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D ESCRIPTION ET CARACTÉRISATION DU MATÉRIEL D’ÉTUDE

DESCRIPTION ET CARACTÉRISATION DU MATÉRIEL D’ÉTUDE

III. AUTRES ZONES DE PRODUCTION SIDÉRURGIQUE

Cette deuxième partie est consacrée à d’autres zones de production qui seront considérées dans cette étude : l’Andorre, la Montagne Noire et le Dauphiné. Nous avons cherché à caractériser leurs signatures chimiques afin de pouvoir les comparer à celle de la zone ariégeoise et tester ainsi des hypothèses de provenance.

III.1. L’ANDORRE

L’activité sidérurgique en Andorre se développa entre les XVIIe et XIXe siècles (Codina et al., 2001a). Il est donc à noter que cette phase d’activité ne correspond pas à la période considérée pour notre problématique (XIIIe-XVe siècles). Néanmoins, nous avons souhaité établir la signature chimique de cet espace sidérurgique afin de comparer les signatures de différents espaces sidérurgiques et tester par conséquent la méthodologie qui sera mise en place dans le Chapitre IV.

Dans cet objectif, nous avons établi un corpus d’échantillons issus de deux forges à la catalane119 du XIXe et XVIIIe siècles : la Farga Rossell et la Farga Areny. La forge Rossell, qui fut construite en 1842 et a fonctionné jusqu’en 1876, est constituée d’un bas foyer, d’un gros marteau et d’un martinet120 (Codina et al., 2001b). La forge Areny est quant à elle plus ancienne que la forge Rossell. Des échantillons représentatifs de la totalité de la chaîne opératoire (minerais, scories, produits ferreux) ont été collectés sur les deux forges fouillées.

La typologie des déchets est variée. Les scories analysées ici sont issues du bas foyer (Figure III.23). Le minerai employé sur les deux forges provenait du gisement de la mine de la Coma de Ransol, sur le versant est du massif de la Serrera. La signature que nous établirons pour l’Andorre sera donc caractéristique de ce gisement. Plusieurs fragments centimétriques de minerai retrouvés dans le four de grillage des deux forges ont également été analysés.

119« Le procédé à la catalane est une méthode directe de réduction du minerai de fer qui apparaît dans l’est des Pyrénées au XVIIe siècle. Il est caractérisé par la présence d’un foyer quadrangulaire dont certaines parois sont constituées de pièces métalliques, par l’utilisation d’une trompe hydro-éolienne comme appareil de soufflerie et d’un marteau hydraulique pour cingler et étirer la loupe (massé) ». Cf. Cantelaube & Codina (2008).

120Notons qu’une ligne de recherche traite de la sidérurgie au sein du Servei de Recerca Històrica du Patrimoni Cultural d’Andorra.

Figure III.23 − Différents types de scories mises au jour sur les Farga Areny et Farga Rossell et analysées dans ce travail : (FA ss Cntx) : fragment de la sole du bas foyer, scorie compacte ; (FA9101) : partie d’une coulée du chio ; (FR641) : scories coulées très poreuses (clichés O.Codina)

Les résultats des éléments majeurs obtenus sur ces échantillons indiquent des teneurs en Fe et Mn élevées pour les minerais de la vallée de Ransol (45%mass<Fe<66%mass, 3,3%mass<Mn<5%mass). Le minerai trouvé sur les sites des deux forges andorranes est plutôt pauvre en Ca (~0,5%mass). Le grillage du minerai aurait ainsi permis la dissociation des carbonates car les minerais géologiques sont décrits comme étant chargés de carbonates calcaires (Codina et al., 2001a). Les scories sont principalement composées de Fe (~38%mass), Mn (~6%mass), Si (~13%mass) et Al (~2,4%mass). On trouve également des teneurs non négligeables en K et Ca (0,8%mass et 1,8%mass respectivement). Elles sont en revanche très pauvres en Na, Mg, P et S (<0,5%mass).

Figure III.24 − Compositions en éléments majeurs des scories et minerais collectés sur les Farga Rossell et Farga Areny. Rectangle rouge : échantillons de scories. Rectangle noir : échantillons de minerais (EDS)

Les résultats des éléments traces mettent en lumière, autant pour les minerais que les scories, des teneurs importantes en Ti (~1003ppm), V (~366ppm), Ba (~136ppm) et dans une moindre mesure Zr (~41 ppm) (Figure III.25). Nous constatons que les échantillons de scories présentent des compositions assez homogènes à l’exception des éléments Cr (3<ppm<25) et Zr (1<ppm<78). Il a déjà été vu que cette dispersion de concentration peut être inhérente aux phénomènes de pollution.

Figure III.25 − Compositions en éléments traces des scories et minerais collectés sur les Farga Rossell et Farga Areny. Rectangle rouge : échantillons de scories. Rectangle noir : échantillons de minerais (ICP-MS, INAA)

Des produits ferreux ont été associés aux précédents échantillons pour constituer le corpus andorran. La production de la forge Rossell était essentiellement des pièces semi-manufacturées (des barres, des verges, …). Nous avons étudié :

ƒ une pièce (un lingot de fer) qui servait à supporter le nez de la tuyère dans le bas foyer et qui, d’après les textes, a été manufacturée à la forge,

ƒ un fragment d’une plaque, production courante à la forge121,

ƒ un fragment de métal retrouvé au fond du canal d’évacuation de la forge et qui pourrait correspondre à un « masser perdu »122,

ƒ un fragment de fer ayant la forme d’une tirette.

La forge Areny fabriquait certains produits finis. Seuls des fragments de fer, des déchets de martelage ont été ici considérés.

121Certaines pourraient provenir de déchets de découpe.

122A une réduction ratée dont les forgeurs s’étaient débarrassés à chaud.

Sc Y Nb Cs La Ce Nd Sm Eu Yb Hf Th U Ti V Cr Rb Sr Zr Ba Mo Sb Ta Co

III.2. LA MONTAGNE NOIRE

Le nombre de ferriers recensés dans la région de la Montagne Noire, au sud-ouest du Massif Central, témoignent d’une activité sidérurgique importante. Au Moyen Âge, celle-ci est attestée au sud, dans le Minervois, ainsi qu’au Nord, à Lacaune (Verna, 2000).

Le site métallurgique du domaine des Forges, aux Martys, est un site de référence d’époque gallo-romaine fouillé depuis 1972. De nombreux travaux ont été réalisés sur le centre des Martys ; on citera les travaux de l’équipe de C. Domergue (Université de Toulouse) (Domergue, 1993 ; Jarrier, et al., 1995 ; 1996). Dans ce travail, la caractérisation de la signature de la Montagne Noire reposera sur les résultats de compositions obtenus sur des minerais et scories de cet atelier sidérurgique et publiés par Coustures et al. (2003). Les minerais de la Montagne Noire sont également caractérisés par des teneurs élevées en Mn (~2%mass) et faibles en P (<0,5%mass).

Il n’existe aucun témoignage que ce centre de production ait utilisé le minerai exploité à l’époque médiévale. Par conséquent, il se peut que la zone d’activité sidérurgique médiévale ne présente pas exactement la même signature chimique123. Néanmoins, ces échantillons permettront de fournir de bons éléments de comparaison avec ceux retrouvés en Ariège dans ce travail.

III.3. LE DAUPHINE

Enfin, nous nous sommes intéressés à la signature chimique du Dauphiné. Nous avons vu, en effet, que cette région aurait pu approvisionner la construction du Palais des Papes d’Avignon (Cf. Chapitre I § IV.6). L’ensemble sidérurgique et minier des environs d’Allevard, aux confins du Dauphiné, est particulièrement riche et en exploitation depuis l’époque médiévale.

La communauté d’Allevard vouée à la sidérurgie regroupe plusieurs vallées environnantes et domine un puissant gisement de fer.

Dans une première approche, pour établir la signature de cet espace sidérurgique, nous avons analysé les échantillons disponibles dans la base PalSid, c’est-à-dire ceux mis au jour sur le site de la Pelouse. Il s’agit d’un site daté du XVIIe siècle qui appartient au district sidérurgique d’Allevard124. A cette période, des martinets, autre type de forge hydraulique de réduction directe, étaient alors implantés dans la région125.

123Des études montrent que les gisements ferrifères (chapeau de fer ou gossan) de la Montagne Noire sont de deux types (Domergue, 1993). Un premier type contient des teneurs significatives en As (Saksigne, Cabrespine), le deuxième des teneurs en plomb et zinc (la Loubatière, la Caunette).

124Pour plus de renseignements, le lecteur pourra se reporter au rapport de sondage du site de la Pelouse (Bruno-Dupraz & Peyre, 1988).

125Le martinet du Dauphiné pourrait associer martelage et soufflerie hydrauliques dès l’origine. Belhoste (2000) Martinetus et fusina dans la sidérurgie alpine aux XIIIeet XIVe siècles, in Il Ferro Nelle Alpi.

Le corpus est constitué de scories, coulées majoritairement, ainsi que de deux minerais (PEL87 10 et PEL87 11). La composition en éléments majeurs de ces échantillons est issue de la base PalSid126 tandis que nous avons réalisé l’analyse en éléments traces. Ces résultats de composition sont présentés dans la Figure III.26. Nous constatons que les échantillons sont caractérisées par une concentration importante en Mn (~3%mass). Les éléments traces les plus abondants (>50ppm) sont Y, Ti, Sr, Ba et Co. Aucune composition particulière ne peut être mise en évidence entre les scories.

Figure III.26 − Compositions en éléments majeurs et traces des scories et minerais du site de la Pelouse (Allevard). Rectangle violet : échantillons de scories. Rectangle rouge : échantillons de minerais (Base PalSid, ICP-MS)

126Analyses effectuées par A.Ploquin au C.R.P.G de Nancy.

Sc Y Nb Cs La Ce Nd Sm Eu Yb Hf Th U Ti V Cr Rb Sr Zr Ba Mo Co Ta As Tb

IV.

COMPARAISON DES COMPOSITIONS DES ÉCHANTILLONS ISSUS DES