1.1. L'OMBRE
ET lA
LUMIEREC'est l'un des plus connus de la ville. Situé dans les quartiers
bourgeois de l'Est la
usann
ois, entre le Bourg et le vallon de la Vuachère,le parc Monrepos est coupé en deux par une large avenue ouverte desservant horizontalement et à flanc de côteau le bâtiment néoclassique du Tribunal fédéral. Ce parc est du même coup caractérisé par une
dualité, topologique et sémantique à la fois,
entre : la partie haute, qui est qualifiée de froide, humide, sombre, judiciaire, ruinesque, pittoresque, nocturne, romantique et satyrique, et la partie basse, au contraire ouverte, solaire, avec sa volière, sa piscine, ses pelouses, ses grands arbrestutélaires et la présence de la ville. La densité végétale et l'ombre propre
de la première renvoient
ainsi
au dégagement et à la luminosité de laseconde. Concrètement, la partie haute est plutôt le lieu de la promenade
solitaire et méditative (voire de la rencontre louche), régime nocturne
d'un imaginaire gennanique de
la
forêt et du terreau, tandis que la partiebasse est investie d'usages plus collectifs (on
y
voit des personnes en groupe, des mamans ou des enfants accompagnés), régime diurne d'unimaginaire de pelouses et de porc
à
l'anglaise soigneusement organisé.1.2. LE PLUS PARC DE TOUS LES PARCS
Cinq plans fixes, montrant l'ouverture des pelouses entre de grands arbres majestueux et des allées sinueuses, donnent à voir différents usages de la partie basse
: la
vieille dame et la jeune fille qui remontent la pente, l'heure de gymnastique d'une classe de collège qui se répand encris
et en courses, des mères de famille avec leurs enfants autour de la volière. C'est30
le matin.n
y a de l'espace. La nature, quoique parfaitement domestiquée, apparaît généreuse. Les grands arbres espacés semblent inonder les pelouses de lumière. Un écureuil sautillant connote la quiétude un peu anecdotique du lieu. C'est le plus parc de tous les parcs de la ville.1.3. UNE
ECHELLE TUTElAIRE
Tout le monde est immédiatement frappé par l'
échelle du lieu, qui
constitue
sans
doute l'argument premier des discours recueillis, d'autantplus qu'elle constitue une exception à Lausanne, davantage marquée par
le minuscule. Ce parc est avant tout ressenti comme un grand parc u rbain.
Que l'on évoque
la
taille des arbres de haute tige, la petitesse relative despersonnages que l'on voit s'y déplacer, les gens qui y prennent l'air et le soleil, le caractère ouvert et largement dégagé de ses pelouses, l'amplitude du tracé de ses allées goudronnées, ou encore et de manière plus
générale, la prégnance de cette réserve de verdure par rapport à
la
ville,c'est toujours l'échelle du parc que l'on valorise - ou que parfois l'on stigmatise : "C'est grand, c'est vaste, c'est bien, .. .", mais aussi "c'est
ennuyeux, typiquement emmerdant,
sans
tension". Cette premièreappréhension, unanime, est très souvent corrélée à des remarques sur
la
lumière et l'éclat du vert (les VIbrations du feuillage de ces grands arbres en contre-plongée, les ombres portées qui mettent en valeur les pelouses et
réciproquement),
ainsi
que sur la quiétude du lieu - comme si c'était lagénérosité de l'espace qui induisait un rythme lent dans les cheminements, une tendance générale à la nonchalance, à l'écoute ou à l'observation de l'autre, voire un certain ennui. Le sentiment d'échelle, c'est cette réserve d'espace ou de temps qu'offre le grand parc. Mais ce sentiment se redouble lorsque les commentaires sur la séquence renvoient,
explicitement ou implicitement, à
la
partie haute, occulte et forestière, nonprésentée
dans le vidéogramme mais présente à l'esprit de tout le monde.
Par ce redoublement, le parc intègre ses contraires, donne à sentir le contraire de ce qu'il manifeste : l'ombre latente, en haut, qui rend la lumière plus éclatante, en bas, l'inquiétude vague qui rend plus précieuse cette quiétude-là, ce territoire occulte derrière ce territoire ouvert, l'esprit
de la forêt derrière celui de
la
clairière.Authenticité, naturalité, "tutélarisation"
(pour ne pas diretitularisation
!)
deviennent alors les arguments d'un second niveau d'interprétation. Si l'on conteste parfois le type d'aménagement de ce parc urbain, on n'en conteste jamais l'authenticité : "C'est un vrai parc", "vraiment un parc unique","dans
lequel on entre pour de bon" et "dans
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