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Point de vue des pilotes de ligne à propos de l’évolution de l’automatisation et

Chapitre 3 : Analyse de la tâche

4.2 Résultats : Identification des représentations

4.2.4 Point de vue des pilotes de ligne à propos de l’évolution de l’automatisation et

Il ressort de nos entretiens que l’automatisation revêt des avantages et des inconvénients pour les pilotes utilisant ces systèmes automatisés.

Les avantages cités concernent premièrement les systèmes automatisés qui ont permis de simplifier la tâche, en particulier parce qu’il y a moins de calcul à faire de la part de l’opérateur (P1 : « Ça simplifie la vie en ce sens qu’on n’a pas à effectuer tous ces calculs », P2 : « ça lui a simplifié la tâche »), comme montré également par Billings (1997). Néanmoins, la charge de travail n’a pas diminué pour toutes les phases de vol. De plus, un second avantage concerne l’amélioration de la sécurité (Durso & Sethumadhavan, 2008; Liu & Hwang, 2000), (P2 : « l’introduction du FMS a été une révolution en termes de navigation, simplifier la tâche, et surtout améliorer considérablement la sécurité… »).

Cependant, ce deuxième point est directement relié à un premier inconvénient abordé par les pilotes : la baisse de vigilance. Cette vigilance, selon eux, décroît car :

· Premièrement, la tâche principale est devenue majoritairement une tâche de surveillance. Ainsi, leur activité change et devient une activité, (P1 : « Avec les automatismes, on a un peu un relâchement de la vigilance »).

· Les pilotes ont une sur-confiance dans le système, notamment les pilotes ayant toujours volé avec des systèmes automatisés, (P1 : « Encore une fois, les automatismes introduisent un sentiment de sécurité, un sentiment indu de sécurité »).

Un second inconvénient concerne la mauvaise ou l’incompréhension du système. En effet, l’opacité des systèmes rend leur compréhension difficile pour les opérateurs qui ne comprennent pas à chaque fois les objectifs poursuivis par l’automate, (P3 : « Enfin les agents ne se comprennent pas, humain et artificiel ne se comprennent pas et chacun fait son but dans son coin »).

Enfin, le dernier avantage abordé par les pilotes concerne la perte des habiletés et particulièrement en ce qui concerne le pilotage manuel. Le fait que les pilotes manient leur avion majoritairement de manière automatique, ils pilotent de moins en moins l’avion de façon manuelle et ainsi, ils ont de plus en plus de difficultés à reprendre la main sur le système lorsqu’un problème apparait, (P1 : « …ce qui fait que quand il y a une panne sérieuse, avec la

panne sérieuse, on est obligé d’utiliser le contrôle manuel. Et on n’y est plus habitué. On a perdu des habiletés. On n’a peut-être pas d’ailleurs acquis des habiletés nécessaires, parce que maintenant avec la formation des pilotes, c’est surtout la formation avec les automatismes, c’est peu vers les habiletés manuelles »).

4.3 Conclusion intermédiaire

Dans un premier temps, cette étude a permis d’établir une base de connaissances à propos de la tâche de pilotage (cf. arbre des tâches). Les quatre méta-tâches ainsi que leurs sous-tâches associées ont été formalisées confirmant les données émises dans la littérature (Billings, 1997 ; Schutte & Tujillo, 1996 ; Wickens, 2002, 2007, 2009) et permettant ainsi d’appréhender le métier de pilote. De plus, ces entretiens ont permis d’acquérir des connaissances complémentaires quant à l’avènement de l’automatisation (Billings, 1997 ; Boy & Pinet, 2008) et de son fonctionnement dans les avions de type glass-cockpit. Egalement, l’analyse des entretiens quant à la charge de travail selon les phases de vol est en accord avec d’autres études précédemment réalisées (Durso & Sethumadavan, 2008 ; Schvaneveldt, et al., 2001 ; Tenney, et al., 1998), avec une charge de travail plus élevée pour les phases de début et de fin de vol et une risque d’hypovigilance pour la phase de croisière. Nos résultats sont également en accord avec la littérature en ce qui concerne la baisse de vigilance dans les glass cockpits (Durso et al., 2011) notamment du fait de l’activité davantage passive des pilotes (passive (Dehais, 2004 ; Sarter & Woods, 1992 ; Singh, et al., 2010 ; Endsley, 1996 ; Kaber & Endsley, 2004 ; Liu & Hwang, 2000) et de leur sur-confiance dans le système (Singh, et al., 1993). Une autre limite de l’automatisation abordée par les pilotes lors des entretiens renvoie à la mauvaise compréhension ou l’incompréhension des actions menées par le système ou des indications fournies par ce dernier. Ce résultat vient là aussi renforcer les éléments de la littérature (Endsley, 1996 ; Sarter & Woods, 1992 ; Billings, 1997 ; Wickens, 2009 ; Kaber & Endsley, 2004). Enfin, les pilotes de cette première étude disent faire face à une perte des habiletés de pilotage manuel du fait de leur utilisation quasi-permanente des systèmes automatisés. Encore une fois, cet aspect est également abordé plusieurs fois dans la littérature (Boy, 2014 ; Tenney et al. 1998 ; Wickens, 2009 ; Kaber & Endsley, 2004 ; Damos, et al., 2005).

Un deuxième bénéfice à cette étude est de comprendre les différences qui existent dans les tâches à réaliser par les pilotes selon leurs objectifs. Les pilotes de l’armée de l’air ayant comme objectif la mission militaire, la navigation est alors, notamment en temps de guerre, totalement dépendante des événements (eg. bombardement) et diffère en ce sens des objectifs de navigation des pilotes de ligne ou de loisir. Ces derniers poursuivent, eux, des objectifs assez similaires qui sont d’aller d’un point A à un point B et cela en stabilisant l’avion sur une trajectoire préalablement définie (Billings, 1997 ; Wickens, 2009). En revanche, la différence qui

apparaît entre ces deux expériences de pilotage renvoie à la présence et à l’utilisation ou non de l’automatisation et du FMS. Il est alors intéressant pour la suite de comprendre et d’analyser les tâches réalisées par les pilotes utilisant ou non de l’automatisation (et plus particulièrement le FMS).

Limites

Toutefois, certaines limites peuvent être émises quant à cette première étude.

Une première limite concerne l’expertise et le profil des pilotes rencontrés. En effet, la majorité des pilotes rencontrés étaient des experts. Il n’y a qu’un seul pilote interviewé qui soit novice en pilotage aux instruments. Ainsi, les données recueillies ne sont pas homogènes. Egalement en ce qui concerne leur profil, les pilotes rencontrés n’étaient pas tous spécialisé dans un type de vol mais avaient pour la plupart expérimenté différentes expérience. Par exemple, les pilotes de chasses ayant participés à l’étude se sont ensuite reconvertis en pilote de ligne en compagnie aérienne. Ainsi, leur représentation de la tâche à réaliser en tant que pilote de chasse a pu être influencée et modifiée par leur expérience en tant que pilote de ligne.

Une seconde limite concerne le fait qu’il n’y a pas d’analyse inter-juge réaliser quant à l’analyse thématique des entretiens. Le codage de ces entretiens n’a été réalisé que par une seule personne. De ce fait, un choix a été émis quant à la catégorisation des items dans les entretiens (ex : gérer la vitesse fait référence à la tâche de pilotage ; gérer le cap fait référence à la tâche de navigation). De même, il n’y a pas eu de confrontation experte à la suite de la production de l’arbre des tâches. Autrement dit, l’arbre des tâches n’a pas été présenté à plusieurs experts afin de le compléter ou le modifier.

Perspectives

Dans la deuxième étude, une analyse cognitive de la tâche de navigation a été menée afin de comprendre si l’utilisation de l’automatisation change radicalement les tâches des pilotes et si cela entraine des exigences cognitives et des difficultés (utilisation du système). Avoir une analyse de la tâche sans utilisation du FMS a pour avantage de comprendre comment est réalisée la tâche sans système automatisé entre l’avion et le pilote et ainsi d’avoir un modèle de la tâche de pilotage plus générique afin d’en comprendre les exigences et besoins cognitifs et de proposer des solutions d’amélioration.