• Aucun résultat trouvé

Classification

Mon travail de thèse se concentre sur Armadillidium vulgare, qui fait partie des crustacées isopodes terrestres plus communément appelés « cloportes ». Leur position systématique la plus récente (Schmalfuss, 2003) est présentée ci-dessous :

Tableau 1. Position systématique de l’isopode terrestre Armadillidium vulgare (Vandel and Lechevalier, 1962).

Les lointains ancêtres des isopodes terrestres se sont peu à peu affranchis du milieu marin, et l’on peut observer en bord de mer des formes de transition, semi aquatiques semi terrestres, notamment avec le genre Ligia. Plusieurs adaptations morphologiques et comportementales ont permis cet affranchissement du milieu aquatique. Tout d’abord, les femelles possèdent une poche incubatrice (marsupium) dans laquelle elles pondent leurs œufs, qui y restent, à l’abri de la dessiccation, jusqu’à ce qu’ils éclosent et que les jeunes (pulli) soient capables d’être autonomes. Les individus possèdent également des pseudo trachées,

44

capables à la fois de capter directement l’oxygène dans l’atmosphère et de conserver l’humidité, et leur comportement grégaire les protège de la dessiccation (Takeda, 1980; Warburg, 1987). Ces caractéristiques ont permis aux isopodes terrestres de coloniser des milieux très variés voir même extrêmes, comme par exemple l’espèce Hemilepistus reaumuri, qui vit dans les déserts nord africains.

Morphologie et Anatomie

Morphologie générale

Les isopodes terrestres peuvent être classés en 5 grands types morphologiques, en fonction de leurs niches écologiques et de leurs stratégies antiprédatrices (Schmalfuss, 1984). Parmi ces 5 grandes familles, 3 sont plus communément rencontrées. Les « runners », ayant un corps relativement fin, possèdent un appareil locomoteur qui leur permet une fuite rapide lorsqu’ils sont dérangés. Les clingers sont plutôt larges et aplatis, et leur stratégie consiste à s’aplatir contre le substrat d’où ils sont difficiles à déloger. Les rollers, dont font partie l’espèce A. vulgare, expriment un comportement de volvation lorsqu’ils sont menacés, formant ainsi une boule parfaite qui protège leur face ventrale, n’exposant que leur cuticule épaisse et lisse (Erreur ! Source du renvoi introuvable.).

Figure 11. Photographies d’Armadillidium vulgare, en volvation (A) et en face dorsale (B). Sur chaque photo, la barre noire correspond à 1cm. Photographies : M. Fortin

45

Le corps d’A. vulgare est divisé en 3 grandes parties qui sont le céphalon, le péréion et le pléon, qui sont les analogues fonctionnels de la tête, du thorax et de l’abdomen chez les insectes (Figure 12). Le céphalon porte les yeux composés, les antennules et les antennes, ainsi que l’appareil buccal, de type broyeur. Le péréion est quant à lui constitué de 7 segments libres également appelés sternites (voie ventrale) et tergites (voie dorsale), possédant chacun une paire de pattes. Le pléon est constitué de 6 segments également appelés pléonites. Le dernier pléonite est soudé au telson. Sous le pléon sont insérés 5 paires de pléopodes. Chaque pléopode est composé d'un exopodite, des branchies qui captent l'oxygène à travers une fine pellicule d'eau et d'un endopodite qui a des fonctions notamment dans la reproduction. Les exopodides possèdent parfois des sortes de "poumons" appelés pseudo-trachées pouvant capter l'oxygène directement de l'atmosphère (Hoese, 1982; Vandel, 1964).

46 Organes génitaux

Chez A. vulgare, comme chez tous les Oniscidea, les organes génitaux sont pairs : les individus possèdent deux gonades, deux tractus et deux orifices génitaux pour les femelles, et 2 paires d’endopodites pour les mâles (Figure 13, A1 pour le mâle, B1 pour la femelle). Chez les mâles, les deux paires de pléopodes sont différenciées en organes copulateurs, plus particulièrement en deux paires d’endopodites. La première paire d’endopodite est différenciée en stylets copulateurs, et la seconde paire en gouttières qui se collent aux endopodites de la première paire pour permettre l’écoulement du sperme (Vandel, 1960). Chez la femelle, deux ouvertures génitales sont présentes à la base des 5èmes paires de pattes, et permettent l’acheminement du sperme vers l’oviducte (Vandel, 1960).

Figure 13. Photographie au microscope électronique à balayage de la face ventrale chez un mâle (A1) et chez une femelle (B1) A. vulgare. Ex1 : exopodite 1 ; AP : apophyse génitale ; EN1 : endopodite 1 ; U : uropodes ; GO : ouvertures génitales. Photographies : M. Fortin

47 Cycle de mue

Tout comme la grande majorité des crustacés, et contrairement aux insectes, les isopodes terrestres présentent une croissance continue. Des phénomènes de mue vont périodiquement intervenir tout au long de la vie de l’individu, qui continue ainsi de grandir jusqu’à sa mort. Lors de la mue, les animaux vont rejeter leur ancienne cuticule, en deux temps avec d’abord une exuviation postérieure, suivie d’une exuviation antérieure (Figure 14, A et B).

Le cycle de mue des Oniscidea a été adapté par Steel (1982) à partir du cycle de mue des décapodes, et comprend 4 grandes périodes nommées A, B, C, D, auxquelles s’ajoute la période d’exuviation à proprement parler.

Période A/B : 1 à 2 jours. Cette période correspond à une phase de consolidation de la

nouvelle cuticule et commence après la mue antérieure. Il s’agit d’une phase critique pendant laquelle l’animal ne peut ni se déplacer ni se nourrir et est sensible à la dessiccation.

Période C : 10 jours. Cette période, appelée intermue ou diecdysis, correspond à la

phase d’activité maximale de l’animal. Lors de cette phase, l’exosquelette est dur et coloré.

Période D : 15 jours mais variable. La période pro-ecdysis est une phase de

préparation à la mue. L’ancien exo-squelette est digéré et la nouvelle cuticule est élaborée en dessous. Quelques jours avant la mue, des plaques blanches, correspondant à des dépôts de calcium au niveau de l’ancien tégument, apparaissent sur les sternites 1 à 4, (Steel, 1982; Steel and Campbell, 1977). Cette période à partir de laquelle apparaissent les plaques blanches peut être divisée en 2 sous périodes : D1 : où les plaques blanches commencent à apparaître sous forme d’îlots isolés et translucides, et D2-4 : où les plaques blanches forment des ilots fusionnés et d’un blanc franc. Ces plaques blanches vont avoir des formes différentes

48 en fonction de la nature de la mue suivante, normale ou parturielle, ce qui permet de savoir si la femelle va rester en repos sexuel ou entrer en reproduction. Les plaques blanches seront pleines et rectangulaires dans le cas d’une mue normale, alors que dans le cas d’une mue parturielle (en période d’activité sexuelle), elles seront plus allongées et laissent apparaître au centre un losange translucide (Figure 14 : C et D) (Moreau and Rigaud, 2002).

Figure 14. Photographies d’une mue postérieure (A) et antérieure (B), de plaques blanches normales (C) et de plaques blanches préparturielles (D) chez une femelle A. vulgare. Photographies : A. Lafitte

Chez A. vulgare, les mues sont très rapprochées chez les jeunes animaux puis s’espacent peu à peu jusqu’à atteindre un rythme d’environ une mue par mois, lorsque la température est de 20°C (Steel, 1980).

Cycle de reproduction

Chez les isopodes terrestres, le cycle de mue est étroitement synchronisé au cycle de reproduction des femelles (Figure 15). En effet, parallèlement au cycle de mue présenté ci- dessus se déroule un cycle ovarien au cours duquel les ovocytes se chargent en réserves vitellines pour enfin être fécondables. En période de repos sexuel, les femelles effectuent des mues de croissances, appelées « mues normales », durant lesquelles les ovocytes se

49

différencient. Ils vont tout d’abord croitre sans accumuler de réserves vitellines, puis entrer en phase de vitellogenèse primaire, durant laquelle ils accumuleront des réserves vitellines restreintes. A ce stade, les ovocytes passent d’une teinte blanche à une teinte jaune orangée, et leur taille augmente fortement. En période de repos sexuel, la croissance des ovocytes est stoppée à cette étape, les ovocytes les plus gros étant lysés et remplacés par des ovocytes plus jeunes. Cette phase de repos sexuel prend fin avec l’allongement de la photopériode et l’augmentation de la température, qui vont entrainer la maturation des ovocytes pendant un intermue préparturiel (Mocquard et al., 1989). Une vitellogenèse secondaire va avoir lieu, pendant laquelle les ovocytes vont encore augmenter de volume, en mettant en réserve du vitellus (Souty-Grosset, 1984). Les ovocytes seront enfin prêts à être pondus dans le marsupium, une poche ventrale incubatrice qui se forme chez la femelle au moment de la mue parturielle.

Figure 15. Schéma représentant les principaux évènements physiologiques liés à la fois au cycle de mue et au cycle de reproduction chez Armadillidium vulgare. Les oocytes sont représentés par des cercles, blancs lorsqu’elles sont en pré-vitellogenèse, jaunes lorsqu’elles sont en première phase de vitellogenèse et oranges lorsqu’elles sont en seconde phase de vitellogenèse. Mue : MN : mue normale, MP : mue parturielle, IN : intermue normal, IPP : intermue préparturiel, MP : mue parturielle. Source: (Lefebvre, 2002).

50 Copulation et ponte

Comme la majorité des espèces d’isopodes terrestres, A. vulgare présente une reproduction saisonnière, l’entrée en reproduction dépendant principalement de paramètres environnementaux tels que l’allongement de la photopériode (Mocquard et al., 1989; Souty- Grosset et al., 1993). Si les mâles sont capables de se reproduire à n’importe quel moment de leur cycle de mue, les femelles ont au contraire un pic de réceptivité et d’attractivité au moment où leurs plaques blanches préparturielles commencent à apparaitre, 5-10 jours avant leur mue (Beauché and Richard, 2013; Moreau and Rigaud, 2002). La femelle est capable de stoker le sperme d’un partenaire précédent, et un seul accouplement peut lui suffire à fertiliser plusieurs pontes (Howard, 1943; Johnson, 1976, 1982; Moreau et al., 2002).Lors de sa thèse, Mead (1973) a décrit la séquence copulatoire chez A.vulgare, et nous reprenons ici en grande partie ses propos.

Séquence copulatoire :

Chez A. vulgare, l’accouplement est de durée très variable mais peut aller jusqu’à plus d’une heure. L’accouplement est en réalité composé de deux hémi-copulations qui se suivent temporellement. L’endopodite droit du mâle est introduit dans l’ouverture génitale gauche de la femelle, et inversement, l’endopodite gauche du mâle est introduit dans l’ouverture génitale droite de la femelle. La séquence copulatoire peut être divisée en plusieurs étapes :

Phase d’initiation : cette phase comprend la prise de contact par le mâle, qui explore de ses antennes le corps de la femelle. Le mâle n’exécute pas de « parade » à distance, et commence à monter sur le dos de la femelle (Figure 16, A).

Phase pré-copulatoire : lors de cette phase, le mâle, sur le dos de la femelle, amène sa tête

51 dernière. La femelle peut réagir de plusieurs façons à ce comportement, seule la première (volvation ouverte) permettant un accouplement :

 Volvation ouverte : volvation immédiatement suivie d’une légère ouverture du corps, ce qui pour effet de faire basculer les deux individus sur le côté, en position latérale. Le mâle prend peu à peu une position oblique au corps de la femelle, positionnant son pléon à hauteur de l’un des orifices génitaux de la femelle ce qui détermine la latéralité de la première hémi-copulation (Figure 16, B).

 Volvation fermée : dans ce cas, la femelle après s’être mise en volvation, y reste et ne s’ouvre pas, de sorte que le mâle ne puisse pas la féconder.

 Fuite : la femelle se déplace à distance du mâle pour éviter l’accouplement.

 Immobilisation : la femelle reste immobile et attend que le mâle descende de son dos pour se remettre en mouvement.

 « Bascule » : la femelle émet des petits soubresauts, qui ont pour effet de déséquilibrer le mâle sur son dos.

Phase copulatoire : pendant cette phase de durée variable, la femelle reste immobile et le

mâle la stimule de ses antennes. Le pléon du mâle fait également de légers mouvements de va-et-vient. Une fois la première hémi-copulation effectuée, le mâle répète cette phase copulatoire de l’autre côté de la femelle. Lorsque la phase copulatoire est terminée, le mâle cesse de stimuler la femelle de ses antennes, d’agripper la femelle de ses pattes, et les partenaires se séparent.

52 Figure 16. Photographie de la phase d’initiation (A), pendant laquelle le mâle explore la femelle de ses antennes et commence à monter sur son dos, et de la phase copulatoire (B), où la femelle est en volvation ouverte, ce qui permet au mâle, de glisser ses stylets copulateurs jusqu’aux ouvertures génitales de la femelle. Photographies : L. Lafitte et M. Fortin

Ponte:

Chez A. vulgare, la maturité ovarienne et la ponte surviennent indépendamment de tout accouplement préalable (Mead, 1973). S’il n’y a pas eu d’accouplement, les ovocytes non fécondés dégénèrent dans le marsupium, on dit alors qu’il y a « ponte à blanc », ce qui arrive régulièrement chez les femelles élevées sans mâles. Au contraire, si la femelle s’accouple, les ovocytes sont fécondés lors de leur passage dans les oviductes et le surplus de sperme est stocké dans une spermathèque située à la base de l’oviducte. Une fois les œufs fécondés, ils se développent dans le marsupium de la femelle pendant environ un mois, jusqu’à ce que la poche marsupiale se rompe et que les pulli émergent (Figure 17, A, B, C).

53 Figure 17. Photographie de femelle en face ventrale, avec le marsupium remplis d’œufs (A), de pulli quelques jours avant émergence (B) et le jour l’émergence (C). Photographies : A et B : A. Lafitte ; C M. Fortin

Lorsque les jeunes émergent du marsupium, ces derniers ressemblent à des adultes à la différence qu’ils sont totalement dépigmentés, exception faite des yeux, et qu’ils sont sexuellement indifférenciés (Figure 18). Lors d’une première mue à 24h de vie, la septième

paire de patte apparaît, et celle-ci devient fonctionnelle à la mue suivante. Les jeunes vont ensuite muer à intervalles réguliers jusqu’à ce qu’ils atteignent la différenciation sexuelle, après leur quatrième mue. Les mâles se différencient par le développement des organes copulateurs et vers l’âge de 6 mois, les individus atteignent leur maturité sexuelle.

54

Documents relatifs