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La vue est désignée par le banc, le banc par l'arbre, l'arbre par la

Dans le document Parcs et promenades pour habiter (Page 78-83)

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cathédrale.

Chacun fonde et enracine la position de l'autre.

Dans cet enchaînement, l'arbre joue un rôle absolument non ornemental : élémentaire et fondamental à la fois. Présence du

sacré

-en un double

sens.

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.4.

MOTIF

:

L'AssiSE

Expression minérale, ce motif fait jouer au végétal un rôle que joue la pierre ordiruûrement. Deux dimensions conjointes doivent être distinguées

:

la

dimension matérielle du fondement,

de la base ou du soubassement (connotations topologiques), et la

dimension logicielle de la

fondation,

du pouvoir et du judiciaire (connotations rituelles et sociologiques). L'assise, comme motif, désigne à

la fois le fondement et la

fondation.

La connotation topologique est évidemment première : comme on l'a

vu, le groupe d'arbres de l'esplanade constitue l'assise végétale de la

Cathédrale

(ils

en sont le soubassement, la base ou le "tombé"); en même

temps,

ils

représentent l'assise du banc, au sens où

ils

fondent sa position,

son orientation et son usage (c'est un appui, une protection, un arrière).

Mais la

connotation socio-culturelle

n'est pas moins forte, puisque l'on

vient s'y asseoir, rituellement, que l'on y pratique le culte du regard, et que l'on y ressent de manière prégnante le poids et la puissance fondatrice du sacré : lieu élevé, cultuel et culturel, sombres frondaisons porteuses d'une mémoire médiévale, méditation solitaire, rendez-vous amoureux, charivaris étudiants et fêtes annuelles.

A l'inverse d'Ouchy, qui a une position basse, aux pieds de la ville, mais dont le motif dominant est

le balcon

31, l'Esplanade de la Cathédrale est en position de balcon sur la ville, mais son motif fondamental est

l'assise.

7 .S. EFFEl' D'EPIPHANIE

Effet senstble et imaginaire par lequel une configuration végétale occulte ou estompe l'entrée en scène d'une personne pour en valoriser tout-à-coup la présence, comme si elle avait toujours été là. En un premier sens, c'est l'effet, presque magique ou surnaturel, d'une

apparition subite et inattendue :

il est des lieux où les gens "apparaissent",

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sans que l'on sache comment

ils

sont apparus. "On ne l'avait pas

vu

venir".

D

n'y avait personne et pourtant, il a l'air d'être là depuis toujours et de

"faire partie des lieux". En un autre sens, c'est la

manifestation visible

d'un être ou de quelque

chose

d'invisible 32 : on voit le type de

personnage et non la personne réelle, le type de comportement et non l'action réelle, ... - ou inversement. Dans l'exemple précédent, des

personnages

surgissent des Escaliers du marché : figures du Touriste, de

l'Amoureux ou de l'Errant, mais aussi personnalités locales, un conseiller d'Etat, un écrivain ou un architecte connu, qui ne font là qu'une brève apparition sur scène.

Cinématographiquement, cet effet renvoie directement à la technique de l'incrustation.

Ici,

le

film

est saisissant parce que l'effet d'épiphanie est réel sur le lieu lui-même.

Le film

est irréel (c'est une image), et pourtant c'est bien comme cela

dans

le réel (ce n'est pas une image). L'épiphanie, c'est alors la fonction icônique du

film

-

la façon dont

l'image se confond avec le réel.

Que l'on se situe dans le réel ou

dans

la fiction, il y a effet d'épiphanie lorsque

l'apparition compte plus que l'image.

Matériellement, l'effet peut apparaître pour des raisons topologiques (l'arrivée des personnes est effectivement masquée par une haie, un alignement, un jeu alterné de troncs d'arbres, ... ) ou pour des raisons de comportement induit (leur arrivée

dans

le champ visuel est discrète). Ces deux raisons s'associent sur l'Esplanade de la Cathédrale : la configuration des lieux, l'ombre portée par les arbres, le retrait des accès latéraux (Escaliers du marché, Ancien Evêché) et du passage principal autour de la Cathédrale

font surgir

les personnes

dans

la zone lumineuse antérieure de l'Esplanade. En outre,

la discrétion

est de mise en ce haut-lieu : on se pose sur le banc

sans

fracas, on y accède tranquillement, un peu fatigué par la montée, de la démarche calme et assurée de celui qui arrive et qui va être récompensé de sa peine.

7.6. FIGURE :

LE VISITEUR

Figure prégnante,

dans

la tension qu'elle établit entre son sens le plus prosaïque (aller rendre visite à quelqu'un) et ses connotations imaginaires fantastiques (le visiteur du soir).

n

y a toujours une

dimension

32 A l'inverse de ce que nous disions de la figure de l'Absent (Place Artaud - Figures du vide, 3.6.), caractérisée comme la manifestation invisible d'une présence. La figure de l'Absent était une figure de l'effacement (quasi-absence), l'effet d'épiphanie est

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sur-réaliste

chez le Visiteur (la raison de la visite reste toujours inconnue ou mystérieuse à l'observateur extérieur); en même temps, il manifeste et suscite toujours du respect, du calme et

de la retenue

:

la démesure du

Visiteur tient à la mesure de son comportement.

On vient sur cette esplanade comme on vient

rendre visite

à une vieille dame, de manière rituelle, respectueuse et un peu distante en même temps. L'arbre est un abri pour de telles visites, répétées, visuelles.

Le

touriste

vient visiter

la Ville, la Cité, la Cathédrale et

il

n'échappera pas à ce banc-là, incontournable. Plus généralement, on ne vient

que pour la visite, c'est-à-dire, comme le rappelle l'étymologie,

pour la vue

33, c'est­ à-dire finalement, comme on l'a vu, pour rien.

33 Etymologiquement le latin visitare est le fréquentatif de visere, voir. VISiter consiste donc à voir et à revoir de manière répétée ...

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Chapitre S

Chemin des Délices

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