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4.3 Discussion des résultats expérimentaux

4.3.2 Volume d’activation

Dans cette partie, nous nous intéressons à la description des résultats de mesures du champ de retournement Hswen fonction de la température. Sous l’effet de l’excitation ther-

mique, la barrière d’anisotropie séparant les deux orientations stables de l’aimantation peut être franchie et la particule peut retourner son aimantation par activation thermique [221]. En décrivant le passage de la barrière d’anisotropie par le modèle de Néel-Brown [222], la probabilité pour que la particule renverse son aimantation au bout d’un temps t peut s’écrire sous la forme :

P (t) = 1 − e−t/τ (4.5)

où τ est le temps moyen au bout duquel la particule retourne son aimantation. On suppose ici que τ peut s’écrire par une loi d’Arrhénius :

τ = τ (T, H) = τ0e∆E(H)/kBT (4.6)

où ∆E est la hauteur de la barrière d’anisotropie franchie, T la température et τ0 un

préfacteur supposé constant par rapport au terme exponentiel.

Lorsque la particule retourne son aimantation, ce renversement s’initie dans un volume d’activation, dont l’ordre de grandeur peut être estimé par :

V = E0 µ0MsHa

(4.7) où E0 est la hauteur de la barrière d’anisotropie à température nulle, Msl’aimantation

à saturation et Ha le champ d’anisotropie.

Dans le cas où le renversement d’aimantation de la particule se fait par nucléation de do- maine dans une partie de la particule suivie d’une propagation d’une paroi de Bloch dans le reste de la particule, le volume d’activation est inférieur au volume réel de la particule. Par contre, si le renversement d’aimantation se fait par rotation uniforme dans l’ensemble de la particule assimilée à un monodomaine magnétique, le volume d’activation est à priori comparable au volume total de la particule.

A partir des équations (4.6) et (4.7), on peut écrire :

τ = τ (TB, Ha) = τ0eµ0MsHaV /kBTB (4.8)

En prenant τ ∼ 1 s, τ0 ≈ 10−9 − 10−11 s, Ms = 1.43.106 A/m (Co), Ha ≈ 1 T,

TB ≈ 12 K, on estime V ≈ (1.4 nm)3. En considérant que la distance entre deux atomes

de Co est identique à celle du matériau massif (dCo−Co = 2.5 Å), on estime le nombre

d’atomes approximatif de la particule Nat ∼ V/(dCo−Co)3 ≈ 190 atomes. La longueur

correspondante dépend fortement du diamètre du nanotube hôte ainsi que de la structure de la particule qui ne sont pas connus. Néanmoins, en considérant que la diamètre de la particule est typiquement d’un nanomètre, on estime sa longueur comme étant de l’ordre de : lCo ≈ 15 nm. Cette valeur est tout à fait compatible aux longueurs des remplissages

observés par TEM (chapitre 2). Cependant, l’impossibilité d’imager la particule mesurée ne permet pas de savoir si le volume d’activation estimé est inférieur ou identique à la taille réelle de la particule. C’est pour cela qu’il serait intéressant de rendre compatible la mesure de transport électronique avec une observation TEM sur le même nanotube (chapitre 3).

4.4

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté des résultats de mesures réalisées sur des SWNTs faiblement remplis de particules de cobalt. Cette étude reste encore préliminaire mais montre, néanmoins, un comportement intéressant du transport électronique du dispositif sous l’effet du champ magnétique et de la tension de grille. En particulier, des sauts de conductance, apparaissant à une valeur bien définie du champ magnétique appliqué, dans les caractéristiques courant-tension de la jonction, ont été observés. Ces sauts n’étaient pas observés dans les caractéristiques des nanotubes n’ayant pas subit d’étape de remplissage et sont attribués au retournement d’aimantation d’une particule de cobalt encapsulée au sein du fagot de SWNTs mesuré. Ces sauts se superposent à des variations continues de la conductance sous champ magnétique, également visibles sur les échantillons de nanotubes non remplis. D’autre part, l’amplitude et le signe de ces sauts dépendent fortement de la tension de grille et ont été interprétés par un effet Magnéto-Coulomb se produisant entre la particule ferromagnétique et le ou les nanotubes conducteurs au sein du fagot de SWNTs. Cet effet permet de corréler les propriétés de transport électronique des nanotubes connec- tés avec les propriétés magnétiques de la particule de cobalt encapsulée. Pour expliquer la plupart des comportements observés, nous avons introduit de manière qualitative, un modèle simple de l’effet Magnéto-Coulomb dans notre système. Cette approche qualitative permet, en particulier, d’interpréter l’apparition des sauts de conductance au champ de retournement de la particule magnétique ainsi que l’inversion éventuelle du signe de ces sauts avec la tension de grille. Néanmoins, une étude plus approfondie de l’effet Magnéto- Coulomb est requise pour mieux comprendre les résultats de mesure. D’autres mesures sont également envisagées pour mieux caractériser cet effet.

Par ailleurs, l’étude de la dépendance du champ de retournement avec la température a permis d’estimer la température de blocage et d’estimer approximativement le nombre typiques d’atomes contenus dans la particule ferromagnétique. D’autre part, des mesures de conductance réalisées en variant l’angle du champ magnétique appliqué, dans les trois directions de l’espace, ont également été effectuées, afin d’étudier de manière attentive l’anisotropie magnétique de la particule encapsulée. Ces mesures n’ont pas été présenté dans cette première version du manuscrit mais seront exposées dans une seconde version. Des mesures complémentaires sont néanmoins nécessaires pour mieux caractériser les pro- priétés magnétiques de la particule de cobalt encapsulée dans les SWNTs.

En conclusion, les nanotubes remplis de matériaux magnétiques constituent un système attrayant pour révéler des comportements intéressants dans des dispositifs électroniques à base de nanotubes. L’étude de ce genre de système ouvre des perspectives prometteuses

pour la réalisation de dispositifs tirant avantage des propriétés de transport électronique des nanotubes et du comportement magnétique de l’objet encapsulé. Par ailleurs, ce sys- tème pourrait être mis à profit pour étudier d’autres phénomènes, comme l’injection d’un courant polarisé en spin entre deux particules encapsulées dans le même nanotube ou bien l’étude des effets de magnéto-résistance d’un fil ferromagnétique unique remplissant entièrement la cavité interne d’un SWNT. D’autre part, le nanotube de carbone semble également prometteur pour explorer les propriétés d’autres objets, comme des petites mo- lécules magnétiques individuelles placées à l’intérieur de la cavité interne du nanotube.

Chapitre

5

Etude du SQUID à nanotube

5.1

Introduction

Lorsqu’un nanotube de carbone est relié à des électrodes supraconductrices par des contacts électriques suffisamment transparents, un courant supraconducteur peut s’écou- ler d’une électrode supraconductrice à l’autre à travers le nanotube [223, 103] grâce à l’effet Josephson [224]. D’autre part, la jonction à nanotube se comporte à basses tem- pératures comme une boîte quantique (chapitre 1) dont le spectre d’énergie est quantifié. Le transport électronique à travers la jonction se fait alors par l’intermédiaire de niveaux quantiques discrets. Lorsque les électrodes sont supraconductrices, les paires de Cooper peuvent traverser la jonction par effet tunnel résonant à travers les niveaux discrets de la boîte quantique [103]. La jonction Josephson à nanotube se comporte alors comme un transistor supraconducteur [103] pour lequel la valeur du courant supraconducteur le tra- versant peut être contrôlée en changeant la position des niveaux discrets dans la boîte à l’aide d’une tension de grille. Le comportement des jonctions Josephson à nanotube est donc bien différent du comportement des jonctions Josephson plus classiques et fait depuis quelques années l’objet de nombreuses études [225, 226, 227, 228, 229, 230].

Dans ce chapitre, nous présentons l’étude d’un interféromètre supraconducteur SQUID (Superconducting Quantum Interference Device) constitué pour la première fois de jonc- tions à nanotube [231]. Le dispositif se compose d’une boucle supraconductrice interrompue en deux endroits par deux jonctions Josephson à nanotube. Cette géométrie particulière permet de tirer avantage de l’interférence quantique entre les courants supraconducteurs issus des deux jonctions à nanotube pour réaliser un détecteur de flux magnétique local très sensible. Ce dispositif semble en particulier idéal pour optimiser le couplage de flux magnétique du SQUID avec une molécule déposée directement au dessus d’une des deux jonctions à nanotube. Grâce à l’optimisation du couplage de flux, le SQUID à nanotube devrait être suffisamment sensible pour permettre l’étude du magnétisme d’une molécule unique.

Nous commençons ce chapitre par des rappels élémentaires sur les jonctions Josephson (section 5.2) permettant d’aborder les effets Josephson continu et alternatif (paragraphe 5.2.2) et d’introduire le modèle RCSJ (paragraphe 5.2.3). Dans le paragraphe 5.2.4, nous abordons la notion de lien faible et nous nous focalisons en particulier dans le paragraphe 5.2.6 aux liens faibles constitués d’une boîte quantique connectée à des électrodes supra- conductrices. Des résultats de mesures de jonctions Josephson à nanotube sont présentés dans la section 5.3. L’importance du couplage de la boîte quantique avec les électrodes su- praconductrices sur les propriétés de la jonction est illustrée par des mesures réalisées dans le régime de couplage intermédiaire (paragraphe 5.3.1) et ouvert (paragraphe 5.3.2). Le comportement d’une jonction Josephson sous l’effet d’une excitation radiofréquence (RF) est reporté dans la section 5.4 [232]. Ces mesures mettent en évidence l’effet Josephson al- ternatif qui se manifeste par l’apparition des pas de Shapiro. L’étude du SQUID constitué de deux boîtes quantiques à nanotube connectées en parallèle dans une boucle supracon- ductrice est reportée dans la section 5.5. Les principales caractéristiques du SQUID sont présentées dans la section 5.5.2. Ce dispositif a notamment permis de révéler le comporte- ment de type jonction π (paragraphe 5.5.3), observé pour une jonction Josephson à boîte quantique peuplée d’un nombre impair d’électrons [231, 233, 234]. L’application du SQUID à la détection du magnétisme d’une molécule unique est discutée dans le paragraphe 5.5.4 où une estimation préliminaire de la sensibilité du dispositif est présentée.