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Le point de vue du sujet est le point de vue de l’appétit Si l’appétit est désordonné il est inutile d’y

Dans le document La délectation (Page 183-189)

OPERATION ET DELECTATION

C. Phil Logica, R 1,671 b 37)

II- On peut en second lieu, les considérer comme cons­ tituant deux appétibles distincts et les comparer comme

2. Le point de vue du sujet est le point de vue de l’appétit Si l’appétit est désordonné il est inutile d’y

rechercher un ordre. S’il se porte vers son objet d’une façon ordonnée et conformément à sa nature propre, il sem­ ble alors que l’ordre suivi par l’appétit rationnel et par l’appétit sensitif soit inverse l’un de l’autre: l’appé­ tit rationnel recherche la délectation en vue de 1’opéra­ tion mais l’appétit sensitif paraît au contraire recher­

cher l’opération en vue de la délectation.

a) La première partie de cette proposition ne fait pas de doute : l’appétit rationnel qui est "ordonné” i.e. qui suit les directives de la raison droite, recherche la dé­ lectation en vue de 1’opération. Pour la droite raison en effet, la délectation est évidemment "pour" l’opération:

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et ceci en raison même du bien honnête et de sa relation à la délectation ("habet delectationem annexam"). La raison peut connaître l’ordre absolu des choses. Elle connaît aussi la bonté propre de chaque chose. Elle peut donc voir que la Nature a mis la délectation comme un moyen pour amener l’homme et l’animal à poser certaines opérations nécessaires â la vie. Elle comprend que la dé­ lectation s’ajoute â l’opération parfaite comme une sorte d’accident. Si l’on désire le repos dans le bien c’est d’abord en raison du bien et non pour le repos lui-même.

b) L’ordre suivi par 1’appétit sensitif s’explique plus difficilement. Il semble, avons-nous dit, que l’appétit sensitif recherche l’opération en vue de la délectation. Ceci paraît tout-à-fait conforme à 1 ’expérience et à l’ob­ servation: ce que recherche l’animal, n’est-ce pas la sa­ tisfaction de ses désirs naturels? Et il se trouve qu’en recherchant ainsi son plaisir, il réalise les desseins de la Nature, conservation de l’individu et de l’espèce. Seu­ lement, comment expliquer cette inversion du plan rationnel et du plan sensible? Coimient expliquer surtout l’opposi­ tion qui existerait alors entre l’instinct et la Nature? La Nature en effet veut évidemment d’abord l’opération, en second lieu, la délectation. Or l’instinct qui est la

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voix infaillible de la Nature/pousserait l’animal à rechercher d’abord la délectation, en second lieu, l’opération...

Deux voies s’offrent à notre choix pour rendre compte du comportement de l’appétit sensitif et faire face à la difficulté qu’il soulève.

I - En disant que l’appétit sensitif recherche l’opération en vue de la délectation nous pouvons sous- entendre qu’il fait nettement la distinction entre les deux et qu’il les désire l’une et l’autre comme deux appé­ tibles distincts. C’est alors que se pose dans toute sa force l’objection signalée : selon la Nature la délecta­ tion est pour l’opération^ et selon l’appétit animal, l’o­ pération serait pour la délectation. La voix de l’ins­ tinct ne doit-elle pas reproduire 1 ’ intention de la Na­ ture? Si l’on adopte cette première position il faut ré­ soudre la difficulté: nous verrons comment, après avoir exposé la seconde position.

II - On pourrait sous-entendre, en second lieu, que l’appétit ne fait pas la distinction entre opération et délectation et qu’il les désire l’une et l’autre globale­ ment, comme un seul appétible, sous la raison de ce qui a le plus d’importance pour lui c’est-â-dire la délecta-

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tion. L’appétit sensitif aurait pour objet formel "ce bien délectable" ("hoc bonum delectabile") et il dési­ rerait l’opération en tant qu’il l’appréhende comme un bien délectable pour lui.

En d’autres termes, selon cette seconde voie, le "pourquoi" posé dans la ligne de la finalité porte sur le tout et non pas sur une partie par rapport a l’autre:

pour comparer les deux parties il faut ramener le pourquoi de la cause finale â la cause formelle et on doit dire alors que pour l’appétit sensitif, au point de vue de la

cause formelle, ce qu’il y a de plus important est la dé­ lectation. Dans cette perspective la difficulté est con­ tournée: il n’y a pas d’opposition entre l’ordre voulu par la Nature et l’ordre suivi par l’appétit animal. Sans doute la Nature a-t-elle voulu la délectation pour l’opé­ ration mais rien dans cet ordre ne s’oppose à ce que l’o­ pération soit désirée ("formaliter et non finaliter") corn­ ue délectable par un appétit rivé à la matière et dont l’objet est le bien singulier. Nous verrons que cette seconde voie est la meilleure*

Mais voyons maintenant comment, même en adoptant la "première voie, nous pourrions rendre raison de l’ap­ parente contrariété entre l’ordre des appétibles tels que

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les poursuit l’appétit sensitif et la hiérarchie qu’y met la Nature. Trois explications sont possibles.

1.- En soi la délectation est pour 1’opération; selon l’appétit sensitif l’opération est pour la délectation. Pourquoi cette inversion? Serait-ce que la délectation apparaît à l’appétit sensitif comme convenant davantage que l’opération ou le bien dont la présence délecte? Cela n’explique rien, nous dit Cajétan: il s’agit pré­ cisément d’expliquer pourquoi la délectation tient la première place pour l’appétit animal alors qu’elle occupe la seconde pour la Nature.

Saint Thomas pourrait peut-être nous donner l’ex­ plication que ne voit pas Cajétan. Le texte du De Anima

analysé au chapitre précédent (Livre III, lect. 12a) nous semble en effet contenir une solution. L’appétit sensi­ tif ne se porte pas vers la raison universelle de bien mais il est mû uniquement par un bien particulier, à sa­ voir le délectable. Ceci ne veut pas dire que la partie sensitive saisisse la raison de délectable, alors que la partie rationnelle atteindrait la raison de bien. L’ex­ pression de Cajétan nous parait ici ambigüe:

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"(Et moveor ad hoc ex assignata ratione in littera,) quia scilicet sensitiva cognitio non se extendit ad communem boni rationem, sed delectabilis tantum. (]£oc.cit. n.IV)

Ce n’est pas exactement ce que dit saint Thomas à l’endroit dont parle Cajétan ("in littera" i.e. I-II, 9^-4, a.2 ad 2) et la nuance pourrait précisément dévoi­ ler la solution:

"Apprehensio sensitiva non attingit ad communem rationem boni sed ad aliquod bonum particulare quod est delectabile.’*

Si la partie sensitive atteignait la "ratio delec­ tabilis" le parallèle serait rigoureux entre sens et in­ telligence et on pourrait justement demander pourquoi la partie sensitive atteint la "ratio delectabilis" de pré­ férence à la "ratio boni."

Ceci ne signifie pas non plus, comme pourrait le laisser croire Cajétan, q ue la délectation convient davan­ tage, ni même qu’elle apparait comme convenant davantage que le bien possédé ou 1’opération: il faudrait expliquer cette plus grande convenance.

Il n’y a pas dans le sens, appréhension de l’uni­ versel. Donc impossibilité d’une comparaison et d’un ju­ gement proprement dits. L’animal doit juger du bien d’u­ ne façon tout-à-fa it concrète : dès lors il n’y a pas et

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il ne peut y a voir de poursuite de la part de l’animal sans qu’il y ait au préalable, dans l’appétit, un cer­ tain mouvement de délectation. L’animal connaît la délectation lorsqu’il l’éprouve en lui-même et quand un objet lui fait éprouver un mouvement de délectation, l’animal peut juger que cet objet est un bien pour lui.

On comprend ainsi pourquoi la délectation occupe le pre­ mier rang pour lui*

2. La seconde explication tient à la façon même de

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