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MISE EN PLACE D’UNE MÉTHODOLOGIE BASÉE SUR L’APPROCHE MULTIVARIÉE

I . SÉLECTION DES ÉLÉMENTS DISCRIMINANTS

Pour les études de provenance, nous avons choisi de faire appel à l’empreinte géochimique. Le rapport de deux éléments présents dans le minerai, qui passent très majoritairement dans la scorie et dont les teneurs ne sont pas modifiées par des pollutions extérieures reste constant du minerai jusqu'a la scorie (L’Héritier et al., 2008 ; Desaulty, 2008). La valeur la plus informative est donc celle du rapport élémentaire. Dans cette partie, nous nous attacherons à caractériser le comportement des éléments afin de sélectionner ceux capables de définir les signatures chimiques des espaces sidérurgiques par un rapport constant élémentaire. A ce sujet, un important travail de recherche a déjà été effectué par A.-M. Desaulty dans ses travaux de thèse. Le but est ici de tester un autre système (minerai, charbon, scorie) que ceux étudiés par Desaulty et de comparer, ensuite, le comportement des éléments.

I.1. CHOIX DES ELEMENTS A RAPPORTS CONSTANTS

Dans le but de disposer d’échantillons de référence, une expérimentation de réduction directe (XP07), décrite dans le Chapitre III (§ I.4), nous a permis de produire des scories et du métal à partir d’un minerai géologique connu et typé chimiquement (forte concentration en MnO et pauvre en P2O5). Ce minerai provient d’une mine exploitée à l’époque médiévale en Ariège, celle du Mont Rancié127. Aucun ajout volontaire n’a été apporté au système. Cette expérience n’a produit que de petites scories et aucune n’a pu être écoulée hors du bas fourneau pendant la réduction.

I.1.1. Réduction expérimentale

I.1.1.1. Les matières premières

La quantité de charbon introduite dans le four était de 16 kg pour 10 kg de minerai.

L’ensemble des matières premières (minerai, argile, charbon de bois) utilisées pour cette expérimentation ont été analysées afin de préciser leur participation à la formation de la scorie.

Les compositions en éléments majeurs, mineurs et traces du minerai et du charbon de bois sont comparées et représentées dans la Figure IV.1.

127 Rappelons que le minerai utilisé pour cette réduction a été grillé avant d’être mis sous forme de poudre.

Figure IV.1 − Comparaison des compositions en éléments majeurs, mineurs et traces du charbon de bois et du minerai. Nombre d’échantillons analysés : un pour chaque matière première (EDS, ICP-MS, INAA)

Les analyses chimiques du minerai confirment la teneur élevée en manganèse (de l’ordre de 3%mass) et pauvre en phosphore (<0,5%mass). Elles montrent également une teneur en fer de l’ordre de 45%mass. Il est à noter l’abondance en calcium (~21%mass)et les basses teneurs en alcalins K et Na (<0,2%mass). La composition de ce minerai est typique des gisements d’hématite à gangue calcique caractéristiques de la mine de Rancié (Chapitre III § I.1.2). Pour les éléments traces, seuls les éléments suivants ont des teneurs qui dépassent la centaine de ppm: Ba (jusqu’à 2300 ppm), Ti (500 ppm), Zn et Sr (~200 ppm). Les éléments La et Ce sont également présents en quantité relativement abondante (~50 et 80 ppm respectivement).

Les résultats de l’analyse du charbon de bois montrent que sa composition en éléments majeurs est du même ordre de grandeur que celles trouvées dans la littérature : des teneurs abondantes en calcium (32%mass) et potassium (17%mass) et des teneurs non négligeables pour les éléments Fe, Mg, Mn et Al (0,5<%mass<2,5). Pour les éléments traces, les teneurs les plus élevées sont

Zr Hf Ba Rb Sr Na (%) Cs Ta U Th Sc La Ce Sm Eu Tb Yb Y Nb Nd S Sb Co Ni W As Mo Zn Ti V Cr Cu Gd

celles du titane (50 ppm) et celles des éléments Ba, Rb, Sr, Zn (8 <ppm<50). Elles sont cependant notablement plus faibles que celles présentes dans le minerai.

La confrontation des compositions du minerai et du charbon laisse penser que ce dernier apportera principalement du potassium au système d’autant plus que le minerai utilisé en contient très peu (0,3%mass). Toutefois, l’influence du charbon pour le calcium ne doit pas être négligée, même si sa teneur dans le minerai est élevée (21%mass). Les teneurs en magnésium et aluminium présentes dans le minerai sont faibles par rapport à celles du charbon de bois. En conséquence, on pourra s’attendre, pour ces éléments, à une influence chimique des cendres du charbon de bois sur la composition de la scorie.

Deux prélèvements de la paroi utilisée pour la construction du four ont également été analysés.

Les résultats des teneurs en éléments majeurs, mineurs et traces comparés au minerai sont reportés dans la Figure IV.2. Les constituants principaux de la paroi sont O (~45%mass), Si (~41%mass), Fe (~6%mass) et Al (4%mass). Le calcium est en revanche présent en quantité beaucoup plus faible (1%mass). Les éléments mineurs et traces les plus abondants dans la paroi sont Ti (~2200 ppm) et, à un moindre degré, Ba (105 ppm) et Zr (85 ppm). Pour les autres éléments traces, les teneurs sont nettement inférieures à la centaine de ppm. Les teneurs en Zr, Rb, Ti, V et Cr sont importantes comparées à celles détectées dans le minerai. Pour ces éléments, la contribution de la paroi pourrait être perceptible. A nouveau, compte tenu des faibles teneurs en aluminium et silicium dans le minerai, l’influence de ces éléments pourrait également être détectable sur la composition de la scorie.

Figure IV.2 − Comparaison des compositions en éléments majeurs et traces de la paroi du bas fourneau et du minerai. Nombre d’échantillons analysés : deux pour la composition en éléments majeurs de la paroi et un pour les éléments traces ; un échantillon pour la composition en éléments majeurs et traces du minerai (EDS, ICP-MS, INAA)

I.1.1.2. Comportement des éléments et sources de pollution

Pour une bonne compréhension du comportement de l’ensemble des éléments, les compositions des déchets sont représentées normalisées à celle du minerai original. En d’autres termes, nous observons le rapport entre la concentration d’un élément dans l’échantillon et celle de ce même élément dans le minerai128. Pour cette expérimentation, la matrice métallique de la loupe n’a pas été analysée129. Nous nous baserons donc uniquement sur les résultats obtenus sur les scories. Deux scories coulées issues de la réduction ont été étudiées. Leurs compositions élémentaires sont très proches et nous avons, par conséquent, calculé les concentrations normalisées à partir de la moyenne des deux séries de mesure. Nous appliquons ici la représentation graphique adoptée par Desaulty (2008) pour la distinction des différents

128[E]scorie / [E]minerai, avec [E] la concentration élémentaire.

129 A titre informatif, l’observation microscopique d’une coupe transversale a montré qu’elle contient une quantité importante de scorie sous forme d’inclusions et que l’ensemble de la structure métallique est ferritique.

O Fe Si Al Ca