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P ROBLÉMATIQUE ARCHÉOMÉTRIQUE

PROBLÉMATIQUE ARCHÉOMÉTRIQUE

V. BILAN ET CONFRONTATIONS

♦ D’un point de vue méthodologique, ce bilan bibliographique a permis de dégager plusieurs points clefs sur la problématique ayant trait aux études de provenance des objets ferreux :

ƒ Le recours aux éléments qui se fractionnent complètement vers le déchet (Al, Si, Mg, Sr, Rb, La, U, …) est un outil intéressant (Leroy, 1997 ; Coustures et al., 2003 ; Schwab et al., 2006). Cet outil n’est efficace que si on utilise des rapports de concentration. Alors l’analyse des minerais, des scories, et des inclusions des objets permet d’établir une signature chimique non altérée par les différentes opérations d’élaboration. Pour les éléments majeurs, mineurs et traces abondantes, il y a toujours des risques de sources de contamination qui modifient les rapports. Dans les études citées, la mise en œuvre de la signature chimique se heurtait à ce risque de pollution. Si dans certaines études aucune pollution n’est attestée (Coustures et al., 2003), d’autres cas en rendent clairement compte (Desaulty, 2008). Les sources de pollution sont donc variables d’un site à l’autre. Par conséquent, l’étude de provenance doit être couplée à une bonne connaissance de la chaîne opératoire (pollution, comportement des éléments).

ƒ Une étude de provenance doit utiliser, de manière complémentaire, les informations apportées par les éléments majeurs et traces. Les éléments majeurs peuvent, dans une première approche, traduire l’utilisation d’un minerai de signature forte (minerai phosphoreux, minerai manganésifère, etc.) (Leroy, 1997 ; Buchwald & Wivel, 1998). Si les rapports de ces éléments ne peuvent être utilisés en raison d’un risque de pollution ou de leur caractère sidérophile, la présence ou l’absence de certains éléments peut, en revanche, être un premier indicateur de provenance (présence de phosphore dans les « bog ores », de manganèse pour le site des Martys, de calcium pour la minette lorraine) ou, a minima, un moyen d’exclure l’usage de minerais fortement typés en cas d’absence de ces éléments dans les inclusions d’un objet d’origine inconnue.

ƒ Nous avons vu que l’analyse bivariée était efficace pour exclure une hypothèse de provenance (Desaulty, 2008 ; Desaulty et al., 2009). En revanche, cette approche ne semble

pas adaptée pour valider une origine. En effet, la correspondance de quelques rapports peut être un élément de présomption mais ne peut en aucun cas être une démonstration absolue pour prouver une origine. Chaque rapport d’éléments est une source d’informations pour la région étudiée et doit être considéré. Les comparaisons seront statistiquement plus valables si elles sont basées sur un plus grand nombre de rapports. L’analyse de statistique multivariée devient, dans ce cas, indispensable. Dans notre travail, nous utiliserons donc un traitement multivarié des analyses de composition. Les remarques faites sur les diverses approches de ce type de traitement ont mis en évidence les informations spécifiques apportées par les différentes méthodes et notamment par la classification hiérarchisée et l’analyse discriminante.

Bénéficiant des travaux déjà menés sur les aspects de provenance, une première étape à ce travail sera de mettre au point une méthodologie basée sur l’approche multivariée en tenant compte uniquement des éléments, majeurs et traces qui ne sont pas pollués au cours des différentes étapes de la chaîne opératoire directe. Cette méthode s’affranchit donc volontairement des risques de contamination. Il sera, par conséquent, nécessaire d’accompagner cette recherche d’une étude du comportement des éléments majeurs et traces.

♦ Ce travail de recherche s’intéresse à des espaces sidérurgiques, l’Ariège principalement mais aussi la Lombardie, pour lesquels les minerais sont fortement caractérisés du point de vue de la composition chimique : ils sont riches en manganèse. Les observations apportées par les sources historiques ou de précédentes études menées sur ces espaces permettent d’orienter cette recherche selon trois cas d’applications particuliers :

ƒ L’étude du marché d’un espace sidérurgique : l’Ariège

Du XIIIe au XVe siècle, la production des moulines de cet espace sidérurgique a alimenté un marché à l’échelle de la sphère locale mais aussi à une échelle plus lointaine. Les échanges de minerais et de produits sidérurgiques, ainsi que leur diffusion, ont été pressentis par les sources historiques. Afin de préciser ces échanges, il est intéressant d’étudier l’origine de fers retrouvés en Ariège mais aussi en dehors de l’espace sidérurgique. Nous testerons ainsi l’hypothèse de la présence de fer ariégeois à Capestang. Pour ce faire, il apparaît légitime de

« pister » la signature ariégeoise dans les éléments ferreux utilisés pour la construction d’édifices rattachés à la ville.

ƒ L’étude de l’approvisionnement en fer dans la construction monumentale : le Palais des Papes (aux confins de plusieurs espaces sidérurgiques dont la Lombardie et l’Ariège)

Les sources historiques apportent un éclairage sur le marché des produits sidérurgiques à Avignon et sur les différentes fournitures envisageables des fers d’œuvre du Palais des Papes. Ce bâtiment se situe dans la zone de diffusion commune de plusieurs espaces sidérurgiques dont l’Ariège et la Lombardie. Cette étude permettra d’apporter des indices

sur l’approvisionnement des chantiers du palais par l’analyse de certains fers de construction.

ƒ L’étude de la compatibilité d’une origine donnée : les armures dites lombardes Nous vérifierons l’origine d’échantillons d’armures pour lesquelles une provenance lombarde a été attribuée à partir d’une étude stylistique.

♦ Pour répondre aux objectifs fixés, cette étude s’appuiera sur les points suivants :

ƒ La mise en place d’un corpus de référence pour définir la signature chimique des espaces étudiés (Ariège et Lombardie) : les minerais, les déchets et les produits issus de sites archéologiques des espaces sidérurgiques ariégeois et lombard seront analysés. Les échantillons d’une réduction expérimentale seront également étudiés afin de préciser le comportement des éléments lors de la réduction du minerai. Ce corpus permettra in fine de caractériser les bassins sidérurgiques et de pister la signature dans les inclusions des objets.

Pour l’étude du marché ariégeois, des objets ferreux d’origine inconnue de différents sites archéologiques en Ariège seront sélectionnés.

ƒ L’utilisation de méthodes expérimentales adaptées à l’analyse d’échantillons macroscopiques (minerais et scories) et microscopiques (inclusions dans les objets) : en plus des méthodes conventionnelles, des techniques adéquates devront être employées pour l’analyse des éléments traces. Une méthode spécifique à l’analyse des plus petites inclusions devra être développée (cas des armures par exemple). Le détail des méthodologies et des techniques expérimentales utilisées sera présenté dans le chapitre suivant.

ƒ Enfin, comme cela a déjà été vu, la mise en place d’une méthodologie basée sur l’approche multivariée et son emploi pour résoudre les questions à caractère historique que nous venons de poser.

Chapitre II :

T ECHNIQUES EXPÉRIMENTALES,