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Le bien de la raison ou bien de la vertu ne désigne pas seulement un bien essentiellement spirituel et immatériel

Dans le document La délectation (Page 83-108)

accessible uniquement à 1’intelligence et â la volonté, v.g. la sagesse ; il désigne aussi des biens sensibles connus par 1’in­ telligence d’une façon immatérielle ou par référence au sens et désirés par la volonté selon que la "ratio boni" leur convient :

"Appetitus intellectivus, etsi feratur in res quae sunt extra animam singularesV fertur tamen in eas secundum aliquam rationem universalem, sicut cum appetit aliquid quia est bonum... Similiter etiam per appetitum intellec­ tivum appetere possumus immaterialia bona, quae sensus non apprehendit; sicut scientiam, virtutes et alia hujusmodi.’’

I, q. 80, a. 2, ad 2.

L’expression "bien de la raison" s’applique encore par extension, à une t roisième catégorie de biens, distincte des deux précédentes : des biens singuliers connus par les sens

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sous la direction de la raison et désirés par 1’appétit sen­ sitif sous la direction et le commandement de la raison’ et de la volonté. Ces biens sensibles peuvent et doivent être dits ’’honnêtes” par participation. Nous considérons alors le bien singulier sous un autre aspect que précédemment : non pas comme objet de la volonté - ”sub ratione universali” - mais comme objet de l’appétit sensitif mesuré par la raison. Et alors, de même que l’appétit sensitif est appelé rationnel par par­ ticipation, ainsi l’objet de l’appétit sensitif - singulier et

sensible - en tant qu’il est contrôlé et mesuré par la raison peut et doit être appelé ’’honnête” par participation. Or ceci constitue une catégorie spéciale d’objets de l’appétit qui

n’est évidemment pas le bien délectable - purement irrationnel, avons-nous dit, - qui n’est pas non plus, le bien universel, objet de la volonté mais qui est un bien singulier et sensible agissant sous le contrôle de la raison sur l’appétit sensitif.

’’Bonum honestum non solum potest inveniri in materia pure spirituali, sed etiam in sensitiva secundum parti­ cipationem, quatenus etiam passiones appetitus sensitivi possunt esse motae, et directae a ratione, et ministe- rialiter etiam deserviunt appetitui. Igitur eo modo quo appetitus potest subjici rationi, et potest dari aliquid sensibile rationi subjectum, et ab eo regulatum, potest etiam dari honestum participatum, et subjectum rationi, Unde dicimus quod licet honestum pure spirituale sit extra objectum formale appetitus, non tamen honestum participatum et ministerialiter deserviens rationi et spiritui.”

Jean de Saint-Thomas, C. Theol in I-II, q. $6 Disp. XV, a. 2, n. XXXVI, Vives,t.VI,426b47

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Ces remarques faites, nous pouvons nous demander pourquoi le bien de la raison est appelé bien honnête.

Si nous demandons à nos contemporains ce qu’est 1’honnête­ té ils nous répondront sans doute qu’elle consiste dans la

probité, la fidélité au devoir, la conformité aux bonnes moeurs ai à la conscience droite. Pour les Anciens 1’honnêteté si­ gnifiait quelque chose de plus surprenant et de plus chevale­ resque . ’’Honestas” veut dire ’’honoris status”, un état d’hon­ neur. Etait honnête pour eux par conséquent ce qui était digne d’honneur. Nos moeurs actuelles ne nous apprennent guère à associer ainsi honnête et honneur. Les idées courantes sur les honneurs ressemblent souvent à cette conception ’’vulgaire” dont parle saint Thomas, selon laquelle la richesse rend son possesseur très digne d’honneur. Mais nous pourrions peut- être avec avantage reprendre la conception antique de 1’honneur et de l’honnêteté, (n. 15)

Qu’est-ce donc que l’honneur et qu’est-ce qui en rend digne? L’honneur est un témoignage rendu à l’excellence de

quelqu’un. Devant les humains un tel témoignage s’exprime nécessairement par quelque chose d’extérieur et de sensible, paroles, gestes, etc. : c’est la raison d’être de ce que nous appelons ’’les honneurs” c’est-à-dire cet ensemble de choses

(décorations, discours etc...) par lesquelles on reconnaît la valeur et le mérite.

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Or, la véritable excellence de l’homme consiste dans la vertu. Etre pleinement lui-même, c’est ce que l’homme peut accomplir de mieux parce qu’alors il réalise vraiment sa fin. Par conséquent l’homme par excellence est celui qui se comporte

conformément à sa nature d’animal raisonnable, celui qui agit d'une manière conforme â sa raison. Et c’est ce que désigne la vertu. La vertu du bon musicien consiste â bien jouer: la vertu de l'homme, c’est d’agir en homme. La vertu est la

caractéristique de la perfection, la manière d’être de ce qui est parfait.

L'honnêteté dans les choses humaines s’identifie donc à la vertu. L’homme digne d’honneur est l'homme vertueux : ce qui mérite vraiment d ’être honoré ce sont les actes de vertu. L'argent et la réputation ne sont pas mauvais en soi. Ce

sont des instruments, des moyens qui doivent aider à la vie ve rtueuse.

Telles sont les vraies valeurs humaines. Dans cette perspective l’honneur devient un témoignage de révérence

rendu à la vertu en même temps qu’une récompense de celle-ci. Seul l’homme de bien mérite d’être honoré. Dans la vertu ré­ side aussi une véritable beauté morale puisqu’elle résulte de l’ordre, de la juste proportion dans les moeurs et que s’y réflète la lumière de la droite raison.

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Ces principes nous indiquent la raison proprement morale pour laquelle le bien de la raison est appelé bien honnête. LE BIEN DE LA PARTIE RATIONNELLE CONSTITUE LA VERTU HUMAINE: OR, SEULE LA VERTU EST VRAIMENT DIGNE DT HONNEUR, "HONNETE".

A cette raison morale nous pouvons ajouter une raison plus métaphysique. Pour tout être le bien réside dans ce qui est conforme à sa nature; pour tout être capable d’agir le bien de l’action consiste dans 1'exercice d’une opération con­ forme à sa nature. Ainsi le bien de l’homme consiste dans 1 ’opération conforme à sa nature d’animal raisonnable. Or, c’est cette opération que nous appelons 1 ’opération vertueuse. On peut dire dès lors d’une feçon commune que la vertu consti­ tue la fin suprême de l’homme et que la félicité - qui pour tous constitue ou désigne cette fin suprême - réside dans 1’exercice de sa vertu d’homme. La vertu représente donc la ’’valeur humaine" par excellence: elle est ainsi désirable pour elle-meme. Mais la vertu, c’est le bien honnête. En

conséquence "bien honnête" signifiera "bien-désirable-pour-lui- même selon l’appétit rationnel" et s’opposera au "bien-désirable pour-lui-meme" selon l’appétit sensitif, appelé bien délecta­ ble .

IV.- Division de la délectation

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délectation. Le bien se divise en bien du sens ou bien délec­ table et bien de la raison ou bien honnête. (1) La possession du bien a pour fruit la délectation : du premier résulte la délectation dite corporelle, naturelle ou délectation propre­ ment dite; du second, la délectation dite "de l’âme", ou non- naturelle, appelée aussi la joie. Ajoutons tout de suite avec saint Thomas, avant d ’ expliquer cette division plus en détail, que ce qui est objet de délectation proprement dite peut deve­ nir objet de joie chez les êtres doués de raison mais ce qui est objet de joie ne saurait être objet de délectation au sens de délectation corporelle :

"Omne autem quod concupiscimus secundum naturam, possumus etiam cum delectatione rationis concupis­ cere ; sed non e converso, Unde de omnibus de quibus est delectatio potest esse gaudium in habentibus rationem."

I-II, q. 31, a. 3 c.

Note (1): Ceci doit s’entendre conformément à nos détermina­ tions antérieures. Selon toute la rigueur des termes il n’y a pas correspondance absolue entre bien du sens et bien délectable puisque: a) ^il y a un bien sensible utile; b) il y a un bien sensible honnête par participation. Strictement c'est

"1’appétible-pour-soi" selon le sens et selon la raison qui

sont désignés par les termes délectable et honnête. Mais ce que nous disons demeure fondamentalement vrai. Le bien du sens est avec raison désigné globalement par 1 ’appellation "délectable" puisque l’appétible "propter aliud" tient son appétibilité du "propter se" et que le bien du sens comme tel demeure essen­ tiellement irrationnel. De même pour le bien de la raison ou bien honnête.

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Nous trouvons dans le commentaire de saint Thomas sur

1 ’Ethique, la signification des termes "délectation corporelle" et "délectation de l’âme" ("animalis"):

- "Corporales quid em delectationes sunt quae consummantur in quadam corporali passione exterioris sensus. Animales autem delectationes sunt quae consummantur ex sola appre­ hensione interiori. "

in III Ethic. lect. 19, n.600

Pour comprendre ce texte reportons-nous à la division du bien et de 1 ’appétit. La présence de son bien propre provoque en chaque appétit un mouvement de satisfaction: délectation sensible dans l’appétit sensitif, délectation spirituelle dans la volonté. L’appétit suit la connaissance: par conséquent toute délectation comme tout acte d’appétit, est consécutive à une appréhension sensitive ou intellectuelle. La partie sen­ sitive comprend deux catégories de facultés cognitives, les sens externes et internes. C’est de chacune de ces appréhen­ sions que la délectation reçoit sa spécification: délecta­ tion de la vue, du toucher, de l’imagination, etc.

Si l’on réfléchit que 1 ’appréhension intellectuelle est interne comme celle des sens internes (faisant abstraction de la présence ou de l’absence physiques de l’objet) on voit la possibilité d’opposer les délectations consécutives à l’appré­ hension interne à celles qui suivent l’appréhension externe.

Aristote appelle celles-ci "délectations corporelles"

, M \

( <T U> JK « TC l "corporales" ) et celles-là, "délectations

de l’âme" ( H

X1 **' - "animales") consécutive à une appréhen­ sion externe < Délesta­ tion consécutive à une appréhen­ sion interne corporelle < du toucher du goût de 1’ odorat de l’ouïe de la vue de l’âme (JOIE) du sens interne de 1’intellect (spirituelle)

La délectation corporelle est la délectation proprement dite parce qu’en raison de sa fréquence elle est la plus connue pour nous et s’est ainsi emparée du nom "comme d’un héritage", selon 1’expression du Philosophe (VII Ethic., 1153 b 33). Elle est dite "naturelle" parce qu’elle porte sur des objets que nous désirons naturellement (concupiscences naturelles ). Elle

constitue la matière de la tempérance et de la continence. La délectation "de l’âme" (’hon - na t ur e 11 e" par opposition à la précédente) est celle qui résulte d’une appréhension in­ terne. Cette appréhension a plus d’extension que 1’appréhen­ sion externe car ce qui est objet d’appréhension externe peut être objet d’appréhension interne mais non 1’inverse : c’est ce qui explique ce que nous disions tout à l’heure à savoir

que ce qui est objet de délectation proprement dite peut de­ venir objet de joie ("délectation animale” ) chez l’homme et que 11 inverse ne saurait se réaliser:

"Interior autem apprehensio ad plura se extendit quam exterior, eo quod quaecumque cadunt sub exteriori

apprehensione, cadunt sub interiori, sed non e converso." I-II, q. 3$, a. 2 c.

Nous pouvons voir ainsi que la joie est une espèce de dé­ lectation en prenant le mot délectation dans un sens "commun" ainsi que nous l’avons fait au chapitre précédent :

délectation pro­ prement dite Délectation4 ' consécutive à une appréhen­ sion externe Joie : délectation de l’âme, con­

sécutive à une appréhen­ sion interne délectation sen­ sible externe ou corporelle f du sens interne de 1 ’ in te lie et En étudiant le bien du sens ou bien délectable nous avons souligné la détermination de l’appétit sensitif, nous avons remarqué que les sens chez l’animal n’avaient pas d’autonomie et qu’ils demeuraient ordonnés à la conservation de 1’individu et de l’espèce, Ep conséquence nous sommes amenés â constater que même si l’animal supérieur possède tous les sens, chez lui cependant, ne se rencontrent à proprement parler, que les délectations du goût et du toucher : les délectations des autres sens ne sont pas ressenties "per se" mais seulement

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du toucher. Aribtote a noté ceci très justement dans l’Ethique "Les chiens ne prennent pas plaisir à sentir les fumées

des lièvres, mais à dévorer ceux-ci. Cette sensation est associée à l’odeur. Le lion, lui non plus, ne se complaît pas à entendre le mugissement du boeuf, mais â l’idée d’en faire sa proie. Le mugissement lui

apprend la présence de sa victime et voilà pourquoi le cri semble le réjouir.”

Ill Ethic, c. 13, 1118 a 18 Trad. Voilquin, c. 10 n.7 Ce que saint Thomas commente ainsi en marquant la diffé­ rence avec l’homme:

"Horum autem ratio est, quia appetitus animalium aliorum movetur solo instinctu naturae. Et ideo non delectantur nisi in his quae pertinent ad sustentationem naturae, propter quam dantur ejusmodi sensus animalibus. Sed hominibus dantur propter cognitionem sensibilium, ex quibus proceditur ad cognitionem rationis, quae movet hominis appetitum. Et inde est quod homo delectatur in ipsa sensibilium convenientia secundum se considera­ torum, etsi non ordinentur ad sustentationem naturae.”

in III Ethic., lec. 19, n. 611 En raison de cette primauté des délectations du toucher et du goût dans la vie de 1’animal et de 1’ordination de toutes les autres â celles-ci on appellera par antonomase, - "antonomas

coi-porelles, tice”, dit saint Thomas (II-II, q. 141, a.4l ad 3) - toutes les délectations sensibles considérées sur le seul plan animal ou irrationnel: elles se résolvent, pourrait-on dire, dans des délectations du toucher et donc dans des délectations du corps

Cette remarque nous permet de prévenir une objection. On pourrait, semble-t-il, raisonner comme ceci. Le bien délecta­ ble est le bien du sens et le sens est double, externe et inter­ ne. Par conséquent la possession du bien délectable doit engen­ drer d

ejmême

une double délectation sensible, externe ou interne. Or la délectation corporelle désigne une délectation consécuti­ ve à l’appréhension externe seulement et nous disons maintenant que c’est cette seule délectation qui se rencontre chez l’animal que faisons-nous du bien sensible interne chez l’animal? La réponse est facile. Le bien sensible interne chez l’animal - de meme que son appréhension sensitive interne - demeure ordonné en fonction du bien sensible externe et les délectations qu’il peut en éprouver peuvent être appelées en conséquence "corpo­ relles”. L’animal comme tel et l’homme dans sa vie purement animale ne connaissent que la délectation corporelle. La dé­ lectation corporelle est la délectation naturelle et l’animal par lui-même, ne connaît rien, n’imagine rien en-dehors des voies de la nature.

De même par antonomase encore, on appellera délectations de l’âme, des délectations même sensibles qui dérivent de la raison et se résolvent ou s’achèvent d’une certaine manière en délectation de la raison. La différence n’est pas toujours nettement tranchée et, comme le relève saint Thomas à propos de l’avarice - à la fois péché de la chair et péché de l’esprit

- il y a des objets "mixtes" i.e. à la fois corporels et spirituels.(I-II, q. 72, a.2 ad 4) (1)

La distinction entre les appétits ne vient pas de la con­ naissance comme telle, avons-nous dit, mais d'une distinction de biens appétibles possédant chacun une appétibilité propre. De même , la différence entre délectation corporelle et délec­ tation de l’âme en est une d’objets "délectables".

"Ea in quibus delectamur, cum sint objecta delectation is, non solum faciunt differentiam materialem sed ètiam

formalem, si sit diversa ratio delectabilitatis. Diversa enim ratio objecti diversificat speciem actus vel

passionis ut ex supradictis (q. 23, a.1 et 4) patet. I-II, q. 31, a. 8, ad 3um.

La délectation corporelle provient de la possession du bien délectable; la délectation de l’âme, du bien honnête. Or, la délectabilité (la "ratio delectabilitatis") de l’un et l’autre bien n’est pas la même: celle du premier s’iden­ tifie a son appétibilité même puisque précisément on l’appelle bien "délectable" ; celle du second s’ajoute comme une addition

Note (1): Le critère de cette dénomination est le terme vers lequel tend le mouvement appétitif puisque le mou­ vement est spécifié par son terme (II-II^ q. lié, a.6 ad 2): satisfaction du corps ou de l’esprit. Meme si elle est un repos, la délectation est quand même dénommée par ce terme: "secundum differentiam motus est etiam differentia quietis."

à s on appétibilité et demeure par conséquent comme une sorte d’accident dans sa possession ("habet delectationem annexam"). Voilà ce qui donne la véritable distinction entre les deux espèces de délectation.

"Cum objectum appetitus animalis sit bonum apprehensum, diversitas apprehensionis pertinet quodammodo ad diver­ sitatem objecti. Et sic delectationes animales, quae dicuntur etiam gaudia, distinguuntur a delectationibus corporalibus, quae dicuntur solum delectationes; sicut et de concupiscentiis supra dictum est."

I-II, q. 31, a. 3, ad lum

Nous connaissons déjà la délectabilité propre du bien délectable puisque nous avons étudié longuement son appétibi­ lité. Il nous suffira de compléter notre connaissance de la délectation corporelle ou délectation proprement dite en la

considérant au point de vue passion, mettant davantage en lumière ce qui la distingue de la délectation de l’âme ou joie et en disant un mot de la jouissance. Puis, nous con­ sidérerons la délectabilité du bien honnête, c’est-à-dire les relations entre le bien de la raison et la délectation. W. - La délectation corporelle.ou délectation proprement dite

Au chapitre précédent nous avons reconnu chez saint Thomas une évolution ou un changement dans la distinction qu’il établit entre la délectation proprement dite et la

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joie de même qu’entre la douleur et la tristesse. Selon le Commentaire sur les Sentences et le De Veritate, la délecta­

tion et la douleur commencent par une altération du corps et se terminent dans l’appréhension sensitive : elles résident dans le sens qui appréhende et constituent des passions du corps. Joie et tristesse commencent par l’appréhension interne de ce qui est bon ou mauvais et s’achèvent dans une affection: elles résident dans l’appétit et constituent des passions de l’âme. D’après l’enseignement de la Somme - qui nous paraît exprimer plus adéquatement la réalité - délectation, douleur, joie et tristesse constituent toutes des passions de l’âme et rési­ dent dans l’appétit : 1 ’opposition entre les deux groupes con­

siste en ce que la délectation et la douleur proviennent d’une appréhension sensitive externe tandis que la joie et la tris­ tesse suivent une appréhension interne, sensible ou intellec­

tuelle. La distinction entre la délectation proprement dite et lajoie. correspond ainsi â la distinction entre délectation corporelle

et délectation de l’âme. Joie et tristesse n’en demeurent pas moins cependant propres et exclusives aux êtres doués de

raison. C’est la portée profonde de cette distinction décou­ lant de la prérogative de J.’ homme qui seul peut connaître quelque chose comme bon ou mauvais en-dehors de ce qui lui

Dans ce chapitre premier nous avons étudié le problème au point de vue de la connaissance et de ses relations avec l’appétit: nous nous sommes attachés à montrer que tout mou­ vement de l’âme ayant pour objet le bien ou le mal résidait dans l’appétit et que par conséquent ce qu’on appelle délec­ tation ne consistait pas uniquement dans une appréhension mais aussi dans un acte de l’appétit. Nous disions ainsi d’une façon commune que la délectation était une passion en prenant le mot passion dans un sens également commun qui recouvrait tout acte d’appétit. Connaissant maintenant la division de l’appétit et de la délectation nous pouvons reprendre le meme problème au point de vue de la passion et compléter ces pre­ mières déterminations.

Commençons donc par rechercher ce que c’est qu’une passion au sens propre et ce que signifient les expressions ’’passion du corps” et ’’passion de l’âme”. Rappelons d’abord dans ce but la signification exacte du mot passion. Nous n’avons qu’à re­ courir pour cela au récent travail de M. l’abbé Pierre-Paul Mongeau, ’’Les divers sens du mot passion” (Laval Théologique

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