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Généralités

Wolbachia pipientis (nommée Wolbachia dans la suite du manuscrit) est une bactérie Gram négatif appartenant à l’ordre des Rickettsiales. Cet endosymbiote obligatoire, qui évolue dans le cytoplasme des cellules hôtes, a été découvert pour la première fois chez le moustique Culex pipiens, par Burt Wolbach (dont elle tire son nom), et Marshall Hertig, en 1924 (Hertig and Wolbach, 1924). Wolbachia possède, en plus de sa double-membrane, une troisième membrane qui serait issue de son hôte (Martin et al., 1973; Voronin et al., 2004) (Figure 4).

Figure 4 . Image de gauche : Cellule neuronale de D. melanogaster infectée par Wolbachia, avec zoom sur les trois parois de la bactérie. Source : Strunov & Kiseleva 2016. Image de droite :

Wolbachia présente dans la chaîne nerveuse de l’isopode terrestre Armadillidium vulgare, image prise

par le laboratoire EBI, équipe EES.

Contrairement aux Rickesttsiales qui incluent la plupart du temps dans leur cycle un hôte mammifère, Wolba chia n’affecte généralement que les invertébrés. Les Wolbachia se répartissent en 6 super groupes monophylétiques, dont deux sont principalement présents chez les nématodes, les autres étant le plus souvent présents chez des arthropodes (Figure 5) Wolbachia est aussi présente chez les nématodes, et également largement répandue au sein des arthropodes, notamment chez les araignées, les scorpions, les isopodes et chez 65 % des

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espèces d’insectes (Baldo et al., 2007; Bouchon et al., 1998; Sironi et al., 1995; Werren et al., 1995a).

Figure 5. Relations phylogénétiques de Wolbachia au sein de la famille des Anaplasmataceae (a) et phylogénie des 6 supergroupes de Wolbachia, comprenant les patterns dominants en termes de mutualisme et de parasitisme de la reproduction observés chez chacun de ces supergroupes. Schéma repris de Werren et al 2008.

Transmission et localisation dans les tissus

Wolbachia se transmet principalement verticalement, et plus particulièrement maternellement. Sa localisation dans les cellules germinales de l’hôte est alors indispensable. Wolbachia est ainsi présente dans l’ovocyte et affecte le zygote dès sa conception. La localisation de Wolbachia ne se limite cependant pas totalement aux cellules germinales car on la retrouve également dans des tissus somatiques. Une récente étude révèle que chez la mouche Drosophila melanogaster, la souche pathogène de Wolbachia wMelPop se réplique dans le cerveau, les muscles et également la rétine de son hôte, entrainant chez celui-ci la dégénération des tissus touchés et une mort prématurée (Strunov and Kiseleva, 2016). La présence de Wolbachia dans les tissus somatiques de ses hôtes a également été mise en

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évidence chez d’autres espèces, notamment parmi les nématodes (Fischer et al., 2011; Landmann et al., 2012) et les punaises de lit (Hosokawa et al., 2010).

Des données phylogénétiques révèlent que des transferts horizontaux de Wolbachia ont également eu lieu à plusieurs reprises au cours de l’histoire évolutive, notamment entre différents taxons d’insectes (Werren et al., 1995b). Ces transferts horizontaux auraient permis la large distribution au sein des arthropodes de Wolba chia. D’après des études menées en laboratoire, de tels transferts peuvent avoir lieu naturellement (Grenier et al., 1998; Huigens et al., 2004; Le Clec'h et al., 2014). Wolbachia peut ainsi être transmise à la guêpe parasitoïde Leptopolina boulardi via son hôte Drosophila simulans si celui-ci est infecté (Heath et al., 1999). Chez les parasitoïdes du genre Trichogramma, des transferts horizontaux intra et interspécifiques ont lieu lorsque des larves infectées et non infectées partagent le même œuf hôte (Huigens et al., 2004). Chez l’isopode terrestre Armadillidium vulgare, des transferts horizontaux sont possibles lorsque des individus non infectés se nourrissent de congénères infectés (Le Clec'h et al., 2014 )

Effets sur ses hôtes :

Les effets phénotypiques de Wolbachia sont variés et s’étendent le long d’un continuum allant du mutualisme au parasitisme. Wolbachia est ainsi mutualiste obligatoire chez les nématodes qu’elle infecte (Taylor et al., 2005). Parmi les effets positifs que Wolbachia peut conférer à son hôte, on peut notamment citer la protection contre certains pathogènes (Braquart-Varnier et al., 2015; Hedges et al., 2008). Chez le moustique Aedes aegypti, certaines souches de Wolbachia confèrent une protection contre les virus de la fièvre jaune et du chikungunya (Van den Hurk et al., 2012). Au contraire, Wolba chia peut avoir des effets délétères, comme c’est le cas de la souche extrêmement virulente wMelPop qui infecte D. melanogaster (Min and Benzer, 1997; Strunov and Kiseleva, 2016). Si ces effets sur la

31 fitness de ses hôtes varient en fonction des espèces infectées, Wolbachia est surtout connue pour être un puissant manipulateur de la reproduction de ses hôtes (Werren et al., 2008). Wolbachia peut ainsi entraîner chez ses hôtes de l’incompatibilité cytoplasmique, de la parthénogénèse, du « Male killing », ou encore de la féminisation (Figure 6).

Figure 6. Schéma récapitulatif des différents cas de manipulation de la reproduction par

Wolbachia, en fonction de ses hôtes. Schéma issu de Werren et al 2008.

Incompatibilité Cytoplasmique

L’incompatibilité cytoplasmique fut le premier effet de Wolbachia découvert et c’est également un des phénotypes les plus fréquemment rencontrés (Laven, 1959; Werren et al., 2008; Yen and Barr, 1971). Ce phénotype a été observé au sein d’arachnides, d’insectes et d’isopodes. L’incompatibilité cytoplasmique peut se manifester à deux niveaux (Telschow et al., 2005; Zabalou et al., 2008). Lorsqu’il s’agit d’une incompatibilité cytoplasmique unidirectionnelle, une seule souche de Wolbachia est impliquée, et le sperme des mâles infectés par Wolbachia est incompatible avec les œufs de femelles non infectées par Wolbachia (Figure 7, a). Lorsque l’incompatibilité cytoplasmique est bidirectionnelle, plusieurs souches de Wolbachia sont impliquées, et le sperme des mâles infectés par une

32 souche de Wolbachia n’est compatible qu’avec les œufs d’une femelle infectée par la même souche (Figure 7, b). Comme on peut le remarquer sur la Figure 7, ce phénotype de Wolbachia n’entraîne pas de distorsion de la sex-ratio (à l’inverse des autres phénotypes). L’incompatibilité cytoplasmique permet donc une meilleure fitness des femelles infectées par Wolbachia, les femelles infectées pouvant avoir des descendants viables avec des mâles infectés ou non, alors que les femelles non infectéesne peuvent avoir de descendants viables qu’avec des mâles non infectés (Engelstädter and Telschow, 2009; Xi et al., 2005; Yen and Barr, 1971).

Figure 7. Schéma des conséquences des croisements en cas d’incompatibilité cytoplasmique unidirectionnelle (a) et bidirectionnelle (b).

Parthénogénèse thélytoque

Wolbachia induit de la parthénogénèse thélytoque chez des insectes et des acariens haplo-diploïdes (Huigens et al., 2004; Huigens and Stouthamer, 2003; Stouthamer et al., 1990). Chez ces espèces, les mâles sont haploïdes et se développent à partir d’œufs non fécondés au contraire des femelles qui sont diploïdes, et se développent à partir d’œufs

33 fécondés. Lorsque Wolbachia est présente chez une femelle, celle-ci va produire des mâles non viables et des femelles issues d’ovocytes non fécondés mais diploïdes, via au moins trois moyens. Le nombre de chromosomes peut être doublé: (i) par altération de la méiose ; (ii) par non fusion des deux cellules filles ; (iii) ou encore par diploïdisation du gamète (Figure 8) (Gottlieb et al., 2002; Huigens and Stouthamer, 2003). Ainsi, les femelles parthénogénétiques infectées sont capables de produire une progéniture femelle sans avoir besoin de reproduction sexuelle ni de fertiliser leurs œufs, et donc, sans avoir besoin de mâles (Cordaux et al., 2011).

Figure 8. Représentation schématique des mécanismes de développement des individus mâles et femelles chez des individus haploïdes non infectés (a) ou infectés par Wolbachia (b). Source : Cordaux et al., 2011.

34 Male killing

Ce phénotype causant la mort des embryons mâles a été constaté depuis longtemps chez des insectes (Hurst et al., 1997), mais l’implication de Wolbachia dans ce phénomène a été découvert plus récemment (Hurst et al., 1999). Cet effet a été décrit au sein de 4 ordres d’arthropodes, les coléoptères, les diptères, les lépidoptères et les pseudo-scorpions (Dyer and Jaenike, 2004; Fialho and Stevens, 2000; Jiggins et al., 2001). Dans ces études, la mort des mâles intervient durant l’embryogénèse, ce qui permet aux femelles de bénéficier de ressources nutritives supplémentaires (Hurst and Majerus, 1993). Cela entraine une meilleure survie de ces femelles infectées, et permet d’augmenter la dispersion de Wolbachia au sein des populations (Hurst et al., 2003).

Féminisation

Ce phénotype, qui consiste en la transformation de mâles génétiques en femelles fonctionnelles, a été découvert chez les crustacés isopodes terrestres et plus largement exploré chez Armadillidium vulgare, (Martin et al., 1973; Rigaud et al., 1991a; Rigaud et al., 1991b; Vandekerckhove et al., 2003). Plus tard, ce phénotype a également été découvert chez d’autres espèces d’isopodes terrestres telles qu’Oniscus asellus, Armadillidium nasatum et Porcellionides pruinosus (Juchault and Legrand, 1989; Marcadé et al., 1999; Rigaud et al., 1999)et également chez des espèces d’insectes tels que le lépidoptère Eurema hecabe (Hiroki et al., 2002)ou l’hémiptère Zyginidia pullula (Negri et al., 2006).

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