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D ESCRIPTION ET CARACTÉRISATION DU MATÉRIEL D’ÉTUDE

DESCRIPTION ET CARACTÉRISATION DU MATÉRIEL D’ÉTUDE

II. LES ALPES ITALIENNES

Afin d’établir la signature chimique de la Lombardie, nous avons collecté un nombre représentatif de minerais géologiques extraits dans différentes vallées. Deux sites archéologiques ont également été échantillonnés : le site de Schilpario et de Val Gabbia II.

II.1. SITUATION GEOGRAPHIQUE DES SITES

L’ensemble des prélèvements des minerais géologiques couvrent la région lombarde d’est en ouest permettant un échantillonnage sur plusieurs vallées :

ƒ le Valtorta (mine de Carisole),

ƒ le Valmora (mines de Parisola et San Marco),

ƒ la vallée di Lupi (Valbondione),

ƒ la vallée du Scalve (site de réduction de Schilpario, mines proches du site, mines de Stendata et de Gaffione),

ƒ le Val Camonica (site de réduction de Val Gabbia II et mines de Piazzalunga).

Les sites archéologiques et les mines de fer, pour lesquels des échantillons ont été collectés dans ce travail, sont localisés sur la carte de la Figure III.18.

Figure III.18 − Localisation des mines de fer et des sites archéologiques échantillonnés en Lombardie

II.2. CARACTERISATION DES MINERAIS GEOLOGIQUES

II.2.1. Composition des minerais

Nous avons collecté de nombreux minerais géologiques dans plusieurs vallées lombardes112 qui constituent la majorité de notre corpus113. Des fragments de minerais ont également été mis au jour sur le site de Schilpario (SCHz2s1M1 et SCHz1s1M1). Ces derniers sont de couleur rouge sombre indiquant certainement qu’ils ont été grillés. Un minerai grillé (TIZ0021) retrouvé sur le site de Ponte di Val Gabbia intègre également le corpus de minerais. Les

112A ce titre, nous remercions M.Tizzoni (Professeur à l’Université de Bergame) pour les visites des mines de fer et des sites archéologiques de la région. Notons également qu’une partie des échantillons analysés ont été fournis par M.Tizzoni.

113Les échantillons nommés TIZ, c’est-à-dire ceux provenant du site Ponte Val Gabbia et Piazzalunga, ont été fournis par V.Serneels (Professeur, Département de Géosciences, minéralogie et pétrographie, Université de Fribourg).

compositions en éléments majeurs de l’ensemble de ces échantillons sont représentées dans la Figure III.19. Le code couleur adopté pour les échantillons correspond à celui utilisé sur la carte de localisation présentée supra.

Les résultats mettent en évidence des compositions variables. La majorité des minerais ont une teneur en Fe supérieure à 40%mass à l’exception d’un minerai de la mine de Gaffione (Gaf.2bis) et des minerais de Piazzalunga et de Ponte Val Gabbia (nommés TIZ, en violet). Un point majeur à relever est que tous les minerais ont une teneur importante en Mn (1<%mass<6). Cet élément est donc bien l’une des caractéristiques de la signature chimique des minerais issus de la Lombardie. Au contraire, aucun minerai ne contient de P (<0,5%mass).

Les minerais prélevés au niveau des mines de Stendata et de Gaffione (rose), et de Lago d’Inferno (noir), semblent contenir de manière générale des teneurs relativement importantes en Mg (>2%mass pour la majorité) en comparaison des autres minerais. De faibles quantités en Na, Ca et K (<2%mass) sont mesurées dans l’ensemble des échantillons. De plus, on remarque qu’un des minerais de la mine de Triomen (TRIO3.M1) contient une teneur élevée en S (~3,5%mass).

Figure III.19 − Compositions en éléments majeurs des minerais collectés dans les Alpes italiennes.

Chaque couleur correspond à une zone géographique donnée de la Lombardie (EDS)

Les résultats de composition en éléments traces sont présentés par zone géographique dans la Figure III.20. On remarque que l’allure générale est identique pour chaque profil de concentrations. Il ne semble donc pas possible de mettre en évidence des différences significatives entre les minerais du point de vue de la composition en teneurs absolues. Les éléments traces les plus abondants sont Ti, Sr et Ba dont les teneurs moyennes sont respectivement 240ppm, 160ppm et 5900ppm. La teneur en Ba est exceptionnellement élevée pour certains minerais. On relève ainsi des valeurs atteignant plus de 68000 ppm pour les minerais de Triomen (TRIO1.M1 et TRIO3.M1) et plus de 23000 ppm pour les mines de Gaffione-Spiazzo (GAF2.M1). La lecture des résultats révèle également que les minerais issus de la mine de San Marco sont caractérisés par des teneurs importantes en Cu (~563ppm) en comparaison des autres minerais114.

114Notons que les mines de San Marco semblent avoir été initialement des mines de Cu. Des traces d’abattage au feu sont visibles.

Figure III.20 − Compositions en éléments traces des minerais collectés dans les Alpes italiennes.

Chaque profil de concentration correspond à une zone géographique donnée de la Lombardie (ICP-MS, INAA)

II.2.2. Nature des phases

Les minerais géologiques n’ont pas tous été analysés par diffraction des rayons X. Néanmoins, au moins un échantillon de minerai représentatif d’une vallée a été étudié. Les résultats montrent que les échantillons sont de différents types :

ƒ Gaffione : les minerais sont, soit composés de sidérite, soit de goethite avec une faible quantité d’hématite, soit principalement d’hématite. Dans tous les cas, les minerais contiennent du quartz.

ƒ Schilpario : les mines situées à proximité du site de Schilpario présentent des minerais constitués de goethite et de quartz. En revanche, les minerais archéologiques mis au jour sur le site de Schilpario ont été identifiés comme étant de l’hématite et du quartz.

ƒ Triomen et Lago d’Inferno : les minerais sont composés principalement de sidérite (FeCO3) et de quartz.

ƒ San Marco : deux minerais sont principalement composés d’hématite. Un minerai (SanM.M2) est constitué de sidérite avec une certaine quantité de goethite et d’hématite.

Tableau III.4 − Phases identifiées dans les minerais prélevés en Lombardie (DRX)

Mines Nom

Mines Nom

échantillon Phases identifiées

par XRD Intensité hématite +++

SANM.M1

quartz

hématite +

goethite ++

sidérite +++

SANM.M2

quartz

goethite ++

San Marco

SANM.M3

hématite ++++

TIZ031 Hématite*

Piazzalunga TIZ033 Goethite*

*D’après Tizzoni, C.C., La miniera perduta. Cinque anni di ricerche archeometallurgiche nel territorio di Bienno. 2000 : Bienno. p. 114.

II.3. LES SITES DE REDUCTION DIRECTE

Deux sites archéologiques ont été échantillonnés en Lombardie : l’un dans la vallée du Scalve (Schilpario), l’autre dans le Val Gabbia (Ponte di Val Gabbia II).

ƒ Schilpario

La présence de plusieurs ferriers a pu être mise en évidence sur le site. Nous avons effectué deux sondages dont la fourchette de datation se situe entre le IIe et le VIIe siècle115. Les scories de type scories coulées du procédé direct et des fragments de fonds de four ont été collectés.

Deux fragments de minerais ont également été mis au jour. Les résultats de composition obtenus sur les minerais ont été présentés dans le paragraphe précédent (SCHz2s1M1 ; SCHz1s1M1). La fouille a également livré une pièce métallique (SCHmet1) pour laquelle on décèle des faces relativement planes qui témoignent d’un martelage. L’objet possède une forme régulière et un effilement en forme de pointe à l’une des extrémités (Figure III.21). Cet objet, certainement produit sur le site, fera également partie du corpus d’échantillons.

Figure III.21 − Photo de la pièce métallique (ébauche d’outil ?) mise au jour sur le site de Schilpario

115Datation par Carbone 14 réalisée par le Laboratoire de Mesure du Carbone 14 CEN Saclay 91191 Gif/Yvette Cedex ; date 14C calibrée : 80AD-590AD pour le premier sondage ; 130AD-610AD pour le deuxième sondage.

ƒ Ponte Val Gabbia II

Le site de Val Gabbia II, situé à proximité de Bienno, est d’époque lombarde (haut Moyen Âge) (C. Cucini Tizzoni, 1999). De nombreuses scories ont été retrouvées sur le site : celles issues de la réduction de bas fourneau, des laitiers et des scories de forge. Afin d’identifier la signature du site, nous avons analysé des scories de réduction ainsi que deux laitiers116 (TIZ005, TIZ007). Nous avons également intégré au corpus, un échantillon de minerai grillé retrouvé sur le site (TIZ021) dont les résultats de composition ont été présentés dans le § II.2.1.

Notons que l’ensemble des échantillons ont été fournis par V.Serneels117.

ƒ Analyse de composition

Des analyses de composition ont été effectuées sur les différentes scories collectées sur les sites archéologiques précités. Les résultats obtenus sur les éléments majeurs montrent que les scories contiennent toutes une teneur élevée en Mn (>5%mass) et faible en P (~0,5%mass) (Figure III.22 ; Haut). Les signatures des échantillons sont donc bien caractéristiques de la signature « typée » en manganèse et pauvre en phosphore mise en évidence dans le paragraphe précédent. Les éléments Al, Ca et K sont présents en quantité non négligeable (0,5<%mass<4,45). En revanche, les teneurs mesurées pour les éléments Na, Mg et S sont faibles (<0,5%mass).

On trouve ensuite quelques différences de composition entre les scories des deux sites. Ainsi, celles issues du site de Schilpario sont, de manière générale, plus riches en Fe (~45%mass) que les scories du site de Val Gabbia II (~32%mass). Les deux laitiers contiennent, quant à eux, une teneur moyenne de 19%mass en Fe et en Si. Les teneurs en Al, Mg, P et Ca semblent être sensiblement moins élevées pour les scories de Val Gabbia II que pour celles de Schilpario.

Les résultats sur les éléments traces sont également reportés dans la Figure III.22 (bas). Les scories sont riches en Ti (~864 ppm), Sr (~108 ppm) et Ba (~2564 ppm) tandis que la majorité des autres éléments traces sont présents en plus faible quantité (<45 ppm), et ceci, quelle que soit l’origine des scories. On remarque clairement que l’allure générale des différentes courbes est identique pour les scories d’un même site. Les teneurs les plus variables concernent les éléments qui passent majoritairement dans la loupe (par exemple 4 ppm<Ni<138 ppm et 4 ppm<Cu<43 ppm). Rappelons que les concentrations de ces éléments sont très dépendantes des conditions thermodynamiques qui règnent dans le bas fourneau.

En revanche, des singularités de composition peuvent être mises en évidence entre les scories de chaque site. Ainsi, les éléments Sm (~6 ppm), Eu (~3 ppm),Yb (~2 ppm), Sb (~0,8 ppm) et Co(~3,4 ppm) sont moins élevées dans les scories de Schilpario que dans celles de

116 Desaulty (2008) a montré que les éléments traces lithophiles contenus dans les minerais se retrouvent totalement dans le laitier. Les laitiers, au même titre que les scories de réduction, ont ainsi une composition représentative de l’héritage chimique du minerai utilisé.

117Une analyse chimique a été réalisée par V.Serneels en XRF. Les résultats de composition sont publiés dans : C.Cucini Tizzoni (1999) La miniera perduta. Cinque anni di ricerche archeometallurgiche nel territorio di Bienno.:Bienno. p.114.

Val Gabbia II (Sm~10 ppm, Eu~7 ppm, Yb~6ppm, Sb~12 ppm, Co~42 ppm). Au contraire, les scories de Schilpario contiennent plus de Hf (~1,8 ppm), Th (~4,3 ppm), Cr(~47 ppm) et

~Zr(55 ppm) que celles de Val Gabbia II (Hf~1 ppm, Th~1,8 ppm, Cr~2,3 ppm, Zr~24 ppm)118.

Figure III.22 − Compositions en éléments majeurs et traces des scories collectées sur les sites de Schilpario et Val Gabbia II. Rectangle bleu : scories de Schilpario. Rectangle violet : scories de Val Gabbia II (EDS, ICP-MS, INAA)

118Notons alors que certaines différences de composition peuvent être inhérentes à l’étape de réduction puisque des éléments peuvent être apportés au système par les pollutions extérieures (par exemple par les parois pour les éléments Cr et Zr) (voir Chapitre I § I.6).