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Chapitre 1. Régionalisation et découpages de l’espace

B. Régionalisation et zonage de l’espace

B.3. Les zonages de l’espace

Pour l’analyse comme pour la gestion de l’espace ou des territoires, les maillages territoriaux et spatiaux laissent de plus en plus la place aux « zonages » et aux « zones », utilisés d’abord par les militaires avant les civils et les économistes (Auroux J., 1998). Le zonage consiste à créer des entités spatiales qui forment en règle générale des taches sur un espace donné. Comme le maillage, le zonage est une action, celle qui conduit à la zone, un ensemble d’objets et leurs contours. Il existe autant de zonages que de critères qui les construisent. Sur un même espace, un même territoire, il peut y avoir une multitude de zonages différents. Les zones résultantes peuvent se chevaucher, être différentes par leur nature, leur taille, et par l’irrégularité de leur forme. L’exemple donné par J. Auroux dans son rapport au premier ministre en 1998 (Auroux J., 1998) sur les zonages de la région Rhône-Alpes illustre bien cela. Il existe 37 types de zonages différents dans le cas de cette région, allant du zonage des chambres de commerces et d’industrie créé depuis 1702, jusqu’au zonage en aires urbaines élaboré en 1996. Au total, ce sont plus de 4 000 zones aux significations différentes pour cette seule région Rhône- Alpes. Le zonage est surtout destiné « pour l’action…liée à l’aménagement du territoire » (Scherrer F., 1998), apportant aux décideurs ou acteurs de développement des outils pour adapter leur approche de recherche, leur intervention ou action (Fotsing E. et al, 2003). Le zonage est devenu une des solutions d’intervention pour l’État dans un cadre non immuable plutôt de créer de nouveaux maillages administratifs difficiles à supprimer.

Découpage Zonage Maillage spatial Maillage territorial Régionalisation A E D H F G B C

Figure 1 : du découpage spatial à la régionalisation du territoire

Le découpage, dans son acception la plus générale, consiste à prendre des ciseaux et couper avec un point d’origine identique au point final ou de manière à désolidariser une entité de l’ensemble découpé telle une tranche (Figure 1, p.51). Cette action devient zonage lorsque les entités sont spatiales et surfaciques. Ce zonage est maillage spatial lorsque la partition de l’espace est réalisée. Enfin, le zonage est maillage territorial et régionalisation lorsque les conditions évoquées précédemment sont respectées. Les processus de mises en place de zonages sont divers mais s’orientent, pour une partie d’entre eux, vers ceux développés pour la régionalisation. Il s’agit alors de relever des homogénéités ou des polarisations et de créer autour de celles-ci des zones. Sur l’exemple des zonages français, à partir de l’adjonction du tableau réalisé par J.-P. Le Gléau (1998) (cf. Tableau 2, p.52), l’homogénéité et la polarisation se retrouvent notamment dans les zonages définis à partir de critères physiques comme dans les régions agricoles et dans le drainage ou l’irrigation des zones d’emploi et bassins hydrographiques.

Les « zonages d’étude ou de savoir » reprennent exclusivement ces principes basés sur des mesures de ressemblance entre unités spatiales (espaces à dominante urbaine), et sur les caractéristiques des liens qui unissent les lieux (zones de petite chalandise). Ils conduisent alors soit à des mailles spatiales (régions agricoles, quartiers) soit à des taches dans l’espace (unités urbaines, aires urbaines). Comme leurs noms l’indiquent, ils servent à mieux comprendre et étudier l’espace ou les territoires sur lesquels ils se dégagent car ils dessinent souvent les contours de structures et organisations spatiales particulières, comme pour les typologies ou les aires urbaines. Plus nombreux sont « les zonages de

pouvoir » qui sont des maillages spatiaux et territoriaux (en gris dans le Tableau 2, p.52),

(les cantons, les circonscriptions électorales, les délégations des CCI), et conduisent vers des régionalisations (les Régions, les Départements, les Communes). Dans ces zonages de pouvoir, les « zonages d’intervention » (parcs naturels, zones de fonds structurels de l’Union européenne…) et certains « zonages institutionnels » (structures de coopération

comme les syndicats intercommunaux, les districts…), ne sont pas des maillages27.

27 Remarquons que les zonages législatifs sont sans conteste ceux qui s’apparentent le plus à du

Comme leurs noms l’indiquent, ils sont exclusivement liés à la gestion administrative et institutionnelle de l’espace ou du territoire.

Circonscriptions de l'État État, Régions, Départements, Arrondissements, Communes Collectivités territoriales Régions, Départements, Communes

Structures de coopération

Syndicats (SIVU, SIVOM) , interregions, districts, villes nouvelles, communautés urbaines ou communes

Circonscriptions électorales Cantons, Circonscriptions législatives

Nationaux Districts scolaires, ressort des tribunaux, Zones ANPE, Régions militaires, Secteurs sanitaires Régionaux ou locaux Centre de formalité des entreprises, délégations des CCI Environnementale Zones fonds structurels de l'Union européenne

Economique Zones éligibles à la PAT

Sociale Parcs naturels

Générale Zones urbaines sensibles

D'après des similitudes (parfois limitées à un critère)

Z.P.I.U., Typologies, Unités urbaine, Espaces à dominante urbaine

D'après des flux Téléphoniques, échanges bancaires

D'après similitudes et des fluxaires urbaines

D'après des similitudes

(parfois limitées à un critère) Régions agricoles

D'après des flux Zones d'emploi, Bassins d'emploi, Zones de petite chalandise, Bassins hydrologiques D'après des similitudes et

des flux Quartiers

Zonages d'étude « en tâches » Zonages d'étude « en mailles » Zonage de savoir ou zonages d'étude Exemples Zonage institutionnels ou zonages administratifs généraux et circonscriptions électorales Zonages de pouvoir Catégories de zonage Zonages administratifs spécialisés ou zonages d'action Zonages d'intervention

Tableau 2 : les zonages d’après J.-P. Le Gléau28

Dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou la Suisse, nous retrouvons des zonages similaires (Köhler S. 1998 ; Schuler M., 1998). En Espagne et en Grèce, la déclinaison territoriale regroupe la population « en zones urbaines…, semi-urbaines… et

rurales » (Ferlaino F., 1998). Il en va de même au niveau du continent européen, pour

lequel des zonages, calqués sur les mailles institutionnelles nationales existent, afin notamment de redistribuer des aides financières (Decand G., 1998). D’autres acteurs de l’espace réalisent également des zonages de l’espace. Les entreprises, au mieux de leurs intérêts commerciaux, l’église, avec des diocèses, divisent le territoire et disposent de maillages territoriaux.

Les zonages sont très utiles car ils permettent de définir des entités spatiales mouvantes et conviennent mieux aux réalités (lois) spatiales. C’est notamment le cas lors de la définition des zones issues de logiques socio-économiques, pour lesquelles les limites, souvent floues et mouvantes dans le temps et dans l’espace, suivent des gradients

28 Nous avons refait ce tableau à partir de celui de J.-P. Le Gléau de 1998. J. Auroux (1998), homme

politique, qui propose une classification sensiblement identique à celle de J.-P. Le Gléau, avec les « zonages

institutionnels, les zonages d’intervention économique, les zonages prescriptifs, les zonages d’étude, les zonages de projet ».

(Dumolard P., 1975). Ce constat a conduit J. Auroux (1998) à proposer au Premier ministre que les zonages soient toujours revus et redéfinis en fonction des critères, à la manière des maillages mouvants russe ou anglais. Ils rendent cependant les analyses diachroniques impraticables.

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