeur particulière est accordée à la présence physique qui rappelle le western. Sur ce fond de western se déroule une histoire d’amour tragique et passionnée avec, pour personnage principal, une femme voluptueuse qui se livre à l’homme qu’elle aime et meurt pour le sauver. On perçoit dans le portrait du personnage principal féminin des échos de la Jennifer Jones de Duel in the sun (King Vidor, 1947), dans un film un peu inachevé par l’impossibilité de créer le climat érotique précis à cause de la censure qui régnait à cette époque.22 Une fois ce film terminé,

le couple Torrecilla-Alexandre produit pour Nervion Films (leur propre maison de production), des films avec des metteurs en scène comme José Maria Forqué ou Antonio del Amo puis abandonne l’Espagne en 1958, tout en continuant à produire à Cuba pendant onze ans et, ultérieurement, en Italie.

La première Espagnole qui a consolidé une carrière cinématographique comme réalisatrice fut Ana Mariscal qui parvint à réaliser dix films, comme cela a déjà été mentionné. Elle est considérée comme la troisième grande réalisatrice femme. Avant de passer derrière la caméra elle fut une actrice célèbre, un nom incontournable du cinéma y du théâtre espagnol des années 40. « Polémique, polyvalent, paradoxale, contradictoire, imprévisible, le personnage d’Ana Mariscal est difficile à définir, mais pour cette raison, il est infiniment riche », c’est ainsi que la décrit Nancy Berthier23.

Ana Mariscal intervint toute jeune dans le film Raza (josé Luis Saenz de Heredia, 1941), paradigme du cinéma de propagande politique du régime, fondé sur un scénario de Franco lui-même.

20 Camí-Vela, María, « Une cinéaste espagnole dans la révolution cubaine », Revue El viejo topo,

nº 231, p.12.

21 Gubern, Monteverde, Pérez Perucha, Riambau y Torreiro, op.cit. p. 276. 22 Torres, Augusto M., op. cit. pp. 134-137.

23 Berthier, Nancy, Ana Mariscal, Directora de cine bajo el franquismo (aventura de Segundo López, aventurero urbano…), Filmar en femenino (Dir. Emmanuel Larraz), Dijon, Hispanística XX, 1996, p. 73.

Comme nous le précise de la même manière Laurence Karoubi dans sa thèse24, Ana Mariscal est une femme de paradoxes. Tantôt elle soutient la cause

féminine par des actes tantôt elle écrit : « Les régimes, ce sont les hommes qui les établissent et moi je suis une femme, ils n’ont donc rien à voir avec moi et moi je n’ai rien à voir avec eux25». Elle a toujours revendiqué sa liberté et réfuté toute compromission politique ou idéologique malgré l’étiquette de « la musa del franquismo » qui lui a collé pendant longtemps26. De même, nous ne pouvons pas

parler d’Ana Mariscal actrice sans citer ses propos concernant cette profession :

« Je suis devenue actrice par inertie. On m’a appelée et j’ai dit me voici. Mais si le suis

restée ensuite, ce fut attachée par un de ces sentiments religieux, un « religare », un lien entre un dehors, hors de moi, et mon être intérieur, qui aspiraient à s’unir27».

Sa carrière comme réalisatrice, scénariste y productrice commence en 1952, quand elle crée avec son mari Valentín Javier, directeur de la photographie, la société de production Bosco Films. Elle débute cette même année dans la réalisation avec le film Segundo López, qui raconte avec des intentions néoréalistes les aventures d’un simple villageois qui arrive dans la grande ville. Il suit la trace du grand film néoréaliste Surcos (José Antonio Nieves Conde, 1951), mais n’avance pas sur le chemin de dénonciation et de turbidité ambiants de ce film. Au contraire, il s’inscrit dans le « néoréalisme bon enfant28». Malgré tout, il se

démarque du cinéma officiel de l’époque, même si cette tendance ne se confirme pas dans les films suivants qui ne jouissent pas d’une grande considération auprès des critiques actuels. Son second film, Con la vida hicieron fuego (1957), encore risqué et personnel, est un mélodrame aux résonances politiques sur le fond lointain de la Guerre Civile, mais il connut le même échec auprès du public que Segundo López. Cet échec incita la réalisatrice à s’orienter vers un cinéma commercial sans intérêt, avec des films comme La quiniela (1959), Feria en

24 Karoubi, Laurence, Ana Mariscal, une femme artiste dans l’Espagne de Franco, sous la

direction d’Emmanuel Larraz. Université de Bourgogne, UFR de Langues et Communication, thèse Doctorat, 20/12/2007.

25 Mariscal, Ana, Hombres, Editorial El Avapiés, Madrid, 1992, p. 41: “Los regímenes los

establecen los hombres y yo soy una mujer, ni tienen nada que ver conmigo ni yo tengo nada que ver con ellos”.

26 Karoubi, Laurence, op. cit. pp. 291-292.

27 Mariscal, Ana, Unamuno y la profesión de actor, 150 Aniversario Sociedad Bilbaina, Bilbao,

11/05/1989 et Teatro Romea, Murcia 15/11/1990, p.16: “Me hice actriz por inercia. Me llamaron y dije aquí estoy. Pero si después permanecí, fue por ese punto afectivo de toda religiosidad, ese “religare” entre algo fuera de mí y de mis propios adentros, que aspiran a su reunión”.

Sevilla (1960), ¡Hola muchacho! (1961), Occidente y sabotaje (1962), Vestida de novia (1968) et El paseíllo (1968), empreints de populisme et de folklore. Ces films ont été tournés dans des conditions économiques difficiles, en peu de temps et dans lesquels c’est elle-même qui incarne le personnage féminin. Un de ses meilleurs films, El camino (1964), dans lequel elle intervient aussi comme coscénariste et coproductrice, est une adaptation d’un roman de Miguel Delibes, excellent tableau de la vie dans un petit village. L’intrigue tourne autour des péripéties de quatre enfants qui s’éveillent aux sentiments amoureux et à un large groupe d’adultes. Ce fut un film sans prétention, réalisé avec efficacité, sensibilité et humour29. Un deuxième très bon film a été Los duendes de Andalucía (1966),

qui même une réflexion sur l’identité de l’Espagne en relation avec le cliché gitan andalous, fuyant des endroits communs et jetant un regard étrange sur l’Espagne des années soixante30.

Entre 1968 et 1974 apparaissent les premiers mouvements organisés des femmes qui aboutirent au Movimiento Feminista Español non sans de fortes périodes de répression qui obligèrent ces femmes à la clandestinité. La période de transition fut un cadre politique propice pour le Mouvement Féministe espagnol. Celui-ci va se consolider en 76 avec l’organisation dans la semi-clandestinité des premières journées de libération de la femme avec une présence discrète de 500 femmes qui défièrent la peur de l’arrestation.31

En quatre ans, entre 1973 et 1977, trois réalisatrices débutent en Espagne, autant que dans les quatre-vingts années précédentes : Josefina Molina, Pilar Miró et Cecilia Bartolomé. Elles possèdent toutes une formation académique spécifique et ont suivi des cours à l’Ecole Officielle de Cinématographie. Toutes trois laissent une empreinte féministe et combative dans le cinéma espagnol, avec un succès inégal. Par ailleurs, ces trois réalisatrices adoptèrent le point de vue du genre pour la première fois dans le cinéma espagnol32.

La carrière la plus compliquée fut celle de Cecilia Bartolomé qui débuta en 1977 avec Vámonos, Bárbara, évoquant l’abandon du foyer par une femme mariée. Le personnage principal emmène avec elle sa fille pour réaliser un voyage

29 Torres, Augusto M., op. cit. pp. 232-235. 30 Berthier, Nancy, op. cit. pp. 85-86.

31 Alonso Pérez, Matilde, Furió Blasco, Elies, op. cit. p. 9.

32 Castejón Leorza, María, Mujeres directoras de cine. Entre el cine de mujeres y el punto de vista de género, IPES ELKARTEA, Pamplona, junio de 2011.

initiatique de recherche de soi et avide de liberté. Dans ce film Cecilia Bartolomé reprend à son compte la subjectivité du désir sexuel féminin posé par Pilar Miró33.

Le documentaire composé en deux parties Después de … (1981) traite des expériences de la transition sur un ton critique, donnant la parole aux femmes. Il construit leur mémoire collective, n’a pas pu voir le jour dans la pratique car la protection officielle lui a été refusée et de ce fait la subvention correspondante, probablement comme censure cachée à cause de son contenu critique34. Il faudra

attendre quinze ans pour qu’elle réalise son dernier long métrage, Lejos de África (1996). Celui-ci est basé sur des expériences autobiographiques de sa jeunesse sur ce continent à l’époque de la décolonisation. Ce film boucle ainsi une ligne

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