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Une clairière dans la ville

Dans le document Parcs et promenades pour habiter (Page 31-33)

1.1. L'OMBRE

ET lA

LUMIERE

C'est l'un des plus connus de la ville. Situé dans les quartiers

bourgeois de l'Est la

usann

ois, entre le Bourg et le vallon de la Vuachère,

le parc Monrepos est coupé en deux par une large avenue ouverte desservant horizontalement et à flanc de côteau le bâtiment néoclassique du Tribunal fédéral. Ce parc est du même coup caractérisé par une

dualité, topologique et sémantique à la fois,

entre : la partie haute, qui est qualifiée de froide, humide, sombre, judiciaire, ruinesque, pittoresque, nocturne, romantique et satyrique, et la partie basse, au contraire ouverte, solaire, avec sa volière, sa piscine, ses pelouses, ses grands arbres

tutélaires et la présence de la ville. La densité végétale et l'ombre propre

de la première renvoient

ainsi

au dégagement et à la luminosité de la

seconde. Concrètement, la partie haute est plutôt le lieu de la promenade

solitaire et méditative (voire de la rencontre louche), régime nocturne

d'un imaginaire gennanique de

la

forêt et du terreau, tandis que la partie

basse est investie d'usages plus collectifs (on

y

voit des personnes en groupe, des mamans ou des enfants accompagnés), régime diurne d'un

imaginaire de pelouses et de porc

à

l'anglaise soigneusement organisé.

1.2. LE PLUS PARC DE TOUS LES PARCS

Cinq plans fixes, montrant l'ouverture des pelouses entre de grands arbres majestueux et des allées sinueuses, donnent à voir différents usages de la partie basse

: la

vieille dame et la jeune fille qui remontent la pente, l'heure de gymnastique d'une classe de collège qui se répand en

cris

et en courses, des mères de famille avec leurs enfants autour de la volière. C'est

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le matin.

n

y a de l'espace. La nature, quoique parfaitement domestiquée, apparaît généreuse. Les grands arbres espacés semblent inonder les pelouses de lumière. Un écureuil sautillant connote la quiétude un peu anecdotique du lieu. C'est le plus parc de tous les parcs de la ville.

1.3. UNE

ECHELLE TUTE

lAIRE

Tout le monde est immédiatement frappé par l'

échelle du lieu, qui

constitue

sans

doute l'argument premier des discours recueillis, d'autant

plus qu'elle constitue une exception à Lausanne, davantage marquée par

le minuscule. Ce parc est avant tout ressenti comme un grand parc u rbain.

Que l'on évoque

la

taille des arbres de haute tige, la petitesse relative des

personnages que l'on voit s'y déplacer, les gens qui y prennent l'air et le soleil, le caractère ouvert et largement dégagé de ses pelouses, l'amplitude du tracé de ses allées goudronnées, ou encore et de manière plus

générale, la prégnance de cette réserve de verdure par rapport à

la

ville,

c'est toujours l'échelle du parc que l'on valorise - ou que parfois l'on stigmatise : "C'est grand, c'est vaste, c'est bien, .. .", mais aussi "c'est

ennuyeux, typiquement emmerdant,

sans

tension". Cette première

appréhension, unanime, est très souvent corrélée à des remarques sur

la

lumière et l'éclat du vert (les VIbrations du feuillage de ces grands arbres en contre-plongée, les ombres portées qui mettent en valeur les pelouses et

réciproquement),

ainsi

que sur la quiétude du lieu - comme si c'était la

générosité de l'espace qui induisait un rythme lent dans les cheminements, une tendance générale à la nonchalance, à l'écoute ou à l'observation de l'autre, voire un certain ennui. Le sentiment d'échelle, c'est cette réserve d'espace ou de temps qu'offre le grand parc. Mais ce sentiment se redouble lorsque les commentaires sur la séquence renvoient,

explicitement ou implicitement, à

la

partie haute, occulte et forestière, non

présentée

dans le vidéogramme mais présente à l'esprit de tout le monde.

Par ce redoublement, le parc intègre ses contraires, donne à sentir le contraire de ce qu'il manifeste : l'ombre latente, en haut, qui rend la lumière plus éclatante, en bas, l'inquiétude vague qui rend plus précieuse cette quiétude-là, ce territoire occulte derrière ce territoire ouvert, l'esprit

de la forêt derrière celui de

la

clairière.

Authenticité, naturalité, "tutélarisation"

(pour ne pas dire

titularisation

!)

deviennent alors les arguments d'un second niveau d'interprétation. Si l'on conteste parfois le type d'aménagement de ce parc urbain, on n'en conteste jamais l'authenticité : "C'est un vrai parc", "vraiment un parc unique",

"dans

lequel on entre pour de bon" et "

dans

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lequel on ne peut voir la verdure autrement que comme verdure"; "C'est

vraiment celui que l'on reconnaît tout de suite et sans hésitation". Vérité,

unicité, marquage des entrées, autoréférence d'une verdure qui ne renvoie

qu'à elle-même, signature urbaine, sont alors les critères d'une telle

authenticité. De même, si le côté "classe", austère ou solennel de ce jardin

est parfois déprécié, on ne conteste pas sa

natura/ité,

dont la modestie des

aménagements, la dimension sauvage et forestière de la partie haute, le

design discret et "apparemment peu pensé" de la partie basse ou encore la

ville qui se présente aux yeux du baigneur (de la piscine) comme "le grand

large" sont les signes les plus tangtbles. De même encore, si des images

désuètes de promenades bourgeoises, de "nannies po

ussan

t des landeaux"

ou de jeunes filles de pensionnat p

assan

t en chantant surgissent chez

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